Quand j’étais petit garçon, je repassais mes leçons, en chantant
Et bien des années plus tard je chassais mes idées noires, en chantant
C’est beaucoup moins inquiétant de parler du mauvais temps en chantant
Et c’est tellement plus mignon de se faire traiter de con, en chantant,
La vie c’est plus marrant, c’est moins désespérant en chantant ».
A 17 ans je suis mort: un éclair, un coup de tonnerre, un grand coup de poing dans la gueule, l’odeur de la poudre, et une balle dans la tête. Mon ami Roger vient de me tirer dessus à bout portant! Le sang envahit ma gorge. Je réalise que je vais mourir. Si jeune!
Mon grand regret, mon seul et vrai regret c’est de mourir, sans avoir jamais fait l’amour!
Rideau noir, je meurs…
Mon réveil á l’hôpital fût rassurant. Rien de grave. Et pourtant la balle avait percuté sous le menton, traversé la gorge, et s’était figée dans le mur derriére moi. Rien de grave donc… Simplement un miracle!
Cinq millimétres plus haut, la glande pinéale ètait touchée et j’étais réduit à l’état de légume!
Peu à peu je renais à la vie et aprés quelques jours d’observation je sors de l’hôpital Aucun dégâts sérieux.
Ayant frôlé la mort, je décide alors de vivre intensément le reste de ma vie… et je ne laisserai personne m’en empècher! Personne. A moi la vie! Vive la vie!
Ici et maintenant.
« La premiére fille de ma vie, dans la rue je l’ai suivie, en chantant.
Quand elle s’est déshabillée, j’ai joué le vieil habitué, en chantant.
J’ètais si content de moi que j’ai fait l’amour dix fois, en chantant.
Mais je ne peux pas m’expliquer qu’au matin elle m’ai quitté, enchantée
L’amour c’est plus marrant, c’est moins désespérant en chantant ».
Peu aprés que Roger m’ait tué, son pére allait me montrer le sens de ma vie. Il se proposait de nous donner, à Roger et à moi, des cours de maths.
Pour moi ce fût une révolution: j’étais à l’aise, je comprenais facilement et j’aimais ça; en bref j’étais doué et je suis devenu effectivement fort en maths
A 18 ans ans je passe le Bac mathelem.
Et je quitte la maison familiale.
https://youtu.be/v9awpUCxDcU
C’est la préparation aux grandes écoles d’ingénieurs : une année de mathématiques supérieures, suivie de deux années de mathématiques spéciales. Etant interne pensionnaire au lycée Thiers à Marseille; ma vie durant trois ans se résume à des mathématiques à outrance. Et finalement le concours, et l’admission á l’ENSHG: l’école nationale supérieure d’ hydraulique de Grenoble.
A 24 ans, j’en sors, « enchanté », avec mon dìplôme d’ingénieur en poche
Mes premières amours, un peu tardives.
Richard Antony est mort à la gare de Lyon!
T’est sûr, mais quand, pourquoi? Comment?
Ben, c’est bête, mais il n’a pas entendu siffler le train! »
Voilà une blage de 1962 qui circulait dans les lycées.
Aprés Richard Antony à chanté aussi, « le vagabond ». J’ai pas retrouvé le clip, mais voilà, de mémoire:
« je suis le vagabond qui n’en a jamais assez,
avec toutes ces poupées j’aurais bien dû m’arrêter,
mais plus j’en rencontrais, plus je voulais les aimer,
car je suis le vagabond, ouais le vagabond je suis toujours comme ça, comme ça, comme ça…. »
Alors pour moi ça a été aussi un peu pareil.
Pourtant le démarrage a été plutôt tardif.
Y avait du retard à l’allumage! Les plaisirs solitaires de la prime jeunesse, la masturbation n’ont fait que me casser le moral, me rendre honteux, et m’éloigner des autres. Très timide en général et puis particulièrement avec les filles.
Martine
En classe de seconde C, j’aimais en secret Martine,qui s’en rendait compte car je la regardais tout le temps. Mais je ne lui ai jamais dit.
J’ai beaucoup souffert, un soir en surprise partie dans la maison d’un pote…surprise, surprise: Martine partie dans la chambre de mon pote, avec Pierre (un peu plus agé que nous, charmant, séducteur). Serge, qui en pinçait aussi un peu pour elle, nous sommes allés chercher chacun une chaise pour nous poster devant la porte de cette foutue chambre, pour faire honte à notre copine de classe quand elle en sortirait. ..Jusqu’à ce qu’un gars vienne nous raisonner et nous parler gentiment de liberté individuelle.
Pas très positif tout ça. Dur, dur. Finalement ma relation avec Martine est restée pathologique et platonique: le max. atteint sur le siège arrière d’une voiture où, assis à côté d’elle, fatigué, j’eu l’audace de me laisser aller en posant mes genoux sur sa tête… euh pardon, ma tête sur ses genoux! Je me senti alors, calme et tranquille, le plaisir de ce contact, si peu érotique, presque maternel il faut le dire, me combla d’aise jusqu’arrêt à la destination finale.
Deux ans plus tard après le BAC, elle a rencontré à la fac un poète américain, puis est partie fonder une famille aux States.
Miracle, trente ans plus tard nous avons échangé sur FB, mais sans lendemain.
Tentatives infructueuses.
Me reviens aussi le souvenir d’une autre surboum, pendant la chaleur de l’été méditerranéen, lorsque j’étais monté avec une copine de notre bande, belle fille brune, avec tout ce qu’il faut, là où il faut. C’était bien parti pour l’exploration en terre inconnue, lorsqu’un abruti de pied noir fait irruption dans la chambre, et nous voyant en slip, appelle les autres. Imaginez notre désarroi devant cette bande de tarés, complètement bourrés, qui se fendaient la gueule. Comme ça:😏😄😆J’ai poussé une énorme gueulante, et réussi à foutre tout le monde à la porte.
Ça m’a épuisé, et puis aussi le charme était rompu, c’est le moins qu’on puisse dire.
Hélas, je venais, encore une fois de manquer la séance initiative.
Troisième expérience avec Michèle, encore une pieds-noirs, revenue précipitament d’Oran; nous sommes en 1962. Cette année là, l’Algérie tenait son indépendance et les Beattles chantaient un truc qui me colle encore au cœur et au corps:
« Michèle, ma belle sont des mots qui vont très bien ensemble, très bien ensemble… »
https://youtu.be/DOwnkFdrBtQ
Et l’été nous dansions nos nuits, à la Capte, au Canadian club des frères Franzini. Je venais de passer mon permis de conduire et comme M’man ne voulait pas me prêter sa 2 CV pour sortir le soir, j’avais développé un petit stratagème: un traversin et l’oreiller dans mon lit, la sortie par la fenêtre de ma chambre dont j’avais scié un barreau, la clef sur la table de la cuisine… et pousser seul à la main la deuche jusqu’au portail du jardin. Alors seulement, suffisamment loin de la maison, je pouvais démarrer le moteur et rouler vers le bonheur.
Et rebelote pour le retour vers 4 h. du mat’.
Hélas, il faut bien le dire, avec Michèle nos ébats, …sur le siège avant d’une voiture (Elle n’osait pas l’arrière trop dangereux pour elle) se sont limités à de simples manipulations sexuelles mutuelles qui me conduisaient chaque fois à une éjaculation, toujours trop précoce. Mais précoce par rapport à quoi?
J’étais donc contraint de le constater, la
2 CV de M’man consommait tous les soirs de l’essence, sans me permettre d’accéder pleinement à l’essentiel: mon essence, à la fameuse « naissance de l’Univers »😉.
Michèle, ma belle voulait garder sa virginité pour son futur mari! Un concept très répandu chez les muslims. D’ailleurs, je trouvais – à tort – à l’époque que les pieds noirs ressemblaient aux arabes (ce qui, s’agissant des filles et des jeunes femmes, mais également des femmes et des jeunes filles, est de ma part un compliment).
A tort parce qu’ ils ressemblaient aux juifs ….car ils étaient tous juifs.
J’arrête là ces considérations ethno – illogiques car ce n’est pas mon métier et je voudrais juste préciser que j’ explique tout ça avec les mots, les inférences scripturales et les pensées de l’époque. Aujourd’hui je ne parlerais plus comme ça… (et pourtant aujourd’hui, j’en parle ! Non ? )…
Mais alors me direz vous, alors quand as tu connu le Big O? Bonne question qui m’en rappelle une bonne :
Toto rentre à la maison pendant que son père est en train de se raser. « Papa, papa ça y est, j’ai fait l’amour, j’te jure j’ai fait l’amour P’pa! » .
Plutôt surpris, mais fier (tiens, tiens, comme moi à son âge), et finissant son rasage: « Ah c’est bien mon fils, mais dis donc, c’est marrant, comme moi à ton âge!…Et au fait, comment t’as trouvé ça ?? »
Toto: « Oui P’pa, c’est bien. C’est bien mais
P’pa, …franchement….ça fait mal au cul !!! «
Lol.
Françoise.
Après trois années d’études en maths sup puis maths spé, j’intègre l’école des ingénieurs hydrauliciens à Grenoble. C’est reparti pour trois ans! J’habite une chambre à la Résidence » Houille blanche » réservée aux élèves ingénieurs. Grenoble était une ville universitaire grouillante d’étudiants et d’étudiantes venus de tout les horizons ( un peu comme Tombouctou ou Bagdad à une autre époque ). Tout le monde se côtoyaient lors des repas aux restos U. Alors forcément on fait des connaissances. Et hop! Dès le début de l’année, avec mes nouveaux copains je rencontre Françoise et ses copines. Tout de suite les couples se forment, mais avant de mieux nous connaître, nous devons surmonter une première difficultè: les invitations dans les chambres sont interdites conformément au règlement interne, qu’on se le dise!
D’ailleurs pour rentrer, il faut passer devant la porte vitrée de la loge du gardien. Consultés les anciens nous rassurent: la porte n’étant vitrée que dans la moitié supérieure, il suffit que notre étudiante se mette à quatre pattes pour franchir en toute sécurité la zone dangereuse. Ni vue, ni connue. Quoique en y réfléchissant un peu, il faut admettre que nous avions quand même, pendant qu’elle rampait, une vue informative sur notre future amoureuse, laissant présumer du régal que nous allions vivre à deux, une fois passée la conventionnelle position du missionnaire! Ce préliminaire, avec le danger que le concierge ne sorte, nous émoustillait, nous rapprochait et nous mettait dans de bonnes conditions pour la
suite. J’en tremble encore en écrivant ces lignes.
Et Françoise n’était pas la seule à quatre pattes. Le vendredi soir les couples faisaient la queue, …pendant que je lavais la mienne, pour ce passage difficile.
« Quand elle s’est déshabillée, j’ai fait le viel habitué, en chantant
J’étais si content de moi, que j’ai fait l’amour dix fois, en chantant
L’amour s’est plus marrant et moins désespérant en chantant. »
https://youtu.be/LV7iQh7MSP42 ème couplet
Ayant enfin découvert l’amour, il était temps, j’étais fan du truc, et j’en redemandais. Love addiction…
Presque tous les jours j’en redemandais me rendant après les cours en bus, chez Françoise, mais comme nous terminions notre petite affaire tard dans la nuit, il me fallait rentrer à pied, traversant Grenoble, d’est en ouest.
« Antequam illucessit, alauda canit. »virgile »
Avant que le jour se lève, l’alouette chante.
J’étais donc pas très en forme pour les cours, que je suivais d’un air studieux en pensant à tout autre chose…
Si j’ajoute les après-midi passées au ski…
Peu à peu, le temps passait et à la fin de l’année j’en avais plus appris sur l’art délicat du déduit qu’en hydrodynamique théorique.
Néanmoins je passais en seconde année avec mention honorable.
Les grandes vacances nous ont séparés, mais je ne tardais pas à rappliquer chez Françoise, à l’autre bout de la France pour demander mon dû, et faire connaissance de ses parents. Son père étant sous-préfet habitait à la sous-préfecture où je fus cordialement logé. Pendant les repas, la conversation roulait sur l’inquiétude des parents séparés de leur fille, puis sur les études, puis sur moi, puis sur un flot de conseils, et enfin, après quelques jours..on écoutait les infos à table.
Avec Françoise on allait l’après-midi se balader en 2 CV et on s’arrêtait volontiers dans la nature pour réviser discrètement nos études universitaires en prévision de la rentrée prochaine, où nos relations pourraient reprendre leurs cours de manière moins débridée.
Me connaissant maintenant un peu, sa mère avait décrété qu’il me manquait une case, et son père n’étais pas opposé à un mariage, mais ne ferait pas de cérémonie officielle! Dont acte.
On comprendra qu’après l’incident de la chambre du ministre, j’avais plus la cote. Bon c’est tout simple, puisque au lieu de me dire de coucher dans la chambre de leur fille, il m’avaient proposé de dormir dans la chambre bleue dite « chambre du ministre », meublé à l’ancienne, avec un grand miroir proche du lit, en me recommandant bien de ne rien casser ni salir. Bien sûr après une sieste agitée, nous constations Fançoise et moi, avec effroi, une tache sur le matelas tout neuf, et sur lequel jusqu’à présent aucun ministre n’avait encore dormi. Et nous n’étions pas frais au dîner lorsque madame la sous-préfète aborda d’entrée le sujet. Elle avait compris d’un coup que sa fille couchait, et qu’en plus il fallait changer le matelas. « Shame and scandal in the family » à la sous-préfecture; et c’est tout juste s’il n’ont pas fait repeindre la chambre du ministre!
J’ai les ai quittés peu après, remerciés, puis leur ai écrit et envoyé ma lettre de château.
Moralité: ne pas faire rentrer un éléphant dans un magasin de porcelaine!
Nous nous sommes donc séparés Françoise et moi le 15 août pour nous retrouver à Grenoble à la rentrée, et nous avons pu reprendre nos très chères études avec nos révisions nocturnes à la maison des ingénieurs…
Puis l’année suivante nous avons été séparés car son père, préfet, préférait pour sa fille des études plus proches de la préfecture. Une dernière année d’études pour elle comme pour moi, éloignés l’un de l’autre, et ce fût le mariage organisé par ma famille en présence des beaux parents qui avaient fait le déplacement. Emballé et transcandé par la cérémonie, j’étais allé assurer son père, dubitatif, de mon amour et de mon dévouement total à sa fille. Quelle idée!
Nous sommes partis en 2 CV au Maroc oû j’allais remplir mes obligations militaires au titre de la coopération technique, comme ingénieur à l’Office National de l’Eau Potable à Rabat. Quand à Françoise, son père lui avait obtenu, en passant par l’ambassadeur de France au Maroc et le ministère des affaires étrangères, un poste d’institutrice à l’école maternelle de la médina.
Pendant que nous nous installions à Rabat, il faisait livrer une caisse de champagne rosé par chronopost au marocain qui avait su obtenir ce poste pour Françoise! Pas très judicieux comme bakchich pour un muslim, qui ne peut pas boire d’alcool ne serait ce qu’en famille.
A présent, je quitte le monde des études et je débute dans celui du travail. C’est le début de ma vie professionnelle active, régie par contrat avec un employeur: l’Office National de l’Eau Potable: ONEP.
Je suis contraint à des horaires de travail précis, et à une présence effective de 40 heures par semaine. En un lieu précis, mon bureau au siège de l’ONEP. Je m’intègre à l’organigramme de l’ONEP. Mes fonctions et champs d’activités me sont pŕécisées.
En contre partie je perçois un salaire négocié entre la Coopération Française et le Royaume du Maroc.
Les lignes ci-dessus/dessous, marquent un changement fondamental dans mon mode de vie. J’adopte les codes de l’Office: pour la première fois de ma vie, me voilà en costard cravate.Ma place dans l’organigramme et la hiérarchie de l’ONEP est précisée. Je respecte les heures de travail…etc.
Sacrés changements par rapport au mode de vie libre et décomplexé des étudiants .
Mon premier jour de travail à marqué un saut quantique dans l’organisation de ma vie: je deviens un employé, certes mais pas un simple employé puisque étant ingénieur je suis positionné d’entrée à un niveau élevé dans la hiérarchie de l’ONEP.
Je réalise que c’est grâce à mon diplôme.
Il faut le dire, pour encourager les étudiants: avec un bon diplôme, et un peu de chance on peut avoir une vie de rêve.
Pour Françoise c’est aussi pareil.
Rapidement nous trouvons et intégrons un appartement au centre de Rabat, proche de la direction de l’ONEP. Je me rends tous les matins au travail à pied et Françoise y va, de son côté, avec sa 2 CV. Voilà nous sommes maintenant un couple marié pour la vie, nous allons, nous aimer, procréer, élever nos enfants, développer nos carrières, ou nos talents dans le meilleur des cas, puis arrivés à la retraite vivre ensemble le reste de nos âges. Quelles joyeuses perspectives! Cependant ça ne vas pas se passer exactement comme ça, Dieu soit loué.Mektoub, Allahou ackbar.
Mais revenons au présent ici et maintenant, bien étiquetés, nous faisons d’abord connaissance de la communauté des coopérants français.
Le Consulat, l’alliance française, le club de tennis, les restaurants, la plage, le surf…etc.
Cependant l’ONEP a encore besoin de nombreux ingénieurs. Son DG, champion du Maroc d’échec, en avise la section hydraulique de notre école, et une dizaine de jeunes ingénieurs, tout frais, arrivent en même temps que moi à l’ONEP, pour constituer une jeune et nouvelle ossature, qui saura booster l’ONEP. Laquelle effectivement n’a depuis cesser de croître, pour devenir quarante ans plus tard un véritable état dans l’état (ou plutôt dans le Royaume).
Peu aprés notre arrivée, un tremblement de terre ébranle la ville de Dakar vers une heure du matin. Nous étions juste rentrés vers minuit, un peu éméchés, comme d’habitude un vendredi soir. Sorti de mon sommeil paradoxal par de fortes secousses, je secoue Françoise éberluée, et nus comme des vers, nous nous éjectons dans la petite cour. Les secousses perdurent. Nous devons franchir le mur de la cour, sinon nous seront pris dans les décombres.
Je me retrouve assis à califourchon sur le faît du mur lorsque Françoise me fait remarquer que le sol ne tremble plus. Le plus vite possible nous nous habillons et sortons de l’immeuble par la porte d’entrée.
Tout le monde est dehors dans la rue et personne n’ a envie de retourner se coucher. Avec quelques voisins nous allons nous remettre de nos émotions en buvant des verres, au » jour et nuit ». La terrasse est comble (personne ne voulant consommer à l’intérieur) et l’ambiance est soulagée. Beaucoup évoquent le séisme qui a détruit la moitié de la ville d’Agadir, en causant des milliers de morts dix ans plus tôt, jour pour jour. Peu avant le petit matin, je m’en retourne, au péril de ma vie dans notre appartement pour extraire à toute allure du frigidaire de la nourriture et un bon camembert. Finalement personne de retournera se coucher avant l’apparition du soleil. Nous sommes samedi matin, une douche très rapide et partons au travail!
L’après-midi, pour nous éloigner de la zone sismique, et nous changer les idées, nous quittont Rabat pour Marrakech, puis l’Oukaïmeden, la station de ski enneigée, pour passer le week end à l’auberge chez « juju ». Entassés dans un dortoir collectif il ne nous échappe pas qu’à la couchette du dessus mon ami Piacentino rend les honneurs à sa jolie fiancée. La vie reprend le dessus!
Personne n’a envie de rentrer le lendemain mais il le faut bien. Nous avons encore un peu peur le soir en nous couchant, surtout quand l’express Rabat-Casa passe dans le tunnel creusé sous notre maison!
Cette peur nous pousse à déposer des congés et à aller faire un tour en France, pour une dizaine de jours! Françoise y restera quelques jours de plus que moi….Erreur fatale, voilà pourquoi:
Gordana:
Me promenant seul en médina je découvre dans une boutique une fort jolie fille, yougoslave approchant la vingtaine, à vue d’oeil. Gordana! Après avoir fait connaissance, « changement d’herbage réjouit le veau », nous nous trouvons si bien ensemble que sans prévenir personne nous partons avec ma Triumph TR4. je nous conduis à Fès, première étape d’un tour d’une dizaine de jours, traversée du Rif, Ketama, la mer Méditerranée, Ksar el souk, le désert, contreforts de l’Atlas, Marrakech, Agadir, Safi, El J’jida, Casablanca et retour à la case départ, Rabat. Personne ne savaient où nous étions passés pendant les deux semaines écoulées.
Françoise après avoir beaucoup pleuré, s’était consolée avec mon meilleur ami Zef. Ils se marièrent, furent heureux et eurent beaucoup d’enfants. Nous nous sommes revus 30 ans après, le temps d’une soirée, heureux de nous retrouver ensemble autour d’un bon repas, et d’évoquer le bon vieux temps de notre jeunesse.
Quand à moi peu après je décroche un contrat de rêve pour Tahiti. La vie continue, Olé!
Je quitte le Maroc: Slama! (j’y reviendrai)
Je me pose à Tahiti: Iaorana!
A peine arrivé à Papeete, j’émettrai un billet au nom de Gordana Chorich Ante.
Tahiti
Arrivé à Tahiti, vers 05 h du matin, mes premières sensations en descendant de l’avion: chaleur, humidité et surtout l’ennivrante odeur du jasmin, le Tiare, qui flotte et imprègne l’atmosphère de son odeur entêtante. Cette impression je ne l’aurrai connue qu’ici, maintenant et nulle part ailleurs, à travers le vaste monde (74 pays visités). Les couronnes de tête et les colliers de fleurs sont partout, portées par de ravissantes hôtesses d’accueil. Grandes lianes, aux longs cheveux noirs mais parfois aussi petites pommes, bien bronzées, bisoux, bisoux, et Iaorana. Que du beau, du bon, du bonnet de fleurs: c’est cela Tahiti, île de bienvenue, universel Iaorana avec de si doux sourires, et surtout un « mana » hérité des ancêtres: le pouvoir sacré de l’acceuil en gentillesse. Maintenant c’est le quintet de musicos qui chantent de tout leur cœur, dansant en restant assis, endiablés par le dynamisme et le rythme de leurs yukulele. J’ avance vers le tapis roulant, ça roule, et ça continue de rouler, encore et encore, c’est que le début, d’accord, d’accord et …enfin je récupère ma valise, un tampon sur mon passeport et voilà mes collègues, venus amicalement au petit matin avec femmes et enfants pour le rituel passage du collier autour du cou et, dans un même mouvement la bise du matin, puis la poignée main.
Re-Gordana
Séparé de Gordana depuis un mois, je l’accueille bientôt à l’aéroport de Faaa, où elle arrive avec 24 heures de retard, plus belle et désirable que jamais.
Je suis venu à Tahiti, à la demande de l’Office du tourisme pour étudier l’alimentation en eau potable des hôtels dans les îles. Pour ce faire, je suis détaché au service des travaux publics, avenue Bruat. J’effectue de nombreux déplacements dans les îles et suis assez souvent absent de la maison que je loue à Gilbert à Tipaerui.
Le zircon
A la demande de Tetuanui, je pars en reconnaissance au centre de l’île à la recherche de Zircon, minéral assez rare, signalé par le professeur Brousse, éminent géologue volcanologue qui indique qu’on a de bonnes chances de trouver du Zircon dans la dernière coulée volcanique du volcan. Un piton rocheux situé au centre de la caldeîra, non loin de Fare Ape (désert à l’époque) est le lave particulièrement dense resté,et solidifiée,dans la cheminée centrale lors de la dernière éruption. L’érosion ayant fait son travail au cours de milliers de millénaires, ce piton rocheux a pris peu à peu sa place, dans le paysage.
A l’époque il n’y avait pas de piste d’accès au site que nous atteignons chargés des boîtes de prélèvement de sol (j’étais accompagné de Roo et Maki du village de Papenoo), après plusieures heures de marche une vingtaine de traversées de gués le piton s’élève à présent devant nous, et vu de plus près il s’agit d’un empilement d’une trentaine de mètres de hauteur constitué de gigantesques cubes rocheux d’andésite basaltique. Escalader ce piton sans piton ni cordes était impossible.
Impossible également d’y effectuer des prélèvements avec un matériel dédié aux terrains meubles.
Au crépuscule nous redescendons, donc bredouilles, à Fare ape, sous une pluie battante, très dense comme on le sait, au centre de l’île. Roo et Maki établissent rapidement un abri sommaire mais efficcace, grâce au rouleau de plastique, qu’en pisteurs chevronnés ils avaient emmenés. Diner frugal et extinction des feux.
Nos deux marcheurs se sont levés au petit jour pour chasser, au fusil, le cochon sauvage. Les voilà revenus avec une belle béte qu’ils découpent en mille morceaux qui seront inéréssés ensuite pour le trasport dans deux perches en bambou creux, préparées sur place, et à porter sur l’épaule Bien chargés nous atteignons la route de ceinture vers midi. et je récupère la camionnette pour rentrer à Pamataï, à la maison, pour manger, me doucher et faire une bonne sieste. Pour en revenir au Zircon, faute de matériel adapté, notre mission devait se comprendre, non comme un échec, mais comme une première reconnaissance. Cependant, à ma connaissance, ce sujet n’a plus jamais abordé par la suite.
J’observais cependant pour ma part que les multiples sources et torrents éparpillées au milieu de la Caldeira, auraient pu y drainer du Zircon durant des millénaires vers le fleuve Papenoo et être à l’origine de la création de ces belles plage de sables noirs proches de son embouchure.
Ceci dit c’est sans doute mieux comme ça, car personne ici, n’aurait envie de voir cette magnifique vallée transformée en site industriel. Je comprends mieux maintenant pourquoi nous en sommes resté là et s’est tant mieux comme ça.
A vrai dire, on commençait seulement à cette époque à se s’ouvrir à l’environnement, sous l’impulsion de Jacky Drollet, fondateur du Iaora te Natura.
L’abandon de la soupe de corail (obtenue par dragage des coraux dans les lagons), allait venir à l’ordre du jour.
Le LBTP avait aussi mis en place le réseau hydrologique de Tahiti: des pluviomètres sur le tour et à l’intérieur de l’île, des limnigraphes pour enregistrer en continu les débits des rivières, non loin de leurs embouchures. Deux équipes de marcheurs étaient constituées, pour le nettoyage et le relevé des feuilles d’enregistrement, deux fois par semaine. Nous avions embauchés pour l’essentiel des gens du village de Papenoo, réputés bons montagnards. Un des pluviométrique était positionné au sommet de l’Aoraï.
En général, le mieux est démarrer le plus tôt possible ces mesures hydrologiques, même avant tout plan d’aménagement, car elles seront indispensables pour le dimensionnement de tout projet.
Par exemple, on commençait à parler d’un barrage hydroélectrique sur la Papenoo. Cependant, une fois trouvé, au prix de multiples forages, et d’études diverses le meilleur positionnement dans la vallée pour ce barrage en béton de plus de cent mètres de haut, il fallut déchanter car il se révèlait impossible d’empêcher l’eau de circuler par en dessous: le sous sol, était permeable et constitué d’un canyon profond, rempli de gros cailloux, à travers lesquels une rivière sous-terraine coulait à 80 m de profondeur! Il n’existait pas à l’époque de solution technique pour ce problème.Donc le projet a été abandonné.
Mais les études hydrologiques effectuées dans les années 70 pour le grand barrage, ont pu être réutilisées dix ans plus tard pour le calcul des retenues d’eau captant des rivières secondaires, plus petites mais plus nombreuses.
Et c’est ainsi que l’énergie hydroélectrique constitue aujourd’hui 40 pour cent de l’électricité pour Tahiti.
Les vendeurs de Mamaou.
Pour la construction de ces retenues, il faut construire des routes d’accès dont les tracés recoupent ça et là des massifs de bambous et de magnifiques petites forêts de fougères arborescentes. Il faut les déraciner, et on sait que leurs racines sont entremélées et constituent une sorte de bulbe nutritionnel. Nutritionnel pour qui, pour quoi ? Eh bien m’expliquent mes deux compagnons, Bernard et Gabriel, mangaréviens d’origine, « en coupant le tronc un mètre au dessus du globe, et en le plantant dans le jardin, à l’envers, on obtient un support idéal pour la culture d’orchidées, très prisées à Tahiti. Nous connaissons le gardien du chantier de la route, il nous a mis de côté quelques fougères déracinées et coupées, lors de la progression du chantier de la route. Nous les avons offertes à nos mamans, qui ont maintenant un magnifique ensemble d’orchidées devant leur maison ». Ma réaction fût immédiate, allons les voir chez vos mamans ». Celles-ci nous expliquent que ça pousse pour rien, pas d’engrais, pas de produits à rajouter, il suffit juste d’un petit d’arrosage des bulbes chaque jour. Personne ne savait cela à Tahiti. Pas étonnant, qui aurait été assez fou, pour aller en montagne, dans des lieux inaccessibles, autrement qu’à pied, pour couper ces magnifiques fougères géantes et les ramener, en les portant sur les épaules jusqu’à la maison? Un peu comme les porteurs d’oranges des plateaux de la Punaruu.
Mais voilà, la construction des routes d’accès aux retenues d’eau, nécessitait la l’abattage des fougères arborescentes rencontrées lors de la progression des pistes d’accès. Et ces pistes praticables en 4×4 seulement permettaient, du même coup le transport vers la ville, de leurs troncs raccourcis à un mètre de longueur.
Alors, j’ai dit à Bernard et Gabriel, « nous devrions les vendre, ça nous ferait un peu de monnaie ». « Oui mais comment faire, nous ne savons pas comment les vendre.
Nous en avons juste données quelques-unes à nos mamans ».
Cette conversation se déroulait alors que nous redescendions du lac Vaïhiria, où nous étions en charge des mesures des variations de niveaux, en vue de la construction d’une nouvelle centrale électrique (ainsi après une nuit très pluvieuse, nous avons retrouvé nos enregistreurs sous plusieurs mètres d’eau).
Mais revenons à la vente des bulbes. « Arrêtons nous là, devant cette maison, et regardez bien comment je fais ».
J’appelle au portail, et on vient m’ouvrir.
Surprise, c’est une bonne sœur qui ouvre le petit portail.
– « Bonjour ma sœur, nous sommes des vendeurs de mamaoux »
– « Bonjour, …des mamaoux, mais qu’est ce que s’est? ».
– C’est pour faire pousser les orchidées, venez donc voir dans la voiture ».
Et là, je lui explique dans le détail, et Bernard et Gabriel parlent de leurs mamans…etc.
– » Mais, comme c’est intéressant. Une minute, je vais chercher mes soeurs; elles sont en train de déjeuner ».
Là voilà qui revient avec cinq de ses soeurs. Et les explications reprennent, appuyées par les témoignages de Bernard et Gabriel, elles touchent les mamaous, on les retournent de tous les cotés etc… Nous laissons les sœurs papoter entre elles, elles semblent intéressées, et nous sommes bien contents lorsqu’elles nous posent la question fatidique: combien ça coute?
Réponse immédiate, un peu au hasard :
– 2500 francs pièce, ma sœur. Rebavardage et décision…
– Très bien, nous allons en prendre deux. Je vais chercher l’argent. Mettez les ici dans le jardin, s’il vous plaît.
Encore quelques conseils…et nous prenons le billet.
– Merci beaucoup mes soeurs, vous allez voir c’est facile, juste arrosez les bulbes le matin. Vous avez dans chaque bulbe assez de nourriture pour la vie entière de vos orchidées. Merci encore et bonne journée. Nana.
– Nana!
Le Pescadou.
Et finalement arrivé en ville, nous allons boire et déjeuner ensemble à » Le Pescadou » la nouvelle pizzeria de Mario, qui démarrait très fort. Beaucoup de gens attendaient debout, en discutant avec le verre à la main, qu’une table se libère. Il faut dire que l’apéritif ètait gratuit pour tout client qui attendait une table disponible. Mario m’a expliqué, plus tard que ça lui revenait moins cher qu’une pub dans le journal. En y réfléchissant, je n’en suis pas si sûr, vue le nombre de verres que nous buvions debouts.
Mais après tout, il devait s’y retrouver, car les barmans les plus avisés le savent, après deux verres il faut offrir le troisième, et là le client perd la boule et commandent à outrance…alors quand on passait à table, bien chauds, c’étaient pas des verres mais des bouteilles qu’on commandaient.
Presque 40 ans après, je me souviens qu’une chanson napolitaine revenait souvent pour l’ambiance au Pescadou:
» je suis fou de toi…, je suis fou de toi… »
Que les serveuses reprenaient en choeur:
« Je suis fiou de toi.., je suis fiou de toi… » 😋
En tous cas, Bernard et Gabriel avaient bien compris, et s’étaient arrangés avec le gardien du chantier dans la vallée de la Fatautia: ce dernier récupérait régulièrement quelques exemplaires parmi le tas de mamaoux coupés par l’entreprise pour faire passer la route, coupait les troncs à un mètre et nettoyait les bulbes. Bernard et Gabriel n’avaient plus qu’à passer pour les charger dans le 4×4, et les emmener en ville, où ils avaient constitué un petit stock tampon.
Sénégal1
La SONAFOR
En 1986, année de mon installation à Dakar, Sénégal, je ne connais rien de la société africaine. Mais je n’allais pas tarder par immersion totale, à en apprendre beaucoup.
Etant DG de la SONAFOR, Sté nationale de forage du Sénégal, me voilà, du jour au lendemain parachuté directeur d’une centaine de travailleurs sénégalais….
Je peux le faire! : Yes I can!
Dès le départ ça a bien fonctionné grâce à la cordialité de mon ami Boubacar Koné, qui, de tout cœur m’a transmis sa grande connaissance de l’entreprise. Il en est l’actuel Directeur Technique mais de plus, il avait été aussi l’adjoint des trois anciens Dg, depuis la création de la Sonafor, dix ans auparavant.
Je ne crois pas me tromper en disant que ceux-ci c’étaient bien servi, sur la bête, en pratiquant le sport national (à l’époque!) du détournement de fonds. Par exemple faire faire des forages par la Sonafor et en détourner le paiement sur son compte personnel..c’est exactement comme ça qu’on fait couler une boîte. J’ai retenu les prénoms de deux d’entre eux: Baba et Mamadou, qui ont terminé ce petit jeu en prison.
A Dakar, sur une vaste concession, un immeuble de bureaux de deux étages regroupait au rez de chaussée et premier étage l’administration et les transmissions radio. La Direction Générale avait le dernier.
• Bien installé derrière mon bureau au 3ème étage de l’immeuble de direction, contemplant la table de réunion, nappée d’un feutre vert la faisant ressembler à un billard tout neuf, et bien à l’abri de mes deux secrétaires de direction, chargées entre autre de filtrer les visiteurs, je mesure avec satisfaction le chemin accompli, en deux semaines seulement de Tahiti à Dakar.
A Papeete en 1976, j’étais le petit patron de la plus petite entreprise du Territoire (2 mangaréviens – Bernard et Gabriel, et moi même) et maintenant me voilà DG de la 1ère entreprise de forages du Sénégal, avec une centaine d’employés. « Un Grand Patron », en quelque sorte, en tout cas comme le disent mes amis africains.
La Sonafor basée à Dakar, était une entreprise du groupe franco-ivoirien SEEE, basé à Abidjan, rue des foreurs. Ce groupe avait en effet gagné un appel d’offres international lancé par le ministère de l’eau du Sénégal; et à ce titre s’était vu confier la reprise de la Sonafor, à travers la S.E.S. société de gestion de la Sonafor. Mais le nom de SONAFOR étant très bien connu à Dakar, où on l’évoquait avec respect, on le gardera donc pour la nouvelle gestion.
Cependant cette nouvelle gestion, battait de l’aile et un nouveau Dg était requis. Etant chômeur depuis mon retour de Tahiti, il ne m’aura fallu qu’un dîner entre amis à Paris, un coup de fil le lendemain et une rencontre d’une heure le surlendemain avec le PDG du groupe pour décrocher le contrat. Je crois qu’il avait apprécié en particulier mon style très proche de celui des géologues du BRGM (bureau français de recherche géologique et minières) qui avait obtenu, de son côté, des contrats de surveillance de multiples programmes de forages dont ceux de la Sonafor. En tout cas, le PDG c’est mis à me tutoyer tout de suite.
Comme le disait Jacques, notre contrôleur d’Abidjan « c’est vrai Xavier, tu as un très bon premier contact » et après une courte pose, avec un sourire narquois: « mais c’est après que ça se gâte ».
Abijdan
Le groupe SEEE.
Toujours est-il que je débarque d’abord à l’aéroport d’Abidjan, oû Jacques est venu m’accueillir, et le cas échéant, m’assister dans les formalités douanières. Le système est bizarre car on remet son passeport à un douanier, pour les tampons, et on le retrouve un quart d’heure plus tard sur une table à part, mélangé à une vingtaine d’autres. Encore faut-il le savoir!
Une fois repérée cette table, il faut rechercher son passeport parmi les autres…Le risque existe de ne pas le retrouver, car il peut avoir été embarqué par inadvertance (ça m’est arrivé une fois) ou malveillance.
Après un déjeuner amical, nous allons au siège de la SEEE. Présentations à divers collègues du groupe et notamment au Dg, un ingénieur ivoirien sorti del’école polytechnique. Je suis impressionné, chapeau. L’X, fallait le faire!
La bonne santé du groupe s’affiche à travers le nombre et l’équipement des bureaux, la climatisation omniprésente et les voitures luxueuses stationnées dans la cour. Il y a aussi des villas meublées et équipées de tout le confort moderne. On visite celle du PDG, actuellement en France. Je me rappelle de deux grandes défenses d’éléphants à l’entrée de la salle à manger et des meubles de style colonial à l’ancienne. On m’affecte une villa pour la nuit. Tout va bien, tout c’est bien passé, tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil. J’ai en général toujours adoré les premiers jours dans un pays, sous réserve d’y être bien reçu. J’ai vécu ça plus de 25 fois!
Le lendemain samedi matin on parle avec des responsables du groupe de moi-même, de la Sonafor, et de son plan de charge. Il faudra démarrer sans tarder plusieurs projets et, en particulier engager un chef foreur pour un programme de forages aux Sénégal Oriental (gagné récemment et pour lequel une nouvelle foreuse – air comprimé et marteau fond de trou – est en commande) , mais aussi continuer le plan de dégraissement déjà engagé depuis 6 six mois, et ayant abouti au licenciement effectif d’une centaine de salariés. Ils étaient 200 à la reprise, les voilà 100 maintenant, mais cela ne s’est pas fait sans mal: au cours dune réunion houleuse, Jacques a pu éviter de justesse un lourd cendrier, qui a sifflé à ces oreilles.
Bon, je vois l’ambiance. Le syndicat est organisé, et certains des salariés se sont fait porter malades. Voilà, mais licencier c’est pas trop mon truc, et c’est sans doute pas le moment, vu le plan de charge.
Après le déjeuner, Jacques me laisse à la villa et il passera me prendre demain dimanche pour un barbecue sur une île de la lagune.
Pierre
Je téléphone à mon nouvel ami Pierre, français en Cote d’Ivoire depuis longtemps. J’avais fait sa connaissance une semaine auparavant à Aix en Provence. Il me disait reprendre un poste à Abidjan, aprés une année passée en Provence comme prof. d’agronomie dans un institut agricole dédié à l’outre-mer. L’ISTOM, je crois. Nous étions donc convenu que je l’appelle dès mon arrivée en « habit d’agent ».
Je l’appelle donc vers 14 heures, et il me donne rendez vous à 17 h à la cathédrale, car il lui reste plusieurs dossiers à traiter, qu’il vient précisément d’étaler sur son lit. Un taxi me dépose vers 16 h 30 au lieu dit, totalement désert. Cependant j’entends dans le lointain, à plusieures reprises de sourdes rumeurs. A l’instant je suis seul, dans quartier désert d’une ville que je ne connais pas, dans un pays et un continent que je ne connais pas non plus. Et des bruits que je ne comprends pas!
Pas vraiment à l’aise, je décide de visiter la cathédrale. Puis les rumeurs ayant cessé, je retourne faire quelques pas sur la route. Mais soudain, à une trentaine de mètres, au sortir d’un virage très proche, surgit une foule aux vêtements bigarrés, hommes, femmes, enfants que des noirs, éxubérants, et vociférants, occupant toute la largeur de l’avenue, et progressant rapidement vers la cathédrale. Par réflexe je me précipite à l’intérieur, pour me mettre à l’abri et contemple avec quelque crainte, cette foule énervée et criante qui longe la cathédrale à quelques mètres de moi. Cependant, la foule passée, le calme revient, il n’y a plus personne sur la route.
Voilà, ça n’a duré que quelques minutes, mais 45 ans après je m’en souviens encore!
Mon copain, finit par arriver, et, chemin faisant je lui raconte, à chaud, ce qui vient de se passer. Ça ne l’impressionne pas plus que ça, mais il précise que j’ai bien fait de me cacher, car on ne sait jamais! En fait, un stade de foot, est situé juste un peu plus bas, et un match capital venait de s’y dérouler. Selon l’issue de ce match, le comportement de la foule, surexcitée au fil des 90 minutes de jeu, peut être imprévisible et extrêmement violent. J’en ai eu des années plus tard la confirmation au Maroc, quand passant au mauvais moment en voiture je me suis fait caillassé par des supporters en colère. Mais ceci est une autre histoire…Revenons à nos moutons.
Mon collègue habite un appartement dans un bel immeuble du quartier du plateau, rue du commerce.
Prendre l’ascenseur, ouvrir la porte, rentrer.
Et avec un sourire satisfait:
« Et voilà les dossiers, que je viens d’étudier ! » Étendue effectivement sur lit de sa chambre, une ravissante africaine en train de somnoler. Après cette entrée en matière affriolante, nous passons au salon pour boire une bonne bière et discuter un peu. Pierre allume un cigare. Une précision: selon un de ces anciens élèves à l’ISTOM, Pierre commençait sa série de cours sur l’Afrique en allumant d’abord avec componction un gros cigare, en inspirant et savourant la première goulée…puis il délivrait son message tout en exhallant un premier nuage de fumée:
« L’ homme blanc est arrivé en Afrique en 1850, et comme vous pouvez le voir – là avec l’autre main, il réhaussait sa bedaine –
ça ne lui a pas trop mal réussi! ».
Au fil des bières, les langues se délient et il me raconte des histoires africaines de plus en plus croustillantes et plutôt centrées sur ces conquêtes féminines. Il y a en Afrique deux types d’hommes, ceux qui couchent avec les gazelles, et ceux qui ni touchent jamais. En fait, un seul type: tous les hommes y vont car comment résister à la facilité d’un plaisir aussi essentiel, naturel, qui nous est si souvent refusée, en France, (à l’époque) et que le blanc peut obtenir, ici et maintenant, d’un simple regard un peu appuyé. La différence entre les pratiquants est que les uns se cachent (les mariés) et les autres s’ en foutent (les célibataires).
On peut dire qu’ en Afrique tout le monde baise avec tout le monde. Les hommes sont entreprenants, les (jeunes) femmes attendent, par avance consentantes à leurs avances. J’aurrais l’occasion de revenir sur le sujet, plus tard à plusieures reprises.
Mais maintenant nous devons aller manger. Mon copain, sa copine et moi, nous rendons, à pieds, à proximité, au bar des sports. Grillades, frites et vin rosé. Cher lecteur, si Face Book avait existe à ce moment là, je vous aurrais envoyé, sur le champ, une photo des brochettes et vous m’auriez sûrement répondu: Waouh! Magnifique! Profite bien, on t’aime Eugène!
Ou alors, plus facile un simple pouce bleu, en un seul clic. C’est bien de tout montrer et de partager les bons moments, et c’est si facile grâce à Mark, le génial inventeur de Fbk (chapeau bas) et peut être le premier influenceur de nous, 5 milliards d’êtres humains connectés, parait-il.
Après un repas arrosé, nous marchons à la fermeture du bar, sur le chemin du retour. La copine de Pierre avait pris auparavant congé, après qu’il l’ eut gratifiée d’un cadeau (un billet rouge pour elle, bises et beau sourire en retour pour lui, et au revoir pour moi).
Première gazelle
L’avenue semble déserte, mais nous enjambons nombre de corps endormis sur des cartons de longueur humaine. Une fille est debout sur le trottoir, on commence à discuter avec elle, gentiment, librement, de choses et d’autres comme c’est la coutume en Afrique: comment ça va, la famille, les enfants, le boulot? On parle aussi de nous. Lui il est d’ici..moi, je vais au Sénégal, ..etc.
Puis Pierre lui demande si elle est disponible, si elle veut bien terminer la soirée chez moi. Ok. Ben, en fait je n’ai pas dit grand chose et me voilà à mon tour avec une gazelle. Direction: la villa que j’occupe au siège de la SEEE.
Le gardien se fait un peu prier pour soulever le passage à niveau qui clôture l’entrée dans la concession, un petit billet de la jeune femme résout le problème.
La suite s’est déroulée comme on peut l’imaginer, puis nous avons bien discuté sur le fait qu’elle était séparée de son jeune enfant, parce qu’elle avait dû quitter son village pour venir en ville gagner l’argent
et en envoyer une part, chaque mois au village. Ceci dit, le lendemain matin, je lui glisse un billet rouge plus l’argent du taxi.
Voilà, à peine arrivé en Afrique, j’avais été initié, au plaisir à la mode black and roll.
Le lendemain, vers 11h, Jacques passe me prendre et aborde d’emblée le sujet: le gardien vient de lui dire que j’étais rentré, accompagné, cette nuit, ce qui est formellement interdit par le PDG. Il allait devoir le lui signaler dès son retour de France.
Après quelques palabres, « je n’étais pas au courant, je suis un nouveau directeur et je vais partir demain à Dakar, nous sommes dimanche et personne n’a rien vu cette nuit, » Jacques le persuade de laisser tomber l’affaire moyennant un billet rouge.
Mais ça aurrait pu se passer beaucoup plus mal poursuit Jacques. Quelques jours auparavant un ingénieur, venait de signer un contrat avec la SEEE, comme directeur du chantier naval du Groupe à Abidjan.
Logé à la même enseigne que moi, il avait passé le samedi soir en boîte, puis le dimanche soir, et était revenu, fin bourré, accompagné de deux gazelles. Le lendemain, son premier jour de travail, étant bien fatigué, il et elles n’arrivent pas à se réveiller avant 10 h. Et le voilà qui sort de sa villa et traverse la cour, affublé de ces deux stars, au vu et au sus de tout le monde. Alors que la Direction avait prévu une réunion à 8h pour le présenter au personnel du chantier naval !
Résultat, contrat résilié dès le premier jour,
retour en France, le soir même.
Cette brève histoire permet à Jacques de me recommander la prudence, sur ce sujet là.
Nous arrivons à sa villa, située en rive de la lagune, et nous prenons un verre en attendant une amie qu’il à invitée au pique- nique sur l’îlot d’en face à deux milles de navigation. Il nous suffit de monter dans son speed boat, et de prendre le bon cap.
Ce que je retiens de cette journée, en dehors des brochettes, et du vin rosé, c’est ce que nous a raconté son amie, à propos d’une mission d’assistance humanitaire qu’elle avait effectuée récemment avec Médecins sans frontières. Je ne sais plus ce qu’elle nous avait dit mais elle avait renforcé ma décision de travailler, moi aussi, un jour dans l’assistance humanitaire.
Dakar: la SONAFOR
Le lendemain, Jacques et moi atterrissons à Dakar, sur le tarmak de l’aéroport « des Mamelles », qui tire son nom de deux collines avoisinantes, affectant globalement, la forme d’une poitrine féminine (un peu plate, toutefois). Présentations au personnel de la Sonafor et à son PDG, le secrétaire général du Grand Khalif des Mourrides. Il s’agit d’un groupe religieux, pratiquant l’Islam, dont les fidèles constituent plus de la moitié de la population sénégalaise. Avant chaque élection présidentielle, le président Abdou Diouf, qui avait succédé au célèbre poéte Léopold Cedar Senghor, prenait bien garde à rendre visite au Khalif général des Mourides pour solliciter ses bonnes grâces donc celles de ses électeurs.
Jacques a prévu de deux ou trois jours à Dakar, le temps de me présenter à l’ambassade de France, au ministère de l’hydraulique, aux bailleurs de fonds, et aux ingénieurs du BRGM, qui doivent contrôler nos travaux sur plusieurs de nos programmes. Visite également aux deux autres entreprises privées de forage qui sont les agences sénégalaises de grands groupes français: Sasif et Intrafor-Cofor. Nous sommes concurrents certes, mais nos relations sont cordiales. La plaie des foreurs, c’est la panne:l’approvisionnement à partir de la métropole des pièces de rechange. En fait à l’arrivée nos pièces de rechange sont le plus souvent bloquées en douane. A la Sonafor, le nommé Ndiaba Gueye, avait été désigné de longue date pour aller négocier et distribuer les backshich. Alors seulement les pièces nous étaient remises. Il faut savoir, et les douaniers le savaient qu’ un atelier de forage immobilisé coûte très cher, chaque jour, à l’entreprise.
Les douaniers étaient des hommes riches car ils agissaient de même avec tous les importateurs. Les plus nombreux étant les libanais, qui importaient par conteneurs entiers et ne venaient jamais en douane sans de multiples liasses de billets rouges. C’était la règle et nul ne pouvait y déroger.
Entre foreurs pour réduire les arrêts dûs aux pannes, nous étions convenus donc convenu d’une solidarité mutuelle. S’il manque une pièce à l’une des trois entreprises, celle-ci pourra solliciter les deux autres. C’est un principe général adopté par toutes les entreprises de forage en afrique. Parce que ces problèmes de douane étaient récurrents dans tous les pays d’afrique.
De retour au bureau, avec Jacques nous nous concentrons sur l’organisation des campagnes de forages que la Sonafor a en commande. Il nous avions trois anciennes foreuses à cable type Failing Jeda 1 et 2, capable de forer jusqu’à 800 mètres de profondeur, Des machines couramment utilisées dans la recherche pétrolière. Plus une quatrième, achetée tout récemment en Hollande chez Stenwick et doté des équipement pour le forage à l’air comprimé, optimal pour les socles rocheux.
Mon point fort qui a sûrement retenu l’attention du PDG, lors de mon entretien d’embauche: j’avais à Tahiti réalisé moi même avec ma foreuse des forages à l’air comprimé.
Cependant il nous faut embaucher un chef foreur pour la campagne de 200 forages au Sénégal oriental. C’est une zone isolée perdue au confin du Burkina Faso.
Sénégal Oriental
Il s’agit d’hydraulique villageoise: un forage de cent mètres de profondeur pour chaque village. Chacun de ces forages sera équipé d’une pompe à main, et les femmes viendront y remplir leur jerricans en pompant elle même. Le progrès est évident puisque le forage sera réalisé à proximité immédiate du village ce qui évitera aux mamans de parcourir a pied, chaque jour des tas de km (la corvée de l’eau). Il faut remarquer que la propagation de ces systèmes d’alimentation en eau potable a été entravée pour plusieures causes: l’entretien défectueux des pompes, de la propreté douteuse autour du forage, la nécessité de la construction de barrières de protection autour du forage, la désignation d’un responsable villageois, la constitution d’une caisse pour payer les réparations, l’élaboration d’un réseau de réparateurs régionaux. Et aussi à cause du vieillissement des dalles carrées en béton enserrant le tubage (les margelles) souvent déstabilisées par l’érosion autour du tubage, ce qui entraîne un retour d’eau sale, à l’intérieur des forages. Tout ceci pouvant être cause d’épidémies de maladies hydriques au village, en particulier de choléra. On comprendra donc que les villageois avaient de grandes difficultés, à s’approprier les points d’eau et à en assumer les tâches développées ci-dessus. Sans parler de la conservation de l’eau à la maison avec des habitudes ancestrales qu’il fallait modifier: abandon des jarres en argile, (dans leurs pores s’incrustaient impuretés, germes et bactéries), abandon de l’habitude de boire, avec une seule tasse en plastique pour toute la famille, remplie en la plongeant dans l’eau, souvent avec une main sale, rincée après boisson en la replongeant de la même main et jet de cette eau de rinçage, sur place par terre, ce qui attirera les mouches, qui tourbillonnent et se posent sur les yeux des jeunes enfants.
L’onchosercose, n’est pas loin. C’est une maladie hydrique qui fait de très nombreux aveugles en Afrique.
Pour s’en prémunir les villages sont toujours installés à distance des rivières, ce qui les protège également des crues.
Voilà pour la description des problèmes d’alimentation en eau des villages africains.
Finalement tout ce que les africains doivent prendre en charge, pour la pérennisation de leur nouvelle alimentation en eau est un véritable paradigme.
Il a donc fallu, leur donner des formations et pour ceci, requérir aux services de sociologues dans les projets d’alimentation en eau potable.
Mais ceci est une autre histoire….
Michel Mary
Peu de temps après le retour de Jacques à Abidjan, j’embauche Michel Mary, comme chef du programme de 200 forages au Sénégal Oriental. Il a l’expérience de l’air comprimé et du marteau fond de trou.
Michel était très fort en mécanique et responsable d’un atelier de forage pour l’eau acquise au Gabon et au Burkina Faso. Il partait donc en pleine brousse avec Amy, et dormait avec elle, sous la tente avec un vieux climatiseur de bureau posé par terre dans l’entrée, et alimenté par un groupe électrogène. Il faut dire que cette région est une des plus chaude du Sahel!
Sous la responsabilité de Michel, une équipe de forage (une dizaine de personnes et une bonne machine). Arrivant dans la zone, en pleine brousse, il engageait un ou deux gardiens et un cuisinier chasseur, pour tirer les cailles et les préparer. Une belle vie en pleine nature que j’aurais aimé vivre moi même.
En fait, il connaissait l’Afrique et les africains beaucoup mieux que moi, qui débutait sur le continent. Il m’a donc donné de bons conseils et moi qui ne connaissait ni l’Afrique, ni les africains, ni le forage, ni la direction générale d’une entreprise (la Sonafor) d’un centaine d’employés, il m’a encouragé et conseillé. Alors en plus de ses déplacements en brousse, il était responsable de l’équipe de mécaniciens de l’entreprise, et assurait l’entretien des grosses machines (modèles employés souvent dans la recherche pétrolière) et c’était donc de la grosse mécanique.
Après il nous à aidé au Burkina Faso à monter des activités de forages d’eau potable.
Finalement, comme moi, Michel aurra consacré sa vie à l’alimentation en eau potable des êtres humains, et ce fût un très beau métier.
Une fois il avait acheté à Dakar, pendant mon absence, une peugeot d’occasion , conduite intérieure, et l’avait entièrement refaite, éliminant le toit pour la transformer en coupe sport. Et une peinture au pistolet rouge toute neuve. Il avait fait tout ça en quelques jours avec trois employés de la Sonafor, carrossier, mécanos et peintre.
A mon retour de mission, il m’en a fait cadeau! Sympa, n’est ce pas?
Il est donc maintenant au paradis des foreurs, et ce n’est sûrement pas un endroit triste. On dit que quand un foreur rencontre un autre foreur, ils se racontent des histoire de foreurs, que seuls les initiés peuvent suivre.
Qu’il me garde une place, le moment venu pour alimenter ces conversations!
Michel, si tu nous entends de là haut, je t’embrasse bien fort et j’écrase une larme après avoir évoqué cette fameuse époque,
Pour ton petit Marcel et sa maman Amy.
Mais je reviens au début de la campagne confiée à Michel au Sénégal Oriental. Pas de chance, après quelques forages, la Stenwick tombe en panne. Michel démonte et réalise que le marteau fond de trou est H.S. A l’époque il n’y avait pas encore de téléphones portables, et les communications entre la base et les chantiers s’effectuaient tout les matins, vers 7h00 par radio B.L.U.
Il faut donc que Michel revienne à Dakar, pour vérifier et prendre en charge le marteau de rechange, puis il repartira à l’autre bout du pays. Ça lui fait en gros 1500 km à parcourir le plus vite possible. Il prend donc le départ au volant de son 4X4 vers 10 h, et emmène avec lui Amy, qui lui tiendra compagnie et l’aidera à tenir le coup pendant la nuit. Premier arrêt à Kidira (frontière Mali, Sénégal). Alors qu’il n’est même pas sorti du Sénégal les douaniers sénégalais l’interpellent. Michel, qui est plutôt direct avec les africains, leur parlent avec l’accent du colonisateur. Le ton monte, d’autant plus que Michel avait croqué de la noix de cola, pour rester bien éveillé au volant.
Un inspecteur vient pour contrôler les papiers, Michel lui remet son permis. On lui dit de sortir du véhicule. Il sort. Puis particulièrement énervé, sans réfléchir, il y remonte en claquant la porte, et démarre brusquement.
Mais le problème, c’est que la veste de l’inspecteur est coincée dans la portière et que Michel ne s’en est pas aperçu aperçu tout de suite.
Il roule une dizaine de mètres, puis rouvre la porte. L’inspecteur libéré tombe par terre.
Il reste environ 600 km à Michel et Amy pour atteindre Dakar.
Cependant, il ne faut pas rouler la nuit en brousse, c’est trop dangeureux: charrettes ou voitures sans lumière, animaux errants, barrages de police sans signalisation..etc.
Du reste, la semaine dernière Boccar Cisse, chef du service de suivi des forages au ministère de l’hydraulique, en mission sur le chantier de Lichel, est mor
Michel et Mary se pointent chez moi vers 6h du matin. Ils ont roulé toute la nuit et doivent maintenant dormir.
En fin d’après midi quand je rentre du travail, ils m’expliquent leur équipée. On conclue que la police ne vas pas tarder à retrouver Michel, à cause du permis de conduire. Une seule solution pour lui éviter séance tenante la prison: lui trouver un protecteur sénégalais. Boubakar Kone a joué le jeux, mais a eu beaucoup de mal à convaincre l’inspecteur qui était revenu à Dakar. En fait c’est la nécessité de reprendre les forages, la notoriété de la Sonafor, l’insistance de Boubakar, puis l’intervention de son PDG, le Secrétaire Général du Grand Khalif des Mourrides, qui aurront pu éviter à Michel les affres de la prison africaine. On peut parier aussi que moults billets rouges ont dédommagé l’inspecteur de police, c’était bien la moindre des choses!.
Après cet épisode, Michel et Amy sont retournés au Sénégal Oriental, et les deux cent forages réalisés, les villages ont bien été équipés pour l’eau potable.
Sénégal 2
Mourir pour des tubages?
Sur l’agenda de la Sonafor, nous avons aussi une vingtaine de forages devant atteindre le Maestrichien. Il s’agit d’une couche de sables aquifères que l’on trouve à 400 m de profondeur à la frontière mauritanienne, partie Nord du Sénégal et à 600 m en Casamance, partie Sud. Puis à 800 m en Guinée Bissau.
Dans mon bureau je reçois un compatriote expert en tubes de forage. Il récupère sur les chantiers pétroliers, pour une bouchée de pain, des tubages restants, qui n’ont jamai servis, les reconditionne, et les marque à leur extrémité avec le sceau de l’API, l’American Petroleum Institut, ce qui lui permet de les revendre à un prix abordable, bien moins chers que du neuf.
Je me rends donc à son usine à Lyon, pour y réceptionner un lot de tubes que nous lui achetons pour nos forages en Casamance.
C’est là qu’un semi-remorque fou, et sans conducteur, lourdement chargé précisément de tubes de forages, dévale sans un bruit, la pente prononcée qui longe les bureaux de l’entreprise. Il croise alors le chemin que je viens d’emprunter, à pied, pour aller voir le stock de tubes réservés par la Sonafor. Il poursuit sa course et entre à toute vitesse dans un parking où il écrabouille complètement quatre véhicules en stationnement..
A 15 secondes près, j’étais mort!
Les tubes réservés sont convenables, les filetages aux deux extrémités sont neufs, les revêtements anti-rouille extérieurs et intérieurs sont OK. J’accepte le lot, important, qui nous sera envoyé, sans délai à Dakar. Nos trois semi-remorques les enlèveront au port et les distribueront sur les chantiers de forages.
Forages en Casamance
Nous envoyons en Casamance, notre foreuse « la 2500″ capable de forer jusqu’à 1000 mètres de profondeur. Le chef foreur et son équipe restent en permanence sur place et chaque forage est ainsi réalisé en continu jour et nuit, ce qui permet de gagner énormément de temps. Je me rends à plusieurs reprise à Ziguinchor, capitale régionale, où je descend à l’hôtel Haubert. Les bailleurs de fonds internationaux s’étant pris d’affection pour cette région du Sénégal, leurs nombreux partenaires sont souvent logés à cet hôtel, le meilleur de la ville, qui ne désemplit pas. C’est une aubaine pour les jeunes femmes de la région qui aiment la danse…et les danseurs. Tous les soirs, au club » le m’bonbolong », les couples s’y trémoussent au rythme syncopé de la salsa brésilienne.
Maïmouna, excellente et charmante danseuse de salsa, me donne là des cours tous les soirs, puis nous jouons les prolongations à l’hôtel, et finalement nous partagerons elle et moi une partie de notre existence ensemble à Dakar.
Mais revenons aux forages.
Il s’agit là d’hydraulique urbaine. Comme on sait que la nappe d’eau est profonde, mais puissante, on fait des forages profonds et de grands diamètres. Ainsi le débit de pompage de chacun d’entre eux, sera suffisament important pour permettre d’alimenter en eau potable plusieurs villages et/ou centres secondaires.
Au terme d’une année d’activité intense, la Sonafor aurra rempli le contrat et réalisé tous ces forages profonds. En qualité, en quantité et dans les temps.
Et voici une petite descriptions la Casamance.
www.letourdumonde.com
» Considérée par beaucoup comme la plus belle région du Sénégal et d’Afrique de l’ouest, la Casamance qui tire son nom du fleuve Casamance est situé au sud-ouest du Sénégal, entre la Gambie et la Guinée-Bissau. C’est un dédale de bras de mer, au milieu de centaines d’îles, parcouru par des milliers d’oiseaux. Les ornithologues ne seront pas déçus ! Une fois en Casamance, la forêt devient plus dense, l’eau plus abondante. C’est un monde exubérant ou une végétation luxuriante nous entourent aux milieux des rizières et des mangroves. Avec ses plages et ses vergers, la Casamance apparait comme un jardin d’éden. Ne manquez pas cette région lors de votre tour du monde !
Ziguinchor
C’est la plus importante ville de la Casamance, elle est beaucoup plus propre et nonchalante que Dakar, et c’est tant mieux ! Elle compte plusieurs hôtels agréables et de nombreux restaurants pour acceuillir les touristes. Avec ses jolies maisons coloniale, c’est dans le quartier de l’escale , le centre historique, que se concentre le patrimoine colonial.
Cap-skirring
Ici, on y trouve les plus belles plages du Sénégal, et les activités ne manquent pas, entre les sports nautiques, les excursions dans la mangrove, la pêche, et sans oublier la farniente, vous avez le choix ! En fin de journée, allez sur la plage au port de pêche pour y voir les pirogues débarquer leurs prises sur le sable, les poissons sont vidés, salés et séchés sur place. A 5 km au nord de la ville, se trouve le musée Kadiout niché au cœur d’une belle forêt de fromagers, présentant la culture Diola. Un guide vous parlera de la récolte du vin de palme, de la culture du riz, du fétichisme, des rites animistes et vous aurez l’occasion de voir les impressionnante racines des fromagers.
Oussouye
Située entre Ziguinchor et Cap-skirring, Oussouye est une paisible bourgade ou la culture diola est plus persistante qu’ailleurs. Le village est entouré d’épaisses forêts, dont la plupart sont des bois sacrés de la tradition Diola. Chaque année avant la fin de l’hiver et pendant une semaine, a lieu la fête du roi d’Oussouye. Il y a des danses, de la musique, et des tournois de lutte traditionnelle. Le roi d’Oussouye, est connu et respecté par tous les Diolas de la région. C’est à la fois le chef religieux et politique de son royaume, c’est lui décide des différentes étapes qui rythment la vie des habitants, comme par exemple, il fixe la date des grands travaux agricoles et des cérémonies importantes.
L’île de Karabane
A l’embouchure du fleuve Casamance, le réseau de bolong et la mangrove constituent de multiples îles dans l’estuaire salé, et l’île de karabane en fait partie. La géographie exceptionnelle du lieu permet de sillonner tout l’arrière-pays en pirogue pour découvrir une flore exceptionnelle comme les baobabs, fromagers, palmiers, eucalyptus, manguiers, papayers, palétuviers …
L’île aux oiseaux, la réserve ornithologique de Kassel
On y observe des Ibis, des sternes et le fameux pélicans blancs (celui qui pique le jeu jumanji dans le film ).
Comment venir
Par avion depuis Dakar: l’aéroport de Ziguinchor, point d’accès pour la Casamance, est relativement bien desservi. »
Ndlr :Toutefois je me souviens qu’en 1976, le pilote du bimoteur dans lequel j’avais pris place, au départ de Ziguinchor, avait pris le risque de décoller malgré un bruit de moteur inquiétant lors du point fixe. En criant: « Banzaï » ! Résultat: le moteur droit en carafe, juste après le décollage. Retour donc à la case départ, à la casamance, avec virage et atterrissage sur un seul moteur. Le lendemain matin, le moteur réparé, nous embarquons déjà moins nombreux que la veille. Rebelote, avant de décoller l’avion sort de la piste, et roule dans un champ de patates. Secoués par la traversée des sillons à vive allure, nous avons vraiment eu peur que l’avion ne se renverse.Le pilote également, qui est descendu du cockpit en pleurant terrassé par l’émotion!
Le lendemain matin, nous n’étions plus que trois passagers en cabine dans un autre avion, avec un autre pilote, venus d’urgence de Dakar. Les autres passagers, échaudés ayant préféré faire le trajet en taxi brousse, cahotant et surchauffé. Quant à nous, le vol retour s’est enfin bien passé! »
En voiture: le plus simple est de prendre la transgambienne qui pars de Dakar. Cela représente 450 km, c’est long mais c’est idéal pour suivre l’évolution de la géographie et constater la richesse naturelle du pays. La traversé du fleuve Gambie prend environ 15 minutes, mais l’attente peut être longue.
Par bateau : c’est sans conteste le moyen de transport le plus agréable pour rejoindre Ziguinchor depuis la capitale. »
Ndlr: Il faut cependant signaler que la navigation n’est pas sans danger, à cause notamment d’un haut fond à l’embouchure du fleuve Casamance, dangereux en cas de forte houle. C’est ce qui a causé le naufrage du Ferry « le Diola » , dans la nuit du 26 septembre 2002, avec 1832 morts. Ça et là, dans la forêt ou les champs de riz, des stèles à l’entrée des villages égrènent les noms des malheureuses victimes, commémorant ainsi cette tragédie qui a privé, à tout jamais, la Casamance d’une part importante de ces forces vives.
Forages en terre Mouride.
Le mouridisme est une confrérie musulmane soufie fondée à la fin du xixe siècle par le cheikh Ahmadou Bamba. Elle joue un rôle économique et politique important
Les fidèles effectuent un pèlerinage annuel dans la ville sainte de Touba, au centre du Sénégal, le Magal, qui commémore le départ en exil, en 1895, de cheikh Ahmadou Bamba sous la pression de l’autorité coloniale française. Confronté à l’administration coloniale que sa popularité grandissante commençait à inquiéter, Ahmadou Bamba fut déporté au Gabon de 1895 à 1902, en Mauritanie de 1902 à 1907 puis retenu en résidence surveillée au Sénégal jusqu’à sa mort en 1927.
Le Magal est célébré depuis 1928, l’année ayant suivi la mort de Bamba. En 2011, le grand magal a rassemblé plus de trois millions de pèlerins.
La confrérie est organisée selon une structure décrite par certains comme féodale, car elle est fondée sur l’obéissance totale à une autorité spirituelle, le Khalife général des Mourides, descendant en ligne directe du fondateur .
Rappelons que le PDG de la Sonafor n’était autre que le secrétaire particulier du Khalife général des Mourides. La confrérie, vouée à la culture de l’arachide, avait de grands besoins en irrigation, et en eau potable, notamment pour le grand Magal, qui réunissait chaque année, à Touba, pendant une à deux semaines, plusieurs millions de pèlerins. Tout naturellement, la Sonafor avait été mobilisée par son PDG, pour réaliser tout d’abord des forages, payés par la confrérie, autour de Touba.
Par la suite, le Ministére de l’Hydraulique a inclu dans son programme, financé par les donateurs musulmans, des forages à proximité des villes et des exploitations agricoles de la région mouride. La Sonafor n’avait donc eu aucun mal à gagner les appels d’offres.
En 1986, la Sonafor a donc réalisé une campagne de forages dans la région habitée par les Mourides, autour des capitales temporelle de Louga et religieuse de Touba.
Il s’agit de forages semi-profonds, dans la quaternaire et le continental terminal (de 200 à 400 m) que Sonafor a réalisé avec une de ses deux foreuses à câble, type Failing Jeda.
Forages sur la petite côte.
Enfin, le Ministére avait également programmé des forages d’eau potable pour les villes de la « petite cote » zone touristique en pleine croissance, située entre Dakar et Joal. Là encore, Sonafor avait gagné les appels d’offres haut la main, et réalisé les forages avec sa deuxième Failing Jeda.
Le carnet de commande était plein, avec les chantier de Casamance, de la zone mouride et de la petite cote. Et avec aussi la campagne de forages au Sénégal Oriental, que j’ai évoquée plus haut.
Avec le recul, je comprend donc, comment SEEE, qui s’était engagée à fond dans la privatisation de la gestion de Sonafor, avait mené, de main de maître toute cette affaire,
en obtenant par la suite ces quatre campagnes de forages.
Et pouquoi fin 1986, elle avait de toute urgence besoin d’un nouveau DG. La coïncidence avec mon retour de Polynésie française se révélait donc tout à fait opportune.
Mes maintenant après la période de surchauffe quand nos ateliers de forage tournaient à plein, notre carnet de commande était vide.
Il nous fallait donc partir à la recherche de nouveaux clients.
Nous avons décidé de démarcher le Ministère de l’hydraulique au Burkina Faso, et en prévision de commandes prochaines, nous y avons acheminé un atelier de forage, puis embauché sur place plusieurs foreurs locaux, et j’avais demandé à Michel Mary d’aller s’installer à Ougadougou, pour suivre tout ça.
Forages au Burkina Faso
Enfin, comme prévu, nous avons obtenu du ministère de l’hydraulique du Burkina Faso, un programme de forages , proches de la capitale. Je suis allé moi-même faire une formation rapide à notre équipe. Les foreurs étaient surpris de voir le DG de la fameuse Sonafor, les clés à griffes en main, visser et dévisser les tubages, puis démarrer la foreuse et forer le forage…
Lorsque je suis rentré à Dakar. Michel n’était pas encore prêt à partir. Il connaissait bien le Burkina Faso, et était bien connu là bas.
Cependant il y avait fait un mois de prison, quelques années auparavant pour d’obscures raisons que je n’ai pas cherché à comprendre. Ce mois s’était bien passé, les prisonniers noirs le respectaient car il avait l’autorité d’un chef de chantier, et ça les rassurait. D’ailleurs dès son entrée dans la salle commune, il avaient engueulé les prisonniers car tout était crasseux. Il a demandé des balais, des seaux d’eau, de la Javel…etc, et mis tout le monde au travail! Ça avait remonté le moral de la compagnie. De plus il pouvait discuter avec des collègues de bonne éducation, tous pris les doigts dans la confiture, ou carrément la main dans le sac, lors de l’exercice de leurs éminentes fonctions.
Il avait été libéré au bout d’un mois, et ne savait pas, ni pourquoi, ni comment.
Notons que les entreprises étrangères travaillant en Afrique, tiennent à maintenir de bonnes relations avec leurs clients, en général l’Administration. Elle savent mettre de l’huile dans les rouages, pour fluidifier les contacts et les circuits.
Dans la cuisine africaine un ingrédient fondamental pour réussir une bonne sauce, c’est l’huile rouge….
Rouge comme la couleur des gros billets. (www.google.huile de palme).
Ça permet, en cas de gros pépins de trouver des bonnes solutions qui arrangent tout le monde.
Avant de retourner au Burkina, quelques années après ses exploits, Michel avait besoin de savoir s’il pouvait y aller, sans ennuis.
Un ami de Dakar qui partait là bas, a pu le rassurer: « le gouvernement a changé ». Ça on le savait: Thomes Sankara, venait de prendre le pouvoir. « Michel, personne ne se soucis de ton histoire, c’est de l’histoire ancienne. Tu peux retourner là bas, ils ont d’autres chats à fouetter ».
Michel est donc retourné là bas. Avec Amy.
Malheureusement, notre programme de forages n’a pas bien marché. Les dépenses étaient trop élevées et Michel ne s’entendait pas avec le chef d’agence de SEEE.
Une autre raison, c’est qu’habitant en ville Michel passait avec ses copains des soirées bien arrosées. J’ai bien connu l’équipe, tous très sympas, mais trop alcoolisés, comme ça arrive souvent en Afrique: deux ou trois pastis à midi pour l’apéro, repas et sieste, boulot, et rebelote le soir, pastis, diner au restau bien arrosé, whisky coca, un, deux trois à la boîte de nuit, souvent retour à la maison avec une gazelle burkinabé, un dernier coup de rosé après la dispersion de gênes…repos bien mérité mais aussi bien aviné.
Réveil la tête dans le cul, douche froide, Alka Celzer et glaçons, encore un temps de repos avant de partir, une bière pour dégraisser la bouche et se donner du courage. ALLEZ c’est parti, on y va!
….et Michel arrivait bien tard le matin au chantier.
L’agence a arrété les forages. Faut dire que ce n’était pas le métier du chef d’agence…Et il ne savait pas comment gérer un foreur comme Michel. Un chef de chantier de forage, doit être présent au démarrage de la journée pour vérifier, avec son équipe, les niveaux d’huile, et démarrer les machines: la foreuse et le compresseur.
Puis assister à la redescente du train de tiges jusqu’à la profondeur atteinte la veille. Et enfin à la reprise de la foration à partir du fond du trou. Si tout va bien, il fait confiance à ses foreurs pour forer tout seuls. Il va en général prendre un café chez lui et se reposer un peu de la nuit précédente. Il repassera plus tard, peut être deux ou trois fois dans la journée, et s’il y a un problème de mécanique il s’attachera à le résoudre. Puis il repasse une dernière fois à la fin de la journée de travail, pour faire le point et vérifier que tout est OK pour redémarrer demain sans problème. Si problème de mécanique, ou d’approvisionnement (pièce détachée, eau, gas oil,..) il s’attachera à le résoudre avant d’aller se coucher quitte à y passer la nuit. Le forage est une lutte contre le temps.
Donc rien à voir avec l’emploi du temps, à heure fixées, d’un bureaucrate. Le chef de chantier forages doit être un bon mécanicien car les casses sont fréquentes. Tant que les machines ne tournent pas, à cause de tel ou tel problème, il doit tout faire pour rétablir la situation rapidement. En fait, il n’a tout simplement pas d’horaire.
Le chef d’agence ne voulait rien comprendre de tout ça; il exigeait une présence fixe de Michel sur le chantier conforme aux heures de bureaux. C’est pour ça qu’il ne se sont pas entendus.
Un an plus tard, nos campagnes de forages au Sénégal sont terminées, au Burkina Faso ça a foiré et nous n’avons maintenant en commande qu’un unique forage pour la Coopération italienne.
HCR, sénégal/mauritanie
Je reçois alors la visite d ‘un expert hydraulicien du UNHCR (Haut commissariat des Nations Unies pour les réfugiés). Il voudrait savoir si la Sonafor accepterait de réaliser, gratuitement, des forages pour l’alimentation en eau de réfugiés dispersés le long du fleuve Sénégal, qui marque la frontière entre le Sénégal et la Mauritanie.
Il y a peu de temps, en effet, vers la ville de Bakel, des coups de fusils sont échangés entre riverains, à propos d’un îlot situé au milieu du fleuve. Problème foncier et problème d’usage entre des éleveurs mauritaniens et des cultivateurs sénégalais. Pâturage et cultures ne sont pas compatibles. C’est un conflit fréquent sur tout le continent africain: les surfaces cultivées réduisent les pâturages, ça gêne les éleveurs et le bétail mange les cultures, ça gêne les cultivateurs.
A partir de l’ilôt, la rumeur du conflit descend d ‘Est en Ouest au rythme des pirogues, de Bakel, jusqu’à Saint Louis, située à l’embouchure du fleuve. Cette rumeur n’est perçue dans un premier temps que comme un fait divers habituel.
On disait qu’une négociation entre les deux pays conduirait, comme d’habitude à un accord. Mais, au contraire, suite à une incursion nocturne des cultivateurs sénégalais, qui auraient fait des victimes parmi les éleveurs maures, la rumeur s’affole et s’amplifie en atteignant les deux capitales: Nouachott, celle de la Mauritanie et Dakar, celle du Sénégal.
Et là, immédiatement c’est l’explosion.
Trop tard pour gérer la crise. Les deux présidents, n’ont rien pu faire. Insouciance, ignorance et finalement impuissance criminelle, ils avaient laissé monter la conflit…Mais le comble de l’incompétence criminelle revient à RFI, Radio France Internationale qui diffuse ces informations dès 06h du matin. Ainsi au réveil, on apprend à Nouackchott, que les cultivateurs sénégalais, traversant le fleuve, auraient fait un raid nocturne sur la rive mauritanienne, et qu’il y aurait eu, dans la nuit, des morts maures. La rumeur devient une certitude, on commence ça et là, à crier vengeance. Et au lieu de se rendre au travail, la population se dirige vers le quartier des blacks. On y fait la chasses aux résidents sénégalais et on les tuent sur place, avec la cruauté abominable, et malheureusement courante en afrique lors d’ affrontements ethniques.
Immédiatement dès qu’on apprend par RFI que les mauritaniens massacrent les résidents sénégalais, en représaille, au Sénégal on massacre les résidents mauritaniens. Même des amis d’enfance, avec leur femmes et leurs enfants.
Chaque lendemain matin, Radio France International, relatant les massacres de la veille chez les uns provoquaient ainsi, en représailles, de nouveaux massacres chez les autres. Les transistors étaient tous sur la fréquence de RFI! Et ainsi de suite. Situation atroce et complètement absurde qui a fait plusieurs milliers de morts, et perduré pendant deux semaines jusqu’à l’établissement tardif par la France, et le Maroc, d’un pont aérien pour ramener chacun chez soi.
Devant ce désastre les dirigeants des deux pays avaient appelé à l’aide les Nations Unies, donc le Haut Commissariat aux Réfugiés. Il n’y avait, à proprement parlé pas de camps de réfugiés, car ceux-ci étaient plutôt répartis de part et d’autre, en retrait, le long du fleuve.
Il fallait maintenant leurs fournir des vivres et et surtout de l’eau potable.
Certes la Sonafor était à la recherche de clients, oui, mais de clients payants! Malheureusement donc, pas question évidemment, de forages gratuits. Du reste, je me demande encore, pourquoi le HCR ne voulait pas, ou ne pouvait pas payer ces forages? Nous aurions pu faire une belle campagne propre à fournir rapidement de l’eau potable aux réfugiés des deux bords!
Cependant avant de prendre congé, l’ingénieur du HCR m’informe qu’ il recherche un ingénieur hydraulicien qui serait affecté au programme, en cours d’élaboration, pour l’assistance aux réfugiés du Libéria et de la Sierra Léone. Accepterais-je d’en assurer, sur place, la position de coordinateur de la partie hydraulique ? J’accepte cette proposition avec d’autant plus d’enthousiasme, que mes jours à la tête de la SONAFOR sont comptés. . Lors une d’inspection, le PDG de SEEE nous ayant traités, Kone et moi même, de couilles molles!
En route vers de nouvelles aventures….!
Olé!
Un mois de vacance avec les gazelles
Toutefois il me faudra attendre un mois pour que le programme d’assitance aux réfugiés du Liberia et de la Sierra Leone soit formalisé, et approuvé par les états bénéficiaires. Après ce délai, on m’attendrait au siège du HCR, Palais des Nations , situé au bord du lac à Genève, pour la signature de mon contrat de coordinateur des ONGs pour l’alimentation en eaux potable des camps de réfugiés du Libéria et de la Sierra Leone.
Un mois de vacances avec les gazelles
Je suis donc resté à Dakar pour y prendre des vacances d’un mois en décontraction totale.
J’y ai claqué mes économies. J’étais domicilié dans un de petit bar, « La dakaroise » vraiment sympa, point de rencontre des intellos noir(es) ou blanc(hes). Et des entrepreneurs du secteur privé qui pétaient tous le feu!
Pour moi, chômeur repris de justesse, la jounée commençait à l’ouverture par Dédé, et son adorable petit chien blanc, de son estaminet; on poursuivait par l’apéro, Dédé offrait le 3ême verre, sachant bien que le buveur y perdrait la tête: un verre ça va, deux verres bonjour les dégâts, trois verres, bingo Dédé encaisse!
Après c’était le repas entre copains, servi par Ibou, cultivé et très sympa lui aussi. Curieusement la salle à manger, avait un plafond bas, aussi bas que le notre après les apéros!
Au cours d’une mission ultérieure au Mali, j’ai pu observer en pays Dogon que les espaces de réunion dans les villages avaient également un plafond très bas. Ceci m’a-t-on dit pour éviter les écarts éventuels des participants. S’ils sont en colère, il se lèvent brutalement et se cognent la tête. S’ils font attention, alors ça les calme.
Je propose une autre explication faisant référence aux Telems, habitants préhistoriques des falaises de Bandiagara, dans la région, bien avant les dogons. Il a été établi ces derniers étaient tous nains. Du coup on pourrait avancer que leurs espaces de réunion avait un plafond bas! Je ne suis pas ethnologue, mais ça me paraît censé. N’est ce pas?
Pendant le repas les bouteilles de vin rosé défilaient, on discutait passionnément mais on ne constatait pas les querelles habituelles entre buveurs éméchés…
Les gazelles
A la grande table siégeaient aussi nos copines, régulières ou occasionnelles. Les plus belles filles de Dakar, attirées par notre gentillesse et par l’espoir d’établir avec l’un d’entre nous une relation durable qui pourrait, Inch’Allah, l’aider à nourrir sa famille, et qui sait, plus tard se conclure, après un voyage en France, par un mariage, des enfants, une maison au Sénégal ou en France…etc.
Quand cela ne marchait pas aussi bien les retours en France s’effectuaient alors en solitaire, laissant sur place, des compagnes désemparées. Mais il leurs restaient les cadeaux et, « on peut toujours rêver »…, l’espoir de retrouvailles lors d’un éventuel prochain contrat. Comme cela arrive parfois. Certains, tenaillés d’avance par le remord, essayaient de refiler leur fiancée, à des copains, nouveaux arrivants.
Bien sûr il y avaient aussi des filles non engagées, libres, qui pour un ou deux billets rouges étaient heureuses de partager la sieste avec un toubab,….et les autres.
J’ai déjà expliqué plus haut que cet argent était pour ces gazelles, une ressource, dont une partie envoyée au village permettait de faire vivre leur famille. J’indique que l’on trouvait souvent une mère seule à la tête d’une famille: le mari meurt souvent avant sa femme, emporté par la maladie, ou bien sans emploi il quitte le village pour la ville, ou encore désespéré de son impuissance à nourrir la famille, il s’en remet au sort , pour trouver, peut être ailleurs un travail. Ou encore tout simplement il part courir l’aventure.
Dans ces cas là, la seule ressource de la famille restée au village, c’est la fille en âge d’être mariée, qui doit partir en ville pour exercer son travail nocturne. Elle fera alors tout pour cacher ces activités, que personne au village ne voudrait envisager.
D’ailleurs, tous les ans elle programme un retour au village, et achète à cette occasion une tenue complète et une paire de chaussures toutes neuves. Elle achète aussi un paquets de tresses « Lynda » , la meilleure marque, et se rend chez la coiffeuse pour faire tresser sa tête.
Arrivant à son village, bien propre, bien habillée et bien tressée, elle prendra plaisir à étaler sa « richesse » qui honore sa famille: ma fille a réussi !
Dans certain cas si elle a trouvé un amoureux, celui-ci l’accompagnera avec sa voiture au village. La bonne impression est encore plus forte, surtout si c’est un toubab.
Evidement cette description réaliste est un peu ambigüe, dans le sens où elle ne présume pas de l’avenir.
Mais il existe bien des cas, où liée par un amour sincère et partagé, la gazelle habite, et vie avec son blanc, à la maison.
Les comportements sont alors les mêmes qu’en métropole: « selon que vous serrez puissants ou misérables…. ».
Cette description concerne, à l’évidence les relations mixtes entre une femme noire et un toubab (homme blanc). Cependant je n’ai pas dit que toutes les jeunes femmes noires se jetaient dans les bras de l’homme blanc. Je me suis simplement borné à raconter ce que j’ai vécu, connu, ou observé, sans prétention, sans jugement, sans introspection, et nous verrons, peut être sans suite.
Je me garderai bien de faire de même au sujet des couples sénégalo-sénégalais, qui représentent je suppose 95 % des mariages.
Il existe aussi des couples mixtes , dans l’autre sens, homme noir, femme blanche mais ils sont beaucoup moins fréquents.
Que pensent les africains de tout ce méli-mélo?
C’est simple, comme chez nous:
Un français et une sénégalaise, très bien si l’homme est sérieux. Agrément renforcé s’il se converti à l’Islam. On l’accueille dans la Ouma, la confrérie.
S’il est dépravé, leur couple sera jugé infréquentable.
Arrivé à ce point, le lecteur comprendra donc, qu’au Sénégal comme dans tous les pays d’Afrique, la philosophie 3B (Bouffer, Boire et B……?, à vous de deviner) était, à l’époque facilement adoptée par les blancs, ébahis lorsqu’ils arrivaient d’Europe par tant de disponibilité.
Et adoptée aussi par bien des noirs. C’est en fait plus une question de position sociale, de revenus, de caractère et (enfin!) d’Amour plus que de couleur de peau.
D’ailleurs les africains (pas ceux qui ont fait la Sorbonne!), et parfois les blancs aussi distinguent trois sortes de blancs:
– Le grand patron: terme utilisé également pour qualifier les noirs qui ont bien réussi.
– Le blanc: expatrié qui arrive en mission avec un bon contrat,
– Le petit blanc, sédentaire, mais sympa,qui court après la réussite depuis des années.
Il y a aussi le bon blanc et le mauvais blanc…
Tout ça fait un peu « Tintin au Congo » mais il
en était ainsi dans les années 70/80.
Bien sûr la situation a évolué depuis.
Retour à la Sonafor
Trente ans plus tard je suis retourné au Sénégal pour une mission auprès de la SONES, société nationale des eaux du Sénégal.
J’ai fais, par curiosité un tour à là Sonafor, la matin, vers 9h
Le portail est fermé, je rentre par la petite porte, quelques hommes inactif dans la cour.. la failing 2500 dans un état pitoyable..on me reconnait, on s’approche de moi, on se serre la main et on discute.
J’apprends que la Sonafor a été déclarée en faillite en l’an 2000, mais vingt ans aprés une partie des employés vient tout de même, tous les jours à la Sonafor, espérant qu’un jour un sauveur viendra reprendre la société et la remettre en marche! Est ce que je suis le sauveur?
Je leur explique que je ne peux pas l’être, que je suis venu pour la SONES, comme chef de projet, un projet qui démarre ces jours ci. Aucun des hommes présents autour de moi n’a pu retrouver un travail, depuis vingt ans! Ils ont essayé de maintenir le matériel en état, mais la rouille a fait, inexorablement son travail de destruction. Tout ça fait pitié, ça donne presque envie de pleurer, quand on pense à la belle époque…
On m’explique qu’à mon départ un nouveau DG a été nommé. Il s’agit de Mamadou, auparavant chef du service de l’exploitation au ministère de l’hydraulique qui s’est servi à loisir sur la béte, faisant par exemple des forages gratuits au profit de son frère pour l’irrigation de champs potagers. Etc, etc.. jusqu’à la faillite. Pour ceux qui sont là autour de moi, c’est bien le DG sénégalais qui a coulé la Sonafor…
Nous nous quittons en échangeant quelques bonnes paroles. …et je n’en ai plus jamais entendu parler.
Guinée 1
Aéroport de Conakry
J’arrive par avion, vers 22h à Conakry. Il fait une chaleur lourde et humide et il me faut un bon moment pour passer les formalités. Il y a foule dans le bâtiment, vétuste de l’aéroport. Je suis tout de suite étonné de l’autorité et du comportement inamical des douaniers. Néanmoins l’expérience du dialogue avec « les autorités » que j’ai acquise pendant quatre années au Sénégal, me permet de parvenir sans encombre au bout de cette première épreuve. Une certaine décontraction, des inférences communes, mes références africaines que je ne manque jamais d’évoquer, et mon passeport bleu des Nations Unies: me voilà reconnu comme un expert et un grand patron. Je peux leur parler avec un mélange de respect et d’impertinence, l’un faisant passer l’autre.
J’identifie mon chauffeur dans la salle d’attente, grâce au logo du HCR, agité au bout d’une perche. Il s’agit de Mustapha Fodé, chauffeur du Représentant du HCR, qui m’accompagnera à maintes reprises dans ma longue mission…. près de deux années.
D’emblée, nous discutons, sans protocole dans le rutilant et luxueux 4×4, flanqué d’un drapeau diplomatique. Je retrouve ici une ambiance africaine que je connais bien. Cette connaissance me donnera souvent une longueur d’avance sur mes collègues du HCR, qui en face des difficultés à résoudre, se noyaient parfois dans un verre d’eau.
Et franchement cette ambiance, me mettait à l’aise, me sécurisait, et rassurait aussi mes interlocuteurs guinéens: je leur parlais comme ils avaient l’habitude d’entendre. Et non pas comme un expert blanc parachuté chez eux, qui ne pouvait arriver à les comprendre.
Du coup, j’avais aussi une facilité à identifier rapidement les problèmes, et de ne pas passer à côté des solutions…
Il est une heure du matin, Fodé se gare à l’hôtel, saisit ma valise, m’accompagne à la réception, et monte jusqu’à ma chambre pour s’assurer que tout est OK (en particulier au niveau sécurité).
Bonne nuit, et rendez vous demain à 18 h.
Maintenant, c’est la nuit de samedi à dimanche. Repos, rideau, dodo.
Les deux gazelles
Réveil, aujourd’hui c’est dimanche. Tout va bien, c’est la belle vie qui recommence.
Après le p’tit dej., piscine au bord de la mer, un peu de nage…bla, bla,bla. J’ai oublié et on s’en fout! Par contre, ce que je n’ait pas oublié, c’est après le repas et la sieste, le monde qui bronze autour de la piscine, et particulièrement deux superbes gazelles que je détaille de loin avec attention. Mais en détaillant, on attire fatalement le regard des autres. Je deviens…. l’observateur observé! Il est temps pour moi de transcender cette dualité, en m’harmonisant physiquement et mentalement avec ces partenaires potentielles. Je m’approche, présentations, sourires et discussions, je leur offre un verre, sans alcool et nous continuons à bavarder. Nous avons tellement à apprendre, moi d’elles et de leur pays, elles de moi et du HCR; nous sommes vraiment sur la même longueur d’onde.
Puis il est temps de concrétiser, je choisi la plus belle, mais elles sont belles toute les deux, et lui donne mon numéro de chambre. Enfin, je me lève et me dirige vers le lieu de rendez vous. Je referme la porte et j’attends. Cinq minutes passent, un petit toc toc, et la gazelle, à mon invite prend une douche chaude et s’étend sur le lit à mes cotés. Passons les détails…ce fût un bon moment: l’unification physique et mentale entre partenaires étaient réussie.
Nous discutons un moment, le pays encore, la famille..etc et je suis vraiment sous le charme. Pour finir, je la gratifie d’un billet rouge, et je somnole pendant une petite heure…retour à la piscine, ma conquête est partie mais son amie est toujours là. Discussion, bain, massage relaxant, et je lui fais la même invitation qu’à sa copine.
Pas la peine de donner les détails, c’était vraiment pareil. D’ailleurs ces deux gazelles sauvages, elles étaient sœurs. Elles étaient vraiment des bonnes sœurs! et m’avaient même parlé, du fond du cœur, de leur troisième sœur.
Quelques semaines plus tard, j’ai eu l’occasion de lier connaissance avec la troisième de ces bonnes sœurs…Elle était la meilleure. Avec une ligne de hanche somptueuse.
Comme le chantait Michel Sardou:
« Entre le gin et le tennis (pénis?), les réceptions et le pénis (pastis?).
On se serait cru au paradis, …iiiiii,
au temps béni des colonies….iiiiii ».
Bref, cette première journée d’expert aux Nation Unies, fût une belle prise de contacts. En toute discrétion.
Quoique j’ai eu l’impression que d’autres experts, allongés autour de la piscine, n’avaient rien manqué de la partie visible de notre petit manège triangulaire!
Olé! 😏😄
Chez Madeleine.
Le soir, le chauffeur me dépose « chez Madeleine » le restau le plus fréquenté de Conakry. Les étrangers y sont majoritaires, surtout ceux du monde humanitaire. Pas étonnant: dès qu’une catastrophe humanitaire survient où ce que se soit, les experts et volontaires des UN, des PTF (nouveau sigle, élégant, des bailleurs de fonds transformés en Partenaires Techniques et Financiers), et des ONGs pullulent dans les hôtels de la capitale, comme les mouches attirées par de la (?)….
Une tartine de miel! 😏.
Je suis enchanté, et je le dis, de faire connaissance avec M. Coat, ex-DG de L’ONI (Office National de l’Immigration), ici représentant officiel du HCR (avec rang d’ambassadeur), avec sa secrétaire et un logisticien. Notre petite équipe démarre donc le « Programme d ‘assistance aux réfugiés du Liberia et de Sierra-Leone. »
Pendant le repas nous nous présentons les uns aux autres. Chacun décrit son expérience et M. Coat nous impressionne beaucoup en nous parlant du camp de réfugiés de Péshawar, au Pakistan. Un million de réfugiés! Il en a été le directeur pour le HCR, pendant un an. Il nous parle de sa satisfaction d’avoir réussi, avec la coopération bien organisée, des grandes ONGs internationales, à accomplir sa tâche sans trop de difficultés. Sa secrétaire, qui est libanaise et permanente au HCR, à Genève nous indique qu’elle intervient surtout pour le démarrage des programmes humanitaires. Le logisticien nous informe enfin que c’est là, ça deuxième mission; quant à moi je déclare avec fierté et un peu de morgue, que je ne connais rien de l’Humanitaire! Et je leur parle de mon expérience africaine de quatre ans, récemment acquise comme DG de la Société Nationale de forage du Sénégal.
Curieusement, je les sens rassurés d’avoir dans l’équipe un habitué des africains et je réalise, qu’ils devaient se sentir un peu isolés dans le contexte si particulier, et un peu hostile (mais chez les « autorités » uniquement), de la Guinée. Contexte que j’avais pour ma part ressenti, dès l’arrivée à l’aéroport.
Puis M. Coat me parle d’une réunion récente qu’il a eu au Ministère de l’hydraulique. Interdiction de faire passer sur les ponts, tous en bois de la province de la Guinée Forestière, des équipement de plus d’une tonne! Je fait état de ma consternation, puisque un atelier de forage complet pèse environ 15 tonnes! Et là, M.Coat me réitère l’ordre du Ministre. « Vous n’avez qu’à creuser des puits àla pelle ». Facile à dire, mais à la pelle pour 400.000 réfugiés, faut le faire!
Bon je dis, oui, j’ai bien compris, OK, j’abandonne les forages. Tout en sachant très bien, en mon fort intérieur que « Oui, je les feraient quand même ». Aux UN, on ne contredit pas un diplomate, de surcroit Chef de Mission.
Cependant ma première mission était de lancer un appel d’offres interégional pour la réalisation de 19 forages d’eau potable.
En fait 19 seulement, c’était un test. Après on verrait bien.
Le HCR
Etant missionné par le Haut Commissariat aux Réfugiés des Nations Unies (le HCR), j’étais le coordinateur de l’alimentation en eau potable des camps de réfugiés et donc je coopérais avec des organisations humanitaires telles que: Médecins sans frontières, Ingénieurs sans frontiéres, Médecins du monde, Association internationale contre la faim, Première urgence…etc. Ces ONGs, sous contrôle et coordination du HCR gèrent les camps de réfugiés: eau potable, nourriture, habitat, hygiène et santé.
Les opérations humanitaires sont financées par les bailleurs de fonds cités plus haut, mais aussi par leurs fonds propres collectés lors de campagnes de sensibilisation grand public (fund raising in english).
Et le HCR assure la coordination générale avec d’autres agences des Nations Unies qui s’associent aux programmes d’assistances au réfugiés du monde entier:
– Le PAM, programme alimentaire mondial qui achemine la nourriture vers les camps, avec une logistique lourde,
– l’UNICEF qui assure le suivi des enfants, donc des mamans, de leur alimentation, et de leur éducation, de leur sécurité,
– l’OMS qui veille à maintenir la santé dans les camps, en construisant en particulier des latrines, un cimetière, et en contrôlant l’eau potable pour éviter la propagation d’épidémies de choléra, mortelles et effroyablement rapides. Des centaines, voire des milliers de réfugiés peuvent être emportés par le choléra en quelques jours (et parfois le personnel soignant au contact, donc très exposé). Heureusement des ONGs telles MSF ou MDM savent comment juguler une épidémie de choléra en construisant des hôpitaux de fortune et en dépêchant de toute urgence des médecins bénévoles et des infirmiéres (qui quittent leur travail en métropole pour s’investir quelques semaines dans les camps): je les ai vus mettre fin à des épidémies de choléra, dans plusieurs camps de réfugiés au Zaïre.
Le HCR et les agences mentionnées missionnent leurs experts internationaux (dont moi-même) sur le terrain. Ils embauchent aussi sur place du personnel national compétent et coopérent avec les administrations et les ONGs locales.
Ainsi cette opération á laquelle je participe a débuté en Guinée, avec quatre personnes (le représentant du HCR, sa secrétaire, un logisticien et moi- même) pour dépasser en six mois un total de 3000 personnes.
Autres exemples:
– le programme d’assistance aux réfugiés au Liberia était dimensionné pour 400.000 réfugiés répartis dans 20 camps.
– Le plus grand camp humanitaire du monde, á cette époque, ètait situé á Arucha en Tanzanie: 900.000 réfugiés.
L’appel d’offre a abouti à sélectionner l’antenne guinéenne d’ une entreprise allemande, internationale: Prakla Séismos, bien connue dans plusieurs pays d’afrique et présente à Conakry depuis longtemps.
Je n’ai pas eu à m’impliquer outre mesure, pour cette consultation, dont j’avais confiée la réalisation au SNAPE, la Société Nationale d’Approvisionnement en Eau Potable. C’était, en effet, son attribut ordinaire.
Alors que les réfugiés du Libéria et de la Sierra Leone, fuyaient depuis quelques mois leur pays et les massacres qui s’y déroulaient, ils étaient acceuillis, amicalement, à la surprise générale, par les populations des villages guinéens proches de la frontière. Pour l’année que j’ai passée en Guinée Forestière il n’a donc pas été nécessaire d’établir des camps de réfugiés.
Quant à moi mon rôle se limitait à l’implantation des forages, au contrôle de leur exécution et de l’installation d’une pompe manuelle en tête de chacun. Tout ceci avec l’aide du SNAPE, pour lequel le HCR avait fait construire une agence régionale à Nzékoré.
Les premiers résultats se révélant satisfaisants, leur nombre furent étendu à 100 villages, puis ultérieurement à 150 et enfin 200.
Finalement, les choses c’étaient plutôt bien passées: les villages guinéens s’étaient substitués au HCR pour l’hébergement des réfugiés et ils avaient bénéficié en retour de l’alimentation en eau potable. Par contre, il restait à construire de nouvelles cases dans chaque village, submergé par l’afflux de nouveaux réfugiés; «
Et subsistait aussi la question sanitaire.
Les maisons en ville, les cases et les latrines dans les villages.
En ville les constructions sont réalisées en briques de banco. Crues ou cuites.
Le banco, c’est une sorte de boue obtenue en mélangeant un sol sablo-argileux avec de l’eau. Puis on a un moule en bois, que l’on rempli avec ce banco, en le tassant. Et enfin on laisse le moule plein, en plein soleil pendant plusieurs jours pour le faire sécher, et le durcir. Au démoulage on obtient donc une brique crue, qui sera l’élément de base des constructions. Selon les cas ses briques seront jointes avec un enduit sol-ciment, mais comme ça coûte trop cher les joints sont simplement exécutés avec le banco. Ce qui fait dire à Denis, mon adjoint, réfugié libérien: « these shelters are most of time, only mud with mud ». Ces abris ne sont, le plus souvent que de la boue avec de la boue. Donc pas très beaux , et pas très solides.
Le must, mais encore plus cher, c’était la brique cuite. La première étape, c’est la même, des briques en banco séchées au soleil. La deuxième étape consiste à construire dans un endroit plat et dégagé, un grand tas de briques en forme de pyramides, tout en ménageant à l’intérieur un volume vide au centre qui servirait de four, et des conduits vides intérieurs pour diffuser dans toute la masse la chaleur émise dans le four par la combustion de bois. La combustion peut durer une semaine, pendant laquelle il faudra couper du bois, pour approvisionner le four. Ça et là, en Guinée forestière, on pouvait voir de tels pyramides ou foyers.
Les plus gros, comprenais jusqu’à 10 000 briques.
Cette technique, nous disait-on, leur avait été enseignée, par des coopérants chinois.
La construction de cases dans les villages se fait toujours avec du banco, mais au lieu d’en fabriquer des briques, on le taloche à la main sur un treillis de branches qui forme la structure des murs.
Je conseille de voir le film ethnographique de l’INA « Guinée française, autour de Nzérékoré », tourné en 1956, qui en dit plus en 10 mn, sur les gens de la forêt, que je n’en puis écrire en 10 pages!
Les villages de la Guinée Forestière que je découvre 34 ans après, en 1990, se situent sur le plan du développement à mi-chemin entre ce film et les vidéos que l’on peut trouver actuellement sur You Tube. J’engage le lecteur à rechercher ces vidéos lui-même, et à les visionner, de manière à mieux comprendre le contexte humain en temps de paix – mais oh! combien inhumain en temps de guerres civiles – des missions humanitaires que j’ai pu effectuer, en 1990/91 avec le HCR, en Guinée Forestière et à Conakry.
Dans le cadre du programme d’appui à la construction de cases, nous avons fourni dans la ville de Nzérékoré, des moules en bois pour réaliser les briques crues en banco, et dans les villages en forêt des coupes-coupes pour débrousser et couper des rameaux utilisés pour faire les murs.
J’avais aussi profité du fait que la piste menant en Côte d’Ivoire était en cours d’élargissement (pour le trafic, mais aussi pour sécher plus rapidement après les pluies), pour récupérer avec une centaine de réfugiés les gros bambous avant qu’ils ne soient abattus au bulldozer, à l’avancement du chantier routier. On avait donc, à Nzérékoré un bon stock de bambous bien droits qui auraient pu servir à construire des cases, ou à faire des lits, des tables, des bancs….etc, mais les réfugiés, la plupart villageois ne savaient pas comment faire.
Les latrines.
En ville, la construction de fosses septiques est courante. Mais à l’époque aucune des villes oû je suis intervenu ne disposait d’un réseau d’assainissement.
Le rejet des eaux usées se fait donc dans un puits perdu. Traditionnellement, il y a dans les quartiers des puisatiers qui savent comment s’y prendre. A l’endroit fixé, il s’asseoit et commence à creuser avec un pic autour de lui. Il progresse en tournant un tour complet. Puis il entame un autre tour…etc. Il ne sort pas du trou, mais y descend un peu plus à chaque tour jusqu’à atteindre la profondeur souhaitée.
Ce qui peut prendre plusieurs jours. Dans ce cas, il sort de son trou, à midi pour manger et le soir pour dormir. Il pratique des encoches dans la paroie du puits pour remonter, et remplit un couffin avec les déblais, que son assistant remonte en tirant sur la corde. Pas de moteur, pas de bruit, pas de carburant à transporter, pas de voiture, il marche à pied, juste un petit pic, un couffin, et une corde.
Nous (le HCR) fournissons tout ça.
Aprés c’est le point dur, il faut couler une dalle en béton armé pour couvrir le puits.
Nous avons passé commande à l’entreprise de forages, Prakla, rompue à la fabrication de dalles pour ses forages. Et enfin bâtir une petite cabane au dessus pour l’intimité. C’était fait par les bénéficiaires eux même selon les techniques décrites plus haut. Ces travaux étaient encadrés par des ONG internationales, notamment MSF médecins sans frontières, et MDM médecins du monde et aussi la croix rouge nationale guinéenne, reboosté par le HCR, et le CICR, la croix rouge internationale.
Le modèle agréé à l’unanimité, et par le HCR, après des mois et des mois de discussions animées, est finalement la latrine VIP (prononcé à l’anglaise: vi ail pi). Non pas Very Important Personn (elle ne s’y serait pas risqué), mais Ventilated Improved Pit, latrine améliorée et ventilée.
Tous ces programmes étaient bien lancés, soutenus par les ONG, et coordonnés par le HCR(votre serviteur) qui fournissait aussi les outils, les matériaux et les transports.
Marcelline et les Orang-outangs
Sortons un peu de la technique, que fallait- faire le soir après le job, faire marcher son job? 😋
Eh, bien la première fois que j’ai aperçue Marcelline, elle roulait en ville dans un quartier de Nzérékoré, étant camboulée, comme on dit en Provence, sur le porte bagage de la moto du capitaine du détachement militaire en Guinée forestière. Il y a toujours des militaires nationaux dans les programmes d’assistance humanitaires. Théoriquement pour protéger les ONG, pratiquement pour racketter, et bien pire, les habitants, comme nous le verrons plus loin.
Bien à l’aise dans mon 4×4, Toyota Landcruiser, à côté de mon chauffeur, Jean Guillavogué, de l’ethnie Gerzé, …par bonheur, notre chemin est contiguë au sien.
Il remarque mon émoi devant cette belle jeune fille, et me dit:
« Patron, elle te plaît? Si elle te plaît je peux te la faire rencontrer ».
« Pourquoi pas, mais attention, elle est avec un militaire, qui plus est un gradé! Ça peut causer des problèmes? »
« Non, non pas de problème, je m’en occupe »
Ce que j’ignorais là, c’est qu’allait se dérouler toute une stratégie guinéenne, mais je pourrais aussi bien dire africaine, plutôt bienveillante, mais attention pas de faux pas! ». Ni d’un côté, ni de l’autre.
Jean Guilavogué, me fait donc rencontrer Marcelline, souriante, je dirais même contente, très aimable mais réservée.
Nous parlons tous les trois ensemble, bla bla bla, et en particulier de mon désir de rendre visite aux Orang-Outangs qui vivent en pleine nature, à proximité du village de Bossou, non loin d’ici.
Puisqu’elle connaît le guide, Marcelline me propose d’y aller le lendemain, mais en attendant elle voudrait me montrer quelque chose à une dizaine de kilomètres de là. Jean s’excuse, prend congé et je prends le volant, avec la beauté locale à côté de moi. Nous ne passons pas inaperçus et je note les regard surpris, parfois souriants, parfois désapprobateur, des guinéens que nous croisons. Nous sommes à présent, sortis de la ville et roulons sur une piste, jusqu’à 15 km de là.
A vrai dire, vue la dégradation de cette piste, il nous faudra une demie heure pour ce trajet. Nous discutons un peu, le pays, la famille, le HCR…je suis toujours intrigué à propos de ce qu’elle veut me montrer, et qu’elle ne veut pas me dire. Encore un peu et nous y voilà. Stop, recule un peu, encore un peu. Voilà, c’est là. Regarde à gauche. Je regarde et je ne vois que des arbres, des buissons, quelques cocotiers. Mais regarde mieux, un peu en l’air. « Tu vois pas le cocotier là haut » et soudain ça me saute aux yeux, là haut le tronc du cocotier se différencie en deux troncs! Incroyable mais vrais, ce cocotier unique au monde est un cocotier à deux têtes!!! Térassé par l’émotion, je me pince pour voir si je rêve.
Eh non, je ne rêve pas. Je remercie Marcelline de m’avoir guidé jusque là, nous descendons du 4×4 , approchons du cocotier, touchons son tronc, regardons vers sa cîme. Pas de doute, même vu d’en dessous, ce cocotier a bien, effectivement plusieurs têtes. Et moi qui n’en ais qu’une seule, je suis en train de la perdre en regardant Marcelline qui me fascine de plus en plus.
En air me revient:
« Marcelline, elle est divine, elle me fascine, Monsieur Gaston s’occupe du téléphon.
Gaston, y a le téléphon qui son!… ».
Une fois remis de mes émotions, nous reprenons le chemin inverse, et au crépuscule je dépose Marcelline, chez sa maman, quartier Abbass.
Je passerai la prendre demain à 10 h, direction Bossou, pour aller visiter les orang-outangs. Je viendrai avec Jean qui conduira car la route est longue. Elle descend de voiture avec cette grâce naturelle, que j’admire, et qu’ont certaines adolescentes. Mais pas de bisoux, bisoux.
Mais bon, en attendant, revenons à nos orang-outangs.
L’orang-outang
Henry de Monfraid, dans Saga africaine:
« Des superstitions interdisent aux africains la chasse à cet « homme sauvage ». Orang-outang en dialecte hindouiste signifie en effet « homme sauvage ».
La chasse à l’oragan-outang est l’une des plus difficiles, non seulement par sa rareté et sa méfiance, mais par l’impossbilité de recourir à des rabatteurs indigènes.
En Afrique, du moins dans les régions que j’ai parcourues certains gibiers ne peuvent se découvrir sans une minutieuse et longue observation. Seuls certains indigènes, vivant constamment en forêt, peuvent connaître leurs voies et leurs gîtes, et ainsi conduire un chasseur, mais aucun d’eux ne consentira à être complice du meurtre de l’ « homme sauvage », car pour eux, il ne s’agit plus d’une bête mais bel et bien d’un homme, du descendant d’un ancêtre qui, selon une légende, fût victime du courroux d’un dieux sylvestre.
En fait, l’intelligence de l’orang-outang est parfois troublante. J’ai pu en voir un, non pas captif, mais simplement domestique, qui comprenait la parole et obéissait à son maître sans se tromper jamais. »
Marcelline nous emmène d’abord chez le guide, indispensable évidement, Jerremy Koman. On discute, on s’entend pour la visite, que nous pouvons faire tout de suite.
Sans attendre nous nous dirigeons vers la colline oû réside toute une famille d’ Orang-outangs, dont Jérémy est familier depuis des années. Nous devons gravir la colline,où pousse une végétation abondante. Jérémy passera le premier, conservant une longueur d’avance sur nous trois. Il dit que ce n’est pas dangereux pourvu que nous exécutions ses recommandations à la lettre. En particulier ne jamais se retrouver entre le père et les enfants toujours proches de leur mère.
Nous commençons donc à monter la pente, mais à distance de notre guide.
Arrivés à mi-hauteur de la colline, nous sentons la brise sur la brousse. Et nous flairons l’orang-outang.
Cet animal répand en effet une odeur fétide qui, longtemps après son passage, stagne dans les bas-fonds et les taillis où l’air est immobile. L’orang-outang est imprégné de cette puanteur non seulement par le contact des excréments entassés dans son gîte et sur lesquels il vit, mais par son haleine et sa transpiration. On prétend qu’il exhale cette puanteur dans la colère ou la frayeur. C’est là, sans doute, un moyen de défense pour dégoûter l’agresseur et lui couper l’appétit s’il a l’intention de le manger.
Jérémy s’arrête et nous fait signe d’avancer sans bruit vers lui. Pointe son doigt vers la gauche, et dans un murmure: « il va apparaître là bas ». Quelques secondes et il apparaît tranquillement à 20 m de distance.
La taille de cet orang-outang adulte dépasse les deux mètres. A peine âgé de deux mois, parait-il, il est déjà aussi grand qu’un enfant de dix ans, mais qui se serait surtout développé en largeur! Sa tête est énorme, mais il nous regarde sans aménité; sans doute reconnait-il Jeremy.
Sa petite famille est droit devant lui, c’est à dire légèrement sur notre droite. Surtout ne bougeons pas, ne nous approchons pas, il pourrait croire que nous en voulons à sa femmes et ses petits, et entrer alors dans une forte colère. Notre guide nous laisse contempler cette scène extraordinaire, sans bouger, sans rien dire, pendant quelques minutes.
Puis c’est le moment d’amorcer en douceur, notre repli. Et nous commençons doucement la descente en silence, encore sous le coup d’une sensation hors du commun, qui nous a projeté fort loin de notre zone de confort habituelle.
Une expérience qui n’est pas donnée à tout le monde, ça c’est sûr.
Pendant la descente Marcelline se retourne vers moi, et mon regard passe entre son Tshirt et sa peau d’un noir d’ébène. Cette vue plongeante sur ces seins entre en résonance dans ma psychée, avec celle du grand singe!
Waouh! Ma tension monte!
Il est temps de rentrer à Conakry, je dépose Jean Guilavoguy chez lui, puis Marcelline chez sa mère (toujours pas de bisoux, bisoux, dommage ce pourrait être la preuve de notre rapprochement). Nous nous reverrons mercredi soir au dancing.
En fait je suis accro, et je retrouve chaque jour Marcelline à la sortie de l’école.Elle me fait rencontrer ses parents et je discute volontiers avec eux car ce sont des intellectuels. Comme moi. A vrai dire j’aime bien discuter le soir, dans un bar, autour d’un verre avec des français, mais j’aime aussi parler avec des intellectuels africains. Il sont impressionnés par mes responsabilités ici au HCR, et quand je leur parle aussi du Sénégal. Impressionnés aussi par les 4×4 tout neufs que j’utilise, Marcelline à mes cotés, après le boulot.
Toutefois il y a des conversations moins agréables, comme celles que j’ai eu à plusieurs reprises avec un militaire, conducteur de char qui venait tranquillement boire sa bière après le boulot, posait son flingue sur le comptoir et me parlait, sur le ton de la confidence, de ses incursions en Sierra Leone et du nombre de villages qu’il y avait détruits, incendiés dans la journée.
Je vous présente maintenant mon ami Daniel, responsable des activités supplémentaires de Prakla (construction de l’agence du Snape, réalisation des dalles en béton pour les forages et les latrines, et responsable de l’équipe d’animateurs sociaux pour la construction des abris familliaux). Il est français résident depuis au moins 20 ans en Guinée, marié depuis longtemps avec une guinéenne fort sympathique, qui sait attirer vers elle et conseiller les belles filles de Conakry. Cette une tradition habituelle, les anciennes, qui ont tant appris de leur(s) mari(s) étranger(s), conseillent les nouvelles qui courent après le leur, et les consolent aussi en cas de coup de spleen.
Daniel a beaucoup d’amis guinéens, tant à Conakry qu’à Nzérékoré.
Sekou Toure
En privé, Daniel me fait savoir que la mère de Marcelline a missionné un voisin, nommé Sekou Toure, comme le défunt dictateur, pour aller se renseigner sur mon compte à Conakry. Et comme par hasard elle connaîssait mon nom!
Quand il est rentré, Sekou avait collecté des renseignements croustillants sur moi,
qui menait une vie de noctambule, quant j’étais en mission dans la capitale. Il faut savoir que lorsqu’un étranger passe une nuit à l’hotel, il remets avant de se coucher son passeport à la réception. Et s’il est en galante compagnie, la demoiselle dépose sa carte d’identité. Les renseignements pertinents sont couchés dans un registre qu’un inspecteur de police vient lire chaque jour. Inutile de dire que les activités des experts des Nations Unies, des ONG, et des Bailleurs de fonds sont ainsi relevées chaque jour. En vue d’un suivi pour la protection des experts, mais pas seulement….ça peut toujours servir.
Ainsi on peut comprendre que Sekou Toure soit revenus de la capitale avec une foule de renseignement que la maman de Marcelline, et elle même, ont pu juger accablant (pour moi). Du coup Sekou a ordonné à Marcelline de quitter la ville, ce qu’elle n’a pas fait, mais l’atmosphère est devenue de plus en plus lourde.
Un beau jour, elle débarque chez moi, peu avant midi avec une grande bassine de soupe de légumes qu’elle fait cuire derechef dans la cuisine.
Et elle me remplie une assiette creuse, en me souhaitant bonne appétit: « bismillah » car les guinéens sont en majorité muslim.
Je propose à mon cothurne, qui venait de rentrer pour le déjeuner, de partager cette belle soupe avec moi. Il refuse poliment, mais je crois qu’il craignait le maraboutage.
Si maraboutage il y avait c’était évidement pour moi, l’amoureux volage, qu’on voulait ramener, grâce à une soupe d’herbes maraboutiques, dans le droit chemin. En fait, je suis devenu dépendant de Marcelinne, malheureux de ne plus la voir.
Fatima
Mais le résultat final n’a pas été celui espéré, puisque au bord du désespoir je suis aller me consoler la nuit avec Fatima, chargée de la propreté du bureau du HCR (field office). Ce que le secrétaire allemand responsable de l’entretien du bureau, qui avait l’oreille fine, n’a pas du tout, mais alors pas du tout apprécié. Il pensait même licencier sur le champ la contrevenante, dont il était peut étre secrètement épris.
(ce qui n’aurait rien d’ étonnant pour un secrétaire). Quoiqu’il en soit j’insiste pour qu’il n’en fasse rien, et il finit par laisser tomber.
Mais les choses vont se compliquer le lendemain, car Marcelline étant sortie de ma vie depuis plusieurs jours, j’invite Fatima, pas désagréable du tout, à dîner et danser ce soir avec moi au bar-restaurant dancing que de nombreux experts fréquentent spécialement le vendredi soir, pour se remettre du stress de la semaine (relief of stress). Nous nous asseyons à notre table et je note avec plaisir que tout le gratin de l’assistance humanitaire est présent. On va pouvoir s’amuser et discuter ensemble. Mais soudain qui voilà?
La divine Marcelline, accompagnée d’une copine, toutes pimpantes. Elles font mine de m’ignorer et vont se trémousser comme des folles sur la piste de dance.
Guinée 2 FMG
Marcelline
J’explique ma situation à Fatima, je lui dit tout: Marcelline, le cocotier à deux têtes, les orang-outangs, la soupe maraboutique, à l’origine de ma dépression, et je lui propose de continuer, seule mais à mes frais la soirée à une autre table. Aprés, elle est au bon endroit, et au bon moment pour faire de nouvelles connaissances si elle le désire.
Mais elle est furieuse et me dit: « tu m’as emmenée avec toi, je rentre avec toi ». Logique, non ? Alors pour la faire changer d’avis je lui présente mes plus plates excuses, accompagnées de deux billets rouges. Ça n’est pas très élégant, je le concède, mais finalement ça marche.
Fatima se lève et sans me dire au revoir, outrée et indignée, elle s’évapore dans la nuit noire.
Enfin libre, je me pointe auprès de Marcelline et de sa copine. Elle me paraît d’entrée plus réceptive que jamais à ma cour assidue.
Sans doute estime-t-elle que sa soupe maraboutique a fait son effet, me ramenant efficacement vers elle, comme elle a pu l’observer il y a cinq minutes.
Nous dansons les slows serrés l’un contre l’autre, comme deux amoureux, et la voilà qui m’embrasse sur la bouche! Devant toute la communauté humanitaire de Nzérékoré….
Il y a foule ce soir, au dancing, les UNexpats, leurs assistants guinéens, les membres des nombreuses ONGs, des militaires, et des jeunes femmes venues pour s’amuser et dancer, dans l’espoir aussi de faire la bonne rencontre qui boostera leur vie. En fait, un an après le début de la crise, l’afflux considérable de la manne humanitaire commence à changer le visage de la ville. Les voitures de l’assistance sont omniprésentes, avec leur look existentiel: larges logos collés sur les capots, les portières, ou même à l’envers sur le toit, aux couleurs prédominantes, bleu pour les UN, rouge les médicaux, .. de grande antennes VHF fixées sur les pare-chocs avant et le drapeau national flottant au vent pour les services publics et les diplomates. (Le vert, couleur de l’Islam, n’allait pas tarder à apparaître dans les camps de réfugiés, administrés mitraillette au poing. J’allais le constater, plus tard, sous d’autres cieux).
Les maisons, se construisaient aux quatre coins de la ville, non plus en banco, mais en briques cuites, en dur. Des bars, des restaurants, des commerces improbables il y a seulement un an semblaient naître du néant. Des commerçants venus de Conakry s’installaient…etc.
En brousse, les villages, se modernisaient aussi, et s’agrandissaient au rythme de l’afflux des réfugiés. Durant la semaine les experts, les volontaires, les techniciens: architectes, médecins, infirmiers, nutritionnistes, hydrauliciens, assainissement, agriculture, et aussi enseignement, sécurité, transmissions, et sociologues, démographes etc… se rendaient après le briefing matinal dans leur groupe de villages pour y suivre, diriger, conseiller, assurer les formations à l’exploitation, l’entretien, et l’usage, et ainsi favoriser la sacro sainte appropriation des installations par les bénéficiaires, de toutes ces nouvelles facilités. Bref la Guinee forestières était en plein boom économique!
Mais revenons à Marcelline…
La soirée terminée je la dépose chez elle, et sans doute perturbé par tant de bonheur, je me plante en reculant pour faire demi-tour, et je me retrouve avec une roue arrière plantée dans un fossé bétonné, avec le chassis posé sur le béton. Incapable de retrouver dans l’obscurité, la maison de ma belle, il me reste à rentrer pied. Plusieurs km à pied, à l’aveuglette dans la ville déserte. Avec la crainte d’être attaqué par les chiens, ou par des malendrins. Sans parler des bêtes sauvages et des esprits qui rôdent à l’approche du petit matin, « after hours ».
Après deux heure de marche me voilà rendu à domicile sans encombre. Mais qu’importe cette épreuve, puisqu’enfin j’ai fais la moitié du chemin avec Marcelline. Maintenant il me reste à atteindre le but ultime! Et je sens que je suis sur la bonne voie.
L’ONG de Stephan Essel
Il me faut à présent partir en mission à Conakry pour y accueillir une ONG de femmes fondée par Stephan Essel, (« indignez vous! ») qui a signé un contrat avec le HCR pour la communication et la sensibilisation des femmes à leur problématique de réfugiés. Nous avons besoin de trois véhicules tout terrain, la mienne plus deux Toyota Landcruiser, et trois chauffeurs pour emmener à Nzérékoré, l’équipe de l’ONG. Moi, je suis déjà à Conakry, avec 4×4 et chauffeur, et donc deux Landcruisers font route depuis Nzérékoré vers la capitale. Le trajet dure normalement deux jours, avec une escale à Faranah, dans l’hôtel de la femme du dictateur décédé il y a trois ans. Ces deux véhicules supplémentaires arrivent le lendemain matin, et leurs chauffeurs sont crevés ayant roulé toute la nuit sans faire étape. Ils ont droit à une journée de repos. Rendez vous demain au PC du HCR à 8h pétantes.
Nous avons une réunion avec la petite équipe de l’ONG féministe, curieusement un jeune homme en fait partie; il est venu avec sa guitare, pour établir une meilleure communication avec les bénéficiaires du programme.
En fait je perçois une certaine distance entre eux et moi. Un peu comme celle que j’avais constatée à mon arrivée au Sénégal entre moi, qui ne connaissait rien de l’afrique (je n’avais donc que des préjugés) et les anciens colons. Ceux ci, appelés les patrons, parlaient très mal, à mon goût, aux africains (sauf à l’administration). Et bien, avec l’ONG la même distanciation opérait. Bref on verrait bien. Mais pour eux s’était vraiment le « voyage en terre inconnue », mais avec un cœur gros comme ça, je n’en doutais pas, et ça c’était plutôt sympa!
Alors bonne route, et rendez vous à Nzérékoré !
Le bébé gorille et la chevrette.
Liesses aux forages
Le HCR a donc bien voulu me confier l’élaboration et le contrôle des travaux d’une campagne de 19 forages en Guinée Forestière, réalisés par la compagnie PRAKLA Seismos.
Le premier forage est situé dans un quartier à la périphérie de Nzérékoré.
La foreuse se met en place, à l’emplacement que j’ai retenu grâce à ma baguette de sourcier, sous le regard curieux du responsable de l’entreprise.
Le forage démarre vers 9 h. On devrait trouver l’eau vers 80 m de profondeur selon mon estimation, réalisée en tapant du pied, par terre, tout en comptant les profondeurs à voix haute. On n’est pas ingénieur hydraulicien pour rien ! La profondeur de l’eau souterraine, c’est quand la baguette s’incline, et tire fortement vers le bas. La population assiste, intriguée par cette manipulation, et sans doute incrédule, car pour eux, personne ne peut voir dans les profondeurs du sol. Pour vous aussi, peut être?
Une fois démarré le forage, je retourne au bureau. Vers 14 h, mon chauffeur vient me chercher en m’emmène, en gardant le silence vers le forage. Je me fraie un chemin parmi la foule, et contemple avec satisfaction la puissante gerbe d’eau claire, propulsée hors du trou par l’air comprimé injecté au fond du trou, et qui remonte à l’air libre.
A la demande du maire, qui me rejoint, la foule applaudit. C’est le meilleur moment de notre métier.
M. le maire fait un petit discours à ses administrés. Puis il me propose, tout de trac, de m’installer ici dans un beau terrain dont la population me fait don, et séance tenante, emporté par l’enthousiasme général, il me propose la main de sa fille!
Mais, pas de chance pour celle-ci, pour le moment la seule main (si je puis dire), qui m’intéresse est celle de Marcelline.
Nous retrouverons 18 fois cette joie des populations à la vue de l’eau jaillissant hors du forage. Un forage négatif sur 19, au village de Gossopa, nous en reparlerons..Le test des 19 est un succès.
La chevrette
Quelque temps plus tard, au cours d’un voyage retour de Conakry vers Nzérékoré, je m’arrête dans un village, oû je sais être présente la foreuse. Le maire et la population m’ y attendent. Salamalekoum, labass… (nous sommes en terre d’Islam).
Koulchi Mziem, (tout va bien), le forage est productif: la preuve le chef foreur démarre le compresseur et l’eau jaillit. Un peu comme Moïse dans le désert avec son bâton.
M. le maire calme la foule en liesse, fait son discours, remercie le HCR, et M.Meyer, « je vous en prie, c’est la moindre des choses » et…commence à engueuler ses administrés. « Bande d’ingrats, vous n’avez donc rien à offrir au Représentant du HCR. »
Jean Guillavogui, le chauffeur assure la traduction instantanée. » Allez vite (dria, dria) et ramenez moi un cadeau ».
Cinq minutes après, les voilà qui reviennent avec une chevrette vivante. Une petite chèvre, une chevrette c’est bien. Une chèvre adulte aurrait été trop dure. Car il s’agit bien d’en faire un bon méchoui.
Mais il est temps de remercier, de demander à monsieur le Maire, de nous « donner la route », expression d’usage toujours emploýée dans ce cas là.
Nzérékoré est encore loin.
Au soleil couchant, nous faisons étape à Faranah dans l’hôtel de la femme de Sekou Toure, mort il y a trois ans, en France, d’une déviation de la cloison nasale, mal opérée. Baignoire, avec robinets plaqués or, et eau chaude, c’est plutôt rare dans la région. Quant à Jean Guillavogui, il s’arrange avec le personnel pour dormir dans un un endroit convenable. Je lui donne quartier libre.
Départ le lendemain matin vers 6 h.
A midi, stop over à N’guekedou, pour le repas de midi, dans un petit restau, au bord d’un bas fond verdoyant, « véritable tapis de fleurs, d’herbes et de lianes rampantes oû
des myriades de papillons palpitent au soleil ». L’actuel patron, guinéen, m’explique que son ancien patron, un français avec lequel il a travaillé 18 ans, est rentré en France il y a deux ans pour y passer sa retraite. Il lui a fait cadeau du restaurant et du stock restant de bonnes bouteilles de vin. Un geste généreux, qui rends compte de l’amitié qui peut se développer entre le patron et l’employé, dans un pays où le colonisateur a pourtant régné en maître pendant très longtemps.
Puis nous repartons vers Macenta. A partir de cette ville il n’y a plus de route, mais une méchante piste, pour atteindre Nzérékoré encore à 120 km. Si tout se passe bien cela prendra 3 heures. Parfois ça peut durer plusieurs jours, surtout durant la saison des pluies, lorsque des ornières profondes se forment sur les deux côtés de la piste, s’élargissent avec le passage des camions et finissent par se rejoindre au milieu, créant ainsi un lac longitudinal, d’une profondeur supérieure à un demi-mètre. Nul véhicule ne peut franchir cet obstacle s’il ne possède un 4×4. En particulier les taxi-brousses, sont bloqués, essayent de contourner l’obstacle en passant par les côtés, mais se retrouvent encore le plus souvent bloqués ou enlisés dans la jungle omni-présente. Alors de petits marchands ambulants se présentent pour fournir aux infortunés voyageurs, et aux taximen, les produits de première nécessité. Puis le nombre de taxi-brousses bloqués augmentant, des micro-commerces s’établissent pour la durée de la saison des pluies. D’autres taxis se présentent de l’autre côté de la mare, pour offrir aux voyageurs la poursuite de leur périple, à tarif étudiés.
Avec notre 4×4 Landcruiser, qui dispose en outre d’un treuil au dessus du pare-chocs avant, passer ces flaques d’eau est un jeu d’enfant, et là où des taxis sont bloqués depuis des semaines, nous passons en un quart d’heure, avec l’impression gratifiante d’avoir joué à « Indiana John ».
Par contre certains taxis ont élaboré, en désespoir de cause, une tactique efficace. Le taxi qui veut passer prend son élan, se précipite dans la pente glissante qui conduit à la mare, et y pénètre sur une longueur de queques mètres.Du même coup, il nous bloque le passage, et nous oblige à le treuiller pour le sortir de là. Puis il reprend sa route en nous remerciant ou en nous faisant un doigt d’honneur!
Mais pendant ce temps là, un autre taxi a effectué la même manœuvre! Il nous faut donc trouver une solution, sinon nous sommes là jusqu’à la fin de la saison des pluies. Mais alors quelle est la solution ?
Réponse: le chauffeur va arranger ça. Un bon chauffeur peut tout arranger, dans son pays.
Intimidation: « je transporte un VIP, c’est une mission officielle pour le gouvernement, regardez sur les portières: HCR ».
Appel à la raison: « nous travaillons pour les populations; »
Appel à la menace: « tu vois l’antenne devant mon 4×4, c’est la radio. J’appelle tout de suite la police ou l’armée, ils vont dégager tout ce bordel! »
C’est l’argument qui marche le mieux, les guinéens ont vraiment peur de la police et encore plus des militaires, et, à ma connaissance, ils n’ont pas tord. Il est arrivé, on me l’a raconté à Conakry qu’un militaire tire sur un particulier, pour une histoire de poulet refusé. Quant à l’armée elle peut piller ou brûler un village, sans raison apparente. Voir encore bien pire ci-après dans « le conflit en l’an 2000 ».
Bon, une fois passée la flaque, car on ne résiste pas à ce dernier argument, le chauffeur fait la paix avec le taximan, on fume une cigarette tous ensemble, le VIP soulagé se fend d’un petit billet (bleu, cette fois-ci) pour la famille et au revoir, bye bye, on reprend notre chemin.
Le bébé gorille
A l’approche de Macenta, je sens que Jean Guillavogui veut me dire quelque chose, mais qu’ il n’ose pas.
« Patron on arrive à Macenta, où je vous dépose? »
« Bon, il est midi emmène moi au restau. Si tu veux, on mange ensemble, je t’invite ».
» Non, merci. Ma femme habite à Macenta et je vais aller la voir »
« OK, no problem, tu gardes la voiture et on se retrouve à 2h. N’oublie pas de manger, et de nourrir la chèvre, y a encore trois heures de piste! et bonjour à madame! »
Je ne me rappelle pas le menu du restaurant où j’ai mangé, mais je me souviens que Jean est arrivé à 16 h, soit 2 heures de retard! Je l’engueule un peu, mais pas violement, je peux comprendre, il n’a pas vu sa femme depuis si longtemps!
» Tu sais Jean, j’ai connu ça, moi aussi. Quand on s’aime les séparations sont douloureuses, mais les retrouvailles sont joyeuses »
« Justement patron, c’est de ça que je voudrais vous entretenir «
« Allez vas y, dis moi, keskiya? »
» Voilà quand je suis arrivé au quartier, j’ai dû aller, avec ma femme saluer la famille, les voisins, les copains… Finalement ma femme et moi on n’a pas eu le temps de se mettre à l’aise ».
» Bon, OK, je comprends.Ecoute il est bientôt 17 h , on va pas rouler la nuit, alors garde la voiture et retourne chez toi, puis on se retrouve ici demain à 8h, OK?
Mais, tu as un endroit sûr pour garder le 4×4? »
« Oui patron, dans le jardin de mon beau- père, et merci beaucoup »
» OK, Jean, et n’oublie pas de t’occuper de la chèvre, à demain et…bonne bourre. »
Marcel et le repas
Le lendemain matin Jean arrive à l’hôtel à l’heure dite, avec dans ces bras, devinez quoi? Un adorable petit bébé gorille. Plaqué contre sa poitrine, et agrippant sa chemise avec ses petites mains!
« Mais qu’est ce qu’ on va faire de ce bébé? On a déjà une chèvre? »
» Patron c’est pour un cadeau à mon oncle de Nzérékoré, il y a de la place dans le coffre pour la petite chèvre et le bébé gorille »
Et c’est comme ça que nous avons fait trois heures de piste. Mais avec les trous et les virages brusques, bien qu’attachée, la chèvre bêlait en recevant le bébé projeté par la force centrifuge, sur son estomac, et de plus le bébé montrant ces petites dents de lait essayait d’aboyer comme les grands pour se défendre en effrayant la chevrette.
On avait pas besoin de la radio, et la musique animale battait son plein!
On est samedi midi, quand on arrive à Nzérékoré. Nous passons d’abord chez Marcelline pour offrir la chevrette à sa mère.
Elle va la préparer pour demain, dimanche midi. Quant à nous nous devons aller prévenir Marcel le père de famille que je ne connaît pas encore. Il habite un petit village, en brousse, à quelques km de la ville. Nous déposons Jean et son bébé, au passage, et faisons cap vers Marcel.
Marcel est un personnage très sympa, aimant parler et raconter sa vie, comme tout le monde, n’est ce pas?. Ayant travaillé deux ans comme infirmier sur un navire hôpital américain, ancré à Conakry, il est maintenant médecin de brousse. Il se déplace à pied à travers la forêt, vers les malades, qu’il soigne je ne sais pas comment, mais il explique aussi qu’il pratique des opérations simples…(avec un couteau de cuisine?). Il se fait payer en poulet, poule et légumes.
Il lui arrive parfois de marcher 20 km pour aller rejoindre les malades et prodiguer ses soins. Puis 20 km de plus pour revenir chez lui.
L’acool dit-on ouvre la boîte à paroles. Et Marcel m’offre un verre de blanco, le vin de palme récolté en incisant les feuilles de palmiers à huile. Mais il faut d’abord grimper en haut du palmier!
C’est une boisson qui n’est pas désagréable, servie glacée, pourvu qu’elle ait été récoltée dans les deux ou trois jours précédents. Parfois certains guinéens la laisse fermenter, et là pour moi, elle devient carrément imbuvable! Mais le blanco de Marcel est récent et j’en bois poliment deux verres. Attention, un verre ça va, trois verres bonjour les dégâts!
Un peu pompette, je lui parle de moi, du HCR, ça l’intéresse, et de sa fille, ça l’intéresse aussi, que j’aime beaucoup. Enfin je l’invite demain chez lui à Nzérékoré pour savourer à midi une chevrette, cuisinée par sa femme. Et puis on y va.
Le repas
Le lendemain bien rasé, bien lavé, bien habillé, j’arrive au quartier, Marcel est déjà là, carrément habillé en costard. Je crois qu’il avait imaginé que je lui demanderai la main de sa fille. Seulement voilà, à Nzérékoré, je n’avais pas pu trouver une paire de gants crèmes.
Et nous parlons, nous parlons, nous parlons, et nous buvons nous buvons, nous buvons je ne sais quel alcool blanc amené par Marcel, plutôt arrache gueule, tandis que sa fille reste là silencieuse et respectueuse. Le temps s’écoule, la chaleur est accablante, et Marcelline me glisse un coussin sous la tête, lorsque je m’allonge sur le tapis, terrassé par l’alcool. Si c’est pas de l’amour ça ?
C’est toujours pareil, en afrique quand on est invité à midi, on passe à table à 16 h, et dans l’intervalle, on parle et on boit entre hommes. Sauf chez les muslims, qui en général aiment bien boire, quand l’occasion se présente, mais jamais en famille.
C’est toujours la même chose, quelque soit le pays, quand on mange chez les autochtones, le repas n’est jamais servi avant 16 h. Les femmes sont tellement attentives à faire le meilleur plat national, régional, ça prend du temps d’autant plus qu’elles préparent à l’ancienne. Et pourtant elles entrent en cuisine dès 6h du matin. Exemple: le couscous beldi (du bled) au Maroc, cuisiné par exemple au douar Sheba, à côté de Marrakech, pour moi le meilleur couscous du monde: débuté à 6h, servi à 16h, mais préparé à l’ancienne sans rien oublier. Je ne donnerais pas la recette, mais je sais que la tâche la plus longue, le roulage de la graine demande à elle seule plusieures heures.
Autre exemple le Thiépboudien (du riz et du poisson) au Sénégal, le maa tahiti à Tahiti…etc.
Quoiqu’il en soit, la viande de chevrette était très bonne, mais en me remémorant ses bons yeux craintif, je lie son funeste destin au forage que nous avons réalisé. Comme notre campagne va être poursuivie, passant de 19 à 150 forages, faudra-t-il sacrifier 150 chevrettes? Quel troupeau!
Et sur ces pensées philosophiques je prends congé, heureusement. Je demande la route à Marcel. Je remercie la maman. Jean est là pour conduire, il sait qu’il doit amener le 4×4 au garage du HCR. TVB, je vais dormir.
Re-Sekou Toure
Un mois plus tard j’apprends par mon ami Daniel que la P.J. a quelque chose après moi. Sekou Toure a déposé une main courante contre moi pour détournement de mineure.Et il a intimé l’ordre à Marcelline de quitter Nzérékoré, sans délai, sans doute pour échapper à mes avances. Je me demande à quel titre?
Un inspecteur, sachant que j’étais un ami de Daniel dont il était ami lui aussi, discute avec lui de cette délicate affaire qui mets en jeu un expert du HCR, connu de la population des réfugiés, et des gens de Nzérékoré, pour ces multiples actions positives, en matière d’eau potable, de construction de cases et de latrines.
On a la réputation qu’on mérite!
Connu aussi des gens de Nzérékoré, puisque je sillonnait la ville sur ma moto Honda 125 cc, un moyen de transport urbain, plus maniable et plus rapide, en ville que les 4×4 du HCR, trop lents dans les ornières, les bosses et les trous présents dans chaque mètre de piste.Pas de goudron à l’époque!
Autre avantage avec la moto, pas besoin de chauffeurs.
D’après Step Einsenman, le directeur des travaux de Prakla, pour la réalisation des 150 forages en Guinée Forestière, pour l’installation de 150 pompes manuelles, pour la construction de latrines, et la mise à disposition d’une quarantaine d’animateurs sociaux, la seule et unique solution pour désamorcer la procédure est d’en parler au père de Marcelline. Il lui suffirait de se présenter à la gendarmerie pour demander l’arrêt de la procédure. J’en ait parlé, à la maman qui a appelé Marcel et à partir de là, je n’en ai plus jamais entendu parler sauf lorsque Daniel m’ a confirmé le classement « sans suite ».
Grâce à mon ami, Daniel, à son ami l’inspecteur, et à mon ami Marcel.
Les amis de mes amis sont mes amis.
+ x + = + comme l’écrivent les matheux.
Kurt
De fait en Guinée, un expat. doit faire attention, très attention à ses relations avec les guinéennes. Les escrocs rôdent qui n’attendent que le premier faux pas, quitte à le provoquer eux même.
J’en veux pour preuve cette histoire assez incroyable que m’a raconté Step Eisenman.
Pour réaliser une précédente campagne de forages, en Guinée Forestière, il avait demandé à son patron, Bauman, de contacter le siège en Allemagne, pour faire venir un chef foreur.
Kurt, un homme jeune, sérieux et compétent, arrive à Conakry, où Bauman le breaf. Il s’agit d’une centaine de forages à 100 m de profondeur, dans la région de Macenta. Kurt sera logé dans un camping-car bien aménagé, avec le poste radio BLU, à l’intérieur. Deux vacations sont prévues chaque jour, à 8h et 16h avec la base, à Conakry.
Kurt, prend possession du matériel de forage et de transport, et fait connaissance avec son équipe, puis le convoi quitte la base de Conakry pour se diriger vers Macenta.
Il faut disons, deux jours, pour arriver, s’installer, faire le forage, l’essai de pompage, nettoyer le site et le matériel, reprendre la route et atteindre le site du forage suivant.
Tout le monde dort en brousse, les foreurs dans des guitounes, et le chef foreur dans son camping-car. Repos le week-end. Mais au lieu d’aller en ville se changer les idées, Kurt reste auprès de son camping-car. Il est sans doute timide et doit craindre de faire des mauvaises rencontres, à Macenta.
Pendant six mois, Kurt reste ainsi en brousse sans jamais aller en ville. Avec la radio BLU, il peut parler régulièrement à sa femme, restée en Allemagne. Par contre ses équipes passent le week end à Macenta, bières, bouffe et dancing au programme. Les filles de Macenta, des « forestières » ne sont pas bégueules, et ils se font des copines qu’ils retrouvent à chaque week end.
Kurt lui reste toujours seul, en brousse pendant le week-end. Il a un gardien de jour et un gardien de nuit, mais il préfère rester sur le site, et garde un œil sur le matériel.
Au bout de 6 mois la moitié du programme de forage est achevée et Kurt a droit à quelques semaines de vacances. Il retourne donc à Conakry pour faire sa réservation et prendre son billet. À la veille de prendre l’avion pour rentrer en allemagne, il décide d’aller faire un tour au restaurant puis après d’aller boire un verre dans un night club.
Kurt (b)
Arrivé à la boîte de nuit, Kurt se dirige directement vers le bar et commande une bière, puis une deuxième bière, puis une troisième bière et cetera.
Finalement il quitte la boîte de nuit, à moitié saoul et se dirige lentement vers le parking pour y reprendre son véhicule. A ce moment il est interpellé par une jeune femme. Kurt est fidèle à son épouse, mais ça fait longtemps qu’il n’a pas baisé et il se laisse tenter. La jeune femme monte donc dans la voiture et il roulent tous les deux en direction du chantier. Arrivé au chantier Kurt n’en peux plus et il commence à flirter avec la jeune femme. Il la caresse, touche ses seins, bla, bla, bla…et il sens tout d’un coup le canon d’une arme de poing pointé précisément sur sa tempe. Une voix lui ordonne brutalement de descendre immédiatement de sa voiture. Effrayé, il ouvre la portière et se retrouve face à face avec un policier en uniforme qui le menace toujours son arme. Il comprend alors que ce policier était caché sous la bâche de la camionnette et qu’il a fait tout le chemin avec eux. Ce dernier lui déclare: tu as enlevée ma femme et maintenant tu veux la violer! Tu es un salop, et tu le vas payer de très cher. Surtout parce que ma femme est dans la police! Comme moi!
Kurt comprend alors qu’il s’est fait berner, mais il ne peut rien faire!
Et les voilà qui retournent en voiture vers le commissariat de police. Il est deux heures du matin et le commissaire de garde, après avoir entendu le mari bafoué, ordonne l’emprisonnement immédiat de Kurt.
Step Eisenman est mis au courant le lendemain matin, et se dirige vers le commissariat de police pour tenter de faire libérer Kurt. Il sait d’ores et déjà que ça va lui coûter cher. Et ça lui a coûté beaucoup plus cher qu’il ne le pensait! Les policiers avaient beau jeu de faire monter les enchères, et ils ont gardé Kurt en cellule pendant deux semaines, jusqu’à ce que Bauman obtienne l’appui de ses connaissances bien placées au gouvernement. Et pour ce service, Bauman a dû lui aussi payer cher!
Quant à Kurt il a pu retourner en Allemagne, auprès de sa femme. Il lui restait 15 jours de congés avant de retourner faire ses forages en Guinée. Mais il n’y ai plus retourné. Le couple des policiers acteurs, a partagé ces gains avec le commissaire, et c’est offert 15 jours de farniente au Club Méditéranné, où ils ont bien rigolé en buvant des moritos, et en se remémorant leur histoire….
Marcelline et moi à Conakry
Quant à moi, donc mes relations avec Marcelline avaient été jusque là purement platoniques, je ne comprenais rien. Jusqu’à ce que mon ami Daniel m’informe que Sekou Toure, cet enfoiré que lui connaissait déjà , était venu proposer, à l’inspecteur de monter ce coup contre moi pour me soutirer de l’argent. Et me maintenir en prison, malgré tout!
Daniel et l’inspecteur son ami, ne l’ont pas suivi et après l’intervention de Marcel, la tentative d’escroquerie a finalement été desamorcée et mon affaire classée sans suite.
J’ai aussi la faiblesse de penser que, si nécessaire, le HCR serait intervenu de tout son poids et m’aurait diplomatiquement exfiltré, mais ne m’aurait sans doute plus jamais confié une nouvelle mission.
Bon voilà, ça faisait plus d’un an que j’étais sur le programme, et impérativement une extension de mon contrat devait être signé, et on souhaitait aussi me voir à Genève.
Depuis qu’on lui a intimé de quitter Nzérékoré, je n’ai plus revu Marcelline, et étant parti à Conakry pour prendre le premier vol sur Genève, je me sens un peu déprimé de partir si vite. Cependant je sais que je vais revenir bientôt.
A quelques heures d’embarquer, je sors du restau vers 14 h et me dirige vers l’ hôtel, théatre de mes exploits dès mon arrivée. Quelle surprise! quelqu’une me tape sur l’épaule. je me retourne et je tombe sur Marceline et une copine qui sont à Conakry depuis deux bonnes semaines.
Marceline s’excuse auprès de sa copine et se joint à moi qui rentre à l’hôtel. Bien déterminée, elle va prendre une douche, se déshabille et m’offre son corps jeune et ferme. Je la rejoins et après les préliminaires qui offrent quelques avantages, le moment fatidique arrive. Dès que je la pénètre avec beaucoup de douceur, je la sens mienne, nous nous appartenons l’un à l’autre. Je ne vais pas rentrer dans les détails, mais je dirais simplement que le va et vient débute et se prolonge; mais quelque chose ne doit pas marcher parce qu’elle ne manifeste aucune émotion, aucune réaction. Elle est simplement là étendue comme à la corvée, comme inanimée, et ça se confirme lorsqu’elle me dit » s’il te plaît, Xavier termine vite maintenant ». Puisque nous en sommes là, je me dépêche de disperser mes gênes mais comme dirait l’autre, quelque chose s’est brisé en moi, le charme est rompu. Avant d’aller prendre sa douche elle me declare: « tu vois, je te donne mon corps jeune et ferme, parce que j’ai su me préserver jusqu’à toi. Je ne fais pas comme les autres, je ne suis pas comme les autres. »
J’ai trouvé bien plus tard l’explication de la froideur de Marcelline, sur internet, « Google, wiki, infibulation » ou encore « excision ». On y trouve une carte des pays pratiquant l’excision, avec le pourcentage des femmes victimes de cette pratique depuis les pharaons de l’Égypte ancienne!
La Guinée détient le record du monde, avec 96% de femmes excisées!
Armez vous de courage et consultez toutes les références, y compris les photos. Et bon voyage en Afrique sub-saharienne, underground.
Voici, en quelques mots mon témoignage: ce voyage, je l’ai effectué pour ma part, en vraie grandeur, au cours de 30 ans de séjour en Afrique. J’y ai rencontré de nombreuses femmes/filles et ait distribué bien des billets rouges. Sans jamais penser à ces mutilations….et aussi sans jamais en parler avec quiconque. C’est un sujet tabou !
Comme le maraboutisme, sujet que j’ai effleuré un peu plus haut dans ce récit.
La forêt primaire africaine cache à l’homme blanc qui s’y aventure bien des tabous: animisme, magie noire, machisme, chamanisme, transes, empoisonnements, hallucinogènes, envoûtements, sexualité bridée ou débridée, organisation sociale et hiérarchies tribales, esclavagisme, sacrifices rituels, maraboutisme, exorsisme…etc. Un étranger peut vivre avec, mais gare à celui qui s’en mêle.
Je réalise que les femmes avec lesquelles j’ai réellement partagé une tranche de vie n’ont jamais évoqué ces tabous, quoiqu’en en étant profondément impreignées.
» internet, excision »
Une excision est, dans son sens le plus général, l’ablation d’une partie de tissu biologique. Le terme est plus communément utilisé pour désigner l’ablation du capuchon du clitoris voire du clitoris en entier, pratique également connue sous le nom de mutilation génitale féminine (MGF).
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L’excision
Les raisons de l’excision (E/MGF) sont multiples et complexes. De nombreuses communautés qui la pratiquent invoquent la tradition et la religion ou considèrent que l’E/MGF est une garantie de virginité et de fidélité.
Le point commun aux multiples raisons invoquées est que l’excision représente une tradition profondément ancrée. On suppose aujourd’hui que l’excision a son origine dans l’Égypte ancienne.
Les principales raisons citées pour l’excision sont les suivantes:
Tradition: de nombreuses communautés pratiquant l’excision invoquent la tradition culturelle: on continue de pratiquer l’excision parce que c’est ce que l’on a «toujours» fait.
[ ] Norme sociale: dans les communautés où l’E/MGF est très répandue, l’excision détermine l’appartenance de la fille à la famille et à la société ou son exclusion de celles-ci. L’excision fait partie de l’éducation pour préparer la fille au passage à l‘âge adulte et au mariage. Souvent, l’E/MGF est une condition incontournable pour pouvoir se marier.
[ ] Sexualité: l’excision doit réduire la libido de la femme et garantir qu’elle n’aura pas de rapports sexuels avant le mariage et qu’elle restera fidèle à son mari pendant sa vie d’épouse. Il existe de plus un point de vue partagé par certains selon lequel l’excision renforcerait le plaisir sexuel des hommes.
[ ] Religion: l’excision est pratiquée dans différentes communautés religieuses, aussi bien chrétiennes que musulmanes et autres. Les communautés qui pratiquent l’excision citent souvent la religion comme raison importante pour cette pratique. Mais aucune des religions mondiales n’a de preuve écrite qui exige l’excision. De plus, la coutume de l’excision était déjà pratiquée avant l’apparition du christianisme ou de l’Islam.
[ ] Raisons esthétiques: dans certaines communautés, les organes génitaux non excisés sont considérés comme inesthétiques ou impurs.
[ ] Identité et appartenance culturelles: dans un contexte de migration, l’excision peut de plus revêtir une fonction de maintien du lien avec le pays d’origine. Cela peut contribuer à maintenir l’identité culturelle.
[ ] Tapez « Google, wiki excision »
[ ] Et aussi « Google wiki infibulation »
A la frontière de la Sierra Leone.
– A 47 ans, en Guinée forestière, grâce à mon engagement personnel, un soir, j’ai pu secourir une centaine de réfugiés en détresse, des jeunes, des vieux et des viellards, hommes, femmes, enfants. Je vous raconte comment ça s’est passé:
Au field office du HCR, à N’zérékoré, capitale de la Guinée forestière, on entend vers 16 h, des rumeurs sur un afflux possible de réfugiés de Sierra Leone, qui auraient quitté précipitamment leurs maisons le matin, à l’aurore. Ce groupe serait en marche vers un village guinéen situé à une vingtaine de km de la frontière, à l’intérieur de la Guinée. Ils espérent y trouver l’assistance du HCR.
Cependant, après 16 h, les 4×4 du HCR, et les camions des ONGs sont rangés dans leurs garages et les chauffeurs rentrés chez eux, (ce sont les consignes de sécurité). Ainsi que tous les employés du HCR. Who
Heureusement, peu de temps après mon arrivée dans le programme, j’ai me suis acheté une moto type enduro (Honda 150) bien pratique pour rouler plus vite que les 4×4 sur les pistes bosselées dans la forêt primaire.
Donc, en l’absence de réaction de mes collègues du HCR, je me rends, à moto au village guinéen concerné que j’atteint après une heure de motocross sur une piste en latérite. Les véhicules de l’ONG en charge de la logistique dans cette région, sont rangés, bien en ligne avec leurs portières avant bien verrouillées. Personne sur place!
Sauf un dernier chauffeur auquel j’expose la situation. J’ai besoin de lui et de son camion (qui peut transporter une centaines de réfugiés – debouts évidement).
Je lui demande d’attendre mon retour, et je reparts en moto à la recherche des réfugiés.
On m’indique la piste vers la frontière, je roule environ 20 km et à la sortie d’un virage je tombe sur eux. Un groupe chargé d’objets et de ballots hétéroclites (je me souviens d’un sommier de lit métallique) en train de traverser la rivière . Leur chef m’explique: fuyant l’arrivée des rebelles, ils marchent depuis 04 h du matin, et sont épuisés, assoiffés et affamés.
Ils sont donc en train de traverser cette rivière qui marque la frontière entre la Sierra Leone et la Guinée forestière. (Nous sommes en pleine forêt, où il n’y a pas de gardes frontière). Puis il leur faudrait maintenant encore marcher 20 km à pied
pour rejoindre le village d’accueil. Marcher toute la nuit, avec la pluie qui commence à tomber!
Je lui dis que je retourne au village guinéen et leur envoie un camion. « Arrêtez de marcher, et attendez ici ». Dans une heure le camion sera là.
Je retourne vers le camion et son chauffeur. Réticent au début le chauffeur accepte finalement, et je lui assure que je lui paierais moi même, demain matin ses heures supplémentaires.
Puis je prends congé et me dirige toujours à moto vers la ville la plus proche pour y passer la nuit.
Le lendemain de bonne heure, je reviens vers le chauffeur qui m’explique que tout c’est bien passé, et qu’il a ramené tous les réfugiés, les a installés à l’école du village. Il a aussi pu leur obtenir des vivres avec l’ONG.
Malheureusement une jeune femme, enceinte est morte pendant le transport.
Ils sont en train creuser un trou à côté de l’école pour l’enterrer. Les réfugiés m’appellent pour participer à l’enterrement, puis on fait ensemble quelques prières et enfin ils m’expriment leur gratitude avec gravité et sincérité.Je les salue tous et je
retourne vers le chauffeur. » combien je te dois pour tes heures supplémentaire. Comme promis je te les paie maintenant ».
Sa réponse m’a surpris et beaucoup ému.
Il me dit: « Monsieur Xavier non seulement tu ne me dois rien, c’est moi qui te doit.
Tu m’a permis de réaliser ce que je n’ai jamais fait dans ma vie jusqu’à aujourd’ui »
Je n’ai pas oublié ces mots. Nous venions juste tous les deux de sauver une centaine de personnes.
Chance pour eux et, au combien cha t5nce pour nous. On n’oublie pas ces moments là.
Le Tanganiyka. Le coton club.
Le Tanganyka est un night club de Conakry, que je ne tarde pas à découvrir, car tous les soirs, je reste en ville pour le dîner. En effet, rentrer à l’hôtel à l’heure de la « descente » (le retour à la maison) prends au moins deux heures de temps! En raison
du trafic, et aussi des 17 check-points contrôlés par des militaires et/ou des policiers. A chaque contrôle il faut montrer ses papiers, dire où nous allons, et à la fin offrir 2 ou 3 cigarettes. Et ceci 17 fois avant d’atteindre notre hôtel!
Alors je trouve plus simple de manger en ville, et d’aller faire un tour en boîte après, puis de regagner l’hôtel plus tard lorsque la circulation est devenue plus fluide.
Ce soir là, un samedi soir, je rencontre au restau, Amina, une des deux « bonnes sœurs » dont j’avais la connaissance le jour de mon arrivée. Elle me dresse le pan de la soirée: d’abord le Tanganiyka (une boîte située en ville) puis la Cotton Club, (à la périphérie), oû nous devrons passer le reste de la nuit, à cause du couvre-feu.
Elle m’indiquera le chemin..
Nous commençons donc par le Tanganika.
Il est encore tôt et la boîte est presque vide! Je discute donc un peu avec le patron, un algérien nommé Hamida. Il paraît très intéressé quand je lui dis que mon job, c’est à Nzérékoré et que je suis expert hydraulicien pour le HCR. Du coup il m’offre un verre, ainsi qu’à Amina.
Ce qui l’intéresse, c’est de savoir si l’activité économique est suffisante pour y ouvrir un magasin, visant la clientèle des expats UN et Ongs. Il paraît satisfait des renseignements que je lui donne. Pour lui dès que le nombre d’expatriés dépasse la cinquantaine, il est judicieux d’y ouvrir le premier magasin d’alimentation « moderne ».
Par exemple, à Nzérékoré, le matin au petit déjeuner il n’y a pas de beurre ! Les habitants imprègnent leur tartines avec de l’huile rouge ! Lui, il vendra du beurre (en conserve). Et aussi du camembert (en conserve)….Et il m’explique qu’il projette de venir bientôt à Nzérékoré, pour y ouvrir ledit magasin. Bien sûr il a entendu parler de l’insécurité permanente, en Guinée Forestière, mais aussi en contrepartie, du décollage économique de Nzérékoré.
Après cette discussion, je demande à Amina de m’expliquer la route pour le Coton Club, en précisant que je crois savoir qu’ il faut passer un check point tenu par l’armée, à proximité du « pont des pendus ».
Le pont des pendus, c’est une sorte d’échangeur passant au dessus de l’artère principale qui conduit dès quartiers d’habitation vers le centre ville. Des pendus! mais pourquoi? Eh bien voilà c’est sous ce pont que Sekou Toure faisait pendre, la corde au cou, les citoyens dont il voulait se débarrasser. Pas de procès, pas de jugement, même pas de simulacre, juste sa décision.
Un peu avant le levé du soleil, les condamnés étaient sortis de la funeste prison du camp Boirault, pour être acheminés au pont et y être pendus haut et court. Ainsi, le matin lorsque les guinéens se rendaient à leur travail, ils empreintaient obligatoirement l’unique route conduisant inévitablement à Conakry, et passaient donc immanquablement sous le sinistre pont, avec tout ces cadavres, suspendus au dessus de leurs têtes. « Coupables » d’avoir déplus à l’impitoyable dictateur. Ainsi, chaque matin, parmi le flot de voitures roulant au ralenti sous le pont, certains y découvraient, avec effroi et désespoir, un de leurs proches. Chaque matin, la totalité des guinéens se rendant au travail, recevait cet abominable message de leur abominable dictateur! Et cela a duré 26 ans de 1958 à 1984.! Chaque jour, soit plus de 9000 jours au total. Quasiment toute une génération.
Mais, je reviens à Amina qui affirme connaître le moyen d’éviter les militaires et les policiers: arrivé à une cinquantaine de mètres du barrage, s’approcher lentement du barrage, puis tourner brusquement à droite, et s’engager dans une piste adjacente, qui contourne.
L’idée me paraît un peu « Olé, Olé » mais pourquoi pas? Déjà un peu pompette (alcoolisé, bourré..), je suis OK pour tenter le coup. Une fois réalisé cet exploit nous continuerons la soirée en buvant et picolant, jusqu’à l’aube, avec une bonne soupe à l’oignon à la clé. Puis, une fois le barrage levé, nous pourrons regagner mon hôtel et conclure cette bonne soirée. Excellent programme.
Et nous voilà partis, tous les deux bien requinqués, vers la vie en rose!
Le barrage est situé au bout d’une ligne droite, ce qui me laisse le temps de me préparer. Amina, me rappelle la consigne: avance à vitesse réduite (c’est obligatoire avant chaque barrage) et dès que je te fais signe, tourne à fond à droite, tu t’engage dans la petite piste qui contourne et nous ressortons sur le goudron, plus très loin du Coton Club! Bon OK, je m’approche doucement du barrage, en rigolant intérieurement du tour que je vais leur jouer, j’entends Amina « Maintenant, Allez,
Vas y, tourne à droite », je braque à fond le regard fixé sur le côté droit, puis une fois bien engagé sur la piste, je relève brusquement la tête.
« Merde! C’est quoi ce bazar! ».
Nous sommes plantés dans une grosse mare qui barre la piste et en plus, derrière, un gros camion militaire complète le dispositif!
J’ai le temps de décompter 17 militaires qui courent vers nous en riant et en criant, l’arme au poing (chacun sa Kallachnikof).
Ils embarquent, sans politesse, sans nuance, Amina, et moi aussi avec un peu plus d’égards. Un gradé arrive. L’athmosphère se calme. Il reconnaît le logo du HCR, collé sur les portières, me demande ma pièce (d’identité), puis de fermer la voiture à clef..Enfin, nous retournons tous au barrage avec Amina, citoyenne guinéenne. Quant à moi, fonctionnaire international, je m’assoie dans une petite guérite, dotée d’une chaise. « Tu attends là, l’inspecteur va venir te parler ».
Finalement ça ne se passe pas si mal. Ça aurait pu être pire, bien pire même!
Je m’endors sur la chaise, sous le coup de l’alcool ingéré au Tanganiyka, …et du stress.
Je suis réveillé par l’inspecteur, et nous nous dirigeons vers son bureau dans une petite casemate, un peu à l’écart de la route et du barrage. Je suis réveillé par l’inspecteur de police. Bonsoir monsieur,.. bonsoir.
Il examine mon passeport bleu. « Alors comme ça, vous êtes français, ingénieur hydraulicien pour le HCR, avec un passeport des Nations Unies. Bien, bien, bonne situation. Vous êtes une personne respectable, c’est sûr!
Et vous vous amusez à griller les check points pour aller danser? » Je comprends qu’il a interrogé Amina avant moi. C’est normal. Et, je lui présente mes excuses.
MOI: « Le stress du travail pour les réfugiés à Nzérékoré, le dégagement une fois par mois à Conakry, aujoud’hui samedi soir, on fête, la bringue, l’alcool, les filles….bla, bla »
LUI: » Les blancs, vous êtes tous pareils. Quant vous faites des conneries, c’est toujours les mêmes excuses. Racontez moi plutôt votre travail à Nzérékoré? ».
Bon, volontiers, j’adore parler de mon travail. Et je lui raconte, tout ce que j’ai raconté, ici, plus haut, la ville: les forages, les villages, les cases, et les latrines ….bla, bla, bla…
LUI: « Bien, bien, très intéressant, merci. Maintenant venons en à ce soir. Comme ça vous avez eu l’idée de forcer un barrage tenu par la police et l’armée guinéenne. Ou bien, qui vous a donné l’idée? »
MOI, un peu couard: » C’est elle, Amina ».
LUI : « elle, elle dit que c’est vous et que vous l’avez entrainée de force ».
MOI, un peu en colère: » non, non, c’est elle »
LUI conciliant: « Bon admettons, …(pause), vous savez ça peut vous coûter cher, voire très cher, surtout si je on vous garde jusqu’à Lundi,…. le temps d’aviser le bureau du HCR à Conakry.
MOI: Oui, je sais, j’ais passé quatre ans au Sénégal, avant de venir chez vous. Combien?
Je ne rappelle pas du prix, mais je ne manque pas cette occasion de marchander un peu. En explicitant par exemple que je travaille comme lui pour la Guinée, comme si j’étais comme lui au service de l’état…etc. En fait il ne s’agit pas pour moi de convaincre, mais de renvoyer la balle – comme au tennis – et de participer à une sorte de joute oratoire, à laquelle chacun prend plaisir, et pour moi comme pour lui d’y voir l’occasion de flatter notre interlocuteur.
Et pour moi en adoptant son attitude, de lui parler comme il aime entendre. Le plaisir d’entendre le discours de l’autre, surtout que, quand on est habitué, on voit où il veut en venir, et puis y répondre avec la même philosophie. Ça peut tourner, dans les bons cas à la plaisanterie. Et c’est le meilleur moyen de faire baisser les enchères. Et puis finalement: MOI: alors combien ?
Il m’annonce le montant, qui a suffisamment baissé, pour me sauver la face, mais pas trop quand même pour lui préserver son gain.
Je paye, une liasse de billet rouge.
LUI: OK ET MAINTENANT POUR LA FILLE?
– Je ne suis pas étonné: tu peux la garder, je ne veux plus la voir.Elle m’accuse. Je n’en n’en ait rien à foutre.
Il est surpris, normalement les toubabs sont plus galants que ça.
– Il argumente: je ne te conseille pas de laisser ta copine entre les mains de soldats guinéens. Tu vois ce que je veux dire.
– Je n’en ai rien à fouttre! Mais finalement, attendri par ses arguments explicites, avec un soupir »combien encore?
LUI: XXX
MOI : Je paye.
Le jour s’est levé. Le couvre-feux est levé.
Les affaires ont été réglées, dans les règles, comme d’habitude.
Et il envoie chercher la fille, et me rend mon passeport des Nations Unies, les clefs du véhicule et Aminata.
« Au revoir Inspecteur. Je n’ose pas dire à la prochaine! »
et « Merci de ne pas appeler le bureau du HCR, n’est pas? »
LUI: « naturellement, pas de problèmes, merci à toi, et bon dimanche! »
MOI: « merci encore, Inspecteur et bon Dimanche. »
Finalement nous ne sommes pas allé au Coton Club. Pas de salsa langoureuse ni de soupe à l’oignon. J’explique à Aminata, que j’ai payé pour elle. Elle se garde bien de me parler de ses conditions de détention. Elle n’avait rien gagné ce samedi soir, et ose me demander un billet rouge. Nous sommes arrivés en ville. De guère lasse, je lui remets un billet rouge, lui dit de descendre, et je me dirige vers l’hôtel pour aller me coucher. Putain de nuit!
Peu après je reçois la visite d’un chinois venu me dit-il de Conakry pour me rencontrer. Et il me pose à peu près les mêmes questions que Hamida m’avait posé, dans son night club, « le Tanganiyka ». Puis il m’informe qu’il a l’intention d’ouvrir un magasin d’alimentation prochainement à Nzérékoré. La personne qu’il détachera pour tenir le magasin prendra contact avec moi. « OK, no problem, je l’attends,Bye »
« Bye, bye »
Une semaine après, oui, c’est bien Hamida le patron de la boîte de nuit » Tanganiyka » à Conakry qui s’encadre dans l’embrasure de la porte de la maison que j’ai louée à Nzérékoré.Je suis vraiment surpris, lui souhaite la bienvenue et l’invite à partager mon repas. Que viens-t-il faire ici?
« Je viens pour ouvrir le magasin d’alimentation dont je t’ai parlé ».
Niger 1
1991 – 1994:
47ans – 4 ans
Job: alimentation en eau de Niamey, la capitale.
Financement Agence Française de développement.
Xavier Meyer, chef de mission de suivi et de contrôle des travaux.
Pendant le mois de vacances que Marcelinne et moi avons passé en France, je me préoccupe de mon futur emploie, car une fois mes exploits en Guinée terminés, il me faudra bien trouver un autre job! C’est le lot des mercenaires du développement!
Il faut donc s’en occuper un an à l’avance.
Dans cet objectif, je me rends au bureau d’études LBII, à Paris. Sur indication obtenue d’un copain, plus de deux ans auparavant. Il s’agit d’une émanation de Louis Berger International Inc. créée au U.S.A. il y a une génération.
Je suis reçu par Le Norcy, un ingénieur hydraulicien de Grenoble comme moi. Il a une grosse expérience de l’afrique, acquise au Zaïre. Je lui sors mon CV, et nous discutons. LBII participe à un appel d’offres (A.O.) pour le suivi et le contrôle de la construction d’une station de traitement des eaux , à Niamey, capitale du Niger.
Le projet est financé par l’AFD, agence française de développement.
Ma bonne tête lui convient, mon CV aussi.
Il va le mettre dans sa soumission, et me préviendra s’il gagne l’A.O. Je lui laisse mon adresse en Guinée, HCR Conakry.
Au revoir et à bientôt.
Neuf mois aprés, lorsque LBII gagne le contrat, à démarrer le plus vite possible.
Ça tombe bien j’arrive à la fin de la deuxième année de mon job avec le HCR en Guinée. Je clos mes affaires à Nzérékoré, et je prends dar-dar l’avion pour Paris. Je revois Le Norcy, qui m’informe avoir eu les pires difficultés à me localiser.
Entre la Sonafor à Dakar, le HCR à Genève, puis à Conakry, puis à Nzérékoré, compte tenu de l’inexistence de réseaux fiables, il arrive finalement à me joindre sur la valise-satellite du bureau de Nzérékoré.
Puis le DG, Laroche, m’invite à déjeuner, en tête à tête, pour faire connaissance. A la fin du repas, il me donne un conseil: « de votre signature va dépendre le paiement de sommes importantes, à l’entreprise, et au bureau d’études nigérien que nous avons pris comme associé…etc. Ouvrez un compte en banque, dès votre arrivée à Niamey.
Mais, il y a deux choses que vous ne devez surtout pas faire:
Primo: n’entrez jamais en contact avec les services financiers nationaux nigériens, et surtout pas avec les impôts.
Secondo: et cela va sans dire, ne montez rien d’illégal. Si vous magouillez, même avec un ministre, ça se saura et vous serez jugé localement et condamné à de lourdes peines, à exécuter dans une prison à Niamey.
Ce que je ne souhaite à personne, ajoute Laroche pour conclure sa mise en garde!
Allez signer maintenant notre contrat, prenez les documents que nous avons préparé pour vous, et bon travail. »
« Au revoir Mr. Laroche, merci de vos conseils, et à la prochaine ».
C’est ça qui me plaît. J’arrive dans un B.E.
(Bureau d’études) chômeur et sans un sourire, j’en ressors avec un billet d’avion pour un pays que je ne connais pas et avec de la monnaie pour débuter. Mon statut social est monté en flèche. Le soir, un dîner dans un bon restau, et un bel hôtel, au frais de la princesse.Et le lendemain:
Je vole vers une toute nouvelle vie.
C’est un nouvelle naissance.
Olé, Vive la Vie, Vive l’Afrique.
GOOD MORNING AFRICA.
La SADE est l’entreprise française, chargée de l’exécution des travaux, appartenant au groupe Genérale des Eaux.
Le chef d’entreprise est sympa – mais qui ne le serait pas avec le contrôleur de ses chantiers? – et m’invite un soir à manger chez lui. Il s’appelle Royer et vie avec son épouse, au Niger depuis quelque temps.
Je sonne au portail. Royer m’ouvre et me livre d’entrée un étrange conseil: « si tu vois un lion qui rôde, ne t’inquiète pas. Il sont apprivoisés. Attention quand même, il y en a deux ».O.K. je ne m’inquiète pas et nous entrons, dans sa maison, sans être attaqués par les lions .
Je suis fort bien reçu dans cette villa avec piscine (toutes les villas d’expatriés à Niamey, ont une piscine en bon état de marche. Il fait tellement chaud dans la journée), et bien sûr toutes les pièces sont climatisées! Il y a aussi un très grand jardin entièrement clôturé, comme chez tous les expats. Tout ceci nécessite un peu de personnel: d’abors un boy n°1 qui dirige tous les autres et réfère directement à la patronne. Ajoutons un cuisinier, quatre gardiens, jour et nuit , un jardinier, un piscinier et deux chauffeurs. Ca fait 10 personnes pour s’occuper de Monsieur et Madame. Je ne critique pas, j’avais à peu près les mêmes installations et le même aréopage! Et mon cuisto était vraiment N°1.
Depuis le joli temps des colonies, ça n’avait apparemment pas changé beaucoup.
On auraient pu tous chanter ensemble, avec Michel Sardou:
» Moi monsieur j’ai fourni de l’eau: Dakar, Conakry, Bamako
Moi monsieur j’ai eu la belle vie au temps béni chez nos amis
J’en ai gagné des XOF aux temps bénis de l’AOF.
J’avais mon compte bien garni, au temps béni chez nos amis ».
Le repas a été agréable, bien arrosé de bons crus de la métropole. Avec nos métiers de commis voyageurs du développement, nous avions tous les trois des choses à nous raconter.
Puis la conversation tombe sur les deux lions de Madame. Le mari prend la parole: il a acheté ces deux lions à l’invite de sa femme, au musée de Niamey, alors qu’ils étaient tout petits, il y a six mois. Mais maintenant ils avaient grandis et dépassaient plus de 100 kilos chacun. Un mâle et une femelle. Je voulais voir ça, mais on m’explique, qu’il sont chacun dans une chambre en train de dormir, et qu’il faut mieux ne pas les déranger. « Par contre, si vous voulez les voir, venez demain à midi. Au fait est ce que vous pourriez alors me rendre le service de les prendre en photos? »
« Oui bien sûr j’ai justement apporté mon appareil photos de France. Bon OK? OK.
Merci pour cette bonne soirée, et à demain. »
Mon chauffeur Sido, qui attendait durant toute la soirée dans notre véhicule, me ramène à l’hôtel. A cette époque il y avait dans tous les hôtels, quelques femmes ou filles qui attendaient le client, pour l’inviter à faire des calipettes. Ceci en parfait accord avec la Direction (de l’hôtel et de la police).
Patron, c’est l’amour qui passe!
Un peu fatigué par le repas, je décline l’invitation de ces dames et je vais me coucher. Je suis réveillé, un peu plus tard, par des talons qui claquent sur le plancher au bout du couloir, et s’arrêtent devant une porte. Toc, toc, toc. Qui frappe à la porte? »
« Bonsoir patron c’est l’amour qui passe ».
Il ouvre…puis referme la porte.
Je me rendors, mais, 10 minutes plus tard, le bal des talons reprend, un peu plus près de ma chambre. Toc, toc, toc. Qui frappe à la porte?
« Bonsoir patron, c’est l’amour qui passe ». J’entends la porte s’ouvrir et se refermer. Et 10 minutes plus tard, le même manège reprend. J’estime qu’il reste encore trois chambres avant la mienne, pas moyen de dormir!
Alors je me dis, dans 30 minutes c’est mon tour. Pourquoi pas? Elle me fera peut être un truc qui m’aidera à dormir. Parce que, pour le moment j’ai vraiment plus envie de dormir. Vivement la pipe! Et je prend mon mal en patience. Le plus marrant c’est que j’ai suivi tout, par l’oreille. Maintenant là voilà à la porte précédant la mienne.
Bientôt mon tour!
Mais voilà-t-il pas, quelle ne sort plus! Elle a trouvé chaussure à son pied avec le voisin!
Et je n’ai ainsi pas pu me rendormir, le sédatif que j’attendais depuis une demie heure, n’étant pas parvenu à ma porte! De plus à cause du bruit de combat qui s’est prolongé dans la chambre voisine, plus moyen de m’endormir.
Un peu d’humour! C’est l’Afrique Patron!
Les lyons de Mme Royer.
Le lendemain matin, les yeux mi-clos, je rencontre Royer qui me confirme le rendez vous avec sa femme. Je suis prêt, j’ai amené mon appareil photo. Un Kodak cubique, entièrement en plastique, une sorte de boîte à image.
Mme Royer me dit de rester au centre de la pièce, le salon: elle va ouvrir la porte au lion mâle, et je n’aurais qu’à le prendre en photo, alors qu’il s’avancera vers moi. Suis je prêt? Oui. Bon elle ouvre la porte.
Un lion énorme sort de la chambre et s’introduit au salon. Je suis gêné par la table au milieu de la pièce, et je ne peux prendre tout de suite la photo. En réalité, je suis terrorisé par cette bête énorme, plus de 200 kilos, à vue d’oeil, qui s’approche de moi et qui commence à me renifler le bas du pantalon, pour remonter jusqu’à l’entre-jambe, si vous voyez ce que je veux dire.
» Madame Boyer, dites moi ce que je dois faire » . « Monsieur Meyer, tapez le sur le museau, il va s’en aller ». Ça OK, mais moi, je n’avais pas vraiment envie de taper sur le museau de ce lion.
Finalement elle arrive et écarte un peu le lion de mon auguste personne.
Puis elle me dit « attention, je vais ouvrir l’autre porte, et la lionne va sortir, alors prenez les tous les deux en photo, ou l’un après l’autre, comme vous voulez ». Tout les deux! On peut pas dire que ma situation s’arrange: un lion ça va déjà pas, deux lions bonjour les dégats.
Sans être très rassuré, j’ai pu prendre des photos. Puis je me suis éclipsé du salon.
J’ai remis le rouleau de pellicules à Mme Royer et je suis allé me remonter au bar « La cascade », chez mon ami Jean Pierre.
Deux jour après je repasse chez Royer pour voir les photos, que sa femme avait fait développer, mais pas de chance, elles étaient toutes ratées. Son commentaire: « c’est bizarre, les quelques personnes qui comme vous ont essayé, ont toutes raté les photos. » Oui OK, mais moi, ça m’avais stressé, et ça ne m’étonne pas vraiment!
Un mois plus tard les deux lions avaient disparu: la femelle euthanasiée suite à une tentative d’attaque sur un gardien. Quant au mâle, on l’avait retrouvé noyé dans la piscine. Enquête faite, le personnel l’y aurait poussée!
Royer s’en était occupé, sans le dire à sa femmes qui adorait ces petites bêtes. Il faut dire qu’elle leur avait donné le biberon au début, puis aprés des quartiers de viande, …et bientôt pourquoi pas des gazelles entières.
Les hommes, les lions sont tous frères, ils adorent et fondent sur les gazelles sauvages.
Une vie de noceur.
Lorsque je suis arrivé au Niger, on m’avait fait visiter lu une maison que l’entreprise avait construite pour Altine B, alors président de la commission d’attribution, des marchés publics. Ce dernier se proposait de me la louer. J’acceptais volontiers car elle était toute neuve, d’une architecture intéressante, bien équipée avec des meubles neufs et de plus dotée d’une antenne satellite, une première au Niger. Je m’installais donc, tout de suite dans cette belle villa, et on me promettait que la piscine serait construite sous peu.
J’embauchais illico trois gardiens, qui se relayaient, un le jour et deux la nuit.
Il faut dire que 300 détenus s’étaient évadés de la prison, peu avant mon arrivée.
On en avait rattrapé beaucoup, mais il en restait qui rôdaient en ville, à la recherche d’un mauvais coup. Les trois gardiens étaient d’ethnies différentes, comme ça ils se surveillaient entre eux. L’un était touareg et portait le chèche le nuit, l’autre avait un arc avec des flèches empoisonnées (c’était pas de la dissuasion nucléaire, mais ça se savait dans le quartier!). Le troisième, je ne sais plus.
Pour vérifier que les gardiens ne dormaient pas la nuit, il y avait un mouchard avec une clé à tourner vers 2 heures du matin.
Peu à peu, je prenais mon rythme de croisière: petit dej. et repas de midi à la maison, apéro et dîner le soir à la Cascade,
Après c’était la période de soudure à la Corniche, où les gazelles discutaient entre elles, achevaient de se préparer, maquiller, etc… et élaboraient leurs plans d’attaques pour la soirée au cours de laquelle peut-être, pourrait se décider leur avenir. Ce qui me plaisait à la Corniche, c’était que la bouteille de bière n’était pas chère. Je pouvais en offrir, sans me ruiner, des tournées aux filles. J’acquerrai ainsi facilement et à peu de frais une réputation de bienfaiteur de l’humanité. Et je bénéficiais auprès de ces demoiselles d’un préjugé favorable. Toujours utile, si l’on ne veut pas rentrer seul chez soi, après minuit.
Au restau le soir, les pastis succédaient aux pastis et une fois à table, venait le vin rosé. On était toujours trois ou quatre et chacun payait sa bouteille. Toute les deux bouteilles bues (et payées, ou portées en compte) Jean Pierre en remettait une gratos!
Après l’apéro (qui commençait à la sortie du travail), et après le rosé, on était déjà bien allumés en entrant à la soudure. Et encore plus en boîte, une heure après. A la fin, on rentrait chez soi en zigzag, mais en cas de pb avec la police, il suffisait d’allonger un billet rouge et c’était réglé.
Bref, on était tous les rois du pétrole.Tous des expats avec un bon contrat, maison, piscine , boys, voitures de service, essence assurance et réparations à charge du projet, d’accortes gazelles à la pelle (sauf pour les gars mariés, un peu plus parcimonieux). Tout allait bien dans le meilleur des mondes.
Mais on finit par se lasser de cette vie de bâton de chaise, et je souhaitais vraiment avoir une compagne à la maison. Pourquoi prendre des risques avec une nigérienne, alors que je m’étais si bien entendu avec Awa, à la fin de mon séjour en Guinée? Je lui téléphone donc, réussit à la contacter par l’intermédiaire de Daniel, et l’envoie chercher à Conakry, par Sido avec un 4×4 Toyota hilux. Tous frais à charge de mon employeur, LBII, Louis Berger International Incorporated.
Awa
Awa s’installe donc à la maison et nous reprenons notre relation là où nous l’avions laissée trois mois plus tôt. Tout va bien, mais peu après elle se fâche et décide de ne plus me parler. Je ne sais même pas pourquoi. Peut être ces récentes copines lui ont-elles décrit ma vie, nécessairement libertine avant son arrivée! Elle reste quand même deux jours sans me parler, puis je tente de la raisonner: « écoute Awa, on a la chance actuellement toi et moi d’être ensemble, et on a ici une belle vie. Mais on ne peut pas prévoir ce que sera demain. Alors ne gâchons pas le présent, profitons en au maximum…bla,bla,et bla ».
« Je t’en prie recommence à parler et ayons une vie normale, toi et moi, moi et toi. »
Un discours franc et sain, pas manipulateur pour un sous!
Miracle, elle recommence à parler et m’explique qu’elle voulait me montrer qu’il faut que je la prenne au sérieux, qu’il ne faut pas « que je la déconne ». Elle est majeure, et elle ne veux pas de ça.
« OK, ça marche » et on va à la cascade pour fêter la fin de son silence obstiné.
Avec Amidou, le cuisto qui cuisine très bien à la française, et elle à la guinéenne nous sommes bien partis pour une vie paisible, et pour moi, une meilleure santé, pour bien travailler, dès bonne heure le matin.
Elle est sensible à cet argument et tout se passera bien quasiment jusqu’à la fin de mon contrat. Awa est belle, avec une belle poitrine (elle n’a pas eu d’enfants), et elle me plaît bien. Fille d’un commissaire de police, elle a reçu en Guinée une bonne éducation. Elle est donc intelligente et cultivée, à la mode guinéenne, et c’est un point important, on peut discuter véritablement ensemble.
Je suis touché par la grâce.C’est le début d ‘une période de calme, d’amour et de bien être.
La piscine est maintenant terminée, nous sommes dans la phase test. On remplit et on vide plusieurs fois, pour effectuer les finitions.
Une famille de gueules tapées
Il existe en afrique une espèce de lézards, un peu plus gros qu’en France, qui attirent l’attention par les belles couleurs de leurs écailles. Parfois bombant le torse, bien campés sur leurs deux pattes avants, ils émettent une sorte de petit cris.
Au Sénégal, on les appellent les gueules -tapées. Et on retrouve cette espèce au Niger. Leur spécialité, c’est de s’introduire dans les maisons, où grâce à l’adhérence de petites ventouses sous leurs pattes, il peuvent rester collés au mur, sans bouger en position de chasseur de mouches ou de moustiques.
On n’a pas envie de les anéantir, alors ils vivent leur vie, parallèle à la nôtre, dans une entente cordiale.
Notre piscine étant vide, l’un d’entre eux, apparemment un chef de famille, mais avec des couleurs passées par le temps, un ancien peut être, un grand père sans doute, s’est aventuré au fond du bassin. Je le repère un soir, dans un coin du bassin. Plus tard je repasse au même endroit: l’ancien est toujours là. C’est comme s’il n’avait pas bougé. Peut-être a-t-il essayé de sortir en grimpant sur le mur vertical, mais il n’y est pas arrivé, car les carreaux en porcelaine, sont plus lisses et moins adhérents qu ‘un enduit de peinture sur les murs de nôtre maison. N’est pas?
Je vaque à mes occupations et repassant au même endroit encore plus tard, il est toujours au fond. Et sur le bord de la piscine, un(e?) autre gueule-tapée le regarde, désemparé(e?). Puis d’autres membres de sa famille apparaissent, sur le bord de la piscine et restent les yeux fixés sur le vieillard en difficulté.
Scotchés à la verticale de leur ancien, ils émettent de temps à autres des petits cris, des sortes de lamentations.
Puis je n’y porte plus attention, mais deux jours plus tard je me renseigne auprès des ouvriers qui ont repris leur travail: oui, ils ont bien retrouvé un gueule-tapée, mais mort au fond de la piscine. Mort auprès des siens, venus l’assister, lui bloqué en bas et eux en haut, impuissants à l’aider.
Un exemple de solidarité familiale chez les geule-tapées…
Mon job
Ma mission se détaille comme suit:
A NIAMEY:
– Construction et mise en service d’une station de traitement de 30.000 m3/ jour.
– Réhabilitation de la première tranche, de même capacité.
– Démarrage, pilotage avec les techniciens de la société nationale des eaux et suivi des paramètres de la nouvelle station durant les trois premiers mois, pendant la saison des pluies.
.
Déroulement des travaux
Plus en détail et sur le terrain, ma mission consiste à vérifier les plans, puis à coordonner et surveiller les travaux, en qualité et quantité. Tout en assurant avec la SNE – société Nationale des Eaux du Niger – la gestion globale de ce programme, financé par l’Agence Française de Développement (AFD).
Je m’adjoint un bureau d’étude nigérien, qui fournira l’équipe locale: un comptable, une secrétaire et trois contrôleurs: station de traitement, canalisations, forages, châteaux d’eau, plus un chauffeur.
Le DG de ce bureau d’études s’implique en priorité dans la gestion et le contrôle de qualité de ses prestataires.
Chef de la mission de contrôle, j’ organise et anime les réunions hebdomadaires entre l’entreprise, la SNE, et nous mêmes. Mon partenaire à la SNE, est le Directeur de l’exploitation (le DEX). Celui de l’équipement (le DEQ), est invité.
Ces réunions prennent toute la matinée, et l’entrepreneur invite tous les participants à déjeuner en ville.
La station de traitement est construite en rive gauche du fleuve Niger parce que Bamako s’est d’abord développée uniquement en rive gauche. Ce n’est que récemment que sont apparus les quartiers en rive droite, notament avec la construction, il y a 50 ans, du grand hôtel au bord du fleuve qui avait deménagé tout un quartier, dans la rive droite.
Le barrage de Goudel.
La prise d’eau de la station
de traitement se situe juste en aval d’un petit barrage, le barrage de Goudel. Celui-ci stoke les eaux pendant la saison des pluies, pour les restituer, si nécessaire pendant la saison sèche. Il dispose d’un petit trop-plein pour laisser passer l’eau, lorsqu’il est.
Les maliens de l’ethnie Bozo, sont les seuls autorisés à trafiquer sur le fleuve: pêche, pissiculture, récolte à la main et livraison de volumes de sable dans de très grandes pirogues, transport de passagers, d’une rive à l’autre..etc.
Toutes ces activités se tiennent pendant la saison sèche, quand le courant est nul ou presque nul. Les pirogues sont alors actionnés par une perche, tenue à la main par un perchiste, qui pousse vers l’arrière, debout en équilibre sur le bord de sa pirogue et la propulse ainsi vers l’avant. Puis il remonte vers l’avant, et une fois arrivée sur la proue il refait le même manège…etc.
Mais il y a aussi des bozzos du Nigéria, qui remontent parfois le fleuve à partir de leur pays. Et le passage du barrage de Goudel s’avère un point dur puisqu’il n’y a pas d’écluse. A la limite, il pourrait remonter le trop plein, mais ce jour là, un dimanche, le lac était bien rempli, et le trop plein débitait un très fort courant, ne laissant aucune chance, à la grande pirogues nigériane de le remonter.
Ils étaient donc garés en rive gauche, lorsque mon fils et moi arrivant avec notre 4×4 Hilux, sur le parking bithumé en rive gauche et s’étendant depuis l’amont du barrage, jusqu’en aval. Un nigérian sans doute le chef de l’équipe, s’avance vers nous, et après les salutations d’usage, nous explique qu’il faudrait tirer sa pirogue et la déposer sur le parking puis la tirer sur une trentaine de mètres pour la remettre à l’eau en amont.
Ainsi ils pourraient reprendre leur navigation sans avoir à attendre des jours, ou des semaines…ou des mois!
« OK, no problem, let’s try just now. »
Donc ils fournissent la corde et vident leur pirogue. Puis on l’attèle à notre 4×4, et je commence à tirer doucement, la pirogue sort peu à peu de l’eau. La tourner dans la bonne direction est un jeu d’enfants, ils sont une trentaine, la tirer encore vers l’amont se fait aisément avec le 4×4, puis la remise à l’eau, dans le fleuve en amont du barrage se fait aussi facilement à la main.
« Et voilà, vous pouvez, si vous voulez, repartir et remonter le fleuve vers votre lieu de pêche ».
En fait ils sont resté une semaine encore, pour réparer les dégâts causés sur leur toiture, pendant la transfert sur le parking.
Puis, hommes, femmes et enfants avaient rechargé leurs bardas et leurs volailles : poules, poulets, canards et coqs et en particulier.
Puis un beau jour ils sont partis.
Mais peu de temps auparavant, j’avais le même problème, j’étais avec mon bateau à moteur (un speed boat type Boston Wohler 14″) à l’aval du barrage, et voulait passer à l’amont, mais après quelques tentatives plutôt risquées, j’abandonnais cette idée et j’approchais de la rive pour y amarrer le bateau, en aval.
C’est alors qu’ une trentaine d’hommes surgissent et entrent dans l’eau jusqu’à la ceinture, on me dit de m’asseoir, et ils soulèvent à la main mon SPEED Bora, pour le déposer, avec moi dedans, à l’amont. Ce faisant ils me rendaient le service que je leur avais rendu.
Poignées de mains, merci, ….au revoir.
Et le lendemain, ils étaient tous repartis à l’aventure dans leurs grandes pirogues.
Étaient-ils des pécheurs? Ou bien fuyaient-ils la misère endémique de leur pays?
Je ne le sais pas, mais ce que je sais c’est que nous venions de vivre tous ensemble blancs et noirs, un vrai partage, amical et profondément humains.
La station de traitement des eaux. STE.
L’ancienne station de traitement des eaux produit, à partir du pompage d’eau brute dans le fleuve, une quantité d’eau potable de 30.000 m³/jour.
La nouvelle station dont nous commençons maintenant la contruction, produira également 30.000 m³ d’eau potable par jour. Mais avec des aménagements techniques récents qui devraient permettre d’en améliorer encore la qualité.
Dans toute STE le traitement comprend quatre étapes: le mélange, la décantation, la filtration, et la coloration. La première consiste à injecter à l’entrée dans la STE, un produit qui concentre les impuretés en petites boules.Celles-ci se décantent ensuite au fond du décanteur, au bout duquel l’eau clarifiée, est filtrée sur des lits de sables pour atteindre finalement une qualité irréprochable. Il ne reste plus alors que la choration, et l’eau ainsi produite est potable, et peut être distribuée aux populations. Jusqu’à l’intérieur des maisons, où elle calmera la soif et apportera santé et propreté.
La quantité produite – 60.000 m³/jour – dépend du nombre d’étapes du traitement. Or, il m’est apparu clairement que l’eau du fleuve pendant la saison sèche était assez claire pour permettre de sauter les deux premières étapes de clarification; et ceci était confirmé par les analyses pratiquées, chaque matin, dans notre laboratoire.
Ainsi, il serait possible d’augmenter le débit d’eau traitée.
J’en parlais avec le chef de la STE, qui trouvait l’idée judicieuse, car l’augmentation du débit d’eau traitée, allait permettre de distribuer plus d’eau potable et d’atteindre ainsi les quartiers les plus éloignés, auparavant démunis. Ce qui fût dit, fût fait, et pendant toute la durée de la saison sèche, plusieurs centaines de milliers de personnes supplémentaires en ont bénéficié.
Le vieux fusil.
Lorsque je demandais à Awa de me rejoindre au Niger, j’appelais la famille de Marcelline pour prévenir que je ne reviendrais pas en Guinée, puisque sa mère avait refusé notre mariage. Mais l’oncle de mon ex-chérie avait pris les choses en main, à Nzérékoré. En effet dans la famille guinéenne, l’oncle et la tante jouent un rôle plus important, dans les décisions concernant les enfants, que le père et la mère. Et l’oncle, voyait mon désengagement d’un très mauvais œil. Puis, de guère lassé, il me demandait une indemnité financière, pour permettre à sa nièce de poursuivre ses études. Et me menaçait, si je ne payait pas de venir au Niger, pour s’occuper de moi. Je lui dis donc un virement postal, mais au fond de moi, sa menace me préoccupais. De plus la sécurité au Niger se dégradait. Et de ce fait, je ne me sentais plus vraiment en sécurité, malgré mes trois gardiens, leurs arcs, leurs flèches et leurs coupe-coupes.
J’en parlais avec un ami militaire, un motard de notre groupe. Comme je cherchais à me procurer une arme, il me proposa, pour un prix raisonnable, un fusil à canon court, dont il cherchait à se débarrasser avant son retour prochain, en France.
Quand il me remis le fusil, je lui remis les billets rouges, et yeux dans les yeux, il me dit: « tu sais que c’est illégal? » « oui » . « Alors si tu te fais prendre, je te demande de ne pas donner mon nom. Au moins jusqu’à mon départ ». Et il ajoute, après une courte pose » Oui, jusqu’à mon départ. Après, je serai en France on s’en fout ».
Je prend le fusil, et vais le ranger au fond d’un tiroir, c’est un canon court, dans la commode de ma chambre.
Puis je l’oublie là pendant plusieurs mois.
En fin la fin de ma mission approchant, de ma mission, Awa m’ayant quitté, je déménage et m’installe dans un studio en ville. Mais là, catastrophe, j’oublie tout simplement mon fusil dans la commode de mon ex-chambre.
Or le nouveau locataire de ma villa, n’était autre que le patron de la SADE, qui achevait la construction de la STE. M’apercevant de cet oubli, je demande à Sido de m’emmener, illico, à la villa pour récupérer le fusil. Le nouveau locataire, chef de chantier l’entreprise, partageait avec son patron une certaine aversion à mon égard, en raison du contrôle trop sévère à leur gré, que j’exerçais depuis deux ans sur leur travaux. Il m’emmène dans la chambre, ouvre le tiroir du bas de la commode et en sort le fusil. Puis pour se moquer il fait mine de tirer en l’air, puis par la fenêtre…etc. Et il me rend mon fusil.
Je rejoins Sido, qui attendait dehors dans le 4×4 et camoufle le fusil sous la banquette. Je lui dit: « Sido, amène moi au restau et va jeter ce fusil à l’eau. Tu prend une pirogue et tu le jette au milieu du fleuve ». « Oui, patron! ». Et on n’en parle plus.
Résultat des courses: le lendemain matin, vers 8 h, deux nigériens se présentent à mon studio. L’un devant, l’autre en arrière de 5 ou 6 mètres. Ils me montrent le fusil. « C’est bien à vous ce fusil? » « oui ». Ils me montrent leur carte d’inspecteur de police, et m’intiment de les suivre, en prenant mes passeports et quelques effets. Nous allons au commissariat, et il me plantent là, toute la matinée. Vers 14 h, un autre inspecteur me questionne. Je réponds en ne cachant rien: mon job en Guinee, Marceline, les menaces de son oncle…etc et puisque mon copain militaire était rentré en France depuis un moment, je lui dis son nom…etc.
Le commissaire, qui n’a pas encore vu le fusil, demande qu’on le lui apporte, et là son visage s’éclaire : « Ah, mais ce n’est rien; rien qu’un petit fusil à canon scié, et moi qui pensait que vous vouliez tuer des tas de nègres, avec un UZI israélien!
Un autre inspecteur entre dans le bureau, et il est chargé de faire une enquête auprès de l’armée française pour retrouver propriétaire d’audit fusil, et vérifier mes dires. En fin un autre inspecteur arrive, triomphant, car il a perquisitionné villa et trouvé, je ne sais où, dans la boîte de cartouches. Il fait rentrer le chef de chantier, qui se marre déjà beaucoup moins, et je confirme ces explications. Ces cartouches ne lui appartiennent pas, c’est mon copain militaire qui me l’ai a remises avec le fusil à canon scié. De plus je n’y ai pas touché, la boîte est pleine. Le commissaire, exhulte, la boîte à la main!
Il manque une cartouche! Et il sait comment me faire avouer. Avouer quoi?
Puis tout le monde s’en va, et je reste seul avec lui. Il me menace, se met à crier…et finalement il sort, c’est l’heure de manger. On me ramène au commissariat, on me donne à manger et, mesure de faveur on ne me jette pas en cellule, je reste dans le grand hall d’acceuil. Tous les policiers sont sont sympas, on discute et je peux même regarder la télé.
Vers 17 h c’est la descente, la sortie du travail, et j’ai mes bons copains qui se pointent. Des militaires français, et Moussa, mon contrôleur en travaux de genie-civil. Il est confiant, sa tante est juge.
Mais malheureusement, elle est en vacances. Il me dit qu’il va parler aux policiers, pour m’éviter absolument de passer la nuit en cellule commune. Il va, il parle, j’ai confiance car nous sommes amis, et je le connais bien: il parle bien.
Il revient, c’est arrangé. Awa est venue aussi, malgré notre récente séparation.
NIGE 2
Le vieux fusil, tonton Jean
50 ans
Niger 2
Awa étant fille de commissaire, elle sait quil faut redouter les polices africaines. Elle reste assise un moment près de moi sans rien dire, au bord des larmes me semble-t-il, puis elle se lève, me fait la bise et: » Xavier soit prudent, s’il te plaît, fais attention, soit prudent ».
Mes copains militaires reviennent avec des plats préparés, et une demie bouteille de vin rouge. Mais celle là, je n’y toucherai pas, c’est interdit, les gardiens la garde pour eux!
L’heure de la visite est terminée, on s’effusionne, et tout le monde s’en va.
Sido laisse la voiture dans la cour, ça pourrait toujours servir. Mes affaires sont dedans et je garde la clé.
Je m’allonge et j’essaye de dormir, malgré la lumière, et le bruit de la télé. Puis c’est l’extinction des feux, et je m’endors.
Je me réveille vers 5h du matin, le temps passe Sido arrive avec le petit dej. Puis plus tard on m’annonce que je vais passer en jugement cet après-midi.
Je vais vers la voiture, et prends mon nécessaire de toilette, on m’indique un robinet, Sido déplace le 4×4, et je me rase.
Je tiens à être présentable pour le jugement. Mon reflet est en face de moi sur l’imposant rétroviseur des Toyottas.
La journée s’écoule, tous mes ex-employés à la villa viennent compassionner avec moi, et aussi mes copains, mes potes..
17 heures: une camionnette Peugeot, pleine de gendarmes vient me chercher. Ils ont eu la délicate attention de mettre un petit banc à l’arrière, avec à côté, bien en vue, une pancarte en contreplaqué, sur laquelle est écrit: « Trafiquant d’armes » et on part faire le tour de la ville. Toutefois à la sortie, au poste de police on remplace « Trafiquant d’armes » par « Détenteur d’armes illicites », c’est plus nuancé.
Je dois dire que ça fait un drôle d’effet d’être trimballé comme ça en ville. La population est surprise car c’est pas souvent qu’on voit un blanc à cette place, occupée habituellement par des noirs. Puis arrivé au palais de justice, on me place sur un banc, parmi les autres prévenus. Des exclamations de surprise fusent et les commentaires vont bon train. Le temps passe, les accusés passent les uns après les autres.
Un avocat est s’insinue entre les bancs et vient me proposer ses services. On verra après mon jugement.
Je passe en dernier face au juge.
« Alors qu’est-ce qu’il se passe, Mr Meyer?
Vous détenez des armes de manière illicites. Voyons voir notre Code Civil »
Il ouvre le Code, cherche la page…voyons,voyons. Ah, voilà, quatre ans de prison! Ça peut paraître sévère, mais je connais bien le Code français et le notre est copié dessus. Quatre ans, qu’allez vous faire Monsieur Meyer! »
Je sens ma tête se vider de son sang. Je blanchi….et mes chevilles se mettent à gonfler.
Je bredouille, » je ne pensais pas que c’était si grave, Monsieur le juge »….. »Je…je suppose que je vais prendre un avocat ».
Là dessus son téléphone sonne et le voilà en conversation pendant dix bonnes minutes…de temps en temps il me jette un coup d’oeil. Je ne suis vraiment pas fier. Puis il raccroche. « Alors Monsieur Meyer, vous disiez?…..Qu’allez vous donc faire Monsieur Meyer? ! «
« Je vais prendre un avocat, Monsieur le juge! ». Bis repetita placent.
Il me regarde bien en face, et se penche vers moi, du haut de son estrade, comme s’il avait fait un bon coup:
« Surtout n’en faîte rien, nous allons arranger tout ça. Ce n’est pas moi qui vais vous juger, mais un de mes collègues que je connais bien, et que je vais sensibiliser à votre cas »
L’espoir renaît, je remercie d’avance le juge de son intervention et je me sens soudain plutôt généreux. « Y aurra-t- il des frais à régler? « .
Il rigole. « Non, non, ce n’est pas la peine. Je vous soutiens en raison des excellentes relations que j’entretiens depuis longtemps avec le M. Le Consul de France ».
« Allez, bonsoir M.Meyer, vous pouvez rentrer chez vous, vous êtes libre, présentement! »
Je n’en reviens pas, je file chez le Consul, pour le remercier. Il m’a expliqué que son devoir c’était d’abord de protéger ses compatriotes français, en difficulté.
» mais soyez prudent a l’avenir, il y a des gens qui vous en veulent, à Niamey »
« Ah, oui, mais qui donc? »
« Je ne vous en dit pas plus. Allez, payez vous un bon restaurant, et savourez votre liberté ».
Dégoulinant de reconnaissance, je le quitte, et file tout droit à « La Cascade » où Sido me dépose.
Je retrouve ma bande, qui l’applaudit à tout rompre et nous fêtons dignement ma libération rapide qui nous étonne tous. Buvons donc à la liberté!
C’est le début d’une soirée mémorable au restau, puis à la soudure et enfin en boîte.
Jusqu’à ce que Jacques un ancien gangster de Marseille, me suggère d’adopter un profil bas dans ce lieu public. Il ne s’agit pas de pavaner juste après ma relaxe. D’aucuns pourraient m’en vouloir!
Je comprend et demande à Sido de ma ramener à Kouara Kano, mon quartier.
Alors est ce le hasard qui m’a fait plonger, et la Baraka qui m’a sauvé? Ou s’agit-il d’un mauvais coup monté contre moi?
Aujourd’hui, 25 ans après ces évènements, je penche pour la seconde assertion: un coup monté contre moi.
– L’oubli du fusil dans le tiroir de la commode: ça c’est de ma faute.
– Mais l’usage qui en est fait pose des questions:
– Pourquoi Sido ne l’a-t-il pas jeté à l’eau? Je lui ai bien sûr posé la question. Il dit qu’il a chargé quelqu’un d’autre de le faire. Je connais le gars, une sorte de simple d’esprit. Mais depuis Kountché et son conseiller Bonkano, on sait que ce sont les meilleurs indics pour la police.
– Un inspecteur a trouvé incroyable qu’un ingénieur, comme moi, confie une tâche aussi confidentielle à un chauffeur. Celà signifie qu’on ne peut pas avoir confiance en Sido. Sido a donc pu être acheté pour me nuire et confier ce fusil à un simple d’esprit indic. de la police.
– A ce stade, la police a la pièce à conviction entre les mains puisque la déposition de l’indic m’accuse d’en être le détenteur.
– Du reste, comme si besoin en était, c’est bien ce que j’ai avoué d’emblée aux deux inspecteurs venus m’arrêter au studio.
Après c’est l’enquête:
– Qui a pu faire croire à l’inspecteur chargé du trafic d’armes que j’avais une arme comparable au redoutable pistolet-mitrailleur israélien. UZI.
– Pourquoi avait-on préparé une pancarte me présentant comme un trafiquant d’arme au public? Ce n’est pas le chef de service, puisqu’il a déclassifié l’affaire. La preuve ses propos que j’ai rapportés plus haut et la rectification sur la pancarte.
Qui, pourquoi? Un subalterne du chef du service n’a-t-pas été corrompu?
– pourquoi l’inspecteur qui a trouvé la boîte de cartouche, dans la villa, m’a-t-il menacé en criant, à midi, sans revenir l’après midi ? Parce qu’il avait joué sa scénette et touché son argent?
– l’entrevue avec le juge. Pourquoi le téléphone sonne-t-il juste aprés l’énoncé de la peine figurant au Code civil?
– et pourquoi sa conversation dure-t-elle si longtemps? Pour me faire mariner dans mon jus. Je parierais bien que c’était le patron de l’entreprise qui était au bout du fil.
– pourquoi le juge se marrait-il en me disant « surtout n’en faites rien ». Parce qu’il savait qu’il allait toucher son argent après ce petit numéro qui l’avait bien amuser..
– pourquoi le Consul me faut-il état de gens qui m’en veulent à Niamey? Sans vouloir m’en dire plus?
Pas de conclusion fermes de ma part, juste des conjectures. Le hasard ou l’entreprise.
Par contre, j’ai la conviction que si on avait voulu me faire plonger pour quatre ans en prison, ils(?) avaient les moyens de le faire.
A mon retour à Paris, je passai au siège de LBII, qui était bien sûr au courant, et la même question se posait: était- ce un coup monté par l’entreprise, saisissant l’opportunité d’ une petite vengeance en fin de contrat?
Voilà où peut mener le délicat métier qui est le mien, au sein du monde interlope des Travaux Publics.
Tonton Jean
Tonton Jean a terminé sa carrière dans la Marine, au grade de pharmacien chimiste principal, avec cinq galons sur l’épaule. Depuis qu’il est retraité il est bloqué la plupart du temps dans son appartement à Toulon, à cause d’une mauvaise maladie, qui le fait souffrir d’une heure après son réveil jusqu’au coucher du sommeil.
Alors, il a envie de bouger, de voyager, pour se changer les idées.
A Toulon nous élaborons ensemble un audacieux roadtrip: Niamey – Dakar par le sud, puis retour Dakar-Niamey par le nord. Je regagne Niamey, séance tenante pour m’occuper de la construction de la station de traitement, et pour préparer le voyage qui débutera dans quinze jours. Je me mettrai en congé pour le mois de janvier. Tonton Jean me rejoindra par UTA, juste après les fêtes.
Nous aurons un 4×4 Toyota Hilux du projet, et mon chauffeur Sido. Pour le 4×4 j’ai le choix entre 10 véhicules, ceux de mon projet, plus ceux d’un autre projet en attente. Quant à Awa, elle est partie en Guinée pour revoir sa famille, tout le mois de janvier. Tout va bien, le genre de voyage que nous allons entreprendre, est préférable entre hommes seulement: d’une part, rouler toute la journée est fatiguant pour une femme, et d’autres part célibataire pendant un mois, je pourrais disperser mes gènes, au gré des étapes journalières, à loisir et en toute liberté.
Olé, la voie est libre et tonton Jean se pose à Niamey, le 2 janvier1994, vers 14h.
Avec Sido, nous décidons de partir dès le lendemain. Jean a une belle chambre, sur piscine dans la villa, située au bout d’un couloir; il ne sera pas dérangé par mon partenariat d’un soir avec une jeune et jolie gazelle, et ne la verra pas s’éclipser en silence au petit matin…
Le voyage démarre sous de bons hospices.
On se retrouve tous les trois Tonton Jean, Sido et moi pour un bon petit déjeuner préparé et servi sous la tonnelle de bougainvillés par Amidou, boy cuisinier n1.
Le temps de se relaxer dans la piscine, puis de prendre sa douche, s’habiller et préparer ses affaires pour le voyage, nous nous rendons au parking des 10 4×4 Toyota Hilux, et sélectionnons le meilleur par essais démarreur, moteur, examen des pneus, climatisation, radio, couleur des banquettes, qualité de la peinture, look d’ensemble…En plus de sa roue de secours, nous en ajoutons une autre, positionnée sur le plateau arrière, où nous transporterons aussi deux lits picots pour les nuits en brousse. Par sécurité, Sido dormira dans la cabine de la voiture. Et une table pliante quatre places, avec plateau et siège incorporés. Et encore trois jerricans de 20 litres d’eau du robinet.
Puis je conduis notre véhicule, bien chargé, à la maison, pendant que Sido rentre le sien au garage.
Il nous reste à charger en cabine, nos effets personnels avec en particulier une lampe à recharge solaire, avec son panneau et une torche à pile pour chacun. Quelques victuailles, une bouteille de rosé, pour moi et une de pastis pour tonton Jean. Et bien sûr les inévitables bières Brakina , brassées au Burkina Faso voisin.
Sans oublier, bien évidement les bouteilles d’eau de source.
Enfin, c’est le départ du trio à midi pile: tonton Jean 70 ans, moi 50 ans et Sido la quarantaine. Sacrée équipe prête à dérouler prés de 6.000 km en 30 jours.
Banzaï!
Il fait beau, il fait chaud, la route est belle, la vie aussi! Olé, en route vers de nouvelles aventures!
Première halte à la station service pour faire le plein. Seconde halte, à la sortie de la ville à la fabrique de glace carbonique, pour y acheter un bloc de 500 grammes que nous glissons dans la glacière. Ainsi nos denrées et nos bouteilles seront gardées au frais pendant plusieurs jours.
Puis nous enquillons la route nationale n*1, direction le Bénin.
Aprés une cinquantaine de kms, nous faisons halte pour manger et boire, debouts devant la nourriture et les boissons, disposées sur le rabattant ouvert du plateau arrière. Le rosé de Provence bu à satiété, accompagne de fines tranches de jambon fumé. Sido,lui, ne boit pas pour deux raisons: il est muslim, il est chauffeur.
Il fait de plus en plus chaud, le soleil est écrasant. Le rosé, 45 degrés au soleil, aussi… Nous remontons dans le cabin-cruiser, et nous affalons sur nos banquettes avant pour moi, arrière pour Tonton Jean. De part et d’autre de la route, un prestigieux tapis de fleurs, d’herbes et de lianes rampantes. Sur cette surface à l’engageant aspect, des myriades de papillons palpitent au soleil…
Nous somnolons, Sido roule, avec la consigne de ne pas dépasser les 100 km/heure.
Soudain une brusque explosion! je réalise en sursaut, que le pneu avant gauche vient d’éclater. Nous zig-zagons sur la route déserte. Le mouvement s’amplifie à chaque période, et soudainement le véhicule sort de la route, dévale tout droit le talus , et s’enfonce à toute vitesse dans la brousse. Nous voyons défiler, la végétation autour de nous, et par réflexe, chacun appréhende un arrêt brutal, et se prépare au choc.
Cependant le véhicule ralentit, peu à peu, et ça nous rassure…. quand brutalement c’est le choc attendu, mais beaucoup moins violent, nous avons embouti un arbre. Bruits d’arrêt brutal, de carrosserie froissée, et dans un dernier spasme, du pare-brise qui s’éclate. Donc, Sido et moi prenons les débris en pleine face.
Puis tout s’apaise, « le silence revient et les papillons indifférents reprennent leurs silencieuses sarabandes » (Saga africaine, Henry de Monfreyd).
Eberlués, nous descendons du véhicule en nous tâtant les os. Plus de peur que de mal. Quelques égratignures sur le visage de Sido, chez moi aussi avec en plus une entaille à la paumette droite. Sur la banquette arrière, heureusement Tonton Jean n’est pas touché. Juste choqué.
Le véhicule est en mauvais état, portière avant gauche défoncée, pare-brise en miettes, et diverses bricoles, mais par bonheur, le moteur tourne.
La reconnaissance des lieux sur la trace laissée dans la végétation ne formule rien qui puisse nous empêcher de retourner sur la route.
Sido et moi changeons, avant tout la roue avant gauche. Puis après avoir enclenché la marche arrière, et craboté les quatre roues nous rebroussons chemin vers la route. Le talus est remonté en marche arrière également.
Nous faisons alors le point: je suis découragé, je pense que notre voyage est gâché car ça va prendre du temps et de l’argent pour reconditionner le 4×4 Toyota hilux. Et puis je suis blessé, les officines seront fermées pour les points de soutures.
Tonton Jean, qui est quand même venus de France pour cette randonnée commence à faire grise mine.
Sido prend alors la parole:
« mais pourquoi patron, je ne comprends pas. Des 4×4 Toyota hilux, vous en avez encore neuf, tout neufs (81?) au parking. On a pas besoin de réparer, on verra plus tard. On prend un des autres 4×4 Toyota hilux, on transfert le chargement ce soir et on repart demain matin. Pour votre blessure je vous amène chez médecin sans frontière, il sont ouvert 24/24.
Moi: « Bon sang, mais c’est bien sûr. Bien vu Sido ».
« Patron, cest l’Afrique, y a toujours une solution! »
On se sent tous beaucoup mieux et on rentre à Niamey, sans pare-brise, à vitesse réduite. On passe chez MSF, on me fait les points de suture et on me conseille de me les faire enlever à leur agence de Conakry.
Tout va bien, on va prendre une douche et Sido pourra nous déposer à la Cascade pour fêter le premier jour de notre randonnée. Mais Tonton Jean préfère se coucher: il ne mange pas le soir. En fait je crois qu’il évite les restau, car il veut éviter la tentation de picoler. J’invite Sido au restau, on mange ensemble comme si on était en déplacement. Il va faire le transfert de charge dans le nouveau 4×4 Toyota hilux, et passera me prendre après au night club.
Sido: » Merci pour le repas patron. Eh oui, c’est l’Afrique, et en France, comment auriez vous fait? ». Bonne question!
Je passe une bonne soirée, bien arrosée pour célébrer la vie car nous avons quand même échapper à la mort.
Alors Baraka?
Sido passe me reprendre, tout est prêt, je demande juste si un jolie gazelle veux se joindre à moi, pour la nuit. Elles hésitent en voyant mes points de sutures, puis la plus belle, s’approche de moi: » mais, qu’est ce qu’il t’est arrivé, Xavier? ». Moi: Oh rien du tout, je te raconterai plus tard.
Le lendemain matin je la remercie de ses délicates attentions nocturnes en lui refilant un billet rouge.
Elle s’éclipse discrètement, mais croise quand même Jean dans le couloir..
Banzaï!
Il fait beau, il fait chaud, la route est belle, la vie aussi! Olé, en route vers de nouvelles aventures!
Le Bénin.
Cette foi-ci tout se passe à merveille, nous roulons sur le pont de Malanville, seul point de franchissement du fleuve Niger, sur une longueur de 400km.
C’est là que sont établis les postes frontières entre le Niger et le Benin. Les formalités effectuées par Sido, à qui nous confions nos passeports (pour moi celui de Fance et l’autre des Nations Unies), se passent très bien, sans même que nous ayons à descendre de la voiture.
www.bénin
Le Bénin est un pays francophone d’Afrique de l’Ouest. Il est le berceau de la religion vaudou, mais aussi le territoire de l’ancien Royaume de Dahomey (environ 1600-1900).
Nous nous dirigeons maintenant sur la seule route goudronnée, plein Sud vers Cotonou, la capitale de Bénin, que nous atteignons au soleil couchant. Pendant le voyage, Tonton Jean a procédé à moultes reprises au mélange dans une bouteille de pastis et d’eau – nous avions oublié de prendre des verres.
A Cotonou, pas de problème nous avons trouvé un bel hôtel, Jean est allé se coucher, et Sido et moi sommes partis en ville dans un restau, puis danser en boîte, d’oû nous avons ramené, lui comme moi, par routine, une copine, jeune et coquine. Sido avait sa chambre au même hôtel.
Le matin, avant de prendre la route,il me questionne en apparté: » pourquoi vous les blancs vous voulez toujours des jolies filles.
Elles vous coûtent beaucoup plus cher, que nous ne payons à celles que nous baisons?
Mais au fond, jolie ou moins jolie, le plaisir est le même, non? ».
« Sido, tu parles de la fin, de l’éjaculation? «
» Oui, comme vous dites patron, le reste on s’en fout, la fille, on la reverra jamais. C’est une pute! ».
« OK, j’ai compris Sido ».
Bon, je lui explique:
« Peut être le blanc recherche le plaisir dont tu parles, mais il aime aussi la grâce et la beauté de celles que j’appelle « les gazelles ».
De plus en vieillissant mes érections deviennent plus rares et plus hasardeuses, et demandent des corps fermes, souples et sans défaut.
Et puis il y a ceux qui recherchent de la compagnie, agréable à regarder, à discuter, au restaurant, dans le salon, dans le lit, avant ou après l’amour.
En tout cas, nous on les appellent pas des putes. On les appellent d’abord des gazelles et après des copines. Tu vois? »
OK, patron, j’ai compris.
Sur ces bonnes paroles nous nous dirigeons avec Jean, vers la lagune de l’Oueme, un lieux touristique à visiter.Il s’agit donc d’une étendue d’eau très grande, oû l’on trouve des villages lacustres clairsemés sur le plan d’eau.
Chaque maison est isolée, établie sur un volume rectangulaire de terre compactée entre des murs de planches en bois.
En face de chaque maison un volume semblable, émergent d’environ un mètre au dessus des plus hautes eaux, est réservé au bétail bovin.
Les maisons sont séparées les une des autres par de vastes étendue d’eau, que l’on parcours en pirogue. Des forages d’eau ont été réalisés. Ils sont artésiens c.a.d. qu’ils fournissent de l’eau douce qui sort d’elle même, sans pompage , d’ un tuyau émergeant directement du forage.
Les pirogues se présentent donc pour se faire délivrer de l’eau potable, en général dans un drum (un baril) de 200 litres placé à l’avant. Ça ressemble à une station service!.
Pendant la saison sèche, le niveau de la lagune baisse, et les vaches, les bœufs, les veaux quittent leur îlot pour aller patûrer sur le sol avoisinant, qui émerge peu à peu.
Ganvié est plus grand village, sur la lagune, il y a en son centre une espèce de grande bâtisse rouge, peut être un casino de jeux, ou un night club.
You Tube Ganvié
Retour 5 ans en arrière.
Je me souviens être venu une première fois, au Bénin, cinq ans plus tôt.
C’était pour remettre notre offre, en réponse à un appel d’offres du Ministère de l’Hydraulique, concernant la réalisation de châteaux d’eau et de stations de pompage, précisément pour les villages de la lagune de l’Oueme. Il fallait déposer nos plis au ministère, avant 11 h, le lendemain de mon arrivée.
Un gros dossier en trois exemplaires, soit une douzaine de kilos, pour lequel il me restait à parapher chaque page à la main, soit environ 1000 pages. Et je n’avais pas comme d’habitude une secrétaire, pour me tourner les pages! C’était beaucoup plus long tout seul. Ça m’a pris trois bonnes heures et une crampe au pouce et à l’index.
J’avais aussi une deuxième mission: contacter le colonel Momo bien placé pour nous faire remporter l’appel d’offres (sic).
Je l’ai donc rencontré pour lui demander quel serait son tarif pour son intervention en notre faveur. Il m’a retourné la question en me demandant quel pourcentage du montant total de notre offre, serions nous disposés à lui payer, si nous remportions l’appel d’offres.
C’était un premier contact, j’ai fais mon rapport puis j’ai passé l’affaire à un collègue. Il faut croire qu’un autre concurrent avait proposé à Colmo un pourcentage plus élevé que la nôtre, car nous n’avons pas pu décrocher l’affaire.
Notre offre étant valablement déposée, je pouvais me décontracter et décidais après le repas d’aller en boîte de nuit. On ne se refait pas. J’y rencontre une jeune femme, Amina, apparement une étudiante, simple jolie et sympa, qui parlait un excellent français, parfaitement explicite. De plus sa conversation avait une tournure intellectuelle, ce qui me plaît toujours.
Et il me semblait que c’était réciproque.
Nous passons la soirée ensemble, puis la nuit, mais elle n’accepte aucun rapport et ne nous quittons pas de tout le week-end.
Elle m’emmène à Porto Novo, ancienne capitale du Dahomey (l’actuel Benin). Cette ville avait été établie pour gérer l’esclavage, à proximité de Ouidah, port sur l’Atlantique et plate forme de départ des captifs vers les Amériques, les Indes, la Chine, et les côtes africaines Est et Ouest. Elle a donc prospéré au temps de l’esclavage. Le roi du Dahomey aurait alors vendu 80% de sa population aux trafiquants étrangers.
Mais avec l’abolition, toute l’économie africaine fondée depuis 1000 ans sur la vente des esclaves capturés à l’intérieur des terres, bascule. Ainsi l’esclavage organisé à Porto Novo étant abandonné Cotonou, site mieux adapté à la réception des porte-conteneur, et à l’installation d’une industrie moderne devient la capitale moderne du Bénin.
Malheureusement, je dois rentrer au Sénégal, lundi, et nous nous séparons le coeur meurtri, désolé de ne pouvoir donner suite à notre idylle naissante.
Après cette longue digression, revenons à Tonton Jean. Nous venons de visiter Ganvié, et les villages de la lagune de l’Ouéme. Il nous faut maintenant atteindre Lome la capitale du Togo, à faible distance de Cotonou.
Cependant, nous ne saurions quitter le Bénin sans goûter sa spécialité culinaire, connue au mois dans toute l’afrique de l’Ouest. A savoir: le rat de brousse. Cest une viande de brousse, préparée en ragoût.
RAS.
Tapez: Benin Agouti.
Voilà, c’est fait. On peut y aller. On sort de Cotonou, et très rapidement on se retrouve à la douane, avec le Togo. Il y a beaucoup de monde car le passage n’est ouvert que quelques heures dans la journée. Avec Sido devant, nous sommes obligés de nous mêler à la foule. Il fait chaud, on est bousculés, et comme tout le monde on transpire au soleil, on mouille notre chemise…
Ce genre de situation, peu agréable, j’arrive en général à l’éviter grâce à Sido, qui identifie rapidement à qui il faut donner un petit billet, pour obtenir une aide efficace, on pourrait dire un passe-droit, habituel pour les blancs. Mais ici Sido est loin de chez lui, et a du mal à s’imposer. Alors au moins cette fois-ci, on fait comme tout le monde! On passe en personne aux guichets. Ça prend du temps, mais finalement on s’en fout, on n’est pas pressé. Dans ce voyage, on est appelé à passer beaucoup de frontière, mais si on sait y faire cela ne se passe pas mal: les douaniers tant redoutés des autochtones sont assez souvent sympas avec les français, leurs anciens patrons. Mais cependant pas toujours. Un peu plus loin dans ce récit et sur le terrain, j’aurai l’occasion d’y revenir.
Le Togo
Mais voilà, tout va bien, à nous le Togo. Rapidement rendus dans la capitale: Lomé. Je me rends à l’agence du Groupe, qui nous fait guider par un chauffeur vers un bon hôtel, celui qu’adopte en général les toubabous. Il est situé sur la corniche en bord de mer, et est menacé de destruction totale, déjà en cours, par l’érosion de la houle qui le frappe directement de face.
Le propriétaire, de nationalité russe, nous affecte trois chambres, en retrait de l’océan , et nous passons à table. Nous sommes servies par les deux filles du patron dont la beauté est vantée à travers l’Afrique de l’Ouest. Il faut dire que leurs cheveux blonds et leurs yeux bleus contrastent singulièrement avec le look des beautés locales.
Durant le repas, pris dans la salle à manger, directement menacée car proche du front des éboulement, des camion-bennes, se succèdent pour déverser des engorgements au pied de l’aplomb; ultime tentative, désespérée, pour sauver l’hôtel, de la menace irrémédiable de la houle.
Renseignement pris l’hôtel a été emporté par cette foutue houle, quelque temps après notre passage. Et toute une partie de la corniche aussi. Un togolais nous à affirmé que la côte avait reculé de 300 mètres en 50 ans!.
Pas de sortie nocturne pour notre trio, après le repas. On est un peu crevé par la visite de la lagune, la dégustation forcément arrosée, de l’agouti et le passage douane. Rideau, dodo…
Demain matin, on part au Ghana.
Le Ghana
Peu de souvenirs concernant notre passage au Ghana. Sinon un grand hôtel de style colonial anglais, et des colons habillés tout en blanc avec des chaussettes montantes.
Allez, tapez wiki Ghana et vous en saurez plus.
La Cote d’Ivoire
En entrant en C.I., je me retrouve en pays connu. Sur la route côtière qui mène à Abidjan, nous traversant un village dénommé Carthage. Cest là où je suis né, en Tunisie. Puis un restaurant au bord de l’eau du nom de La Goulette… autre nom de mon lieu de naissance. Alors, puisqu’il est midi, on s’arrête. Le poisson fumé est vraiment délicieux.
Arrivé à Abidjan, j’appelle au Niger, chez moi. Cest Awa qui répond, elle est rentrée de Guinée depuis plusieurs jours. Elle est furieuse, elle exige mon retour immédiat, des prisonniers viennent de s’évader (air connu) et elle à peur les soir seule à la maison (gardée par trois gardiens, quand même…). Bref, je raccroche, il sera toujours temps d’ en reparler à notre retour.
Pour le moment, nous ne sommes qu’à la moitié du périple.
Bonsoir tout le monde, demain nous serons dans son pays, la Guinée. Avec sido nous faisons quand même un tour dans les boîtes de Trechville: la cabane bambou, la canne à sucre et le whisky à gogo. Dans cette dernière je me lie d’amitié avec la responsable du bar. Mais le cœur n’y est plus, nous commençons à être passablement fatigués par la route.
Parti de bonne heure d’Abidjan, nous nous dirions vers Sansandra, station balnéaire réputée, pour atteindre la frontière avec le Libéria à San Pedro. Nous entrons dans une zone d’exploitation forestière intensive.
Des camions de transport de gigantesques troncs d’arbres, sillonnent la route, à toute allure. Il faut être très attentifs et prudents car les chauffeurs ne maîtrisent pas totalement leur véhicule: ils ne peuvent pas faire de brusques manoeuvres . Attention donc surtout dans les virages. Oui, il ne s’agit pas de semi-remorques, à proprement parlé. Derrière la cabine, et le moteur (appelé tracteur) il n’y a pas de plate-forme. C’est le tronc d’arbre qui sert de châssis: son extrémité avant est reliée à la sellette du tracteur, et son extrémité arrière est calée sur un châssis à 2 (ou 4?) roues. Pas facile à conduire et les accidents sont nombreux.
Evidemment les exploitants sont ici chez eux, on le devine à leur comportement, et à leurs 4×4 puissants avec des roues surdimensionnées.
Il nous reste assez de temps pour aller à la plage, où la forêt primaire longe le rivage. Nous montons dans une pirogue avec son rameur et remontons une lagune, peuplée d’arbres et de bruits d’oiseaux rares. C’est impressionnant, la densité de végétation, et la hauteur des arbres, dont la canopée absorbe la lumière du soleil. Impressionnant le silence profond, entrecoupés ça et là de cris stridents improbables et innombrables.
Nous ressortons de la forêt, impressionnés, abassourdis et ébahis.
Maintenant, il est l’heure de rentrer à l’hôtel, pour l’apéro et le dîner. Puis avec Sido, nous allons faire un petit tour en ville. Pas moyen d’entraîner Tonton Jean dans nos agape nocturnes. Pourtant il est jeune, il aurait encore l’âge.
L’hôtel où nous sommes est un hôtel de brousse, mais propre et avec un confort minimal mais suffisant. Eau, électricité, sécurité.
Nous ressortons de la boîte locale, un peu sonnés par l’alcool ingéré dans la soirée, et allons nous coucher. Bien plus tard, une forte explosion retentit au-dessus de ma tête, je sursaute, sur les nerfs,
Niger 3
Que s’est-il passé? Je ne comprend pas.
Je me calme peu à peu. Le bruit était très fort, et puis maintenant plus rien!. La fille qui m’accompagne, complètement bourrée dors paisiblement. Je ne comprend toujours pas. C’est le silence tout autour. Et puis j’entends un petit sifflement, comme de l’air qui s’échappe. Je remonte avec les mains à l’origine de ce souffle. Bon dieu, mais c’est bien sûr! : le climatiseur archaïque, au dessus du lit à carrément explosé!
Bon tout le monde roupille, je n’ai rien d’autre à faire que de me recoucher. Tant pis pour la clim. De tout façon en forêt, la nuit est fraîche.
Le lendemain matin, la tête dans le cul, je me pointe au petit dej. La voiture est prête déjà chargée, j’avale un grand verre d’eau avec un alka-selzer, un café, et je vais me mettre à l’aise (comme on dit en Guinée), et enfin je me commande une bière fraîche pour me refaire la bouche. Il ne me reste plus qu’à payer la « tropical native » et l’hôtel. Je paye d’avance et Jean me remboursera. Moi et Jean, on fait 50-50. Pour Sido, tout est gratuit, la bouffe, l’hôtel, …etc mais pas les filles! Lui, il saura mieux négocier, pour son compte, que moi.
Avant de se diriger vers la Guinée, le patron nous suggère d’aller faire un tour au bout de la piste qui longe le bord de mer. Nous y voyons à l’ouvrage des pêcheurs guinéens ainsi que les plantations d’hévéa et de palmiers à huile.
Pour aller à Nzérékoré, la préfecture de la Guinée forestière, nous allons, remonter la Cote d’Ivoire, plein nord, en empruntant la route suit la frontière du Liberia. Et en espérant ne pas y trouver les rebelles, car c’est on est en pleine guerre civile entre libériens. Nous atteignons finalement Man, la ville frontiére avec la Guinée. La les douaniers ont décidé de nous escroquer de l’argent. Il refuse de nous laisser passer, sous des prétexte divers. Et finalement, je dois allonger un billet rouge (encore un!) pour franchir sortir de C.I. reste maintenant à passer le poste de contrôle. J’explique que j’ai participé avec le HCR, pendant 18 mois passés à Nzérékoré au programme d’assistance aux réfugiés du Liberia et de la Sierra Leone, que j’ai quitté il y a un an.
Je reviens à titre privé, accompagné de mon oncle et de mon chauffeur, pour voir comment la situation a évolué. Mon passeport bleu des UN achève de les convaincre de nous tamponner les passeports. Tout est en règle, mais la nuit proche et la piste est fermée. A juste titre car il reste une distance à parcourir dans une zone qui n’est pas vraiment sûre. Les douaniers nous suggèrent de nous établir sur le parking à côté de leur poste.
OK, Sido nous installe nos lits picots, lui dormira dans la voiture, et nous fouillons dans nos provisions pour un repas frugal.
Et finalement nous passons un bonne nuit, près d’un puits où nous nous sommes nettoyés, puis nous parmi les chèvres et les vautours, nous trouvons le sommeil.
La nuit est particulièrement calme, et Jean est réveillé par une chèvre qui lui broute les pieds.
M’etant réveillé, le premier, j’étais en train de puiser l’eau du puits pour me rincer la tête, lorsque une villageoise arrive et commence à crier pour me faire payer pour le seau d’eau. Paradoxal pour moi qui ais consacré ma vie à l’alimentation en eau des villes et des campagnes! Et qui ais fait réaliser 200 forages pour des villages de la préfecture. Un douanier vient pour la faire taire.
Une douanière arrive, portant dans ses bras son bébé qui me dit-elle est malade; elle me demande un médicament. Je fouille dans mes affaires et lui remets deux cachets d’aspirine. Un demi pour tout de suite, et les autres à un demie-heure d’intervalle. Pas facile à expliquer! Depuis que je connais Marcel, infirmier de brousse à Nzérékoré, je sais que l’aspirine est un bon remède pour les maladies bénignes. S’il ne soigne pas forcément, au moins il soulage en faisant tomber la fièvre. Ajoutez y aussi l’effet placebo supérieur:
« si le blanc le dit, c’est que c’est vrai! ».
Nous prenons un petit dej dans une boutique mobile, café au lait et huile rouge sur une tranche de pain. Puis nous nous préparons, nous reprenons la piste. La douanière est là, qui nous ouvre la barrière en expliquant à tous que je suis très gentil.
Il faut mieux entendre ça que d’être sourd. Chemin faisant nous traversons de nombreux villages: Lola, Soromiata 1, Sorimiata 2, ..etc où les villageois animistes adorent et nourrissent de gros poissons (des loches?)…. puis nous finissons par arriver à Nzérékoré et nous allons tout de suite au bureau du HCR. Quelques uns me reconnaissent. Je prends des nouvelles des autres. Et du programme qui s’est bien étendu depuis mon départ, l’an dernier. Ensuite nous rencontrons un médecin sans frontière qui nous prête sa maison car il est en partance pour Conakry.
Puis nous passons au quartier Nian Soukoura, pour prévenir ma chère Marcelline, à qui j’avais promis lors de mon départ il y a un an, de venir la rechercher à Nzérékoré. Puis nous allons tous au restau pour le repas du soir.
Marcelinne paraît assez contente de me voir. Je ne sais plus où, mais je me souviens, nous avons tous les deux sacrifié aux protocole intimes des retrouvailles. Puis elle rentre dormir chez elle. Je réalise que nous n’avons plus grand chose à partager, et je suis un peu mortifié de devoir la quitter dès demain matin. Je réglerai tout ça, par téléphone quand je serai revenu à Niamey!
Ça, j’en ais déjà parlé plus haut.
Tonton gens passe une nuit plutôt désagréable, je vais vous dire pourquoi!
Au milieu de la nuit, il tambourine, fort, sur sa porte. Éveillé, je me lève, et il me parle de l’intérieur de sa chambre, à travers la porte fermée à clé. Actionné par un besoin urgent, il ne trouve plus cette foutue clef; il a beau la chercher fébrilement vues les circonstances, il ne la trouve toujours pas.
Il me supplie de lui ouvrir la porte.OK, mes moi je ne l’ai pas cette clé! Il faut souligner que cette scène, se passe dans l’obscurité, l’électricité est éteinte la nuit à Nzérékoré. Cependant avec ma lampe-torche j’essaye de trouver une éventuelle clé de rechange.
J’entends Jean: « Xavier je t’en supplie dépêche toi! ». « Depêche toi, allez, stp ».
Puis soudain plus rien. Le calme est revenu…Jean, ça va? Et sa réponse, désolée, « oui ça va, enfin, si l’on peut dire! »
Bon, je retourne me coucher, et lui aussi..
Le lendemain matin, il est le premier à sortir de sa chambre, on le comprend!
Il avait enfin, mais un peu tard, retrouvé sa clef.
Maintenant la situation est embarrassante, il nous faut sur le champ, une technicienne de surface pour nettoyer. Sido cherche et trouve. Pour ne pas nous retarder, car, aujourd’hui la route sera longue, je la paye d’avance: deux billet rouges pour laver toute la maison. J’espère bien que le MSF qui nous l’a prêtée, la retrouvera en bon état, à son retour de Conakry.
Voilà, cette longue description, c’était pour décrire un des aléas de notre périple en brousse! Et aussi la solidarité entre gens de l’Humanitaire.
Merci de votre attention.
Une nouvelle fois nous voilà en route, encore un peu embrumés, dans notre Toyota. Nous quittons Nzérékoré, en laissant sur notre droite la forêt sacrée.
C’est un lieu où, arrivés à l’âge de 10 ans, les enfants forestiers vont être cantonnés pendant six mois. Sans jamais en sortir.
Des anciens les rejoindront à tour de rôle pour leur apprendre la vie en forêt, élément essentiel de la Tradition. La pêche, la chasse et la cueillette, la cuisine et les feux de bois, construction de huttes, de meubles et de….ponts suspendus, l’art le plus noble dans la forêt.
Les bêtes sauvages, la course et l’escalade dans les arbres refuges. Les pistes à suivre et à les animaux à poursuivre. Les déplacements alertes et silencieux, le jour ou la nuit, et la vision nocturne, l’art de dormir sur ses gardes. La fabrication des outils et ustensiles, des tenues vestimentaires. La marche à pieds, et les soins, les baumes naturels.
Les relations avec la nature, le respect et le dialogue avec les arbres et la canopée. Leurs habitants, serpents, reptiles, oiseaux, abeilles. Leurs racines, troncs, feuilles et fruits. Leur psychologie (certains toubab éclairés la recherche de nos jours). La culture et l’agriculture.
Les lions, les biches, gazelles, audalisques,
les hipopotames, les crocodiles et les girafes…les petits et les grands singes, bonobos, gorilles, orangs-outangs…
Le jour, la nuit, les étoiles, la confection des tenues vestimentaires.
Et aussi la connaissance des leurs multiples dieux animistes. Sans oublier les arts, danse, musique, sculptures, et z’oratoires..
C’est la liste de vie de leurs ancêtres qu’ils ne feront qu’effleurer en six mois, mais qu’il n’oublieront pas de toute leur vie.
J’en passe et bien d’autres.
En découvrant leur essence originelle lors de ce séjour prolongé en forêt, ces enfants forestiers pré-adolescents aurront acquis une base solide pour construire leur existence future. Sur un plan neurologique, il aurront leur inconscient, leur cerveau reptiliens.
Sans critiquer notre mental occidental, qui nous perd cependant souvent dans les méandres de l’introspection, nous découvrons les cerveaux forestiers avec leurs algorithmes, leurs réflexes fondés sur les émotions, la faim, la peur dans la forêt, mais ils auront développé aussi des facultés de coopération et l’entr’aide, et aussi dès à présent d’une intuition augmentée.
Celà ne les dispensera pas évidement de rejoindre l’école publique et moderne.
Parés pour un changement de paradigme?
En avant, aujourd’hui, c’est la fête, la sortie de la forêt sacrée, devant la population en liesse. Les retrouvailles avec les parents, les voisins, les adultes, les copains. Et les autres…
Maintenant revenons à notre voyage.
Une fois passé, à toute vitesse, la forêt sacrée, nous sommes sur une piste non goudronnée pour un centaine de kms, jusqu’à Seredou. La vitesse de croisière tombe alors à 40 km (quand il ne pleut pas, sinon c’est imprévisible).
Deux heures après nous retrouvons le goudron. Nous n’irons pas à Conakry car nous devons passer la frontière pour le Sénégal, àLabbé.
Donc, bifurcation à angle droit à Faranah sur la route de Labbé. Nous traversons une zone de plateau et gagnons en altitude. De part et d’autre de la route, de nombreuses termitières, en forme de grands champignons, et des fleurs étranges que Jean prends en photo.
Nous avançons rapidement et atteignons un gué, il faut passer une rivière, à une cinquantaine de km, avant Labbé, notre destination finale de la journée.
Nous prenons le bac, sans avoir attendre des heures, comme c’est souvent le cas.
Un Guineen d’importance (ça se voit à ses habits – il transpire dans une chemise blanche; et son air sûr de lui!) m’aborde et me demande si nous pouvons le prendre en stop et le déposer à la préfecture. J’accepte et lui dit de nous rejoindre à la descente du bac. Or, le bac arrivé, nous l’attendons et il ne vient pas Où est-il passé?
Finalement je démarre, et alors que nous avons déjà parcouru 50 m. je le vois dans le rétroviseur qui s’agite et nous fait signe.
Il est resté près du bac!
Lassé de l’avoir attendu, je taille la route. Il pourra toujours prendre un taxi.
Une heure plus tard nous entrons dans la ville Labbé. Le panneau indicateur à été remplacé par une belle statue de girafe, taches brunes sur robe jaune.
Notre hôtel est à proximité. Chacun sa chambre, chacun sa douche et ses vêtements propres. On se retrouve au bar, pour une ou deux bières fraîches, chacun.
Un officier en uniforme nous salue, et comme il est souriant, nous nous installons près de lui, et décontracté, j’engage la conversation. Après les présentations d’usage, j’oriente la conversation vers le HCR et le programme d’assistance aux réfugiés, soulignant la croissance rapide de Nzérékoré, qui
en résulte. Je parle de moi, j’adore ça, des 200 forages dans les villages des constructions d’abris et de latrines familliales avec et pour les réfugiés. Puis j’enchaîne sur l’aide au développement de la Guinée Forestière, qui va suivre le programme d’assistance aux réfugiés, et est d’ores et déjà plannifiée. Les Nations Unies et l’Union Européenne vont s’y atteler, dès le retour à la normale. Il est ravi de ces bonnes nouvelles*, et j’en profite pour me renseigner sur la situation dans la préfecture de Labbé. On parle des villes, des villages, de leur alimentation en eau, de l’électricité, des infrastructures….. C’est intéressant pour moi, et ça pourrait m’aider dans ma prochaine recherche d’emploi, si je voulais rester en Guinée…
*(qui malheureusement ne se concrétiseront pas, les belligérants du Liberia et de Sierra Leone s’étant infiltrés durant les trois dernières décennies, non seulement dans la préfecture de Nzérékoré, mais aussi jusqu’à Conakry où des manifestations meurtrières se déroulent, à l’heure où j’écris ces lignes).
Enfin, je lui indique que dès demain, à 8 heures nous seront au service des douanes, pour y faire tamponner nos passeports. Il se propose d’y passer lui même, pour nous aider dans nos démarches.
Nous prenons congé, et passons à table.
Puis nous allons dormir. La journée a été longue, et nous avons beaucoup roulé, d’un bout à l’autre de la Guinée. Rideau, dodo!
Le lendemain matin, debout de bonne heure, je vais marcher un peu, dans le quartier. Une petite reconnaissance des lieux, que je pratique souvent, pendant que les habitants émergent à peine du sommeil.
Les rues sont désertes, mais je croise quand même un militaire en tenue kakie. Salam, salam…, et nous discutons. En fait mon interlocuteur, mine de rien, mène un interrogatoire serré. Déformation professionnelle?
D’où venons nous? qui sommes nous? où allons nous? Je lui retourne, mine de rien, les mêmes questions. Il détourne, et répond plutôt dans le vague…
Où allons nous? Eh bien, nous allons au Sénégal et serons donc au service des douanes vers 8 heures.
Bien! Au revoir et bon voyage !
Au revoir et bonne journée.
A 8 heures, nous garons notre véhicule, à l’entrée du service. Sido reste dans la voiture avec Tonton Jean, peu soucieux d’attendre dans les bureaux…
On me demande d’abord de remplir les formulaires d’usage, complets, complexes et intrusifs. Puis on m’introduit, ensuite dans le bureau du directeur des douanes. La discussion s’engage, par un interrogatoire détaillé, mené sur un ton autoritaire par le directeur. Je n’apprécie pas, mais j’en ai vu d’autres. J’en ai passé des douanes, à pied, à cheval ou en voiture (et en avion)… On avance on verra bien!
En biaisant, le Dur, le dirlo, le directeur aborde un sujet important. Avons nous des francs guinéens à déclarer? A vrai dire je m’attendais à cette question, mais je pose la mienne, pourquoi?
« Parce que l’exportation en est interdite. S’il vous reste de l’argent vous devez le déposer. Ici même! Maintenant!
« Ben, voyons, c’est si simple! » Me suis-je dis intérieurement.
La discussion se tend, et c’est alors que rentre dans son bureau, son secrétaire.
Le Dur lui tend nos passeports et les formulaires dûment remplis. Coup de théatre: le secrétaire s’avance vers moi, me tends chaleureusement le main et avec un large sourire: » M. Meyer, alors vous revoilà, bienvenue à Labbé! ».
Le directeur interloqué: « Vous connaissez M.Meyer? »
Le secretaire: « Mais bien sûr, nous avons travaillé ensemble à Nzérékoré, pendant un an, alors que j’étais secrétaire du préfet ».
Je ne me souviens pas précisément de lui, mais je me rappelle avoir été invité à un dîner privé avec le préfet de Nzérékoré, sa femme, et queques membres de son bureau. Quelle coïncidence! La Baraka se manifeste à nouveau.
La discussion se poursuit, loin des deniers que le directeur des douanes, voulait nous prélever.
C’est alors qu’un chaouch entre dans le bureau (un portier, dont le rôle est d’introduire les visiteurs, mais bien plus important, il est préposé à la préparation du thé à la menthe, servi à longueur de journée. Les guinéens sont pour la plupart musulmans).
Le directeur: « oui? ».
Le chaouch: « un officier de police demande à vous voir ».
Le directeur: « faite entrer. » Salamaleikum! C’est à quel sujet? ».
L’officier » au sujet de M. Meyer »
Le Directeur, étonné: « vous connaissez M. Meyer ? ».
L’officier: « oui, et nous avons eu une discussion très intéressante, hier soir.
Tout se passe bien pour les formalités, n’est ce pas? ».
Le directeur: « oui, bien sûr, pas de problème! »
Toc, toc, toc, qui frappe à la porte?
Le chaouch: « le colonel est là, il veut vous voir. »
Le colonel entre, dans sa tenue kakie.
Le directeur: « c’est à quel sujet? »
Le colonel « au sujet de M.Meyer »
Le directeur abassourdi: » vous connaissez M.Meyer? Mais il est arrivé hier soir seulement ! »
Le colonel: « Bien sûr, je l’ai rencontré ce matin, à 6 heures, dans la rue, il faisait son joking! A propos tout se passe-t-il bien pour les formalités? »
Le directeur: « oui, oui, bien sûr, pas de problème! »
Toc, toc, toc, qui frappe à la porte?
Le chaouch: » un officier français demande à vous voir ».
Le directeur: » un officier français! Ah, je comprends, c’est au sujet de M.Meyer? »
Le chaouch: « oui Monsieur le Directeur, au sujet de M.Meyer ».
Le directeur: « faites entrer ».
Et là nous voyons arriver Tonton Jean, souriant , avec son vieux blue-jean délavé, un peu raidi par le voyage, son sac en bandoulière, et sa démarche un peu hésitante.
Jean: » Bonjour messieurs, je me présente: Genéral Revel, retraité de l’armée française ».
Le directeur, son secrétaire, l’officier de police, et le colonel, tous au garde à vous:
» mes respects, mon Général ! ».
Jean: « Repos, messieurs. Tout se passe-t-il bien pour les formalités? «
Puis Jean explique qu’attandant dans la voiture, il avait trouvé le temps un peu long, et s’était permis de rentrer.
Pour les guinéens ici présent, un général français! On n’avait pas vu ca depuis De Gaulle, avant l’indépendance.
Le chaouch nous sert le thé à la menthe…
Les conversations vont bon train, on discute, on rigole, Jean parle de sa carrière de militaire français, de ces campagnes, moi de mon job d’ingénieur, et Sido qui nous rejoint nous parle du Niger, et des nigériens. Mais, les guinéens ne sont pas de reste et ils évoquent avec nostalgie le bon vieux temps de la présence française. Un bel échange interculturel !
Tout le monde est content, le directeur s’est détendu….. et nos passeports sont tamponnés sur le champ, dans l’allégresse générale.
Ils nous accompagnent tous jusqu’ au 4×4.
Vigoureuses poignées de main, « bon voyage; nous sommes très honorés de votre visite mon général ».
Puis nous nous éloignons vers le Sénégal, vers de nouvelles aventures. Olé! Vive la vie!
Pour Jean, pour moi et pour Sido, c’était le point culminant de notre long voyage: un très bon souvenir de Tonton Jean.
« Tonton Jean, si tu nous écoutes de là haut, on pense à toi. Je sais que tu n’es pas près d’oublier ce très beau voyage. »
Mais le voyage continu, et nous passons la douane sénégalaise sans encombres. Pas besoin de solliciter le général Tonton Jean.
Nous sommes presque en Casamance, et filons vers l’Est en espérant atteindre Ziguinchor, pour dormir ce soir à l’hôtel Aubert.
Au passage à Bignona, la fameuse place ombragée, où les voyageurs s’arrêtent volontiers pour déjeuner, retirer de l’argent au distributeur de billets, ou encore acheter des médicaments. Telles sont en effet les facilités disponibles que l’on trouve sur cette place centrale, à l’ombre des baobabs et des fromagers géants centenaires.
Hélas, phénomène unique, la place ombragée a été ravagée voici quelques mois par une tornade, et les arbres à la périphérie, se sont abattus, le fouillis de leurs troncs, et de leurs branches enchevêtrés, occupe toute la surface de la place. De plus le restaurant, la banque et la pharmacie ont été écrabouillés. Il n’y aurait pas eu de victimes, car ça c’est passé, vers trois heures du matin, dans un bruit infernal!
Faut de matériel forestier spécialisé, personne ne sait comment déplacer ces troncs collossaux. Ils sont là depuis plusieurs mois et risquent d’y rester encore longtemps.
Pour notre part, nous ne mangerons donc pas à midi, et il est d’autant plus nécessaire d’atteindre Ziguinchor, avant la nuit.
Cependant, je propose un arrêt rapide à la base d’un projet multi-sectoriel pour les villages de Casamance (eau, agriculture, sanitation…etc) financé par la coopération allemande mais aujourd’hui abandonné.
C’est déprimant, on y voit d’excellentes foreuses semblables à celles de la Sonafor, complètement rouillées et hors d’usage. Pareil pour deux TH60, les stars du forages à l’époque, dans le même état. Encore un projet, onéreux, qui n’a pas pu aboutir. Pourquoi? Sans doute à cause de la rébellion en Casamance qui dure depuis des dizaines d’années, latente ou réactivée sporadiquement. D’ailleurs deux ingénieurs allemands y ont perdu la vie!
Il est temps de reprendre la route.
Nous avons encore l’opportunité de stopper pour visiter un village Diola, ethnie prépondérante en Casamance. C’est bien pour nous de rencontrer et discuter avec des Diolas, pour Jean c’est un nouveau contact avec l’Afrique profonde, pour Sido et pour moi, ça nous permet de mieux comprendre leur mode de vie, leurs ressource et leurs besoins. C’est important car en améliorant les conditions de vie en Casamance, le gouvernement pense inciter les exilés (réfugiés en Guinée Bissau, et en Gambie) à revenir au pays.
A propos du développement de la Casamance, j’avais identifié trois options qui me semblaient pouvoir améliorer le mode de vie des Diolas.
– leurs maisons traditionnelles sont construite en briques de banco mais ce sont des briques crues. Les techniques de cuisson des briques largement utilisées en Guinée, pour cuire les briques, que j’ai décrites plus haut, ne sont pas connues au Sénégal.
Je les rappelle ici:
La première étape, c’est la fabrication de briques en banco séchées au soleil. Ce que font les casamançais depuis des lustres!La deuxième étape consiste à construire dans un endroit plat et dégagé, un grand tas de briques en forme de pyramide, tout en ménageant à l’intérieur un volume vide au centre qui servira de four, et des conduits vides intérieurs pour diffuser dans toute la masse la chaleur émise dans ce four par la combustion de bois. La combustion peut durer une semaine, pendant laquelle il faudra couper du bois, pour approvisionner le four. Ça et là, en Guinée forestière, on pouvait voir de tels pyramides ou foyers.
Les plus gros four comprenait jusqu’à
10 000 briques.
Cette technique, nous disait-on, leur avait été enseignée, par des coopérants chinois.
Sous la conduite de quelques guinéens rompus à cette technique, l’utilisation de briques de banco cuites aurait pu se répandre en Casamance. Et la construction des fours aurait été à la portée des casamançais eux mêmes, en organisation communautaire.
J’avais remis au ministre de la Casamance, un rapport en ce sens, préconisant l’élaboration d’un projet, qui paraissait conforme aux normes des bailleurs de fonds internationaux. Et pour une fois, les bénéficiaires (les Casamançais) auraient eu le projet (des maisons construites en dur) et l’argent du projet (versé à la communauté, pour la construction des fours pyramidaux et la cuisson des briques). Un autre avantage aurait la proximité des fours érigés par exemple à la sortie du village.
Alors bien sûr, il y a le problème de la déforestation car il faut du bois pour entretenir le feu dans le foyer central du four à briques. Cette question importante, pouvait être examinée attentivement, et des solutions pouvaient être envisagées.
Comme par exemple le reboisement par plantations (à réaliser aussi en participation communautaire).
Remarquons, au passage, que les arbres centenaires abattus par la tempête sur la place de Bigona, pouvaient servir de bois de chauffe pour de multiples fours à briques.
Après tout, en Guinée, quand les forestiers repérent dans la forêt primaire un grand arbre conforme à leur normes, il s’agit bien de déforestation, non seulement par l’abattage du grand arbre, mais aussi par la coupe des végétaux sur le tracé des pistes permettant d’y accéder.
Avant de mettre mon dossier au placard, il me semble qu’on aurrait pu engager les études nécessaires…
Ce que les autorités sénégalaises avaient compris, c’était la nécessité de réaliser des projets qui conviennent directement aux populations casamançaises. Qui leur fasse plaisir. La décentralisation aux niveaux des villages pouvait permettre aux populations de construire elles-mêmes, en gestion communautaire, des maisons en dur, donc durables, tout en étant payées par les fonds alloués au projet.
Aux bénéficiaires le projet et l’argent du projet! Voilà ce qui aurait pu faire plaisir aux casamançais.
Après ces réflexions qui me reviennent en mémoire pendant le trajet, nous arrivons enfin à Ziguinchor, la préfecture de la Casamance.
Jean, Sido et moi nous rendons au bar pour une bière tant désirée. Qu’elle n’est pas ma stupéfaction de voir accoudé au comptoir….mais oui, c’est bien lui: Abdallah, membre du Comité Directeur de l’agence française de Louis Berger International Inc, mon employeur parisien.
Il est accoudé, à côté d’une belle femme Diola. De son côté, il me reconnaît aussi avec stupéfaction. Comment est-ce possible? Nous nous vu à Niamey, il y a à peine deux semaines, et nous nous retrouvons ici à 4000 km de distance, dans un bar de Casamance!
Discussion, échange, nous sommes tout deux en vacances…Such is life!
Je suis à peine gêné, lors qu’ il me demande comment je suis parvenu jusqu’ici? Je lui raconte alors notre périple avec la voiture du projet, mais je m’abstiens de lui mentionner l’accident que nous avons eu au départ, qui a endommager une autre voiture du projet (dont il -LBII- aura à supporterles frais de reparation). Dans le fond, ce genre d’écart est admis pour les chefs de projet en poste dans des pays décentralisés. Ça prouve aussi qu’on sait se demerder en Afrique!
Alors, nous, Jean, Sido et moi, comme d’habitude on est crevés ce soir, et on va se tranquillement se coucher. Incroyable, mais vrai!
Rideau, dodo.
Seulement n’arrivant pas à m’endormir, je sors pour faire mon marché, au Bombolong, la boîte du coin, que je retrouve quatre ans après mon dernier passage. Je ramène une danseuse-masseuse avec moi, et après avoir pris le meilleur des somnifères, je savoure le repos du guerrier en m’endormant dans les bras de Morphée.
Le lendemain matin nous décidons de visiter un peu la Casamance. Morphée accepte de nous servir de guide. Elle est polyvalente…
Nous allons à Cap Skirring voir l’océan, puis au retour nous nous à Oussouye, achetons une bouteille de vin rouge, et demandons à rencontrer le Roi d’Oussouye et son Chambélan Boniface.. On nous introduit dans son palais, une case plutôt simple, nous le saluons et le prions d’accepter notre présent: la bouteille de vin rouge. Il a un spectre végétal à la main, et il nous parle des problèmes d’eau potable de son Royaume. Avec moi, il est bien tombé.
D’ailleurs il se souvient de la Sonafor qui lui avait fait un forage.
Puis nous le remercions de cette entrevue, le saluons, et nous nous éclipsons.Il vaut savoir que sa position de roi est honorifique, mais il à une sérieuse contrainte: il ne doit jamais sortir de son royaume. S’il en sort, il sera destitué et garde en prison! Par contre il a, si l’on peut dire un avantage: toutes les femmes sont ses femmes, et il a en queque sorte droit de cuissage!
Nous revoilà à l’hôtel Aubert, et la journée demain sera longue. Nous souhaitons, en effet atteindre Dakar dès demain. Le point dur du trajet sera la traversée de la Gambie.
Nous avons le choix de prendre le bac à Farafénié en brousse oû à Bathurst, la capitale de la Gambie. J’opte pour la capitale, que je n’ai jamais visiter.
Nous y arrivons vers 11h du matin et pas de chance, le bac vient d’appareiller!
Le suivant est à 17 h, soit 6h. d’attente. Bon, cherchons un restaurant! Un vieux marin, parlant parfaitement le français nous aborde. J’adore ça. Je lui demande où est le meilleur restau de la ville. Par chance il est sur le quai. Jean et moi voulons savoir on y sert du bon vin rosé.
Zaïre 1
Aéroport de Bujumbura
Je me pose à l’Aéroport de Bujumbura vers 03h du matin. Je sais déjà que je vais avoir des problèmes car je n’ai pas de visa pour le Burundi sur mon passeport. Mais à Genève on m’avait dit de na pas retarder mon départ, un agent du HCR, m’attendrait à l’aéroport et se chargerait de régler le problème avec la douane. Je n’en suis pas à ma première mission, et je sais bien qu’un chauffeur sera là pour m’attendre!
Et bien, comme par hasard personne n’est là pour m’accueillir. Et c’est un peu dommage car la situation a Bujumbura n’est pas vraiment sûre.
Alors je m’explique devant un douanier intransigeant. Mais, il a flairé la possibilité de se faire un peu d’argent. Donc il ne me laisse pas passer la douane!
Il me désigne un endroit où attendre. Et je reste là à regarder partir tous les autres passagers.
L’aéroport se vide. Je connais ce genre de situation, et je n’aime vraiment pas l’idée de rester seul, de nuit dans un aéroport désert. De plus je n’ai pas de francs burundais pour convaincre le douanier, par la méthode du billet rouge.
Finalement tout le monde est parti, lorsqu’un 4×4 du CICR (Comité Internationnal de la Croix Rouge) se gare.
Je saute sur le chauffeur et lui explique la situation. Ça tombe bien il connait le douanier, lequel voyant son rêve de billets s’estomper, reste récalcitrant. Pour finir le chauffeur du CICR lui offre un pourboire généreux.
Je le remercie, monte à ses côtés, et nous nous dirigeons vers Bujumbura, la capitale.
Il me dépose devant le Headquarter (HQ), l’état major de la mission d’assistance aux réfugiés du Rwanda. Je suis largué ici, en plein centre ville, désert, en pleine nuit devant un portail clos, à la hauteur impressionnante! Les murs d’enceinte sont aussi tout aussi hauts. Personne à l’extérieur! Il me reste deux heures à attendre l’ouverture, et je ne suis pas fier, car des milices hutus, ou tutsi, se livrent la nuit à des expéditions mortelles en ville et dans les quartiers. Le matin, il y a couramment des cadavres à ramasser sur les trottoirs.
Je m’asseois sur le bord du trottoir et j’attends patiemment; j’en profite pour relire les termes de référence de ma mission. Il s’agit de coordonner l’alimentation en eaux des camps de réfugiés, tous situés le long de la rivière Ruzizi, frontière entre le Rwanda et le Zaïre.
Elle relie le lac Kivu au lac Tanganiyka. Les villes de Bujumbura et Uvira sont en rives gauche et droite de son embouchure dans le Tanganiyka.
Plusieurs ONGs effectuent les travaux, depuis l’exode des réfugiés sortis du Rwanda. Voir « Guinée 1 » pour l’organisation générale du programme et plus spécifiquement l’alimentation en eau.
Pour l’assistance aux réfugiés du Rwanda, le HQ est ici, à Bujumbura. Il gère aussi l’assistance aux personnes déplacées (les réfugiés de l’intérieur).
Le temps passe et finalement, un bruit de clé, me ramène à l’instant présent. Le portier est surpris de voir un blanc avec une valise, sur le trottoir. L’arrivée d’un expert est mieux coordonnée d’habitude!
Il m’introduit à un responsable, auquel j’explique mon cas. Le représentant du HCR dans la zone des Grands Lacs ne va pas tarder à arriver. En attendant: petit dej et repos allongé, ça fait du bien!
Un peu plus tard, on me conduit au bureau du représentant. Surprise, surprise!
On se connait bien, tous les deux!
Shelly était le chef du FO (field office, bureau de terrain) à Nzérékoré, où nous avions travaillé ensemble! Bisoux, bisoux etc.. il me présente ses excuses pour l’abscence du HCR, cette nuit à l’aéroport. Il me demande mon passeport et envoie un chauffeur pour le faire viser, à la Direction de la police nationale.
Nous échangeons quelques souvenirs, parlons du programme d’assistance aux réfugiés du Rwanda, dont il assume la Direction; les opérations sur le terrain étant pilotées et coordonnées par toute l’équipe du FO, Field Office résidente à Uvira.
Et finalement il me propose quartier libre jusqu’à demain, pour bien me reposer de la fatigue du voyage.
Je décline, alors il me m’invite à prendre au moins le repas de midi avec lui à Bujumbura, puis à faire une bonne sieste; et le logisticien du FO d’Uvira viendra me chercher vers 16 h. OK.
Durant le repas, il me confie qu’il vit en couple avec une jeune (et jolie) femme belge. Il envisage le mariage mais craint que ce ne soit pas compatible avec sa position au HCR. D’autant plus que sa chérie est la fille du plus gros entrepreneur du Burundi.
Eh bien, il n’avait pas tort, car après son mariage, trois ans plus tard, il a été contraint de démissionner. Conflit d’intérêt?
A 16 h donc, Gilles, se pointe dans son 4×4, Toyota, Landcruiser, tout neuf, avec fin du fin, housses de banquette en peau de mouton, pour éviter la transpiration du dos. Nous prenons sans attendre la direction du Zaïre, car la douane ferme à 18h. Je lui passe mon passeport, et il file à leur bureau pour les tampons.
En cours de route (plus exactement de piste) il m’explique que, ce soir je serai logé dans un hôtel, et demain on verra avec MSF (médecins sans frontière) qui a loué plusieurs villas pour constituer sa base, logements et bureaux.
Puis il me dépose à l’hôtel à la vue duquel mon sang ne fait qu’un tour. Je rattrape Gilles: « tu vas pas me laisser ici, il n’y a personne, pas de télé, il fait une chaleur à crever à l’intérieur. Et surtout rien à faire!
J’ai pas envie de me m’emmerder, tout seul, jusqu’à demain ».
Gilles: bon OK, je t’emmène chez MSF. Avec Hurier, on a une villa complète, avec trois chambres. Ça colle, et à partir de maintenant nous trois, nous sommes cothurnes.
C’est super, je suis avec deux gars sympas, eux mêmes sur le programme depuis deux mois. Excellente entrée en matière!
Et puis, très chouette, on se pointe à la table commune pour le dîner avec l’équipe de MSF. C’est carrément international: français(es), belges(es), anglais(es), togolais, zaïrois, nigérien….la table est pleine, n’en jetez plus!
En plus de la bouffe (fretin du lac, frites et salade) il y a un bon rosé de Provence. Dans l’humanitaire, pour dégager le stress et la fatigue, le soir on picolle. Vrai de vrai!
Alors l’ambiance est excellente, chacun a forcément queque chose à raconter, une blague, un vécu marrant dans un camp, une opinion intéressante, une conviction à défendre..un exploit personnel. Pourquoi pas?
A moi, le nouveau, on me demande de parler de moi: « – qui suis-je? – d’où viens-je? – dans quel état j’erre? »
Ça tombe bien, j’adore parler de moi; et il faut croire que j’ai bien parlé, puisqu’une question fuse: « t’es marié, Xavier? ».
« Oui, mais c’est pas grave ».
« D’ailleurs je vous lance un appel d’offres, ici et maintenant » . Les appels d’offre on connaît dans l’humanitaire!
C’est pas vraiment marrant, mais tout le monde rigole.
« Bon les gars, les filles, demain on bosse » c’est la chef de MSF qui lève le camp. En tous cas, bonsoir, bisoux, bisoux, et merci!
Arrivé à la maison, Gilles et Hurier sortent quelques bières du frigo, et entreprènent de me mettre au courant des evènements.
Il y a deux mois les présidents du Rwanda et du Burundi participent à une réunion de conciliation organisée à Abuja en Tanzanie par les Nations Unies. Un accord entre les deux éthnies: hutus et tutsi, est signé. Et les deux présidents rentrent par le même avion, piloté par un français. Mais l’atterrissage à Bujumbura allait leur être fatal: l’avion, touché par un missile, s’écrase juste avant la piste! Dans le jardin de la propriété de Abiyabirama, le président du Burundi. Gilles et Hurier ont tout vu de la terrasse de leur maison, qui domine la piste d’atterrissage.
Les présidents du Rwanda et du Burundi trouvent tout deux la mort dans le crash.
L’ignoble massacre
Au Rwanda, cet événement tragique déclenche le massacre des tutsi, préparé en secret par les autorités de l’ethnie Hutu. Des soldats se rendent dans les nights clubs de la ville et tirent dans le tas. Des milices (interhamwe) commencent leur sinistre « travail ». Elles seront relayées dès le lendemain matin par la population hutu. 50.000 machettes sont distribuées au petit matin, dans les quartiers hutus pour démarrer le « travail »: massacrer tous les tutsi, et aussi les hutus jugés trop modérés.
Huit parachutistes belges sont assassinés, parce que leur commandant en accord avec le représentant de l’ONU, leur a ordonné de remettre leurs armes aux rebelles, sans combattre. Il sont immédiatement exécutés un par un, et ces assassinats sont commentés en direct sur le talkie-walkie, par leur officier, lequel se prendra une balle dans la tête en dernier.
Tout ça s’est passé à 300 m de la caserne des casques bleus qui ont laissé tuer leurs camarades sans intervenir! Incompréhensible!
Enhardie par cet « exploit des hutus » la population éponyme s’implique, dès lors totalement dans les massacres syystématiques des tutsi. 800.000 morts en un mois!
Je vous épargne les descriptions des atrocités, hélas semblables, en Afrique d’un pays à l’autre dans des circonstances similaires.
Gilles et Hurier, me précisent qu’ils sont tombés, le lendemain du crash de l’avion, un peu par hasard sur un premier charnier découvert dans l’église de Kitega.
Passant devant en 4×4 et attirés par l’odeur insoutenable, ils s’approchent et découvrent à l’intérieur une assemblée de tutsi, tous morts assassinés, brûlés ou grenadés. Horrifiés Gilles et Hurier décident d’effectuer le décompte. Environ 300 morts. Interrogeant ensuite les gens du village, ils apprennent que des soldats hutu, guidés par le prêtre hutu de la paroisse, ont procédé au massacre systématique des fidèles venus se réfugier à l’intérieur de l’église. Gilles et Hurier connaissent le prêtre, et se rendent au quartier général du HCR, pour témoigner du charnier, et en dénoncer l’instigateur.
Quelques jours plus tard les casques bleus et la communauté internationale, quittent le pays. La france organise à l’aéroport le rapatriement de ses ressortissants par vols dédiés. Mais les ordres sont formels, pas d’embarquement pour les étrangers.La nationalité française est absolument requise.
Parmi les couples mixtes, seuls les mariés sont admis. Malheureusement de nombreux couples sont simplement « en ménage ». Quasiment toutes les copines sont tutsi, et donc vouées à un massacre certain, les hutus les attendent à la sortie du parking de l’aéroport.
L’ambassadeur présent à l’aéroport est sollicité par ses compatriotes français pour procéder sur le champ au mariage légal. Il en a l’autorité, mais il refuse catégoriquement. La mort dans l’âme les français embarquent après des adieux déchirants à leurs copines, qui elles aussi ont leur mort dans l’âme! Et tout de suite dans leur corps. Elles ont toutes été massacrées à la machette. J’en ai les larmes aux yeux en écrivant ces lignes.
Seuls quelques français ont eu le courage de rester, et certains ont pu sauver leur compagne; d’autres ont recueillis des enfants…Voir le film « Hôtel des mille collines ».
Saloperie de politique: quand ils étaient colons, les belges avaient cru judicieux d’instaurer des cartes d’identité pour les hutus et pour les tutsi, reposant sur des critères raciaux (nez étroit, tâches sur le palais dans la bouche, structure élancée..etc). Ces cartes précisaient l’ethnie du détenteur, qui devait à chaque barrage de route établis par les hutus, la présenter.
Les tutsi, hommes, femmes, enfants, étaient exécutés sur place, non pas avec une balle dans la tête, mais avec des putains de machettes, ou de massues cloutées, le crâne fracassé, ou encore pire découpés en morceau, puis les quatre membres coupés, jetés agonisant dans les fossés, au bord de la route.
Quelle merde, quand je pense que la communauté internationale, en s’enfuyant à laissé le champ libre à ses abominations!
Cette description je la tiens d’une amie tutsi, survivante, très proche de Bintou, que nous avions recueillie dans mon appart. Les tutsi, qui avaient échappés ne s’exprimaient pas sur ses atrocités.
Arrivée de Kagame
Assez rapidement, sous le commandement de Kagame, la diaspora tutsi en Ouganda s’est armée, a traversé la frontière avec le Rwanda et a entamé la marche vers Bujumbura. Ils mettrons un mois à atteindre la capitale, ralentis par les combats contre l’armée hutu.
Pendant ce temps les hutus continuaient leurs basses œuvres, jusqu’à leurs fuites à l’arrivée de Kagame et de ses troupes.
Et sur ordre de Mitterand, l’armée française avait sécurisé une zone de repli pour les hutus, oû ils serait protégés de Kagame et son armé.
Les réfugiés
Et ce sont ces réfugiés criminels qui ont été acceuillis au Zaïre dans les camps organisés par le HCR. Alors la question see pose: comment les ONGs, organismes humanitaires s’il en est, ont-elles pu accueillir et prendre en charge cette bande d’assassins. C’est aussi la question qu’on se pose, en général pour les avocats de la défense.
Mais ici la réponse est différente: mêlés aux assassins il y a les femmes et les enfants.
A ma connaissance, une seule ONG a plié bagage, un an après l’ouverture des camps. Il s’agit de MSF Belgique, nos amis qui m’avaient hébergé à mon arrivée sur site! Très impliqués dans l’élaboration d’une vingtaine de camps, ils étaient aussi chargés de leur alimentation en eau potable.
OXFAM
Avec OXFAM, véritablement experte en la matière. John Howards, leur ingénieur avait continué le travail de son père, aboutissant à la mise au point de kits gigantesques, mais transportables par avions KC130: réservoir de 400 m³, stations de pompage modulaires, stations de traitement, stations de chloration. Ils assuraient aussi sur place, par envoi de monteurs et de moniteurs, la formation des opérateurs zaïrois.
Du grand travail! Mais d’autres ONGs françaises, allemandes, autrichiennes spécialisées dans l’hydraulique, assuraient aussi, mais plus haut dans les camps rattachés à un autre FO, dans la ville de Goma, en bordure du lac Kivu.
Mais revenons à la fin du récit de Gilles et Hurier. Et bonsoir, demain matin réunion de briefing à 8h.
Field office d’Uvira
A cette réunion je fais connaissance avec tous les collègues du HCR: les experts, les volontaires, les techniciens, architectes, médecins, infirmiers, nutritionnistes, hydrauliciens, assainissement, agriculture, et aussi enseignement, sécurité, transmissions, et sociologues, démographes etc..
Le tour de table est éloquent! Nous sommes entre gens de bonne compagnie! De nationalité française, anglaise, ghanéenne, belge, togolaise, béninoise, ivoirienne, nigérienne.
En début de réunion, c’est le ghanéen qui prend la parole. Il se présente: diplomate, avocat, ayant effectué plusieurs missions pour le HCR, l’UNICEF, la FAO. Il commence par un speech sur la nécessité de prendre les réfugiés au sérieux, de les respecter et de faire preuve de compassion en raison des épreuves qu’ils ont subies.
Puis nous passons au tour de table: chacun fait le point en français, sur la situation relative à sa spécialité dans les 19 camps au programme. La situation actuelle, et les évolutions prévues. Une attention particulière est évidement portée sur les actions urgentes à entreprendre.
Logisticien, médecin, hydraulicien, spécialiste sanitation sont invités à se grouper pour une reconnaissance générale dans les camps.
Un 4×4 suffira, et notre première halte sera pour le camp le plus proche au bord du Tanganiyka, installé sur la berge de sable blanc. D’un blanc magnifique, ce sable qui entoure le lac, héberge un virus qui menace la santé des réfugiés. Il est décidé de déplacer le camp hors de la zone sableuse. Cette proposition, étoffée par une nouvelle localisation précise, par les actions rattachées au transfert du matériel et des réfugiés, et par une évaluation du coût global de ce déménagement sera soumise à notre Field Officer.
Puis nous passons aux autres camps. Mon attention se porte en priorité sur les installations de pompage dans la rivière Ruzizi, puis de traitement (clarification, filtration, chloration) et enfin de distribution par bornes fontaine. Comme je l’ai expliqué plus haut, le matériel de l’ONG Oxfam, est mis en œuvre dans chaque camp. A la satisfaction générale. Cependant la formation du personnel n’est pas achevée, notamment pour l’emploi des produit de clarification, cest le point délicat de la chaîne de traitement.
Départ de MSFB
Ainsi à Luvungui, un des camps gérés par MSFB, une confusion entre deux produits aboutit à une surchloration de l’eau distribuée. Celle-ci est imbuvable. La distribution est arrêtée. Mais les agitateurs qui contrôle le camp (des hutus qui veulent prendre leur revanche) accusent MSFB, d’une entente avec les tutsi, et d’une tentative d’empoisonnement des hutus. Ils menace ouvertement l’ONG de représailles sur son personnel. Le directeur de MSFB opère un repli de deux semaine pour tout le personnel à Bujumbura. Puis de retour ils tentent une reprise en main du camp de Luvungi. Mais finalement quelques mois plus tard, écœuré par l’accroissement de la violence dans les camps noyautés par les hutus extrémistes, MSFB quittera le programme, arguant (officieusement) qu’ils ne veulent plus travailler pour des assassins.
A ce propos Jonh Howard, l’ingénieur d’Oxfam, dont j’ai parlé plus haut relate avoir assisté à la décapitation au coupe-coupe d’un chef de famille qui persistait à vouloir quitter un camp de déplacés au Burundi, malgré l’opposition du chef des réfugiés, hutu extrémiste.
A propos de l’accroissement de la violence sur ce programme d’assistance aux réfugiés du Rwanda, je me dois de relater les faits suivants pour lesquels je me suis senti concerné:
– A mon arrivée au Zaïre, j’apprends que l’ingénieur que je venais remplacer a été tué, quelques jour avant mon arrivée, lors d’une réunion de coordination à Bujumbura.
– plus tard une bombe explose sur la place du marché de Bujumbura, alors que j’étais en train d’y effectuer mes courses. La place, pleine de monde c’est vidée en moins d’une minute.
– Et enfin, quelque jours après mon départ du Zaïre, quatre ingénieurs hydrauliciens venus pour l’extension du programme au Burundi, sont fauchés dans leur 4×4 par une rafale de mitraillette.
Mais, revenons à nos réfugiés: nous visitons des camps qui sont déjà opérationnels pour la distribution de l’eau potable, tous à peu prêt selon le même schéma: une station de pompage dans la Ruzizi, une station de traitement à proximité et une conduite d’adduction jusqu’à un réservoir de stockage qui à l’extérieur domine le camp. Ce réservoir distribue vers plusieurs antennes qui aboutissent à autant de bornes fontaines. Donc pas de soucis, sauf la formation du personnel à la gestion des stations de traitement et à l’entretien général des installations, problèmes déjà exposés plus haut.
Mon auberge
Maintenant je cherche un logement cool et sympa. Coup de chance, j’aperçois de loin, en sillonnant la ville d’Uvira, une enseigne « Auberge du lac ». Elle est située au bord du Tanganiyka, et du premier étage la vue est merveilleuse. Je m’installe dans la plus grande chambre, balcon donnant sur le lac, bien meublée; et j’embauche un gardien, qui aurra la tâche de dormir la nuit, allongé sur le balcon sous la fenêtre de ma chambre. Ainsi, si un malendrin arrive et essaye de s’introduire par la dite fenêtre, il marchera immanquablement sur le gardien, qui se réveillera!
Le prix de la chambre est correct: 13 USD la nuit.
Je suis réveillé la nuit par des saoulards qui occupent les autres chambres à l’étage, je les entends vomir et pisser toute la nuit. Il faut bien évacuer les bières!
Donc le lendemain matin, je vais trouver le directeur de l’auberge et lui demande si je peux louer tout le premier étage, c.a.d. ma chambre, le grand séjour et les quatre cellules qui servent de chambres aux soulards. Le directeur est enchanté de ma proposition qui s’étend sur une année complète jusqu’à la fin de ma mission au HCR. C’est pour lui une occasion inespérée: en effet son DG à été admis dans un hôtel de la capitale pour y être soigné d’un cancer. Mais il y a des frais, et ma location, va enfin permettre de les couvrir. Alors on signe un contrat pour un an et on en reste à 13 USD la nuit pourvu que je reste une année complète. De plus le directeur me propose de refaire la peinture dans ma chambre.
Tout va bien, j’ai bien progressé en peu de temps. Je suis certainement le mieux logé de toute la mission, et on m’a affecté une Toyota Landcruiser toute neuve et dernier cri. La maison Toyota « soigne » le HCR, son meilleur client, auquel elle offre de temps à autres, un 4×4 dernier cri. J’ai un chauffeur qui me comprend et que je comprends, ce qui est la moindre des choses. Celui-ci, pour me rendre la vie agréable, accède à ma demande, de transgresser discrètement la règle infâme du HCR: tous les véhicules parqués pour la nuit au field office, dès 16 h. Après ce serait dangereux.
De même il est interdit au personnel de sortir le soir.
Eh bien, j’ai transgressé cette règle pendant toute la durée de mon séjour. Je ne dis pas que les responsables ne s’en sont pas aperçus, mais je pense qu’eux même faisant de même, ont jugé préférable de me laisser faire.
Zaïre 2
Le restaurant Gandja du lac.
A midi je mangeais chez moi – j’avais embauché Tsombé comme cuisto – et le soir avec une bande de collègues on dînait tous ensemble dans le living, face au lac Tanganiyka.
Amadou, le nigérien se chargeait alors de ramener des œufs, des poules, des cailles, de la viande de brousse, et des légumes que Tsombé cuisinait avec l’aide des filles, pour tout le groupe.
Le rosé coulait à flot. Et on invitait nos ami(e)s. Cool et sympa, n’est ce pas?
Parfois, on débarquait, au restau « Gandja du lac », où ils faisaient de très bonnes grillades. Le seul problème, on devait apporter une nappe propre, et nos propres couverts, nos bouteilles de rosé et de pastis.
Au dîner on y trouvait parmi les convives des membres des organisations internationales (ONU..), des ONGs, et des gradés de l’armée zaïroise. Tout ce beau monde étant impliqué à titres divers dans l’assistance aux réfugiés du Rwanda.
La salle à manger, c’était dans le jardin, c’est souvent le cas sur le continent africain.
Le night 5/5
Après le repas j’allais de temps en temps avec mon chauffeur au night club, le 5/5, allusion au code des talkies-walkies: « Affirmatif, affirmatif, je te reçois 5 sur 5. »
Ce club avait déménagé de Bujumbura devenu trop dangereuse la nuit, pour venir s’établir au Zaïre, juste de l’autre côté de la frontière. Du reste nombreux étaient les burundais qui travaillaient le jour à Bujumbura, mais se repliaient la nuit de l’autre côté de la frontière, au Zaïre. A commencer par le gouvernement burundais qui occupait la nuit tout un hôtel proche de la frontière. Et tout ce petit monde se retrouvait au 5/5 qui suivant ses clients de Bujumbura, venait de déménager vers cet espèce de « nomansland » vide le jour mais rempli la nuit.
La première fois que je me suis pointé au 5/5, j’y constatais une abondance de douaniers. Eux mêmes surpris de voir un blanc, un toubab, dans leur quartier général de la nuit. Du coup ils m’invitaient à me joindre à eux, discutaient avec moi, et me payaient des pots, sans doute pour en savoir plus sur nos activités humanitaires.
Et c’est là aussi qu’une jolie gazelle me glissait un soir dans l’oreille d’aller l’attendre dans ma voiture à 50 m de la boîte. Et je devinais que ça n’était par pour enfiler des perles…Alors qui allais-je enfiler? En fait j’étais un peu inquiet, car j’avais bien remarqué que Brigitte, c’était son nom, accompagnait un douanier, donc un militaire. Quoiqu’il en soit j’avais remarqué Brigitte, chez MSF, en prise avec Gilles, dans la chambre d’à coté. Et j’entendais sa tête taper en rythme sur le mur, ce qui semblait indiquer que Gilles avait dépassé le stade du missionnaire! Brigitte n’avait pas de casque, elle avait la tête dure!
Mais sans doute que, pour elle comme pour Gilles, les avantages de cette pratique dépassaient les inconvénients, car ils continuaient de bon cœur leur sarabande rythmique.
Quand je pense que Gilles me confiait qu’il ne faisait jamais l’amour avec une black, se contentant de se faire sucer, comme dirait Michel Houellebecq! Moi je l’ai pris en flagrant délit.
Mais a présent, c’est moi qui avait la main. J ‘ouvrais donc la fenêtre de ma chambre et lui à Brigitte de regarder le paysage : des centaines de lucioles oscillaient à la surface du Tanganiyka; c’étaient les lampareaux des pêcheurs de fretin. Puis sans la divertir de sa contemplation je lui demandais d’appuyer ses avant-bras sur la rambarde de la fenêtre Attention: le gardien était à son poste, et par bonheur en train de dormir. Et peut-être que présentement je lui fis à Brigitte un enfant, dans le dos! Qui sait?
En tout cas passé cet acte créatif et récréatif, elle me demandait de la régler, c’était le règlement, elle n’avait pas ces règles, elle voulait être réglée. Un billet rouge lui semblait insuffisant, alors, bon prince, j’en alignais un second. Mais ça je ne pourrai pas le mettre sur ma note de frais…
Puis je la ramenais rapidement au 5/5, et je la déposait 50 m avant. C’est ce qu’elle voulait.
Après cet épisode que je considère comme le meilleur des somnifères, une fois retourné à ma chambre, je m’endormais du sommeil du juste.
Assez rapidement le chef du field office demande à notre groupe d’investiguer dans la région pour identifier des zones où réinstaller les réfugiés. Une règle au HCR est d’éloigner les camps de la frontière par mesure de sécurité. Or dans l’urgence cela n’avait pas été possible. Il fallait y veiller à présent.
Aprés la rébellion de Paul Menguélé contre le président Mobutu, dans les années 50, tous les villages de la zone située aux alentours de la ville de Baraka, entre la chaîne des monts Mitumba et les rives du Tanganiyka, avaient été brûlés par l’armée, et cette région était restée inhabitée jusqu’à présent.
Il nous paraissait donc judicieux d’explorer les lieux, à priori disponibles pour y réinstaller les réfugiés de la vallée de la Ruzizi.
Cette zone s’est très précisément la zone des sables mouvants décrite par Henry de Monfred dans sa somme « Saga africaine »:
» Les sables mouvants
Entre la chaîne des monts Mitoumba et les rives du Tanganiyka une immense dépression, orientée nord/sud , est comme un large fleuve de boue sournoise que dissimule un prestigieux tapis de fleurs, d’herbes et de lianes rampantes. Sur cette surface à l’engageant aspect, où des myriades de papillons palpitent au soleil, il faut se garder de poser le pied. Il s’enfonce d’abord à peine, et il faut faire quelques pas encore pour s’apercevoir qu’à chacun d’eux le sol cède davantage et fait de plus en plus ventouse. Alors l’effort toujours plus grand pour arracher un pied enfonce l’autre d’autant, et ainsi le molet s’engage. Dès lors, si l’on tente de retirer une jambe, l’autre plonge à mi-cuisse…
C’est fini, on est perdu, happé, sucé pour ainsi dire, et rien ne répond aux hurlements du malheureux qui descend lentement à la tombe. Tout à coup c’est le silence, une main se crispe encore, broyant les fleurs qu’elle saisit en vain, puis tout disparaît, tout s’apaise, et les papillons indifférents reprennent leurs silencieuses sarabandes.
Le danger de ces terrains perfides est dû au fait qu’on ne s’en avise que trop tard pour atteindre la terre ferme en rebroussant chemin. C’est toujours en tentant précipitamment cette retraite qu’on est pris ».
(ndrl: Voir le film « Dora et la cité perdue » qui explique comment vous en sortir, si un jour vous êtes pris, par mégarde, dans des sables mouvants).
Pour notre part, la fameuse « Baraka » nous est venue en aide une nouvelle fois, fort à propos aux alentours de Baraka.
Entre le lac Tanganiyka et les monts Mitumba, nous avons traversée cette zone marécageuse, sans même une pensée pour les sables mouvants. Tout au plus avons nous renoncé parfois à nous engager dans la boue pour ne pas salir nos baskettes. Notre attention vigilante, se portait plus, entre les herbes hautes, là où, selon notre guide les crocodiles faisaient la sieste aux heures chaudes de la journée.
Les traces que nous relevions ça et là, sur le sable nous incitaient à la plus grande prudence.
Cependant, chemin faisant, s’imposaient, à la réflexion, une vraie question: cette zone esthétique, certes, offraient de vastes superficies disponibles, certes, mais entre les sables mouvants et les crocodiles géants convenait-elle vraiment à la réinstallation de nos milliers de réfugiés?
Résumons nous: la situation dans le Sud Kivu était à cette époque particulièrement instable et dangereuse en raison des évènements du Rwanda, et aussi des risques de propagation d’une épidémie de choléra à partir d’un foyer d’infection localisé à une cinquantaine de km de là dans la vallée de la Ruzizi, zone frontalière entre le Rwanda et le Zaïre, équipée d’une vingtaine de camps d’accueil pour les réfugiés en provenance du Rwanda et du Burundi.
C’était clair, et les autorités nous l’avait répété:
« Ne venez pas installer chez nous le vibrion cholérique. » Dans la région de Baraka les réfugiés étaient indésirables, car tout le monde redoutait la contagion par le choléra. Un point, c’est tout.
Jean Libert
De retour de Baraka, à la sortie d’un grand village situé à proximité du lac Tanganyka, nous sommes bloqués par la destruction du platelage d’un pont, démonté et jeté au fond du lit profond de la rivière, asséchée en cette saison. Seuls subsistaient les deux rails en acier (IPN), principale ossature du pont, qui en situation normale supportent le platelage.
La rivière était donc infranchissable !
Notre chauffeur stoppe devant le vide. Comme d’ habitude des villageois accourent pour profiter de la distraction.
L’un des villageois commence à haranguer la foule, en kiswaheli, leur langage naturel, langue composite, qui sert de trait d’union entre toutes les populations de l’Est africain.
Notre chauffeur, seul à comprendre l’orateur, qui ne me semblait pas vraiment amical, écoutait en silence, le monologue, en se gardant bien d’intervenir. La population était aussi suspendue à ses lèvres et nous n’étions, pour notre part guère rassurés.
Soudain Jean Libert intervient et prend la parole en kiswaheli ! A notre grande surprise, il sait y faire : il commence d’abord à reprendre l’instigateur de discorde, puis tout à fait à l’aise, il parle directement à la foule.
Notre situation s’améliore, des acquiessements puis des sourires apparaissent et finalement des rires et des applaudissements.
Enfin, suivant les directives de Jean, les villageois descendent dans le ravin et en remontent les planches éparpillées au fond. Rapidement le platelage est reconstitué, bien en place sur ses deux IPN, et nous pouvons remonter, soulagés, dans notre 4X4, non sans avoir remercié les villageois avec moultes poignées de main, plus une poignée de Zaïre (les billets) dont nous voulions les gratifier pour leur travail! Et qu’ils ont refusés!
Et voici ce que Jean Libert, logisticien de notre équipe d’experts, nous explique, une fois dans la voiture:
Une vingtaine d’années auparavant, il avait accompli son service militaire dans l’armée belge, à Bujumbura, la capitale du Burundi. Durant son séjour il s’était lié d’amitié avec le Grand Muami, chef temporel et spirituel, de la région du Tanganyika. A telle enseigne, que quelques années plus tard, il s’en retournait en Belgique, accompagné du plus jeune fils du Grand Muami, qu’il avait accepté d’acceuillir chez lui à Bruxelles pour veiller à sa bonne éducation. A la fin de ses études ce jeune homme était revenu au Burundi, pour y exercer d’importantes fonctions.
Jean a décidé d’intervenir car il parle le kiswaheli, et comprend bien les propos radicalement hostiles de l’orateur malveillant (qui voulait convaincre la foule de nous piller, et de nous occire – mais réflexion faite, je veux croire qu’il était un peu dérangé, et donc que la foule ne voulait pas le suivre, et du coup devait être, elle aussi dérangée par ces propos à notre endroit).
Jean nous traduit son intervention à l’adresse des villageois, qui a commençé par une référence au temps passé, une époque où leurs parents ne recevaient pas les voyageurs comme malheureusement il le constate aujourd’hui. La sagesse et l’hospitalité des Anciens étaient la règle. Et il demande qu’on s’en rappelle ici et maintenant !
Ensuite il leur raconte son histoire, et on peut le comprendre son engagement en faveur du fils du grand Muami a fait forte impression! Les villageois s’en sentent redevables. Jean marque ainsi son autorité historique, en plus de son autorité naturelle, fondée sur le ton, les inférences, et les références contextuelles de son discours. Et aussi sur son amitié sincère pour l’Afrique et les africains. Ce qui n’est pas le cas de tout le monde.
Enfin Jean termine en disant qu’il compte sur un coup de main pour passer la rivière. Les villageois bien embarrassés par l’appel au meurtre du fada, sont ravis maintenant de pouvoir ainsi, en quelque sorte se racheter. Voilà pourquoi ils ont rétabli rapidement le pont, donc la situation, et retrouvé le sourire, et serré nos main avec vigueur et conviction. Et pourquoi malgré la pauvreté récurrente dans le Sud Kivu, il ont refusé notre contribution monétaire. Bravo Jean. Et merci aux villageois, par ailleurs heureux de s’être montrés à la hauteur de leurs Anciens.
Bref, nous nous sommes quittés meilleurs amis du monde, et nous parvenons avant la nuit, sans encombre, à notre field office d’Uvira (ancienne plaque tournante de l’esclavage en Afrique de l’est).
Tout au long de la piste, à chaque village traversé, les enfants accourent pour nous dire bonjour: » Djambo, Padiri » , bonjour, mon père (religieux).
Le lendemain, au cours de la réunion quotidienne, nous débriefons notre mission devant l’équipe du field office, et en tirons la conclusion:
» La zone située aux alentours de la ville de Baraka, entre la chaîne des monts Mitumba et les rives du Tanganiyka ne convient pas à la réinstallation de nos réfugiés ».
(ndlr: quelques années plus tard j’allais faire la connaissance, au Tchad, d’un expert du HCR, qui avait eté field officer, bien après notre mission à Baraka. En charge en particulier du transfert par bateaux des réfugiés vers la Tanzanie, sur la rive opposée du Tanganiyka. Car telle était la solution qui avait été retenue. J’ai la faiblesse de penser que notre rapport de mission, avait dû peser sur cette décision).
Elaboration d’un camp de réfugiés
Lors de ma mission j’ai pu me joindre l’espace d’une heure au logisticien dédié à l’élaboration d’un nouveau camp de réfugiés, important, sur le fameux site de Kamaniola. Une stèle y comémore la victoire militaire remportée par les troupes de Mobutu Sesse Saïko.
Le logisticien m’explique:
Le choix général du site, à l’écart des zones inondables, avec une pente régulière pour le drainage des eaux de pluies, leurs rejets dans la nature à l’extérieur du camp. Les diguettes de protection contre les inondations. Les fossés de drainage. La voie d’accès au réseau extérieur des pistes ou routes goudronnées.
Les infrastructures internes: les quartiers, les blocs, les avenues, les rues, les parcelles familliales, leurs drains de collecte des eaux pluviales, et leurs évacuation vers l’extérieur. Les lieux d’enregistrement, de distribution et de rassemblement. Les services publics, les terrains dédiés au sport, offices religieux, écoles et occupations diverses.
Le réseau d’eau et les bornes fontaines pour délivrer l’eau potable, les douches, l’infirmerie, l’hôpital. Les latrines. Le parking, les aires de manœuvre, et de stockage, la clôture périphérique, le portail d’entrée, éventuellement les guérites et/ou les tours de guêt, si nécessaires.
Enfin à l’extérieur proche: le réservoir de stockage de l’eau potable, avec les installations de décantation/floculation, de filtration et de chloration.
Le cimetière. Les rejets des divers réseaux internes.
Les infrastructures externes éloignées de l’eau potable: stations de pompage, conduite de refoulement vers le réservoir d’eau douce.
En gros, une ville d’abris constitués de bâches étanches bleues, et plus récemment blanches, d’une population pouvant atteindre jusqu’à 100.000 personnes. Les camps les plus grands au monde accueillent jusqu’à un million de personnes. Les infrastructures y sont plus grandes, mais la disposition est le semblable. Parfois on y prévoira l’électricité et l’eau courante, les bains publics..etc.
Puis les conteneurs ont remplacé les abris bâchés…etc.
Toutefois ce que décrit ci-dessus, c.a.d. le camp de base reste encore le modèle employé dans les cas d’urgence humanitaire.
Concluant cet exposé, le responsable de l’installation de ce nouveau camp m’invite à monter dans l’hélicoptère du HCR, pour une visualisation prévisionnelle de l’ensemble. A la descente, c’est la télévision française, prévenue par le HCR qui me demande des commentaires.
Une bonne communication est essentielle, pour soutenir le crowd-funding (les appels de fonds aux organisations, associations populations qui viendront complétervles dons des bailleurs de fonds institutionnels). Il faut savoir que les ONGs, parties prenantes au programme, doivent en assurer une partie du financement. Obligation « sine qua none. »
Je suis repassé à Camaniola un mois après. Les travaux de terrassement s’étaient achevés la veille, l’alimentation en eau potable était complétée jusqu’au bornes fontaines, et on attendait les premiers camions de réfugiés d’un instant à l’autre. Ils devaient venir de Goma, au bord du lac Kivu, où un autre field office du HCR était en action.
La route longe d’abord le lac, puis suit la rivière Ruzizi sur une portion encore relativement plate, puis elle s’engouffre, comme la rivière dans des escarpements rocheux à la sortie desquels se trouve l’emplacement du camp de Kamaniola.
J’attends depuis un moment l’arrivée des camions avec leur chargement humain.
Et soudain, au détours du virage qui domine le camp c’est l’arrivée du premier camion, il déboule plutôt vite, se dirige vers le parking et stoppe brusquement. Le chauffeur belge, la quarantaine sportive en jaillit littéralement. Mission accomplie, il s’ébroue, d’éponge le front, et fait quelques mouvements de décontraction. Il vient quand même de rouler pendant plus de deux heures, avec un cinquantaine de réfugiés sur son plateau aménagé au préalable pour le transport de personnes.
« Bonjour, alors, comment allez vous ? Et le transport, tout c’est bien passé? «
« Ça va, merci, sauf les escarpements, pas si facile que ça! Ah, les autres sont derrière, ils ne vont pas tarder ».
Effectivement, ils arrivent, tous aussi excités mais fatigués, mais quand même visiblement heureux d’avoir accomplie cette belle mission.
Je compte cinq camions. Ils vont se reposer un peu, parler entre eux, jeter un coup d’oeil au camp, prêt pour l’acceuil des clients, puis il vont repartir à Goma pour un second transfert. Y a du pain sur la planche.
Pendant ce temps les premiers réfugiés sont attendu à la zone d’acceuil où ils vont être enregistrés, et recevoir leur kit de première urgence.
Bâche bleue dont ils devront effectuer le montage eux mêmes, matériel de cuisine, y compris le réchaud à gaz, nourriture pour trois jours…etc.
Relief of stress.
Quant à moi, je poursuit la route vers Goma, oû je suis booké sur le jet du HCR, demain matin. Direction Naïrobi, capitale du Kenia.
En effet après trois mois de boulot, nous avons l’obligation de prendre notre « relief of stress ». Nous devons nous remettre du stress, et donc nous changer les idées en retournant à une « vie normale dans une ville normale ». En fait, nous nous en apercevons plus tard, ça ne sera pas si normal que ça. Et c’est tant mieux. Ce qui est normal m’ennuie.
Alors comme on va en ville notre DSA (Daily Subsistance Allowance, indemnité de vie journalière) est augmenté. Moi et mes potes on descendra au Hilton de Naïrobi. C’est pas le moment de faire des économies. Un peu comme les soldats en perm, ou les marins qui arrivent au port.
En attendant, nous sommes arrivés à Goma, et le chauffeur me dépose au HQ du CICR, le meilleur hôtel de la ville.
La nuit dans le plus bel hôtel de la ville, loué et occupé par le CICR. Diner du soir servi par garçon stylé en livrée. Télévision par antenne satellite et dodo.
Nuit paisible. Breakfeast sur la terrasse, avec vue sur le lac Kivu, gazon verdoyant en pente douce vers la rive, cocotiers se balançant doucement au rythme du vent.
Les membres du Comité International de la Croix Rouge méritent bien cet hébergement luxueux et sécurisé en compensation des dures journées de travail qu’ils effectuent dans les camps de réfugiés surpeuplés où ils affrontent une insécurité permanente (le conflit hutus/tutsi s’y perpétue discrètement, mais mortellement); avec plus une épidémie de choléra. En fait, peu après toute la vallée de la Ruzizi sera contaminée par le choléra, puis aprés quelques semaines, durant lesquels les populations furent décimées, la situation sanitaire fût rétablie par l’intervention de MDM, MSF et d’autres ONGs.
Après le petit-déjeuner, direction l’aéroport et, après les pointages de rigueur, nous embarquons dans le jet du HCR. Direction Naïrobi.
A peine installé au Hilton, Gilles s’isole dans sa chambre, et il me semble accompagné. Moi j’en profite pour prendre une douche chaude. Ça fait bien trois mois, car dans mon auberge au bord du Tanganiyka, il n’y a pas d’eau chaude. C’est pas désagréable et je m’allonge détendu dans les draps en soie. Je demande au standard de me passer Maman. Ça fait bien trois mois: » Bonjour M’man, devine où je suis? » « !!?? »
« Au Kenya M’man, dans ma chambre à l’hôtel Hilton. Tu vois j’suis toujours vivant »
(pourvu que ça dure! Elle ne voulait pas que j’y aille! Faut dire que les images à la télé étaient plutôt trash).
M’man: « Au Hilton, ben t’en as de la chance. On se la coule douce dans l’humanitaire! ».
« Oui M’man, c’est pas facile!. J’ espère que tout vas bien pour toi….etc. Allez, je t’embrasse M’man. Et te fais pas de soucis pour moi. Tout va bien. Je t’embrasse bien fort. «
Gilles finit par sortir de sa chambre et viens dans la mienne, accompagné d’une jeune femme à l’embonpoint prononcé.
Il fait les présentations et me dit: tu la vois elle, c’est la meilleure suceuse que j’ai jamais connue. Elle travaille à l’hôtel, tu
devrais l’essayer. Moi: « Maintenant? »
« Oui maintenant, tu verras c’est du grand art! »
Ça ne m’étonne pas, la chaîne Hilton, est connue pour son service de qualité irréprochable.
Mais moi: « les grosses c’est pas mon truc! » Et Gilles insiste: « mais tu t’en fous, c’est juste une pipe! »
Ma parole on dirait qu’ils sont associés tous les deux! Voilà que Gilles parle comme Sido, mon chauffeur du Niger. Ça revient à prendre, celle que je n’ose pas appeler « la gazelle » pour une machine à sous.
Bon enfin, je décide de tenter l’expérience, ne serait-ce que pour vérifier les éloges de Gilles, qui nous l’avons vu est un fin connaisseur en la matière.
Résultat des courses: une prestation très honnête, certes, emprise de compétence, de bienveillance, et d’amour altruiste, mais qui ne me fait pas gravir les plus hauts sommets. Malgré mes encouragement en anglais « Make me higher, make me higher, Give me a big O ». On parle anglais au Kenia.
Bon, il est l’heure de partir en ville, pour l’apéro.
Dès le premier jour, Gilles se fait agresser dans la rue, emmené à l’écart, un poignard sur le ventre, et délesté de son porte-monnaie. Plus de peur que de mal: Gilles, sort toujours avec ses bottes, sorte de coffre fort portatif, où il glisse le principal de son argent liquide. Ses agresseurs n’avaient donc encaissé que la monnaie…
Les bottes étaient une solution opportune au Zaïre, ou l’on se promenait avec des masses de billets, qui perdaient rapidement de leur valeur, du fait d’une dévaluation galopante! Le prix de la baguette de pain doublait tous les deux jours et ainsi la valeur réelle des billets diminuait de moitié. A l’Institut d’Emission du Zaïre, la planche à billet imprimait en continu. Et il fallait une dizaine de billets pour acheter le matin, ne serait ce qu’une boîte d’allumette, …et encore bien plus le soir!
Bref tout allait bien, et nous étions tous les soirs en boîte de nuit, ce qui nous changeait les idées.
Au New Florida 2000, la plus connue, bondée de filles 2.0, jeunes et agréables, alignées sur leur tabouret le long d’un comptoir sans fin.
Et d’un contact facile. Gilles s’envoie whisky sur whisky, tandis que moi, je lie connaissance avec une joueuse de basket.
Parmi la gent féminine on note des éthiopiennes, des kenyannes, des filles d’afrique de l’ouest…
Et puis á minuit c’est le spectacle: une troupe de tour jeunes filles (14-15 ans) en tenue legère nous gratifie de danses agréables, bien coordonnées…tour le monde est sous le charme juvénile de cette petite troupe, coachée par une française bien plus agée que ces petites protégées.Entre compatriote on discute un peu. Elle a embauché les petites en Ethiopie, et travaille dur avec elles pour les mener vers la perfection. Au moins aurront-elles acquis grâce á elles un métier honnête.
Elle veille sur scrupuleusement sur sa petite compagnie et leur verse des salaires. D’ores et dejá, elles les a sortie de la misère. En tout cas, leur show est émouvant et bien apprécié dans les meilleurs établissement nocturnes de Naïrobi. Bon, au revoir et tous mes voeux de succès.
Gilles est bourré, moi un peu, il est l’heure de rentrer au Hilton. Mon amie basketeuse, elle s’appelle Awa, nous servira de guide, et nous évitera les pièges nocturnes. Naïrobi n’est pas une ville calme. Elle pourra aussi négocier un prix correct avec le taximan. Nous voilá donc dans un de ces anciens taxis noirs á double cabine, avec les portes avant qui s’ouvrent á l’envers. Direction le Hilton. Ma sportive laisse sa pièce d’identité á la réception, et nous voilá tous les deux dans la chambre.
Rideaux, dodo…etc.
Le lendemain nous partons toujours guidés par Awa, pour une journée touristique.
Et le temps passe. Passe, passe le temps,
Il n’y en a plus pour très lontemps
Quatre jours de récupération au Hilton, déjeuners et dîner dans les bons restaurants de la capitale (je me souviens du « Hard Rock Cafee » (fruits de mer et langoustes) et aussi du « Carnivore » dédié aux touristes (viandes de venaison exotiques: crocodiles (élevés à la Crok’farm voisine), serpents (on dirait du poulet), mains de singes, girafe, gazelles sauvages très appréciées des touristes..etc). C’était super.
Un excellent moment passé avec une jeune fille, sportive et de compagnie agréable. C’était super.
Mais le temps de la séparation est lá, ici et maintenant. Je m’acquitte de mes devoirs envers Awa, elle s’acquitte une dernière fois de mes droits. Mais le coeur n’y est plus. C’est la vie, je suis déjá ailleurs.
Cependant aujourd’hui je chante encore, 25 ans après, avec nostalgie:
La romance d’aujourd’hui
C’est un beau roman, c’est une belle histoire,
C’est une romance d’aujourd’hui
Je venais du Burundi, elle vivait á Naïrobi
Je l’avais trouvée au bord de la nuit,
Sur la route de mes vacances,
c’était vraiment mon jour de chance.
On a eu le ciel au creux de nos reins
Un cadeau de la providence,
Sans lendemain, ain, ain, ain…..ain/ain/ain.
J’ai repris le vol du Burundi
Elle repris sa vie á Naïrobi
On se retrouvera au Paradis
On dégustera des bons radis »
Adieu Casimir
Le retour s’effectuait par le même avion que l’aller, mais avec une escale en Ouganda, au cours de laquelle Casimir, encore lui, et à notre stupéfaction, allait connaître quelques problèmes. En effet, après une heure d’attente sur le Tarmac, nous remontons tous dans le jet. Survient alors un contrôleur du HCR pour le trafic aérien. Il demande qui est Casimir, puis lui intime de quitter immédiatement l’avion. Pour répondre à nos questions il explique que Casimir, réservé sur le vol aller, ne s’y était pas présenté. Enquête faite, il apparaît que négligeant le vol sur lequel il était booké, il avait préféré embarquer sur un petit avion d’une ONG, destination Naïrobi. Son absence sur le vol du HCR, a causé de graves ennuis, au présent contrôleur, réprimandé par sa hiérarchie. L’avion du HCR, un jet rapide et coûteux, avait dû être mobilisé finalement sans raison valable, à la place d’un bi-moteur, initialement prévu, mais surbooké. Et la place de Casimir était restée vide! Donc le bi-moteur aurrait finalement fait l’affaire!
Inflexible, malgré nos interventions, le contrôleur indique que notre Jet n’aura pas l’autorisation de décoller tant que Casimir sera à bord.
La mort dans l’âme, nous voyons notre ami descendre. Il devra attendre le lendemain pour avoir une place sur Goma. Sa situation est précaire: loin de la ville, sans transport et sans argent, dans un pays où il ne connaît personne…
Nous l’avons vu réapparaître à Uvira, trois jours plus tard.
Il a jugé bon, malgré nos mises en garde, d’en référer par écrit à l’ ambassade de Pologne, laquelle a relayé sa plainte, et demandé par voie officielle, des explications à l’Organisation des Nations Unies, Direction du Haut Commissariat aux Réfugiés. Incident diplomatique!
Résultat des courses: Casimir a été prié par le Haut Commissaire de quitter, sans délai, le programme d’assistance aux réfugiés du Rwanda.
Mais je ne me suis pas trop soucié de son avenir. Casimir faisait partie, en Pologne de la Nomenklatura et nous avait expliqué comment ça fonctionnait: lui et toute sa famille vivaient luxueusement, sans jamais rien avoir à débourser. Le Parti veillait sur lui et les siens. Le parti pourvoyait à tout.
zaïre 3
Foule au Field Office
A notre retour, au field office, on commençait á réaliser qu’un nombre croissant de refugiés quittaient les camps pour venir habiter en ville, á Uvira.
Et ça c’était interdit.
Donc si la desserte des vivres dans les camps continuait, réduite et au ralenti, par contre aucune desserte n’était effectuée en ville. Cette situation empirait de jour en jour, et les réfugiés en ville se présentaient de plus en plus nombreux pour demander á manger. La réponse inflexible était:
« Si vous voulez á manger, retournez au camp ».
On n’y comprenait plus rien, on ne savait plus les quantités á servir dans les camps. On connaissait le total initial des réfugiés enregistrés, installés dans les camps. Mais comment évaluer le total de ceux qui y restaient maintenant?
De manière évidente, c’était maintenant des centaines de personnes (mais étaient – elles toutes des réfugiés?) qui venaient réclamer á manger au field office. Ça pouvait tourner á l’émeute. Cest ce qui s’est produit, le jour même oú l’ambassadeur de Belgique est venu nous rendre visite au field office.
Ce matin lá, au lieu de faire ma tournée quotidienne dans les camps, je restai exeptionnellement au bureau pour rassembler mes idées et rédiger un rapport.
Faute de place á l’intérieur, je m’installais sur la terrasse couverte du premier étage. J’avais une vue directe sur le portail d’entrée, et l’extérieur immédiat. Et de l’extérieur on avait une vue directe sur moi. Je déplaçais une armoire, pour me masquer de la vue des passants et avoir un minimum d’intimité dans mon travail. Et je commemçais á réfléchir et á rédiger.
Peu après j’entends qu’on ouvre le porttail, et je jette un oeil: une mercédès, flanquée á l’avant d’un drapeau diplomatique, entre dans notre cour. Renseignement pris, c’est l’ambassadeur de Belgique dans la zone des Grands Lacs, qui nous rend visite ce matin. Je me remets au travail. Ensuite des bruits de disputes éclatent. Perturbé dans mon travail, je regarde ce qu’il se passe dehors. Un petit groupe de réfugiés se dispute avec le gardien, qui refuse de les laisser entrer. Je suis surpris de constater le présence de deux militaires zaïrois en armes, perchés sur le faît du mur d’enceinte de part et d’autre du portail. Le gardien rentre et s’applique á fermer le portail. Dautres gens arivent et commencent á s’agglutiner autour du field office. Je descend alors pour aller me renseigner auprès de mes collègues. Puis je me remets au travail, derrière mon armoire. Au début, simples éclats de voix, la dispute vire peu á peu au grondement de foule. Je me lève á nouveau de ma chaise et m’approche de la balustrade pour suivre l’évolution des évènements. C’est maintenant une véritable foule qui nous assiège. En bas, deux individus me pointe du doigt et font le signe de me trancher la gorge. Pas vraiment sympa! Je redescends et au rez de chaussée, c’est l’effervescence.
L’assistante en charge de la securité, explique qu’elle a déjá vécu ça, ce n’est rien ça va se calmer. Je peux retourner faire mon rapport, en haut. Par contre mon ami Schuler, un suisse, suggère d’évacuer sans tarder l’ambassadeur, car la foule augmente rapidement. On demande donc á l’ambassadeur de monter dans la mercédes, avec Schuller, volontaire pour les accompagner talkie-walkie á la main. Le Head Quarter de Bujumbura suit l’évacuation en direct. C’est très délicat, il s’agit tout de même d’un ambassadeur! Du haut de ma terrasse, je ne perds pas une miette des évènements.
Deux de nos gardiens ouvrent brutalememt et simultanément les deux battants du portail qui claquent violemment contre le mur d’enceinte. La mercédès surgit, dans un vombrissement de moteur, hors de la cour, la foule s’écarte précipitamment.On entends le bruit des pierres qui s’abattent sur la carrosserie calliassée, et en même temps le coup de feu des soldats qui tirent dans la foule! Foule qui détalle immédiatement, á toute allure. Par talkie Schuler informe que tout va bien, rien de cassé. L’exfiltration est réussie. Ici, en quelques secondes plus personne devant le field office.
« Tout à coup c’est le silence, tout disparaît, tout s’apaise, et les papillons indifférents reprennent leurs silencieuses sarabandes. »
Les soldats sont descendus de leur mur, et arrêtent, séance tenante, un jeune venu récupérer son vélo.
Et la vie reprend son cours. Et je reprends mon rapport.
Le lendemain matin au cours du briefing, on nous indique qu’une vieille femme, dans la foule, a été blessée par balle au mollet.
Le surlendemain une organisation hutu, affiche sur les murs de la ville des menaces explicites á l’endroit du HCR.
Ça m’inqiète un peu parce que le matin jai l’habitude de parcourir á pied le chemin de mon auberge au field office.
Tentative de corruption?
C’est ainsi que passant devant une belle villa á étage, je suis interpellé par un hutu, qui minvite á entrer prendre le petit déjeuner chez lui. Il me présente sa famille, attablée pour le petit déjeuner et m’invite á me mettre á table avec eux. Plutôt sympa comme ambiance. Nous parlons de la pluie et du beau temps, par les temps qui courent, sans doute le seul sujet qui ne fache personne. Le repas s’achève et je reste seul avec le père de famille.
La conversation s’oriente vers mes activités au sein du HCR. Ça ne me surprend pas, il cherche des informations…J’ai l’habitude.
Un homme s’introduit dans la salle á manger: »bonjour mon colonel », « bonjour monsieur ». Puis ils commencent á parler ensemble, en anglais. Il s’agit clairement d’un trafic de riz, qu’ils organisent á partir d’ici vers Naïrobi. Ils escomptent des rentrées financières importantes qui leur permettront d’acheter des armes. Je n’y comprend rien, pouquoi racontent-ils tout cela devant moi?
Quoiqu’il en soit, je ne veux pas en entendre plus. C’est potentiellement très dangereux. Je me rappelle qu’un collègue hydraulicien, Pedro, avait été assassiné á Bujumbura juste avant mon arrivée dans le programme. Assassinat en relation avec des gradés de l’armée burundaise, devenus ses amis, dont il découvrait les projets criminels, et qu’il entendait dénoncer au Head Quarter du HCR.
L’assassinat, effectué par des militaires en uniformes bleus (armée tutsi) ayant eu lieu au cours dune réunion de travail.
Je tiens ces renseignements d’un technicien du HCR, assistant á cette réunion fatidique, qui me raconte avoir réussi á sauver sa vie, en se précipitant sous la grande table de réunion.
J’en ai parlé á Jean Libert, qui m’a dit que « mon colonel », le colonel Pascal, était connu pour avoir été un des instigateurs hutu du massacre des tutsis. D’oú Jean tenait-il ces renseignememts? Mystères..
…et boules de gomme :).
Aujourd’hui, 25 ans après, je pense que le « colonel Pascal », avait tenté une première approche pour me corrompre dans le but de m’avoir comme agent au sein du HCR.
Photos aériennes
On savait le total initial des réfugiés enregistrés, installés dans les camps. Mais comment évaluer le total de ceux qui y restaient maintenant?
La réponse est simple, puisque quand les réfugiés quittent le camp ils emmènent avec eux tout leur barda. Il suffit donc de compter les tentes restantes.
Dès lors quoi de plus simple que de prendre des photos aériennes? Je vais soumettre ce projet au chef du field office, qui accepte et me remets un montant forfaitaire pour les frais, avion et photos.
Justement on est vendredi après midi, le début du week end hebdomadaire au Sofitel Bujumbura. Le chauffeur me conduit jusque lá-bas et me dépose á l’hôtel. C’est l’heure de l’apéro,et á la terrasse qui domine le lac, on retrouve toute la gentry de l’humanitaire. Relief of stress: ambiance décontractée, tenues aérées, contacts faciles, jolies tutsi, la plupart déjá en couple, etc…
J’y retrouve mon copain Gilles, ancien journaliste, et lui fait part de mon projet. « Aucun problème, regarde la table á coté, ce sont les pilotes d’Aviation Sans Frontière. Allons les voir ».
« Bonjour messieurs, comment allez vous?
et j’explique en détail mon projet.
» Pas de problème, on l’a déjá fait ailleurs. Avec le « Caravane » monomoteur le plus gros du monde (sic), il suffit de démonter la porte avant, le photographe allongé sur le plancher et le buste á moitié dehors prendra les photos á l’aise et toi, allongé aussi, tu lui tiendra les pieds pour qu’il ne glisse pas. On fera des portions de vol rectilignes, pour éviter la force centrifuge »
Voilá vraiment des gars sympas! En plus c’est gratuit! Et finalement je réalise que ce que jaime avec le HCR, c’est qu’on n’a pas le temps de s’ennuier!
« Alors oú et quand? ».
« Si t’as le photographe, demain matin 8h, á l’aéroport »
« OK, je lui téléphone et je reviens vers vous ».
J’appelle illico le photoman dont on m’a donné le numéro, et nous discutons. Lui, pas de problème, il ne l’a jamais fait, mais il pense qu’il peut le faire!
Moi: « Yes you can! »
Reste le prix des photos. Je propose 1000 francbous l’unité.
« Impossible, le devellopement couleur est très cher »
» OK, 2000 francbous, ça vas? »
» OK, oui, j’arrive tout de suite »
» OK, c’est pas la peine. Disons, demain matin 8h, á l’aéroport. OK? »
» OK, á demain.
» OK, bye.
Voilá une affaire rapidement menée. J’en ait attrapé le hockey, pardon le hoquet :).
Et voilá, il ne me reste plus qu’a appliquer la philosophie 3B. Bouffer, Boire, et Baiser.
Le lendemain matin, tout le monde est là.
La porte a été démontée.
Le pilote va poser son plan de vol, et nous nous couvrons car avec le vent dans la cabine, on va se les geler. On est pas à l’étroit, juste trois dans l’avion.
« BENZAÏ »
On décolle et on passe rapidement à l’horizontale à altitude réduite. On aperçoit les camps plus ou moins en file le long de la Ruzizi. Prendre les photos des 19 camps, les uns aprés les autres, s’est révélé long et fastidieux. Le pilote doit recaler fréquemment le Caravane pas très souple à manipuler. A un moment on voit décoller de la piste un bi-moteur qui s’approche lentement de nous. Pourvu que ce ne soit pas l’armée de l’air tutsi qui vienne nous mitrailler. Nous n’avions prévenus personne de notre vol.
Bon, il s’éloigne et dégage. Juste un curieux?
Ça y est. C’est dans la boîte, 19 photos de camps. On peut aller atterrir.
Merci au pilote, je l’invite pour le repas de midi, mais il préfère manger avec ses potes.
Je félicite le photographe. Mais il me faudra attendre jusqu’à mardi pour récupérer les tirages. J’ai confiance, je le règle tout de suite.
Aprés ce sera à moi de jouer: compter toutes les bâches bleues dans chaque camp. Je vais m’acheter une loupe. Et ça me prendra deux jours, pendant lesquels je reste à l’hôtel, nourri, blanchi et surtout climatisé. Plus confortable qu’à Uvira!
Finalement je reste donc au Sofitel jusqu’à jeudi. Quand je rentre au field office, on me demande pourquoi j’ai traîné si longtemps, mais quand je montre les photos et mon rapport avec le décompte global, mais aussi par village, ils sont tous bleuffés. Enfin une donnée concrète!
50% des refugiés ont quitté les camps et sont venus saturer la ville!
Et on ne leur donne toujours rien à bouffer!
C’est alors que Kpognon, fonctionnaire international togolais entre en jeu.
KPOGNON
J’avais beaucoup d’estime pour Kpognon, depuis que je l’avais vu, entrer sans protection, la nuit, dans une foule furieuse qui attendait depuis le début de la journée quelque chose à manger. Je crois qu’il avait dans sa sacoche une forte somme à distribuer entre les familles, ce qui pourrait leur permettre le demain matin d’acheter de la nourriture dans la ville de Kamanolia.
Venu seul et sans chauffeur, il allait passer une bonne partie de la nuit à distribuer l’argent en enregistrant les bénéficiaires.
Puis il dormirait certainement au camp, car la nuit les routes sont dangereuses. Un monde interlope y circule, à pied, à cheval ou en voiture, et en général bien armé. Tout ceci était contraire au règlement, mais lui Kpognon, avait pensé, par compassion, qu’il lui fallait distribuer cet argent le plus tôt possible…Depuis le départ des réfugiés vers la ville, les distributions de nourriture étaient fortement perturbées.
Quelques jours plus tard, réalisant qu’un réfugié sur deux avait quitté son camp pour aller en ville, Kpognon sans en avoir informé quiconque , décide qu’il va ouvrir un nouveau camp. Ainsi, pour ceux qui le suivraient tout de suite, la situation et l’alimentation redeviendraient normale. Cet exemple pourrait donc inciter les autres à retouner à leurs camps.
Au petit matin, il embarque 300 réfugiés volontaires avec tout leur barda, dans 5 camions et en route vers un terrain à 20 km d’Uvira qu’il avait repéré comme convenable.
Nous étions un samedi, j’allais expédier les affaires courantes dans la matinée et je projetait ensuite de me rendre au Sofitel Bujumbura pour y passer le week-end.
En montant dans mon 4×4 à coté du chauffeur j’ouvre mon talkie- wlki sur la fréquence commune du HCR, et je tombe sur un appel au secours de mon ami Kpognon. Il explique qu’il est seul, (avec 300 réfugiés à charge!) sur un terrain à 20 km d’Uvira et il demande à toutes les ONGs , de venir le rejoindre, tout de suite, afin de lui porter assistance. Il le répète: ils sont 300 sur le terrain, sans eau et sans nourriture. Il appelle à l’aide MSF, MDM, Première Urgence, et toutes les autres.
Ça tombe plutôt mal, tout le monde commence à débrayer pour le week-end.
Pour ma part je ne peux pas rester insensible à son appel. Je ne peux pas laisser 300 personnes dans la nature, sans eau pour boire! Comment faire?
D’abord j’appelle Gabriel et son chauffeur et leur demande de me rejoindre au field office.
Dix minutes plus tard nous tenons notre plan d’action .Objectif: amener, le plus vite possible 1000 litres d’eau potable sur le terrain. Ça fera 3 litres/personne, ce qui permettra déjà de tenir jusquau lendemain.
Gabriel est un hutu, que j’ai embauché deux semaines auparavant. Avant le conflit, il était l’adjoint d’un préfet au Rwanda, et responsable de l’hydraulique pour la préfecture.
Désirant rejoindre un camp au Zaïre, il avait passé la frontière avec un petit camion, chargé de trois bladder-tanks (réservoir d’eau souple en caoutchouc, contenance de 1000, 2000, et 3000 litres), et du matériel pour réaliser des latrines. C’est dire que voyant tout cela, je l’embauchais sur le champ. Lui et son chauffeur.
Ici et maintenant nous chargeons à la main le bladder-tank, évidement vide. Il est doté d’un robinet de distribution d’eau.
Le plan, c’est d’aller le remplir en prélevant de l’eau potable d’un ou plusieurs réservoirs situés à l’entrée de chaque camp. Ces camps se situent le long de la route qu’a empruntée Kpognon et ses camions. Mon chauffeur me conduit, comme d’habitude.
OK, nous sommes persuadés que notre stratégie tient la route. Lets’go!
Au premier camp, personne à proximité du réservoir d’eau potable. Tant mieux, car on nous pourrait nous accuser de malveillance.
Nous remplissons à moitié le blader, et reprenons, sans coup férir, la route vers le camp suivant où nous finissons de remplir notre bladder-tank.
Quelques réfugiés ont protesté, mais je leur fait remarquer que c’est pour leur frères hutus. (s’il reste encore des frères dans tout ce merdier!).
Ça passe, et nous voilà en route vers les 300 réfugiés. Vite fait bien fait. Je peux prévenir Kpognon que nous arrivons avec 1000 litres d’eau potable. A notre arrivée il a un large sourire et lève le pouce.
Maintenant déchargeons le bladder qui pèse une tonne. A plusieurs nous arrivons à le ripper vers l’arrière et finalement il tombe de lui-même par terre.
Mission accomplie!
Gabriel et son chauffeur vont rester ici, pour la desserte de l’eau potable aux familles. Quant à moi, je discute un peu avec Kpognon, qui attend toujours ces ONGs. Puis mon chauffeur fait demi-tour et nous retournons vers Uvira, cependant avant d’y atteindre, nous prenons à gauche, direction la frontière puis Bujumbura et le Sofitel.
Pas de nouvelles pendant le week-end.
Mais lundi matin j’apprends que l’opération Kpognon a échoué. Pourquoi? Les autorités hutus cantonnées à Bujumbura,
mécontentes de l’ouverture de ce nouveau camp, veulent le retour des 300 réfugiés en ville. Ils ont débarqué là bas en tirant des coups de feux pour faire les faire tous déguerpir. Tout le monde s’est enfui, et dispersé dans la nature. Gabriel et son chauffeur aussi. Mais il doit y retourner tout de suite pour récupérer son bladder-tank! Il le retrouvera vide. Notre périple aurra au mois servi à quelque chose.
Fin de l’histoire!
Mali brouillon 52/53 ans.
La maison du fleuve
Description: domaine, éclairage, terrain de football, piscine, zoo, gardiens, chauffeur armé et son arnaque.
Karounga Keita. Historique.
Les bozzos, leurs pirogues, le trafic de sable sur le fleuve.
Mon hobbie cat.
La chaleur. La pompe du voisin. Le voleur déféré. Ma volonté de déménager. Négo avec KK.
Bien après: bungalow du bord du fleuve.
Plage artificielle. Les dimanches: moto, grillades, baignades, hobbie cat sur les îles rocheuses, hypos.
Hydro sahel
Djittaï directeur de l’eau
Lbii le Norcy
Bintou
OUMOU, ses 18 ans et sa mobilette. La piscine. Le miroir. Le lavabo. La soirée au restau de la baise.
Thierry Boukoum.
La pizzeria. Sa fermeture/réouverture.
Son oncle diplomate. La négociation avec KK. Son flingue et ses missions secrètes au Sénégal.
L’animatrice en sodomie chez Georges.
Le bleuf du Kosovo.
Le fleuve
Boulkassambougou.
Villa bord du fleuve.
Badalabougou
Villa de kk
Mali enterrement de Diakité
Le joueur de Kora et son fils.
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Le grin des maliens.
Georges Boyer, et son directeur.
Sa villa, Oumou dans la piscine. Le piège: les filles de Mopti dans la piscine, le rôle de Georges. Les photos?
L’entente cordiale. Le premier sac.
La remise régulière des backshichs.
Dernière valise, devant tout le monde à son anniversaire.
Mon job
AEP Bamako, Mopti Sevare, Tombouctou.
Le bureau en rive du Niger.
Salif keita. Son fils mort du Sida..L’achat du Toyota Hilux. Premier bakchisch.
Moussa Ziaroumay. Visite de Lynda.
Les 3 chauffeurs. Lavages quotidien de ma voiture neuve.
L’avion d’hydrosahel.
Les déplacements avion à Tombouctou.
La visite dune fille de l’AFD (orage dans l’avion, voiture sur la dune, balade à dos de chameau)
Transfert des meubles de M’man.
Monsieur gros muscle
Le procureur
Revu au Niger (mon mariage avec Bintou), Revu au Sénégal (période Sones).
L’accident.
La fuite en France
. Le retour. Le procès.
La fuite au Niger
Les copains
Motards
Daniel Guinet
Terinne d’oeuf
Eric: ONG Africa Verde.
Tombouctou à moto.
Tombouctou en 4×4.
Lac Faguibine. Binta Goungou.
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