Nous avons un programme d’hydraulique complet à réaliser pour remettre à niveau l’alimentation en eau potable de Tombouctou: réalisation de forages, réfection et extension du réseau de distribution d’eau, et construction d’un chateau d’eau de 900.000 litres à 20 mètres de hauteur.
Pour lequel il est prévu un enduit général sur tout sa structure, constitué en sable de dune, teinté en ocre marron clair, pour une insertion visuelle cohérente avec la couleur locale. Par contre le sable de dune, trop régulier, ne pas pas être employé dans la constitution du béton, car trop fragile, ses grains réguliers et sphériques n’offrant que des caractéristiques mécaniques trop faibles pour résister aux efforts et sollicitations ha rituels à ce type d’ouvrage.
L’entreprise se verra donc contrainte d’approvisionner des dizaines de mètres cubes de sable, prélevées à la main du fond du fleuve Niger, et stockées dans des grandes pirogues à 80 km en amont de Tombouctou dans les environs de la ville de Mopti. Celles-ci étant acheminées, une fois pleines, par le fleuve, en poussant sur des perches, comme déjà expliqué plus haut.
Mon équipe, résidente à Tombouctou pour le suivi et le contrôle des travaux est composée de:
– Elysée ingénieur arabe, chef de mission locale.
– Amadou technicien de l’ethnie songhaï; né à Tombouctou, il était resté berger, jusqu’à 12 ans, conduisant ses moutons à travers la steppe buissoneuse, dont il disait connaître chaque buisson entre la ville et le fleuve.
– Dahaman chauffeur touareg chevronné, indispensable pour nous conduire sur les pistes et à travers les dunes, sans nous perdre dans le désert.
Comment parler des Songhaïs, ethnie majoritaire à Tombouctou, sans évoquer leur fameuse danse, le Tacoumba, d’une lenteur hiératique, hypnotique, sensée conduire à l’acte d’amour?
Quant à moi, mon job de chef de mission m’amenait régulièrement à Tombouctou, pour les réunions de chantiers. Nous nous y rendions avec l’avion de l’entreprise, un bimoteur de 6 places. Sur le trajet,il y avait un atterrissage obligatoire à Mopti où étaient prépositionés des drums (240 litres) pour le ravitaillement en kérosène.
L’avion était généralement rempli, avec le pilote, le directeur des travaux, le directeur de l’eau, des ingénieurs maliens et moi même.
Je me souviens, par contre d’un vol où Bintou et moi étions seuls en cabine et avions savouré, au cours d’une éclaircie en pleine saison des pluies, la luminosité exceptionnelle du delta intérieur du Niger: des eaux coincées entre les cordons dunaires, entre lesquels couraient des chevaux sauvages, paissaient des beufs, des zébus et des gnous, s’étendaient des mousses vertes et flottantes, des nénuphars et des lotus.
Volant à basse altitude, nous approchions ainsi les escadres de flamants roses et autres oiseaux migrateurs d’Afrique l’Ouest.
Dans ce petit avion, entre le ronronnement des moteurs, les reflets du soleil qui scintillaient dans la cabine, l’intimité entre elle et moi, et la confiance en notre pilote, c’était un moment magique. Un de ceux que l’on garde en mémoire.
Il allait se prolonger tard le soir sur la terrasse de la maison en brique d’alhor louée pour le projet, face au ciel incomparable du désert, avec à portée de vue, la comète de Haley, immobile mais fonçant, sur une périhélie, astronomique et excentrique, pour disparaître dans un lointain prochain. Tout est relatif.
L’instant présent appelait , ici et maintenant, notre union sous la voute céleste:
Au sein du champ unifié des consciences étoilées, nous avons déformé, dans un jaillissement de plaisirs, la gravité, l’espace et le temps . Dans mes yeux surgissaient les regards estompés, grave de Galilée, intégral de Descartes, et relatif de notre ami Albert.
Et me reviennent en mémoire les paroles que nous taupins de Mathématiques Spéciales chantions en 1964: .
Jehova fit sortir le taupin du néant
Planant sur l’univers de son vol de géant
Sous le ciel étoilé de saphir et d’onix,
Il plaça le taupin sur le grand axe des X .
Du flot de ses calculs, il inonda le monde
Et fit germer partout sa semence féconde
Bintou, promis, juré nous serons inséparables jusqu’au prochain retour de la comète de Haley, le 28 juillet 2061!
Tombouctou 15 ans plus tard
Et maintenant:
Le vivre ensemble est une tradition à Tombouctou, la mystérieuse cité du Nord du Mali. Malgré la crise et les difficultés socio-économiques et sécuritaires, la jeunesse de la cité des 333 saints a voulu pérenniser cette tradition. Ainsi, cela fait trois ans qu’elle a initié un festival dit du « Vivre ensemble ». Ceci, afin de permettre à Tombouctou, au moins le temps du festival, de retrouver son dynamisme d’antan, avec des activités socioculturelles, religieuses et sportives au grand bonheur de sa population.
Titouan Lamazou, bouleversé par les réfugiés
Tombouctou, la ville des 333 saints n’est plus que l’ombre d’elle-même sur le plan touristique. Autrefois étape incontournable pour les touristes qui visitent le nord du Mali, Tombouctou est en pleine restauration de ses sites touristiques détruits par les groupes islamistes pendant leur dix mois d’occupation de la ville. Malgré ses efforts, les touristes se font toujours désirer au grand désespoir des guides touristiques.
Réalisations de forages, réfection et extension du réseau de distribution d’eau existant, et construction d’un château d’eau de 900.000 litres à 20 m. de hauteur.