Psychose 2
Portalet
Roger nous présente son fils. Et moi?
Alors je parle de moi, j’adore ça et de Bintou, de nos voyages ensemble au Niger, Mali, Cote d’Ivoire, Burkina Faso, Benin, Togo, Cameroun, et finalement la France. Et de notre mariage…je réalise maintenant que c’était sans doute, un peu cruel de lui parler comme ça. Mais c’est vrai quand je parle de moi, j’aime bien étaler, je reconnais. D’ailleurs en général, quand on parle de soi, on essaye d’être positif.
A peine Roger et son fils sont-ils partis que le patron du bar du coing s’invite à notre table. Il s’asseye en face de Bintou, qu’il dévisage sans vergogne.
– Qu’est ce que c’est que ces cicatrices sur ta joue?
– ce ne sont pas des cicatrices mais des scarifications. Chez nous au Niger tout les Djermas ont les mêmes scarifications. Comme une carte d’identité!
– je peux toucher? Et sans attendre il pose son doigt sur la joue de Bintou.
– je peux faire une bise? Et sans attendre il fait une bise sur la joue de Bintou.
Tout ça est un peu cavalier, gênant. Pour elle, comme pour moi. Nous nous levons et rentrons chez nous. Je paierai plus tard. D’ailleurs il n’y a rien à payer, Roger avait tout payé!
En début de soirée, je suis accoudé au balcon, et mon attention est attirée vers une petite tâche lumineuse rouge sur le mur à coté de moi. C’est un rayon laser. Je regarde vers le bas sur la place, sans arriver à localiser l’émetteur, qui doit bien s’amuser car la tâche se déplace autour de moi, de droite à gauche, de haut en bas. Finalement je quitte le balcon et rentre à l’intérieur. Et si c’était quelqu’un qui voulait me tirer dessus? Plus j’y pense, plus je réalise que je suis en danger.
Il faut que j’appelle mon frère Olivier. Je l’appelle, mais il ne croit pas à mon histoire et me dis de me calmer. J’insiste tant et plus, qu’il se décide à venir. Il sera là, me dit-il dans une demie heure. Je l’incite à passer par derrière, sans traverser la place, comme ça personne ne le verra arriver.
Mais ce n’est pas tout, j’appelle aussi la police, lui expose mon cas; ils m’exhortent à me calmer, alors je leur parle des gens qui me suivent depuis au moins deux mois…etc. La nuit est tombée, je vois maintenant nettement le rayon laser rouge. Je leur dit que le rayon paraît venir du bar d’en face, le bon coing.
Finalement, réalisant sans doute mon angoisse, il se décident à venir et me conseillent de bien m’écarter du balcon, et de les attendre sur place, dans l’appartement. Dans ma tête ça flippe dur maintenant. Je les incite à passer par derrière, sans traverser la place, comme ça personne ne les verra arriver.
Vingt minutes après, c’est mon frère qui frappe à la porte. Il salue Bintou, qu’il ne connait pas encore. Je veux lui montrer le rayon….mais il a disparu!
Puis il me demande de lui raconter ce qui ne va pas. J’explique ma fuite à moto du Mali, la Côte d’Ivoire, le Burkina Faso, le Niger, le Cameroun; il est consterné.
Là dessus toc, toc, toc..qui frappe à la porte? Deux officiers de police en uniforme.
Le laser a disparu je n’ai pas grand chose à leur montrer. Ils souhaitent receuillir mon témoignage mais seuls à seul. On va donc s’installer dans leur voiture, et ils commencent par me demandé l’identité de l’homme dans mon appartement? C’est mon frère.
Après je dois déciliner la mienne. Bla, Bla, Bla…Et maintenant que se passe-t-il?
J’explique, par le détail, je leur parle de mon job en Afrique, de Bintou mon épouse,..etc. De mes craintes, je me sens toujours poursuivi, traqué…Je leurs indique aussi, que la voiture du barman du coing est restée garée, en permanence ces deux dernières nuits en bas dans le coin gauche de la place.
Bon pour le moment on ne peut rien faire. Il me demande de surveiller, discrètement, le bar du coing, et de les appeler d’urgence au moindre signe suspect. Je n’ai rien à craindre, ils viendront tout de suite. Je les ai appellés à l’aide, ils sont venus, maintenant à moi de les aider..
J’en déduis qu’ils ont le bar du coin en ligne de mire, dans leur collimateur.
On se salue et ils retournent vers leur commissariat. Ils m’ont un peu rassuré, mais je n’ose pas descendre sur la place soir. Mon frère essaye de me rassurer aussi, puis il s’en va en nous souhaitant bonne nuit et m’assurant quil m’appelera demain soir, après le boulot.
Là Bintou, impressionnée par la police française, commence à se poser des questions. Elle me rapporte sa petite conversation avec Olivier, pendant mon absence:
– Bintou, ça fait longtemps que vous êtes ensemble avec Xavier?
– Oui, plus de 2 ans. Pourquoi?
– Parce que, avant de te connaître, il était pas comme ça.
– Comme ça!? Pourquoi tu dis ça?
– bla, bla, bla ….
No comment, sauf que ça la déstabilse un peu plus!
Alors maintenant bonsoir tout le monde. Olivier s’en va en m’assurant qu’il me m’appellera demain. Bonne nuit, les petits.
Un petit retour en arrière: avant l’arrivée de Bintou, j’avais rencontré un jeune couple, un peu zonard, une algérienne, et un français sympas….on avait sympatisés.
Peu après, à la terrasse du coing, je leurs présente Bitou.On boit un peu, on fait connaissance, bla, bla, bla….et on se quitte. Bisoux, bisoux.
Chouxbisouxgenouxhibouxjoujouxpoux!
Le lendemain, même motif, même punition je les retrouve au même endroit! Bintou, encore endormie, à la maison.
Il me questionnent sur l’Afrique, la civilisation(!), les hommes et les femmes… les relations entre les hommes et les femmes (battues?); comment j’ai connu Bintou?
Alors je parle de moi, j’adore ça, j’explique
sans faire trop attention à mes paroles, la loghorée s’installe…
J’explique mon cas, des relations faciles une sexualité débridée, tout le monde baise avec tout le monde! J’exagère un peu, pour leur donner sans doute ce qu’ils redoutent d’entendre: parce qu’en France, ca n’est pas tout à fait pareil (quoique en cherchant bien..), alors lui ça lui fait envie, de courir, et elle, en bonne musulmane ne doit pas aimer pas mes propos. Volontairement aigrillards.
– Du coup, avec Bintou, comment ça se passe? Là, ils deviennent carrément intrusifs, j’aurrais ďû me méfier.
Me rappelant de Moussa, qui m’avait expliqué, qu’une fois marié et une fois satisfaite, la femme musulmane, laissait sortir son mari, seul le soir.
Mais que son mari ne devait pas rentrer trop tard. En tout cas, pas après l’heure de la prière du matin! (4h30). Ce qui lui laissait du temps pour faire des cabrioles avec son deuxième bureau, ou quelqu’une d’autre.
Mes auditeurs carrément désarçonnés: « Ah bon, ben dis donc! «
Puis une demie-seconde plus tard:
– Et toi, t’es marié avec Bintou?
– Exactement.
– Et tu fais comme ça avec elle?
– pourquoi pas?
– Alors tu trompes ta femme?
– Et alors ça vous dérange ?
Ils se lèvent, et s’en vont sans dire au revoir.
– Eh, vous partez sans payer!
Et voilà, quand on parle de ces choses qui choquent les français, et les françaises, la situation se dégrade. Le français en Afrique, devient un prédateur (l’africain ça va, c’est sa culture), et sa femme africaine, bien que mariée légalement devient son esclave sexuelle! Wallaye!
Peu après je parle de cette conversation à Reda, le libanais patron du Teranga.
« Mais Xavier, tu es fou, pourquoi parles tu avec ces deux là, tu les connais pas, qu’est ce tu vas leurs raconter! Sa femme est une pipelette, une connasse, et lui c’est un enfoiré. Qui se ressemble s’assemble!
Mais tu vas avoir des problèmes avec Bintou! »
Eh bien, Reda n’a pas tord, mes propos libidineux font le tour du quartier amplifiés par un voisin qui prétends m’avoir entendu tabasser très fort ma femme, cette nuit;
un choc terrible!
En fait, rentrant du cinéma, et prenant l’air sur le balcon, on décide de se débarrasser d »un pied de parasol laissé sans doute sur place par le précédent locataire. Trés lourd (pour résister au vent) on arrive à deux à le balancer par dessus la rambarde sur la place déserte à cette heure tardive!
C’est vrai, ça a fait un bruit sourd, plus fort qu’on ne l’aurai pensé. Et le voisin, pré-conditionné par notre couple insolite,
l’a interprété conformément à son cerveau étroit, comme expliqué ci-dessus.
En même temps, Mado, me paraissait s’apitoyer sur le triste sort de Bintou. Elle entrenait, de bonnes relations avec quelques policiers, qui passaient tous les samedi pour revevoir gratos, leur lot de fruits et légumes. Mais, elle faisait un peu mère maquerelle avec également des bonnes relations avec la mafia toulonnaise, et on m’invitait à m’en méfier.
Animée donc d’un fantasme tiers mondiste et bienveillant, elle paraissait prendre Bintou en pitié, et n’aimait manifestement pas trop la liberté avec laquelle je m’exprimais dans son estaminet. Elle disait, en outre, se méfier de ce que j’avais fais au Cameroun, dont j’étais rentré si vite, et des retombées que ça pourrait avoir sur les commerces de la placette!
Risque de connection directe signalé entre le Cameroun et le Portalet; peut-être fallait-il craindre l’arrivée prochaine de parachutistes noirs sur la terrasse du Teranga!
Bref en peu de temps, mais c’était courru d’avance on commençait Bintou et moi à avoir une réputation dans le quatier, et les habitants se pressait auTéranga pour voir à quoi on ressemblait.
On imagine aisément, comment cette situation pouvait déstabliser Bintou. Sous l’impulsion de Mado, et du petit couple, si sympathique, et des autres, tout le monde me taillait un costard, et ça revenait aux oreilles de Bintou, et ça la déstablisait profondément. Dès lors, il fût facile à Mado, de la prendre sous son aile, en vue probablement de la mettre bientôt sur le trottoir!
Le lendemain soir elle, Bintou, avait disparu de notre appartement!
Mauvais temps au Portalet
Après une nuit de mauvais sommeil, car comment dormir avec la disparition de ma femme, je me pointe au Téranga pour commencer mon enquête. Mado guillerette ne sait rien du tout, quant à Reda il n’est pas là. Jamais avant midi. Omerta sur la placette, personne ne peut me renseigner!
La matinée se passe dans l’attente, je vais dejeuner au restaurant d’à coté, puis une petite sieste car j’ai eu une mauvaise nuit.
Enfin, je vois Reda, qui d’un air ennuyé me déclare, qu’il va essayer de retrouver Bintou. Et le soir, il m’annonce qu’elle serait là auTeranga, demain matin à neuf heure.
La nuit passe et à l’heure dite, je retrouve effectivement Bintou, assise sur un tabouret au bar du Téranga. Bien sûr je suis soulagé de la voir ici, et je lui demande oú elle était passée, ces deux dernier jours.
Elle refuse de répondre, et ça m’énerve, alors je lui passe un savon, la menaçant de la ramener au Niger sur le tabouret où je l’avais trouvée. Sermont assorti de noms d’oiseaux, que vous pouvez imaginer.
Reda est stupéfait de mon attitude, et me prie de parler poliment dans son établissement, puis excédé, me prie de quitter les lieux. Quant à Bintou, elle me suit sur la terrasse du bon coing, et me propose carrément de divorcer.
– Mais comme tu veux, ma chérie, une de perdue dix de retrouvées! OK, alors elle me demande de lui faire une sorte de décharge l’autorisant officiellement à me quitter. Faut pas exagérer, et je l’envoie promener! Elle se lève, s’en va et je pense, quitte ma vie pour un toujours! Je comprends que la main passe, et bonne chance avec la (ou les!) suivantes.
Puis je vais déjeuner dans le bistrot « le Marius » , à coté de la tour des templiers. Marius est sympa, je bois des pastis avec lui et habitué aux confidence, il écoute mon histoire et tente d’épancher mon coeur. Bon, après le repas, je retourne à l’appart. Et après une bonne sieste et une douche, je me rends à la salle de gym pour éliminer mes toxines.
A mon retour sur la placette, les restaurants sont pleins et Mado m’invite à la terrasse de son bistrot. Alors là, elle m’étonne, aimable et attentionnée, elle me demande ce que je veux boire, et va elle même me chercher une carafe de rosé.
Nous parlons de choses et d’autres, et le sérum de vérité commençant à agir, je lui raconte pour l’impressionner, mon entrevue avec la police, et la proposition de devenir un indic qu’ils m’ont faite.
« Et tu as accepté? » « Bien sûr! ». Ça n’a pas l’air de faire son affaire! Elle se barre et mon repas terminé, elle revient et me propose de rentrer au Teranga, pour y boire avec elle et quelques autres, une bouteille de champagne, offerte par la maison.
Nous sommes à l’heure de l’apéro, un vendredi soir, le bar est plein, et Mado me présente à quelques habitués. Il y a là manifestement des gens qui boivent, par habitude, tout les jours, ça se voit à leur trognes couperosées; ils profitent de l’affluence de fin de semaine pour se lâcher un peu plus que d’habitude. En position d’attente, le coude sur le comptoir et le verre à la main, un léger sourire goguenard mais bienveillant aux lèvres, ils attendent l’occasion de démarrer avec qui le voudra bien, une discussion sur le temps qu’il fait, le foot, la politique, les patrons, la santé les soucis, les problèmes, les femmes et les enfants. Et aussi des gens moins alcoolisés, des gens du commun, pour lesquels le samedi soir, est le moment de se décompresser du stress de la semaine, en trinquant avec d’autres du même accabit. Ceux-là se laissent aller, à des dépenses irraisonnées une fois par semaine jusqu’à la limite, fixée à l’avance. et confirmée par l’usage, de ce qu’il pense raisonnable. Tout le monde se connaît et se reconnait plus ou moins. Finalement rare est celui qui reste dans son coin, solitaire et silencieux, à ruminer sur les vissicitudes de l’existence. L’horloge tournant, la température monte, le brouhaha augmente, alimenté par le verbiage de consommateurs fins saouls ou tout juste éméchés.
On est tout simplement, un samedi soir sur le terre.
C’est à donc à l’heure de la plus grande affluence que nous levons nos coupes de champagne, moi, et Mado. Le silence se fait, les clients étant curieux d’écouter ce nouvel arrivant, qui manifestement ne vit pas comme eux, et arrivé au Portalet en debut de semaine, paraît déjà faire partie du cercle des initiés. Il veulent entendre, ce que j’ai à dire!
Eh, bien il ne vont pas être déçus!
Mado, sait très bien qu’elle va mettre le feu aux poudres, en ouvrant le bal, avec un grand sourire: » Alors Xavier, on dirait que tu as des problèmes avec ta femme africaine? « .
Elle n’en dira pas plus, stupéfaite, comme tous les spectateurs par ma réaction: ma coupe est pleine, elle déborde et moi aussi, passablement énervé et sous l’effet du rosé et du serum de vérité, je la jette violemment sur le sol où elle se brise en mille éclats de verre.
» Ah oui, et en quoi ça te concerne, en quoi ça vous concerne, vous tous. Fout moi la paix Mado, tu n’est qu’une conne! tous ici vous ne connaissez rien à l’Afrique, alors foutez moi la paix! » Silence de mort.
« Allez salut tout le monde, et à la prochaine » et je me casse, avec en tête l’idée de prendre ma voiture et de changer d’air sur le champ!
Arrivant dans le parking privé, semi-enterré de la placette, j’en déclenche l’ouverture automatique. Par contre à l’intérieur l’ouverture du box est manuelle. Bref, je je suis en train de rentrer dans ma Clio, (toutes options), lorsque j’avise le jeune avec lequel je discute depuis deux, trois jours tous les matins au petit dej’ du Teranga, qui se dirige vers moi, et avec un accent provençal prononcé:
– » Oh, putaing, dis donc, tu as vu comment tu lui a parlé, à la patronne?! ».
– « Ecoute, tu as vu de quoi elle se mêle. Laissez moi vivre. Merde, c’est vrai quoi, laissez moi vivre, putaing ».
« Tiens tu veux prendre la clé, je sors et tu ferme le box. Merci. »
J’approche de la sortie du parking, le jeune me rends ma clé, et qui voilà qui s’encadre dans l’embrasure de la sortie? Mado, en personne. Elle s’approche de ma voiture et:
– » Oh, putaing, dis donc, tu as vu comment tu m’a parlé, à moi Mado?! ».
La vitre de ma portière est ouverte, le jeune s’approche, Mado , le visage serré, dur, m’ôte mes lunettes, s’écarte, fait un signe du menton, au jeune qui m’écrase la gueule avec un coup de poing américain!
Je suis sonné, commence à pisser le sang par le nez, puis de tout mon visage, révolté et furieux. J’ai mal, mais pas trop sans doute anesesthesié par l’alcool.
Je récupère mes lunettes que Mado a jeté sur mes genoux. Et je descends la ruelle qui mène à la placette. Mado est là, qui retourne d’un pas saccadé et rapide vers le Téranga.
Dans mon cerveau, les neurones du cortex s’activent et entrent en résonnance: ici et maintenant je vais me venger. Je vais me venger tout de suite, je vais l’écraser!
Immédiatement mon subconscient prend la relève, et ses algorytmes concurentiels fondés sur l’émotion (elle est là je peux me la faire), la peur (des conséquences) et les sentiments (je ne suis pas un assassin) me donnent, en un millième de seconde, l’intuition que ce n’est la bonne solution.
Mieux vaut lâcher prise, et finalement oublier tout ça. Dans la seconde qui suit mes neurones s’en retournent au repos.
Ma voiture a dépassé Mado, et j’ai abandonné mon funeste projet. Mais je vais quand même porter plainte à la police.
Au commissariat mon visage sanglant éveille l’intérêt des deux policiers de garde, débonnaires: « Alors, monsieur, pourriez vous nous dire ce qui vous est arrivé? ».
Je leur relate ma soirée, en terminant par le Teranga et le détail de mon agression par le jeune et Mado.
Sans rien dire, l’un décroche le téléphone et appelle Mado. Puis ils décident de m’emmener avec eux au Terenga, pour y receuillir les témoignages. Loin de me proposer de me nettoyer le visage, ils m’engagent à m’y rendre tel quel!
Et me font passer entre les tables des convives, au milieu des terrasses de tous les restaurants, en pleine activité, car c’est l’heure du dîner, l’heure du coup de feu!
Je peux dire que j’ai du succès avec ma bouille digne du « Grand Guignol ».
Pas très rejouissant pour moi! Mais j’en ai vues d’autres….
Enfin nous finissons par entrer au Téranga ou Mado, sur le pied de guerre attendaient ses amis, les flics, qui lui demandent aimablement si elle veut bien témoigner: en gros elle explique que je les ai insultés, elle et tous ses clients. Je l’interompt pour signaler, ce que j’appelle son agression verbale, à propos de mes difficultés avec ma femme africaine!
– Quelqu’un dans l’assistance, a-t-il quelque chose à ajouter?
Pas de réponse, tout le monde baisse les yeux. Sacrée Mado, elle a son public avec elle, et les clients entrevoient la probabilité d’une tournée générale!
– Alors je m’insurge et apostrophe cette bande d’enfoirés: « vous étiez tous là; vous l’avez entendue la patronne, alors dites le! »
Silence, sauf une dame qui annonce qu’elle va témoigner. Enfin, me dis-je, au moins une en ma faveur. Je n’ai pas été déçu:
– Moi, monsieur, ce que j’ai vu et entendu, c’est surtout que vous avez jeté votre verre par terre en insultant la patrone!.
Dont acte, rideau, la pièce est terminée.
Avec les pandores, nous quittons les lieux.
Et j’entends de loin Mado, triomphante, s’écrier: « Tournée générale du patron! ».
Qu’est ce que la vie est dure, parfois! Enfin, pas pour tout le monde, puisque les deux flics verront leurs paniers de fruits et légumes doubler en poids et en volume la semaine prochaine, en récompense de leurs bons et loyaux services!
Finalement on me fait poireauter un moment au commissariat, où l’on entend un légionnaire s’époumoner comme un beau diable:
» J’ai servi la France, en Indochine! et en Algérie!, alors laissez moi sortir, bordel de merde! »
Moi: « Alors qu’est ce qu’on fait »?
Les deux flics pour se marrer et continuer à se foutre de moi, me font une proposition: « on vous mets le jeune et toi dans la même cellule et on vous laisse vous expliquer ». Très drôle.
Puis enfin « Allez, vous pouvez rentrer chez vous, prenez une bonne douche, couchez vous et ça ira mieux demain ».
Arrivé au portalet, je gare ma voiture dans son box, dans le garage de triste mémoire, et redescend pensif, vers mon appart.
Douche et au lit. Demain ça ira mieux.
Cependant après cette journée intense en émotions (Bintou, Mado, champagne, Téranga, garage, poing américain, commissariat, traversée de la placette, regards des touristes, témoignages divers et avariés, tournée genérale, re-commissariat) je pouvais penser, une fois les volets fermés, pouvoir dormir en paix.
Mais quelques temps après c’est l’heure de la fermeture des restaurants sur la placette. On rentre les tables et les chaises, ça fait du bruit, ça ma réveille. Je jette un oeil à travers les volets: le bar du coing, après une dernière tournée, ferme son établissement en dernier sur la placette. La voiture noire du barman est déja en place en face, avec à l’intérieur (on me l’a dit) sa femme qui veille sur mon sommeil! Au fait qui la paye pour ses services nocturnes?
L’ Organisation?
De l’autre coté de la place, l’ équipe du Coing sort donc en bon dernier, à moitié bourrée, plutôt bruyante, en chantant plus ou moins. Puis ils se réunissent et ont comme on dit une riche idée. Ils dirigent leur regards et leurs invectives vers mon balcon: « Alors Xavier, t’as passé une bonne soirée. Ça t’apprendra à parler aux flics! ». Et les insultes pleuvent que je préfère ne pas rapporter ici.
J’ouvre les volets et sort sur mon balcon torse nu. Je leur fait face, immobile, impassible.
« Et, Xavier, et Bintou, ta femme africaine, elle est avec toi, elle va bien? »
« Et toi, t’as pas mal au nez? ».
Là, j’ai envie de me marrer tellement ils sont cons!
« Tu la saluera pour nous ».
Puis leur chef, celui qui a un flingue, les invite à la fermer: » Arrétez de l’emmerder, il a le courage de sortir. Maintenant, ça va. On se casse ». »Bonsoir Monsieur ».
Je retourne me coucher l’âme en paix, on venait de jouer les prolongations.
Le lendemain et les jours suivants, la vie suit son cours au Portalet et en ville. Tout le monde s’apprête à suivre la coupe du monde de football. Bintou, refait surface de temps en temps mais je ne l’autorise plus à venir à la maison, jusqu’au jour ou je reçois une convocation pour la tentative de conciliation, prélimaire à la procédure de divorce. Dans le service dédié à Toulon, je revois Bintou, accompagnée d’une assistante sociale, et nous passons devant une juge, qui va tenter la conciliation, après l’exposé de nos griefs. Incroyable, mais vrai, la thèse établie pour Bintou, par l’assistante sociale parle d »esclavage sexuel ». Je crois réver, un vrai cauchemar, car si esclavage, il y a c’est plutôt moi l’esclave, toujours au service de sa maîtresse, la nourrissant, l’habillant, la transportant, à pied, à cheval, à bicyclette, en voiture et en avion, à travers son pays le Niger, à travers l’Afrique, et jusqu’en Europe. L’esclave, dans tous les sens du terme, y compris sexuel, c’est bien moi!
Ebahie par la clarté de ma plaidoirie, la juge le sourire aux lèvres me félicite.
Mais finalement peu importe, il nous suffit de préciser que tous les deux nous sommes d’accord pour divorcer, pour franchir la première étape du divorce: la conciliation: et nous nous sommes effectivement conciliés pour divorcer.
A la sortie du bureau de la juge, je dis à l’assistante sociale qu’elle date un peu, avec son histoire d’esclavage sexuel. Elle en convient et m’assure qu’elle n’employera plus cet argument fallacieux à l’avenir. Puis je les invite, toutes deux à venir avec moi déguster une pizza. Ce que l’assistante refuse poliment.
Je retourne donc tranquillement à mon appartement place du Portalet. Mais là, je tombe sur la douce Mado qui m’apostrophe: « mais Xavier, qu’est ce que tu fais, encore ici; après ce qui s’est passé hier tu oses encore t’incruster au Portalet. Tu sais si t’es pas parti d’ici trois jours, nous on saura comment te faire partir. On ne te permettra pas de continuer à habiter ici. C’est moi qui te le dis ».
Super!
Quelques jours auparavant, à la terrasse de l’Atomic bar j’avais fait la connaissance de Gérard, un peu zonard, avec son petit sac à dos rouge sur l’épaule. Il habite à Solliés Pont, chez son ami Louis, inspecteur de police, spécialisé dans le travail nocturne. Louis fait ainsi la nuit, plusieurs fois par semaine, seul, le tour de la ville. Et ça lui prend chaque jour, toute la nuit. Pour moi, je dirais qu’il est, la nuit, le maître de Toulon!
Gérard voudrait bien trouver une location, genre studio en ville, car sans voiture, il s’ennuie un peu à la campagne. j’ai un bon plan à lui proposer :
Je lui raconte ce qui s’est passé, la veille et l’avise que demain, je quitte mon appart du Portalet. Et je lui propose de s’installer dedans gratuitement pendant le mois de préavis. Car je suis bien obligé de le payer, ce préavis. En contre partie, il me fera connaître Louis, et on lui demandera s’il peut m’héberger, sachant que Gérard va quitter Louis et sa famille, pour aller habiter dans mon appart au Portalet. Quand je rencontre Louis, je lui explique les évènements de la veille, la menace de Mado et le fait que Gérard souhaite aller habiter à Hyères. Alors Louis réfléchit un peu, et me dis: « Ecoute Xavier, je peux t’accueillir avec plaisir. Mais si tu veux rester dans ton appart du Portalet, alors retournes y, et je te garantis qu’il ne t’arrivera rien. Je suis flic, je n’ai pas envie que les truands de la place te fassent des problèmes. Et je vais commencer par aller parler à Mado ».