https://youtu.be/GMs3LaxYK4c
https://youtu.be/NPKXHLiw5HQ
Et pour moi, toujours angoissé c’est mon admission en clinique psychiatrique, à Solliés Pont.
La clinique du Soleil
Dès mon entrée, je prends connaissance du rythme de vie: pas d’ordinateur, ni de portable (on dépose son téléphone à l’entrée), et bien sûr pas d’alcool. Ça c’est pas plus mal, parce qu’avec les médicaments, que le médecin psychiatre va m’administrer matin et soir, ça pourrait mal tourner, voire très mal tourner.
Alors que faire toute la sainte journée? A part manger et boire, se lever et se coucher de bonne heure, lire ou jouer au Kin (une sorte de loto de salon, un peu débile), on ne peut pour tuer le temps que marcher un peu dans les couloirs et le jardin. Et se reposer et dormir.
Justement me promenant dans le jardin, le jour de mon admission, j’avise une camionnette stationnée en contre-bas au bord de la route, à une trentaine de mètres. Un homme en sort un fusil à la main. Je prends peur et me replie rapidement à l’intérieur, d’où je poursuis mon observation. Effectivement l’homme se dirige vers moi, avec son fusil à la main. Mon coeur s’emballe. Je détaille l’individu, envoyé probablement par l’Organisation!
Mais,…ce n’est pas un fusil qu’il tient à la main: c’est un rateau!…Et peinte sur sa camionette je distingue sa raison sociale, Jardinier!
Ouf, ça va mieux, mais je réalise à quel point j’ai paniqué, à quel point je suis malade…et sans doute victime d’illusions, d’hallucinations.
Quelques jours plus tard, nous sommes tous les pensionnaires, assis sur des chaises, dans la salle du Kin. Deux rangées dernière moi, j’entends une discussion a voix basse entre deux patients:
– tu crois vraiment que c’est ce type?
– oui, je te dis que c’est lui.
– Alors qu’est ce qu’on fait?
– rien, laisse tomber c’est le boulot!
– On devrait l’emmerder un peu, quand même?
– Laisse tomber, on observe, c’est tout.
Je jure que j’ai vraiment entendu cette conversation, qui n’est pas faite pour me rassurer, on l’imagine!
Ces deux types envoyés par l’Organisation, j’en suis sûr, et qui n’ont pas vraiment l’air malades, ont apparemment réussi, à se faire admettre dans la clinique!
Le soir, j’enlève l’adhésif qui précise mon nom sur la porte de ma chambre. Comme ça je dormirai mieux! Mais le lendemain matin, il était déjà remplacé.
Le dimanche, vers 11 h., sur autorisation spéciale de la clinique, mon oncle Jean, pharmacien chimiste dans l’armée, accompagné de Bintou, me fait sortir et m’emmène dans un restaurant, au bord d’une rivière: le Gapault. Alors là, avec son accord bienveillant, je me commande une petite carafe de rosé, et après une semaine quasi-muette, ma conversation prend des allures de logorhée et se déroule, fluide et libertaire, comme d’habitude. J’ai apprécié nos discussions, Jean est modéré, un peu trop certes, mais tolérant et intelligent, avec toujours une pointe d’humour et d’auto-dérision…
Puis l’heure tourne, il faut me ramener pour une nouvelle semaine quasi-muette.
La durée normale de mon séjour est d’un mois plein, mais au bout de trois semaines, je déclare au psychiatre, lors de sa visite matinale quotidienne, que j’en ai marre et lui demande la permission de sortir le jour même. Il est quasiment attéré et cherche à me retenir. Lorsque je lui déclare que je me suis inscrit dans une caravane de chameaux pour une balade d’une semaine en plein désert dans le sud de la tunisie, il n’en croit pas ses oreilles mais finit par capituler: « après tout, c’est de votre santé qu’il s’agit ». Comme je lui précise qu’une fois la méharée terminée, je vais me rendre au Maroc pour diriger un programme d’alimentation en eau potable de 450 villages, il me fait préparer un lot complet de médicaments pour une durée d’un mois.
Je quitte donc la clinique avec une valise bien pleine. Je réalise que durant mon séjour à la clinique, j’ai tellement absorbé de médicaments que mon cerveau est bétonné. Incapable de réfléchir, incapable d’avoir peur!
A peine sorti, je me précipite à Hyères, la ville de ma famille, et me rends immédiatement à l’agence qui promeut une balade d’une semaine à dos de chameaux, en Tunisie, au sud de Tozer. Hélas l’inscription est close parce que tous les chameaux disponibles sont déjà réservés!
Qu’à celà ne tienne, je demande les coordonnées de leur correspondant à Tunis, et déclare me rendre par mes propres moyens à Tozeur, ou je suis sûr de trouver une place et un chameau dans la caravane. Enfin, je demande séance tenante un aller-retour Toulon/Hyères – Tunis.
Tunisie
Le lendemain j’arrive à Tunis, me rends à l’agence tunisienne, laquelle demande à son correspondant de Tozer, de me trouver un chameau, et me loue une voiture que je conduirai jusqu’à Tozeur, où je pourrai enfin me joindre, juste à temps à la caravane.
Le désert ça se mérite
En fait, et je mets cela sur le compte d’un cerveau bétonné, je m’étais plutôt mal organisé, ce qui me sautait aux yeux: plusieurs membres de notre méharée, avaient pris l’avion à l’aurore, pour se retrouver au crépuscule, en plein désert.
Mais, si c’était rapide pour eux, j’estimais personnellement que c’était trop facile. Selon moi le désert se mérite. Ce ne peut pas être un plat que l’on vous sert tout chaud, sur commande.
Par exemple étant au Niger, nous faisions deux jours de moto, ou de 4×4 pour atteindre le désert du Thal, aux confins du Tchad. Idem au Maroc pour arriver aux dunes de Merzougha, au mileu de la nuit, après le voyage épique, décrit plus haut. Comme le disent les boudhistes, ou comme on l’enseigne dans les arts martiaux, ce qui compte ce n’est pas le but à atteindre, mais plutôt le chemin à parcourir. Prendre son pied en marchant, dormir dans un fondouk (caravansérail) plutôt que siroter des pastis à la terrasse d’un cinq étoiles en se demandant où passer les prochaines vacances.
Tunis – Tozer
Et franchement, j’étais plutôt content d’avoir organisé moi même mon voyage, un peu à l’aventure, vers la ligne de départ de notre équipage. Être passé par une agence à Tunis, m’avait permis de découvrir La Goulette, le quartier où M’man m’avait mis au monde, alors que son bien-aimé, notre père débarquait en Provence pour libérer la France. Et enfin parcourir, sur plusieurs centaines de kilomètres le pays inconnu où j’étais né. M’arrêter au Café des délices avec Patrick Bruel:
https://youtu.be/AeU5GDAN2UA
Donc pour moi bien plus de sentiments et d’émotions que je ne n’aurrais pu en avoir, sanglé sur un siège, dans la cabine d’un Boeing.
2 amis tunisiens
Ne pouvant tout faire, je n’ai pas eu le temps le temps de rendre visite à deux amis tunisiens, qui avaient bossé avec moi, quelques années auparavant, au Sénégal.
D’abord Mr l’Ambassadeur, surnom donné au Docteur Sakaj, en raison de sa prestance soutenue en arrière plan, par sa culture arabe (des poètes pédérastes en particulier, et d’Omar Khayam, et de tant d’autres) et aussi par une authentique culture française, qu’il étalait à loisir.
Après un début tapageur, alors qu’il tentait d’ être Vizir à la place du Vizir, notre collaboration sur les chantiers d’usines de traitement d’ eaux usées en Algérie, s’était apaisée et j’avais une invitation permanente chez lui à Sidi Boussaïd, ville dont le maire était un parent: le maire était son frère.
Et puis j’avais aussi à Tunis un autre ami Djamel Brahimi, ingénieur franc, actif, et même pro-actif, qui s’était montré compétent et courageux en Casamance, Sénégal.
Mais voilà j’étais dans l’obligation de me pointer rapidement à Tozeur, et du reste je n’avais pas sur moi, leurs contacts.
Caravane
Je m’achète un petit bidon jaune de 5 litres et fait coudre autour un morceau de couverture épaisse. Le bidon jaune: mon frigidaire écolo. Comment ça marche?
C’est un vieux truc de motard pour avoir de l’eau fraîche, sans glaçons ni thermos. Comment ça marche?
Il suffit d’humecter avec de l’eau à la température ambiante, l’habillage en couverture du bidon, chaque matin, avant le départ. Pendant le trajet au soleil l’eau de la couverture va s’évaporer, et libérer ainsi des frigories qui vont rafraîchir l’eau dans le bidon. Ça marche bien, j’en ai fait l’expérience en moto.
Le seul embarras est que l’eau à boire faisait floc-floc dans le bidon, à cause de l’allure chaloupée du chameau et cela troublait peu ou prou le silence éternel du désert.
Dés le premier jour, les thermos des parisiens étaient vides (un thermos n’a qu’un volume dérisoire), et mon bidon de 5 litres passait de main en main. Les caravaniers, tous bédouins, appréciaient mon savoir faire, et mes comportements d’africain expérimenté.
Et moi je flippais, en me demandant qui dans la caravane pouvait avoir été chargé de me suivre pendant ce périple, pour éviter que j’échappe, dans le désert, à la surveillance de l’Organisation.
Premier coucher de soleil
C’est le must, le point d’orgue de la journée, le coucher de soleil derrière les dunes est un moment très apprécié.
Il faut bien évidemment éviter de regarder le soleil en face, même lorsqu’il ne disparait qu’à moitié derrière une dune et même si l’on porte des lunettes de soleil sur le nez.
L ‘instant est magique, l’absence de son, de toute présence, le blanc des dunes virant au rose, puis se perdant dans l’ombre de la nuit – habibi hallil, mon amie la nuit – et enfin la dernière perle de notre soleil enlisée dans les sables, puis diluée par l’obscurité, nous donne en arrière plan, la mesure de la distance du cosmos, avant de nous inviter au fantasme si gratifiant, de notre fusion en l’univers tout entier.
« Je vis ici et maintenant,
Et je suis conscient de ma présence en l’Univers et de mon travail à la terre…
Je ne me préoccupe plus du futur, et je ne vis pas au passé.
Je suis aligné avec ma pensée, ma parole et mon action, et je reste confiant,
Car je sais que tout arrive à point quand je suis prêt. »
Plus prosaïquement, je sors de cette méditation solaire avec dans mes yeux des milliards de photons en surnombre, qui vont se traduire, le lendemain matin par un début de décollement de la rétine, malheureusement douloureux.
Mais, « Dieu soit loué, Allahou akbar » en tunisien, deux infirmières présentes dans la méharée, détenaient la potion magique, et son application; elles allaient me soulager aujourd’hui, pour me guérir demain.
Les nuits dans le désert
Je n’étais pas très bien équipé pour la nuit. Sans sac de couchage, je n’avais trouvé à Tozeur qu’une simple couverture militaire kakie, largement insuffisante pour me prémunir du froid nocturne, toujours intense dans le désert. Je dormais mal, et grelottais une partie de la nuit, et malgré deux paires de chaussettes superposées en laine, j’avais vraiment froid aux pieds. Surtout que l’on dormait, répartis entre deux tentes berbères ouvertes aux quatre vents!
Finalement ce treck dans les dunes a été un peu pénible, la nuit, du fait que je n’avais pas eu le temps de bien m’organiser, entre ma sortie de la clinique psychiatrique du Soleil et le départ de la caravane.
Cependant tous les soirs et tous les matins j’engorgeais consciencieusement mes neuroleptiques, ce qui me déssèchait les muqueuses, en me rendant vulnérable!
Les dromadaires
Nos chameaux étaient des dromadaires, qui n’avaient qu’une seule bosse.
Par contre, les dromadaires à deux bosses sont des chameaux, avec le risque pour le touriste de se faire coinçer entre les deux.
Un bédouin par dromadaire, un touriste sur chacun. Le problème du touriste c’est chaque matin de monter en selle, et chaque soir d’en descendre. Comme son dromadaire à les pattes gauches plus courtes que les jambes droites, il se présente accroupi sur l’avant, et deux bédouins stabilisent le touriste alors qu’il tente de monter sur la selle. Après c’est au chameau de se relever dans un mouvement de genouillière à dépassement de point mort, susceptible de projeter son passager au sol, s’il n’était soutenu par les deux bédouins ayant préalablement ripé, pour ce faire, vers l’arrière du dromadaire.
Et le soir pour descendre du chameau, c’est exactement le même mouvement, mais dans le sens contraire.
En vitesse de croisière, le dromadaire est tenu au licol par son bédouin qui marche à pied, pendant que le touriste, bien calé là haut sur sa chaise, essaye de s’habituer au roulis de la marche à l’amble.
L’homme communique avec la bête, selon sa nationalité, soit pour les chameaux français par des « kriii-kriiis » qui remontent du fond de la gorge en français, et des « kreee-kreees » également du fond de la gorge mais en anglais pour les chameaux du même métal.
Les pieds des chameaux sont suffisament larges et coussinés pour exercer une pression modérée sur le sol, leur évitant de s’enfoncer dans le sable, soit p= 0,8 kg/cm². C’est également à cette même valeur que les motards du Paris-Dakar gonflent leurs pneux dans le désert.
Remarquons que les dromadaires sont particulièrement à l’aise pour gravir les dunes en biais, du fait de la dissymétrie latérale de leurs pattes (à condition toutefois de partir dans le bon sens). Souvenons nous que chez nous dans le massif central, le « Dahu montagnard » est confronté exactement au même problème, quoique parfois en sens inverse, si vous voyez ce que je veux dire!
Les repas
Les bédouins se couchent tard et se lévent de bonne heure, pour faire le pain du petit déjeuner. A 04 h, je les observe en train de creuser un trou circulaire dans le sable. Sur le fond ils disposent des branchages ramenés de la brousse environnante, auxquels il mettent le feux pour constituer un matelas de cendres incandescentes qui permettra la cuisson à l’étouffé de la pâte à pain. Le résultat: un grand pain rond, chaud et sentant bon le feu. Son nom arabe est: El khops.
Le petit déjeuner sera servi de bon matin, nous mangerons donc des portions triangulaires du khops agrémenté d’ amandes (alouzes), d’olives (zitounes) et d’huile d’olive (zit-zitoune).
C’est typique, nourrissant et délicieux. Pendant que nous mangeons les bédouins démontent les tentes, harnachent les dromadaires, et les chargent de nos bagages. Avant de partir nous participons au nettoyage du site.
Aprés 3 heures de caravaning, c’est la halte pour préparer le repas de midi, une soupe légère accompagnées de légumes divers comme courgettes, haricots verts..et des tomates pour le jus. Les touristes ont mis la main à la pâte, pour aider les caravaniers à faire la cuisine. Quelques oranges sont les bienvenues au dessert.
Une petite sieste, sous des arbustes diffusant une ombre légère, et la caravane reprend sa route.
Par endroits nous rencontrons des rubans insolites en plein désert, blans et rouges, laissés sur place par des foreurs en prospection de gisements de pétrole, nous expliquent les bédouins.
Encore trois heures de marche, et nous stoppons avant le crépuscule pour établir notre campement nomade, pour la nuit.
Le dîner du soir, sera semblable à la soupe de midi rehaussée de pois chiches. C’est la fameuse chorba consommée dans tout le Magrehb, servie très chaude, car après le coucher du soleil, le froid nous imprègne rapidement.
Le campement est maintenant en place, la vaisselle lavée et rangée, alors la veillée autour d’un solide feux de bois peut commencer.
Les chansons à la veillée. Les bédouins aimaient bien nous chanter:
Tout le monde, chameliers et touristes tapent alors dans ses mains en rythme et nous apprenons, et reprenons vite le refrain: « Allah, Allah, ya baba »
Après c’est mon tour de chanter :
https://youtu.be/kCLE_Wvl5wM
Les bédouins comprennent vite et leurs voix se mèlent aux notres pour dérouler les kilomètres tous ensemble.
Enfin nos deux bretonnes entonnent « a cappela » une chanson traditionnelle de Bretagne.
C’est maintenant l’heure de se coucher, les couples disparaissent, chacun avec sa chacune derrière une dune, pour une expérience sexuelle unique et extatique, sous la magnifique voûte étoilée. Ils en garderons le secret complice toute leur vie. Et si d’aventure une célibataire désire expérimenter cette extase, au délà des langues, par le simple jeux des regards, un jeune bédouin saurra, n’en doutons pas, se dévouer pour marcher dans les dunes, et y ceuillir le fruit défendu. « El alouze » en langage populaire se traduisant en français par l’amande féminine.
L’amour sous les étoiles avec un caravanier la comblera d’aise.
Communions charnelles et spirituelles qui élèvent l’humanité vers la paix des races…
Cougares également bienvenues.
Les jours passent, la caravane passe, les chiens aboient et demain le trip prend fin. Un des nôtres, un parisien carrément philanthrope décide de faire une quête, entre nous, pour récompenser les bédouins qui ont conduit nos dromadaires par le licol, et par la voix: Krii…Krii…
On s’est tous mis d’accord sur le montant de chacun, pas de problème. Mais lorsque je propose que chacun d’entre nous donne son obole en main propre, aux bédouins, eux les parisiens trouvent paradoxalement plus judicieux de remettre le total au chef de la caravane, qui saura donner à chaque bédouin selon son mérite. Je leur explique qu’il y a un risque, ce serait que ledit chef garde tout l’argent pour lui, et croyez moi je vis en Afrique depuis 15 ans et je connais la musique.
Pas de chance les parisiens sont outrés de ma suggestion, et eux qui sont si malins vont donner séance tenante le prix au chef de caravane. En le prévenant en douce de ma méfiance…
Il nous reste une nuit à passer sous la tente, mais après le repas je vais voir le chef et pour lui demander s’il n’aurait pas un sac de couchage? Parce que je voudrais passer la dernière nuit sous les étoiles, où il fera bien plus froid que sous la tente berbère. Bon, il est sympa, me passe un sac (que j’aurai pu lui demander dès la première nuit..), et nous parlons de chose et d’autres. Bien entendu je parle de moi, j’adore ça…et il en vient au sujet qui le tracasse: pourquoi ais-je dis aux autres de se méfier de lui?
Je lui livre ma conviction que dès qu’il s’agit d’argent en Afrique, il sait comme moi qu’il faut être très prudent. Par exemple quand je paye quelqu’un c’est toujours sans intermédiaire, et hors de la vue de quiconque. C’est un principe général, mais je n’ai rien contre lui, en particulier.
« OK? » « OK! »
« No problem? » « No problem! »
« Coulchi m’zien? » « Coulchi m’zien! »
Ndlr: « Tout va bien »? « Tout va bien! »
Et on se congratule et on se serre la main. Il me dit que le chameau qui est là en train de brouter un buisson à un vintaine de mètres pourrait peut être venir me brouter les pieds pendant la nuit.
« Bon, c’est pas grave, on verra bien… »
« Nastim Mzien », « Nastim Mien ».
ndlr: « Dors bien », « Dors bien. »
Le lendemain matin nous avons rejoint notre point de départ.En fait nous avons tourné autour de Tozeur, cela nous a pris une semaine, plutôt agréable en ce qui me concerne. Evidement les parisiens me battent froid, plus un vieux (chapeau, il a tout fait à pied avec ses deux fils et leurs bâtons de ski), parce que j’était intervenu de chameau à chameau, l’ayant entendu tenir des propos désobligeant sur les arabes (racisme habituel, mais en plein désert, on pourrait parler d’autre chose) et comme réponse, bien raide sur son dromadaire et le regard fixé sur la ligne d’horizon, il maugréait en guise de réponse: « je t’emmerde, je t’emmerde, je t’emmerde et je t’emmerde ». Un trip d’une semaine qui s’achève dans la négresse générale.
Maintenant pendant que notre petite troupe rassemble ses affaires, je vais voir mon pote, le chef de la caravane, et lui demande à quelle distance sont les dunes où sont lieu les tournages cinématographiques.
Il m’indique la route, ce n’est pas loin. Je récupère ma voiture, restée au parking pendant une semaine, donne un billet au gardien, et me dirige vers le cinéma.
On peut pas se tromper la route abouti à un palais genre mille et une nuit, à l’écart du goudron d’une centaine de mètres, perdu dans les dunes, fabriqué en carton ou plutôt en contre-plaqué avec du stuck un peu partout. Bref, un décor utilisé depuis des années à chaque nouveau film. N’ayant pas envie de marcher dans le sable j’avise à coté du parking, un petit restaurant avec plusieurs karting sur le parking. Je vais en louer un, on me montre comment ça marche; je suis autorisé à faire le tour du décor, attention à ne pas aller trop loin, rester en vue et surtout ne pas rentrer dans le décor!
Arrivé près du palais je n’ose pas descendre, car le redémarrage pourrait être aléatoire. Alors, circulez y a rien à voir, je vais me promener sur une piste sableuse qui passe en bas entre les dunes. Tout va bien.
Puis j’accélère et attaque un cordon de dunes à proximité. C’est jamais facile de monter sur une dune, en karting ou en moto (et alors en vélo!) parce que si on accélère trop on atteint le haut de la dune trop vite et c’est le vol plané, avec une réception difficile voir fatale, et si on n’accélère pas assez on est bloqué à mi-pente, et plus on accélère plus on s’enlise. C’est exactement ça qui s’est passé, mais heureusement on me surveillait à la jumelle et le propriétaire du kart est venu me dépanner, et me donner son kart plus facile à conduire. Je continue à ma balader sans encombre, j’adore conduire dans le sable….c’est le pied. Bon, maintenant l’heure de location est passée, je rentre au parking, je paye, je discute avec le patron, je parle d émoi j’adore, il parle de lui il adore…et il m’offre la bière locale: la tunisienne.
Je vais m’asseoir à la terrasse avec trois jeunes qui tirent comme des malades sur une chicha. Ils exhalent des volutes de fumée bleue, et comme le veut la tradition d’hospitalité ils me passent le narguilé et je tire comme un malade, comme eux qui ne sont pas malades! Ils me parlent du pays, de leurs études..etc. Je leur parle de moi, j’ad…ça. Je commande quelques brochettes et les invite à faire de même. Nous buvons un peu, mais moi pas trop car après le repas je fais route vers Tunis, ou une chambre m’a été réservée pour ce soir, ceci par la Yasmina, magnifique jeune tunisienne au cheveux longs, d’un noir d’eben, et à la poitrine avantageuse, qui gère mon périple depuis mon départ d’Hyères. Effectivement j’atteind Tunis au crépuscule, je dors dans un hôtel touristique (le tourisme marche très bien à l’époque en Tunisie, où les hôtels sont monumentaux et splendides à des prix plutôt bas et des plafonds très hauts).
Le lendemain matin je passe à l’agence pour rendre la voiture et retirer mon billet retour sur Paris, prévu pour cet après midi 16 heure. Je suis vraiment sous le charme de Yasmin, et pour continuer la conversation je lui demande de m’indiquer le chemin de la Goulette, l’endroit où je suis né, que j’ai quitté à 0 an et que je voudrais bien visiter maintenant; ça fait longtemps que je nourri ce projet, c’est le moment ou jamais de le réaliser. Il est 9h du matin, et j’ai largement le temps. Alors Yasmina, captivée par cette révélation: « Finalement Xavier, je peux dire que tu es un peu tunisien? » « chouia »
… »un peu arabe ? » « chichouia »
… »un peu muslim, comme nous? » » « ouacha, ana, enti » toi et moi oui, comme…comme nous deux ensemble! »
Un dixième de seconde se mue en une éternité hypothétique, c’est ça dans ma tête: « toi et moi oui », et « agi oughti, yallah » (viens ma soeur, on y va) nous deux ensemble!
Conversation très intéressante, comme on peut le remarquer; cependant le chauffeur de taxi arrive, il me faut prendre congé, on ne se reverra pas mon agenda est trop juste. J’embrasse Yasmina et me dirige vers le taxi, captant au vol ses derniers mots « treck assalama », bon voyage, mais selon l’intonation bien plus que ça (qu’Allah t’accompagne sur ta voie), Mektoub…(ton destin est entre ses mains).
Mektoub, je connais: le jour de ma naissance nos voisins à La Goulette, se penchaient sur mon berceau avec ce voeux d’accueil à la vie.
https://www.youtube.com/watch?v=blsor7kURZshttps://www.youtube.com/watch?v=blsor7kURZs
La taximan se dirige vers La Goulette, un quartier de Tunis au bord de la mer et chemin faisant que lui explique que je voudrais retrouver monlieu de naissance.
Il me pose quelques question, où exactement et quand? J’ai les éléments de réponses: au bord de la plage, en 1944, dans un camp de réfugiés pendant la guerre.
OK, il m’affirme qu’il va pouvoir m’amener à l’endroit exact que je recherche, tout en garant sa voiturer car nous sommes arrivés à La Goulette au bord de la plage.
Comme nous sommes en plein hiver, en l’an 1999, mais à l’avant veille du jour de l’an, il n’y a personne sur la plage, sauf un monsieur qui est en train de se promener à la limite de l’estran. Alors on va lui parler et lui expliquer ce que je cherche, et lui nous parle effectivement du camp des familles de réfugiés qui étaient logées correctement dans des cabanes en bois, une par famille. Et nous le suivons jusqu’au bout de la plage où il nous montre l’emplacement de ce camp. Il y avait plusieurs quartiers, les français, les italiens, les espagnols et autres (des musulmans), et tout le monde vivait en bonne entente. Je lui raconte alors ma naissance et les Mecktoub,..etc.
Venez, me dit-il je vais vous montrer l’emplacement de la clinique (en bois) du camp, tenu par une dame italienne. Et il m’emmène à l’endroit exact ou je suis né.
Alors remonte à ma mémoire les récits de M’man sur son séjour, qui je crois à duré près de trois années: une période agréable, ou tout le monde se connaissait, s’entre aidait, dont elle a gardée quelques amis, qu’elle voudrait bien retrouver en France. Mon père travaillait en ville comme menuisier et ça mettait du beurre dans les épinards. En fait pas du beurre! plutôt de l’huile d’olive épandue sur une tranche de pain, avec des rondelles d’oignons par dessus et des olives noires. Dont elle aimait retrouver le goût de temps en temps, plus de 10 ans après.
Comme d’habitude dans les camps de réfugiés, il y avait une frontière entre eux et les tunisiens. Mais je me plais à penser que déjà à cette époque, il y avait des volontaires tunisiens pour aller sympathiser avec les familles et les aider à résoudre leurs problèmes spécifiques.
Je dois cependant souligner que M’man et ses copines n’étaient pas vraiment rassurées lorsque certains soirs les tunisiens de la ville, venaient à La Goulette pour des manifestations probablement religieuses – et bruyantes – car ils tapaient sur leurs casseroles.
Elle avait accouché de ma soeur Geneviève alors que P’pa était parti à la guerre, avec en phase finale le débarquement en Provence à Cavalières dans les troupes du Général Leclerc. Puis la libération de Paris…
Et le retour de P’pa, la découverte de son fils (c’est moi) et quelques mois de bonheur, avant d’être rapatriés par avion, à Paris.
Voilà la visite est terminée, je remercie grandement notre guide, et je me rapatrie sur Tunis, à l’aéroport.
J’attéris à CDG vers 17 h et à la sortie des formalités de transit et de douanes, je me dirige vers la station de taxi, lorsque je suis abordé par clandestin qui se propose de me ramener à Paris à un tarif avantageux. D’accord, mais je dois d’abord passer quelques coups de fils, et lui demande de m’attendre un peu. Puis finalement je me dis que sa démarche est suspecte (peut-être envoyé par l’Organisation qui ne m’aurait pas lâcher d’une semelle pendant mon périple en Tunisie). Alors je décide de prendre un taxi en règle, ce qui ne fait pas l’affaire, mais alors pas du tout du clando. A peine installé à l’arrière de son véhicule, le chauffeur engage la conversation, me demandant si je viens de Tunisie (il connaît les horaires des avions)..etc. Je refuse tout net de lui parler, sinon un laconique « c’est confidentiel » et lorsqu’il me demande à quel hôtel je vais, je lui donne une vague adresse, vers la rue Jean Pierre Thibault, pas loin du Bataclan.
Arrivé dans le quartier, je demande au chauffeur de me déposer là. Mais il insiste lourdement pour me conduire jusqu’à l’hôtel.
« Ce n’est pas la peine, je descend ici ».
Il insiste, je persiste, et je notequ’ un autre taxi se gare juste devant, en double file.
Finalement, perturbé, le chauffeur lâche prise, et tirant ma valise je me dirige vers un petit hôtel tenu par une algérienne sur la petite place de la contre-escarpe, îlot de platane avec en son centre, une petite fontaine Wallace.
J’ai dans la tête l’obsession permanente d’être suivi. Pour moi, la mission de l’Organisation de me suivre en permanence, pour ne pas perdre le contact, où que je sois et où que j’aille. Surtout ne jamais me perdre de vue. En même temps ils cela crée en moi une pression psychologique permanente: pourquoi suis-je la proie d’une Organisation internationale ayant des moyens incroyables, illimités, qui corrompt mes relations avec mes amis, mes camarades de travail, mes copines, mes maîtresses et même ma compagne attitrée. Tout cela pour me pourrir la vie (To make my life misérable, comme ils disent à leur siège). Sans doute pour me faire payer ma trahison envers l’entreprise Hydropshitt, filiale de la toute puissante Cie Généreuse des Flots.
J’entre donc dans le bar à vin, pour me calmer, m’éviter la panique et rentrer dans un état mental apaisé. Et aussi pour retrouver le bon vin de France, si souvent absent dans mes missions en contrées lointaines. D’ailleurs cette fois ci, je suis particulièrement nerveux, à cause du taximan qui voulait absolument repérer mon hôtel, et d’un individu qui m’a collé au train, du taxi jusqu’ici. Et c’est le comble, lorsque je traverse, il traverse, je retraverse, et lui aussi derrière moi!
« Patron un verre de Cote du Rhône, s’il vous plaît ».
Et ça va mieux comme ça, je me calme. Au troisième verre, le moral remonte, j’empoigne ma valise, un coup d’oeil circulaire en sortant, tout va bien l’espion a disparu, je peux rejoindre l’hôtel…
Le lendemain matin, après une grasse matinée, je me fais une petite promenade à pied, et je me pointe chez Marco, à Belleville. Avant de monter chez lui, (ce sera toujours à pied, il habite au 3ème) je décide d’aller me manger un Kebab au restau: le garçon m’indique une table près d’une baie vitrée qui donne sur la rue. Je vois les gens qui passent mais eux ne me voient pas à moins de se coller le visage sur la vitre (glace sans teint). Alors que je savoure mon Chich K, il se produit un incident étrange: un jeune en scooter se pointe en face de moi, et colle son visage sur la vitre, donc finalement me dévisage, et ceci assez longuement. Puis il retourne son scoot et se casse. Bizarre, bizarre, pensais-je en moi même. OK, un café, je paye et me dirige vers la rue de Marc, un peu plus haut à droite du boulevard de Belleville, en montant.
Voilà, n°14, rue des Pyrénées, j’y suis.
Tiens, tiens, il y a quand même deux gars qui glandent à coté de leurs scooter près de la porte d’entrée.
Je sonne à l’interphone, Marco est surpris de m’entendre: on ne s’est pas vu depuis un bon moment.
Il me reste à me farcir les quatre étages, des larges marches, en bois, vieilles et élimées, pour m’introduire dans son appartement. C’est le jour où Marco vend les colifichets, les bibelots qu’il a ramené de sa dernière tournée en Afrique.
Il fait ça parce que le produit de cette vente privée réservée à ses amis lui permettra de se payer un billet pour un prochain voyage. Il fait ça aussi parce que dans les pays qu’il transite, à moto, ça lui offre l’opportunité de marchander. C’est ce qu’il aime.
Mais il fait ça surtout pour le fun, puisqu’étant professeur agrégé de sociologie urbaine (jeune, ville, emplois), il perçoit de l’Etat de solides émoluments mensuels…Enfin, je suppose!
Beaucoup de ses amis sont là, on picole, des joints font la tournante: je suis entre des gens de bonne compagnie. Maintenant je connais tout le monde la plupart des motards, venus avec moto, bottes et casque, ça ne me surprend pas.
Marco nous explique comment il achète ces objets en Afrique.
Il ne manque jamais de marchander un peu. Car il sait marchander. En tant que sociologue, il crée du lien social.
Il lui faut d’abord bien examiner et commenter l’objet. Et expliquer ensuite comment lui, Marco (et toi comment tu t’appelles?) connaît bien l’Afrique, ayant travaillé comme professeur de Fac au Sénégal.
En fait il ne s’agit pas pour lui de convaincre, mais de renvoyer la balle – comme au tennis – et de participer à une sorte de joute oratoire, entre acheteur et vendeur, à laquelle chacun prend plaisir, y voyant l’occasion non seulement de se mettre en valeur mais aussi de flatter son interlocuteur.
En adoptant cette attitude, Marco dit au vendeur ce que ce dernier aime entendre. Le plaisir d’entendre le discours de l’autre, surtout que, quand on est habitué, on voit où il veut en venir, et on peut y répondre avec la même philosophie. Dans les bons cas, ça tourne à la plaisanterie. Et c’est le meilleur moyen de faire baisser les enchères.
Et puis finalement: Marco: « alors combien ? »
Le vendeur annonce le montant, qui a suffisamment baissé, pour lui sauver la face, mais pas trop quand même pour lui préserver son gain.
Et puis Marco paye, avec des billets, ou si c’est possible avec des piècettes..
Là dessus, l’appartement étant enfumé, on décide d’aller prendre un verre dans une boîte. Alors je prends Maroc à part, et lui explique mon obsession, ma conviction que je suis suivi, ici et maintenant. Et pour échapper à mes poursuivants, j’ai une idée: puisque les motards sont venus, souvent à deux sur une moto, ça va marcher. Marco, tu me passe un casque et je monte avec toi sur ta moto. Nous mettons tous nos casques ici et maintenant avant de sortir de l’immeuble. Et nous montons sur nos motos. Ainsi mes poursuivants ne saurons pas sur quelle moto je suis, on part tous dans des direction différentes, et ils ne sauront pas qu’elle moto suivre. Puis un peu plus tard on se retrouve au Milord.
C’est exactement ce que nous avons fait, mais franchement je ne sais pas si ça a marché.