Sonafor 2
Sénégal 2 1987 43 ans
Mourir pour des tubages?
Sur l’agenda de la Sonafor, nous avons aussi une vingtaine de forages devant atteindre le Maestrichien. Il s’agit d’une couche de sables aquifères que l’on trouve à 400 m de profondeur à la frontière mauritanienne, partie Nord du Sénégal et à 600 m en Casamance, partie Sud. Puis à 800 m en Guinée Bissau.
Dans mon bureau je reçois un compatriote expert en tubes de forage. Il récupère sur les chantiers pétroliers, pour une bouchée de pain, des tubages restants, qui n’ont jamai servi, les reconditionne, et les marque à leur extrémité avec le sceau de l’API, l’American Petroleum Institut, ce qui lui permet de les revendre à un prix abordable, bien moins chers que du neuf.
Je me rends donc à son usine à Lyon, pour y réceptionner un lot de tubes que nous lui achetons pour nos forages en Casamance.
C’est là qu’un semi-remorque fou, et sans conducteur, lourdement chargé précisément de tubes de forages, dévale sans un bruit, la pente prononcée qui longe les bureaux de l’entreprise. Il croise alors le chemin que je viens d’emprunter, à pied, pour aller voir le stock de tubes réservés par la Sonafor. Il poursuit sa course et entre à toute vitesse dans un parking où il écrabouille complètement quatre véhicules en stationnement..
A 15 secondes près, j’étais mort!
Les tubes réservés sont convenables, les filetages aux deux extrémités sont neufs, les revêtements anti-rouille extérieurs et intérieurs sont OK. J’accepte le lot, important, qui nous sera envoyé, sans délai à Dakar. Nos trois semi-remorques les enlèveront au port et les distribueront sur les chantiers de forages.
Forages en Casamance
Nous envoyons en Casamance, notre foreuse « la 2500 » capable de forer jusqu’à 1000 mètres de profondeur.
Le chef foreur et son équipe restent en permanence sur place et chaque forage est ainsi réalisé en continu jour et nuit, ce qui permet de gagner énormément de temps. Je me rends à plusieurs reprise à Ziguinchor, capitale régionale, où je descend à l’hôtel Haubert. Les bailleurs de fonds internationaux s’étant pris d’affection pour cette région du Sénégal, leurs nombreux partenaires sont souvent logés à cet hôtel, le meilleur de la ville, qui ne désemplit pas. C’est une aubaine pour les jeunes femmes de la région qui aiment la danse…et les danseurs. Tous les soirs, au club » le m’bonbolong », les couples s’y trémoussent au rythme syncopé de la salsa brésilienne.
Maïmouna, excellente et charmante danseuse de salsa, me donne là des cours tous les soirs, puis nous jouons les prolongations à l’hôtel, et finalement nous partagerons elle et moi une partie de notre existence ensemble à Dakar.
Mais revenons aux forages.
Il s’agit là d’hydraulique urbaine. Comme on sait que la nappe d’eau est profonde, mais puissante, on fait des forages profonds et de grands diamètres. Ainsi le débit de pompage de chacun d’entre eux, sera suffisament important pour permettre d’alimenter en eau potable plusieurs villages et/ou centres secondaires.
Au terme d’une année d’activité intense, la Sonafor aurra rempli le contrat et réalisé tous ces forages profonds. En qualité, en quantité et dans les temps.
Et voici une petite description de la Casamance.
www.letourdumonde.com
» Considérée par beaucoup comme la plus belle région du Sénégal et d’Afrique de l’ouest, la Casamance qui tire son nom du fleuve Casamance est situé au sud-ouest du Sénégal, entre la Gambie et la Guinée-Bissau. C’est un dédale de bras de mer, au milieu de centaines d’îles, parcouru par des milliers d’oiseaux. Les ornithologues ne seront pas déçus ! Une fois en Casamance, la forêt devient plus dense, l’eau plus abondante. C’est un monde exubérant ou une végétation luxuriante nous entoure au milieu des rizières et des mangroves. Avec ses plages et ses vergers, la Casamance apparait comme un jardin d’éden. Ne manquez pas cette région lors de votre tour du monde !
Ziguinchor
C’est la plus importante ville de la Casamance, elle est beaucoup plus propre et nonchalante que Dakar, et c’est tant mieux ! Elle compte plusieurs hôtels agréables et de nombreux restaurants pour accueillir les touristes. Avec ses jolies maisons coloniales, c’est dans le quartier de l’escale , le centre historique, que se concentre le patrimoine colonial.
Une région minée
Depuis le début du conflit en Casamance en 1982, la productivité de la région a considérablement diminué. L’incertitude persistante de la situation politique et les vastes étendues de terres couvertes de mines terrestres (qui ont déjà fait plus de 1000 victimes) empêchent l’exploitation des champs. L’état Sénégalais s’est engagé à déminer la Casamance avant 2021 mais la présence de rebelles indépendantistes et l’absence de financements empêchent le bon déroulement de ces opérations8.
Une économie de guerre s’est formée, dont profitent en particulier les diverses factions rebelles de Casamance. En surexploitant les bois précieux (notamment le bois de vène), la culture du chanvre ou le racket de protection, ils financent leur équipement et parviennent à une relative indépendance par rapport aux donateurs étrangers. Entre 2010 et 2015, environ 10 000 hectares de forêts sont partis en fumée. Une hécatombe principalement due aux activités d’une mafia chinoise très organisée, qui pille les forêts de Casamance. Ces activités ne se limitent pas à la Casamance, mais incluent les pays voisins, la Gambie et la Guinée-Bissau9.
Cap-skirring
Ici, on y trouve les plus belles plages du Sénégal, et les activités ne manquent pas, entre les sports nautiques, les excursions dans la mangrove, la pêche, et sans oublier le farniente, vous avez le choix ! En fin de journée, allez sur la plage au port de pêche pour y voir les pirogues débarquer leurs prises sur le sable, les poissons sont vidés, salés et séchés sur place. A 5 km au nord de la ville, se trouve le musée Kadiout niché au cœur d’une belle forêt de fromagers, présentant la culture Diola. Un guide vous parlera de la récolte du vin de palme, de la culture du riz, du fétichisme, des rites animistes et vous aurez l’occasion de voir les impressionnantes racines des fromagers.
Oussouye
Située entre Ziguinchor et Cap-skirring, Oussouye est une paisible bourgade ou la culture diola est plus persistante qu’ailleurs. Le village est entouré d’épaisses forêts, dont la plupart sont des bois sacrés de la tradition Diola. Chaque année avant la fin de l’hiver et pendant une semaine, a lieu la fête du roi d’Oussouye. Il y a des danses, de la musique, et des tournois de lutte traditionnelle. Le roi d’Oussouye, est connu et respecté par tous les Diolas de la région. C’est à la fois le chef religieux et politique de son royaume, c’est lui décide des différentes étapes qui rythment la vie des habitants, comme par exemple, il fixe la date des grands travaux agricoles et des cérémonies importantes.
L’île aux oiseaux, la réserve ornithologique de Kassel
On y observe des Ibis, des sternes et les fameux pélicans blancs (celui qui pique le jeu jumanji dans le film ).
L’île de Karabane
A l’embouchure du fleuve Casamance, le réseau de bolong et la mangrove constituent de multiples îles dans l’estuaire salée, et l’île de karabane en fait partie. La géographie exceptionnelle du lieu permet de sillonner tout l’arrière-pays en pirogue pour découvrir une flore exceptionnelle comme les baobabs, fromagers, palmiers, eucalyptus, manguiers, papayers, palétuviers …
Comment venir ?
Par avion depuis Dakar: l’aéroport de Ziguinchor, point d’accès pour la Casamance, est relativement bien desservi.”
Ndlr :Toutefois je me souviens qu’en 1976, le pilote du bimoteur dans lequel j’avais pris place, au départ de Ziguinchor, avait pris le risque de décoller malgré un bruit de moteur inquiétant lors du point fixe. En criant: “Banzaï” ! Résultat: le moteur droit en carafe, juste après le décollage. Retour donc à la case départ, à la casamance, avec virage et atterrissage sur un seul moteur. Le lendemain matin, le moteur réparé, nous embarquons déjà moins nombreux que la veille. Rebelote, avant de décoller l’avion sort de la piste, et roule dans un champ de patates. Secoués par la traversée des sillons à vive allure, nous avons vraiment eu peur que l’avion ne se renverse.Le pilote également, qui est descendu du cockpit en pleurant terrassé par l’émotion!
Le lendemain matin, nous n’étions plus que trois passagers en cabine dans un autre avion, avec un autre pilote, venu d’urgence de Dakar. Les autres passagers, échaudés ayant préféré faire le trajet en taxi brousse, cahotant et surchauffé. Quant à nous, le vol retour s’est enfin bien passé!
En voiture: le plus simple est de prendre la transgambienne qui part de Dakar. Cela représente 450 km, c’est long mais c’est idéal pour suivre l’évolution de la géographie et constater la richesse naturelle du pays. La traversé du fleuve Gambie prend environ 15 minutes, mais l’attente peut être longue.
Par bateau : c’est sans conteste le moyen de transport le plus agréable pour rejoindre Ziguinchor depuis la capitale.”
Ndlr: Il faut cependant signaler que la navigation n’est pas sans danger, à cause notamment d’un haut fond à l’embouchure du fleuve Casamance, dangereux en cas de forte houle. C’est ce qui a causé le naufrage du Ferry “le Diola” , dans la nuit du 26 septembre 2002, avec 1832 morts. Ça et là, dans la forêt ou les champs de riz, des stèles à l’entrée des villages égrènent les noms des malheureuses victimes, commémorant ainsi cette tragédie qui a privé, à tout jamais, la Casamance d’une part importante de ses forces vives.
Forages en terre Mouride.
Le mouridisme est une confrérie musulmane soufie fondée à la fin du xixe siècle par le cheikh Ahmadou Bamba. Elle joue un rôle économique et politique important
Les fidèles effectuent un pèlerinage annuel dans la ville sainte de Touba, au centre du Sénégal, le Magal, qui commémore le départ en exil, en 1895, de cheikh Ahmadou Bamba sous la pression de l’autorité coloniale française. Confronté à l’administration coloniale que sa popularité grandissante commençait à inquiéter, Ahmadou Bamba fut déporté au Gabon de 1895 à 1902, en Mauritanie de 1902 à 1907 puis retenu en résidence surveillée au Sénégal jusqu’à sa mort en 1927.
Le Magal est célébré depuis 1928, l’année ayant suivi la mort de Bamba. En 2011, le grand magal a rassemblé plus de trois millions de pèlerins.
La confrérie est organisée selon une structure décrite par certains comme féodale, car elle est fondée sur l’obéissance totale à une autorité spirituelle, le Khalife général des Mourides, descendant en ligne directe du fondateur .
Rappelons que le PDG de la Sonafor n’était autre que le secrétaire particulier du Khalife général des Mourides. La confrérie, vouée à la culture de l’arachide, avait de grands besoins en irrigation, et en eau potable, notamment pour le grand Magal, qui réunissait chaque année, à Touba, pendant une à deux semaines, plusieurs millions de pèlerins. Tout naturellement, la Sonafor avait été mobilisée par son PDG, pour réaliser tout d’abord des forages, payés par la confrérie, autour de Touba.
Par la suite, le Ministére de l’Hydraulique a inclu dans son programme, financé par les donateurs musulmans, des forages à proximité des villes et des exploitations agricoles de la région mouride. La Sonafor n’avait donc eu aucun mal à gagner les appels d’offres.
En 1986, la Sonafor a donc réalisé une campagne de forages dans la région habitée par les Mourides, autour des capitales temporelle de Louga et religieuse de Touba.
Il s’agit de forages semi-profonds, dans la quaternaire et le continental terminal (de 200 à 400 m) que Sonafor a réalisé avec une de ses deux foreuses à câble, type Failing Jeda.
Forages sur la petite côte.
Enfin, le Ministére avait également programmé des forages d’eau potable pour les villes de la “petite cote” zone touristique en pleine croissance, située entre Dakar et Joal. Là encore, Sonafor avait gagné les appels d’offres haut la main, et réalisé les forages avec sa deuxième Failing Jeda.
Le carnet de commande était plein, avec les chantier de Casamance, de la zone mouride et de la petite cote. Et avec aussi la campagne de forages au Sénégal Oriental, que j’ai évoqué plus haut.
Avec le recul, je comprends donc, comment SEEE, qui s’était engagée à fond dans la privatisation de la gestion de Sonafor, avait mené, de main de maître toute cette affaire,
en obtenant par la suite ces quatre campagnes de forages.
Et pouquoi fin 1986, elle avait de toute urgence besoin d’un nouveau DG. La coïncidence avec mon retour de Polynésie française se révélait donc tout à fait opportune.
Mais maintenant après la période de surchauffe quand nos ateliers de forage tournaient à plein, notre carnet de commande était vide.
Il nous fallait donc partir à la recherche de nouveaux clients.
Nous avons décidé de démarcher le Ministère de l’hydraulique au Burkina Faso, et en prévision de commandes prochaines, nous y avons acheminé un atelier de forage, puis embauché sur place plusieurs foreurs locaux, et j’avais demandé à Michel Mary d’aller s’installer à Ougadougou, pour suivre tout ça.