Mauritanie 1989 45 ans
HCR, sénégal/mauritanie
Je reçois alors la visite d ‘un expert hydraulicien du UNHCR (Haut commissariat des Nations Unies pour les réfugiés). Il voudrait savoir si la Sonafor accepterait de réaliser, gratuitement, des forages pour l’alimentation en eau de réfugiés dispersés le long du fleuve Sénégal, qui marque la frontière entre le Sénégal et la Mauritanie.
Il y a peu de temps, en effet, vers la ville de Bakel, des coups de fusils sont échangés entre riverains, à propos d’un îlot situé au milieu du fleuve. Problème foncier et problème d’usage entre des éleveurs mauritaniens et des cultivateurs sénégalais. Pâturages et cultures ne sont pas compatibles. C’est un conflit fréquent sur tout le continent africain: les surfaces cultivées réduisent les pâturages, ça gêne les éleveurs et le bétail mange les cultures, ça gêne les cultivateurs.
A partir de l’ilôt, la rumeur du conflit descend d ‘Est en Ouest au rythme des pirogues, de Bakel, jusqu’à Saint Louis, située à l’embouchure du fleuve. Cette rumeur n’est perçue dans un premier temps que comme un fait divers habituel.
On disait qu’une négociation entre les deux pays conduirait, comme d’habitude à un accord. Mais, au contraire, suite à une incursion nocturne des cultivateurs sénégalais, qui auraient fait des victimes parmi les éleveurs maures, la rumeur s’affole et s’amplifie en atteignant les deux capitales: Nouachott, celle de la Mauritanie et Dakar, celle du Sénégal.
Et là, immédiatement c’est l’explosion.
Trop tard pour gérer la crise. Les deux présidents, n’ont rien pu faire. Insouciance, ignorance et finalement impuissance criminelle, ils avaient laissé monter la conflit…Mais le comble de l’incompétence criminelle revient à RFI, Radio France Internationale qui diffuse ces informations dès 06h du matin. Ainsi au réveil, on apprend à Nouackchott, que les cultivateurs sénégalais, traversant le fleuve, auraient fait un raid nocturne sur la rive mauritanienne, et qu’il y aurait eu, dans la nuit, des morts maures. La rumeur devient une certitude, on commence ça et là, à crier vengeance. Et au lieu de se rendre au travail, la population se dirige vers le quartier des blacks. On y fait la chasses aux résidents sénégalais et on les tuent sur place, avec la cruauté abominable, et malheureusement courante en afrique lors d’ affrontements ethniques.
Immédiatement dès qu’on apprend par RFI que les mauritaniens massacrent les résidents sénégalais, en représaille, au Sénégal on massacre les résidents mauritaniens. Même des amis d’enfance, avec leur femmes et leurs enfants.
Chaque lendemain matin, Radio France International, relatant les massacres de la veille chez les uns provoquait ainsi, en représailles, de nouveaux massacres chez les autres. Les transistors étaient tous sur la fréquence de RFI! Et ainsi de suite. Situation atroce et complètement absurde qui a fait plusieurs milliers de morts, et perduré pendant deux semaines jusqu’à l’établissement tardif par la France, et le Maroc, d’un pont aérien pour ramener chacun chez soi.
Devant ce désastre les dirigeants des deux pays avaient appelé à l’aide les Nations Unies, donc le Haut Commissariat aux Réfugiés. Il n’y avait, à proprement parlé pas de camps de réfugiés, car ceux-ci étaient plutôt répartis de part et d’autre, en retrait, le long du fleuve.
Il fallait maintenant leur fournir des vivres et et surtout de l’eau potable.
Mais il n’était pas possible que la Sonafor fasse des forages gratuitement, comme semblait le souhaiter le HCR.
Cependant nous avons quand même vendu au Ministère de l’hydraulique de la Mauritanie une centaine de pompes à main à installer sur des forages effectués sous son égide pour les réfugiés dans la province du Guidimaha.
Pour soumissionner à l’appel d’offres lancé par le Ministère, il était toutefois indispensable de soumissioner avec une société partenaire de Mauritanie.
Intermède: le Paris-Dakar en Mauritanie:
Et pour l’appel d’offre, voilà comment cela s’est passé:
Depuis mon départ de Tahiti, j’étais resté en relation avec Patrick, un ami, rencontré là bas, devenu partenaire au Golf d’Atimaono; et je savais donc que lui aussi avait quitté la Polynésie Française, et qu’il était à présent affecté en Mauritanie, au poste de conseiller du ministre de l’hydraulique.
Je lui téléphonais de Dakar, pour lui demander de me rechercher une entreprise partenaire pour répondre à l’appel d’offres ci-dessus. Il me rappelle peu après pour m’indiquer un Groupe mauritanien d’entreprises locales, intéressé à répondre avec nous, la Sonafor, bien connue en Mauritanie).
Je me rends donc à Nouackchott, pour la préparation de notre réponse à l’A.O. La sortie de douane, a été un peu pénible, il me manquait une pièce administrative, et les douaniers me bloquaient pour que je leur refile un bakchich.
Arrivé depuis peu en Afrique, à Dakar, je n’étais pas vraiment au courant de ces « bonnes manières » et ne savais comment faire. De plus je me sentais bien seul, puisque mon copain Patrick, n’était pas au rendez vous à l’aéroport. J’attends donc, ne sachant que faire d’autre, et l’aéroport se vide. La situation me préoccupe, l’aéroport est éloigné de la ville, et je crains que les derniers taxis ne s’en aillent, faute de client. Je ne peux même pas aller en prévenir un, car évidemment les douaniers ne veulent pas me laisser entrer en Mauritanie, avant d’avoir réglé mon problème.
Heureusement Patrick fini par arriver et comprend tout de suite la situation. Alors il m’indique à voix haute, assez forte pour être perçue par les douaniers, que mon rendez vous avec le Ministre le lendemain matin, est confirmé.
Les deux cerbères de la frontière discutent entre eux à voix basses en me jetant des coups d’œil surpris, et finissent par abandonner leurs intrigues malhonnêtes, en bredouillant quelques excuses…
Nous pouvons donc quitter l’aéroport, à présent sans encombre, pour nous rendre à la villa de Patrick. J’y retrouve avec plaisir son épouse et leur fils. Et à l’heure de l’apéro, on évoque les bons, et les moins bons moments vécus ensemble à Tahiti.
Retour en arrière :
Patrick, ingénieur diplômé de la prestigieuse école polytechnique, était alors à Tahiti, le Directeur du Bureau Technique des Communes (BTC), auquel j’avais demandé un rendez vous pour lui parler de l’éventualité d’alimenter Bora Bora en eau potable, à partir du pompage dans la lentille d’eau douce du grand motu Tevaïroa (ce qui veut dire en tahitien : île pleine d’eau). J’avais la méthode mathématique (l’intégrale triple) et le matériel qui me permettraient de réaliser des sondages électriques (voir plus haut) et in fine de calculer le volume d’eau douce souterraine. Et nous pouvions aussi réaliser 20 forages forages verticaux courts, pour y installer des pompes immergées, et refouler l’eau douce par une canalisation sous-marine vers l’île haute de Bora Bora.
Dans un premier temps le BTC avait passé commande des sondages électriques et mécaniques, des pompes immergées, des tuyaux, et des stations de pompage, ainsi que de la station électrique et le groupe électrogène à Labotech. Et des canalisations diverses sur le motu.
Labotech réalise ces travaux dans les délais contractuels et le moment venu, j’invite Patrick à venir à Bora Bora pour la réception des installations, puisqu’il est, je le rappelle, directeur du bureau technique des communes de Polynésie Française, et donc à ce titre cosignataire de notre contrat.
La réception des travaux s’effectue sans encombre, car tout fonctionne bien, malgré les difficultés que nous avions eu à concevoir des installations de pompage efficaces.
Une seule réserve : pour obtenir une bonne étanchéité des conduites de nos cinq petites stations de pompage, nous avions utilisé du grésil, une pate noire qui a laissé des traces un peu partout. Patrick, au lieu d’en exiger le nettoyage par Labotech, me propose pour un résultat instantané, que nous le fassions ensemble, lui et moi, dans la journée de Dimanche, demain matin. Ce que nous avons fait effectivement ensemble le lendemain, démontant et frottant toute la journée en plein soleil. Et au crépuscule, fier du travail accompli, nous contemplions nos cinq stations de pompage rutilantes: elles brillaient de l’éclat du neuf, sous les rayons du soleil couchant.
Patrick avait manifesté ce jour là, d’une réelle empathie qui tranchait singulièrement avec le ton autoritaire habituel des maîtres d’ouvrages de l’administration. Après cette journée mémorable, nous étions devenus de bons amis. Mais, un beau Dimanche, je l’invitais à une partie de golf à Tahiti et notre amitié en pâtît quelque peu, voilà pourquoi: nous étions touts les deux un plutôt débutants et par prudence nous devions respecter une convention sécuritaire séculaire. Patrick jouait le premier, tapant sa balle de toute ses forces, suivant sa trajectoire des yeux, puis comme tous les joueurs de golf du monde, se dirigeant à pied vers le point de chute. Alors, et alors seulement je devais sur son signal, taper la mienne de toute mes forces.
Nous étions au trou n°9 et à cause de cette convention, à mon goût, la partie s’éternisait. Je décidais donc d’y surseoir et tirait mon coup avant le signal, estimant la probalité d’une collision infime. Hélas, le destin, impitoyable a frappé ce jour là: d’abord tout à fait par hasard, ma trajectoire rejoignait la sienne. Et de plus , ricochant sur une flaque d’eau, elle était accélérée et venait enfin à vive allure, frapper avec force le coude gauche de Patrick lui créant une vive douleur. Un sérieux hématome teinté de bleu se développait au point d’impact, tandis que la douleur persistante, le lancinait.
Finalement Patrick dû abandonner la partie et se désistait du déjeuner réservé au Club House, pour rentrer illico chez lui, incapable de conduire, sa femme au volant.
Furieux que j’ai failli à notre convention, il me salut avec une froideur extrême, mais décoche, à la dérobée, un petit sourire contraint et coquin, vers Maeva, ma douce copine aux cheveux longs, longs, longs.
Le lendemain matin, Patrick m’indique le nom d’un groupement intéressé à soumissionner, avec Sonafor en réponse à l’appel d’offres pour la fourniture et l’installation de cent pompes manuelles, d’hydraulique villageoises.
Le leader du Groupe est une société d’acconnage, au main de Mohamed Abdhala qui transporte des vivres et du matériel vers les îles du Cap Vert. Je me rends au rendez vous avec Mohammed, qui a aménagé dans sa grande villa à l’étage, deux salons en bureaux pour recevoir les soumissionnaires, chacun de son coté, sans qu’ils puissent jamais se rencontrer. Je lui remets l’offre de Sonafor pour la fournitures de 100 pompes manuelles SEEE, fabriquées à Abidjan. Il s’agit maintenant d’harmoniser nos dossiers: à nous la fourniture, à eux l’installation, ce qui prendra du temps notamment à cause de la photocopieuse poussive de l’épicerie d’à coté. J’appose le tampon SEEE au bas de toutes les feuilles, et elles sont nombreuses. Notre travail terminé, le dossier bouclé, sous scellés, sera remis au Ministère de l’Hydraulique, le lendemain matin, avant l’heure dite.
Chacun des candidats en fera autant de son coté. Tous les dossiers remis à l’heure seront conservés dans le coffre-fort du Ministère.
Nous sommes mercredi et la séance d’ouverture des plis aura lieu demain matin, en présence de tous les soumissionnaires. Je peux donc rentrer à Dakar, dès ce soir, puisqu’ Abdallah y sera présent.
Toutefois, avant mon départ ce dernier insiste pour me faire rencontrer son ami, Bokar, qui est précisément le chef de la commission d’ouverture des plis. Tiens, tiens…..
Le lendemain, jeudi après midi, Abdallah m’appelle: les plis ont été ouverts, mais nous ne sommes pas les moins chers. Nous sommes en deuxième position.
Cependant, il a un moyen de rectifier le classement, grâce à ses excellentes relations avec Bokar. Celui-ci m’appellera demain matin, pour me faire une proposition. OK? OK.
Nous sommes vendredi, et à l’heure dite, Bokar m’explique comment passer de la deuxième position à la première: il va récupérer cette nuit notre dossier dans le coffre-fort, dont il détient la clé, et me le faire porter par la route, par son véhicule conduit par son chauffeur. Je devrais alors signer et tamponner les deux pages que me remettra le chauffeur, où il a rectifié nos prix à la baisse, pour nous assurer la position d’offre la plus avantageuse techniquement et financièrement. Et je devrais aussi remettre au chauffeur notre tampon en cuivre pour sceller à la cire notre proposition frauduleusement modifiée. Comme le chauffeur n’arrivera que samedi dans la soirée à Dakar, il me demande d’effectuer ces manoeuvres dimanche matin, de prévoir une secrétaire, de remettre au chauffeur dès son arrivée, les feuilles modifiées, à signer et tamponner, et le sceau avec la cire.
Rien que de très ordinaire, finalement.
Et nous avons finalement gagné cet appel d’offres, haut la main.
Olé!
Retour à présent dans mon bureau à Dakar
avant de prendre congé, l’ingénieur du HCR m’informe qu’ il recherche un ingénieur hydraulicien qui serait affecté au programme, en cours d’élaboration, pour l’assistance aux réfugiés du Libéria et de la Sierra Léone. Accepterais-je d’en assurer, sur place, la position de coordinateur de la partie hydraulique ? J’accepte cette proposition avec d’autant plus d’enthousiasme, que mes jours à la tête de la SONAFOR sont comptés. . Lors une d’inspection, le PDG de SEEE nous ayant traités, Kone et moi même, de couilles molles!
En route vers de nouvelles aventures….! Olé!
Toutefois il me faudra attendre un mois pour que le programme d’assitance aux réfugiés du Liberia et de la Sierra Leone soit formalisé, et approuvé par les états bénéficiaires. Après ce délai, on m’attendrait au siège du HCR, Palais des Nations , situé au bord du lac à Genève, pour la signature de mon contrat de coordinateur des ONG pour l’alimentation en eau potable des camps de réfugiés du Libéria et de la Sierra Leone.
Un mois de vacances avec les gazelles
Je suis donc resté à Dakar pour y prendre des vacances d’un mois en décontraction totale. J’y ai claqué mes économies.
J’étais domicilié dans un de petit bar, “La dakaroise” vraiment sympa, point de rencontre des intellos noir(es) ou blanc(hes). Et des entrepreneurs du secteur privé qui pétaient tous le feu!
Pour moi, chômeur repris de justesse, la journée commençait à l’ouverture par Dédé, et son adorable petit chien blanc, de son estaminet; on poursuivait par l’apéro, Dédé offrait le 3ême verre, sachant bien que le buveur y perdrait la tête: un verre ça va, deux verres bonjour les dégâts, trois verres, bingo Dédé encaisse!
Après c’était le repas entre copains, servi par Ibou, cultivé et très sympa lui aussi. Curieusement la salle à manger, avait un plafond bas, aussi bas que le notre après les apéros!
Au cours d’une mission ultérieure au Mali, j’ai pu observer en pays Dogon que les espaces de réunion dans les villages avaient également un plafond très bas. Ceci m’a-t-on dit pour éviter les écarts éventuels des participants. S’ils sont en colère, il se lèvent brutalement et se cognent la tête. S’ils font attention, alors ça les calme. Je propose une autre explication faisant référence aux Telems, habitants préhistoriques des falaises de Bandiagara, dans la région, bien avant les dogons. Il a été établi ces derniers étaient tous nains. Du coup on pourrait avancer que leurs espaces de réunion avait un plafond bas! Je ne suis pas ethnologue, mais ça me paraît censé. N’est ce pas?
Pendant le repas les bouteilles de vin rosé défilaient, on discutait passionnément mais on ne constatait pas les querelles habituelles entre buveurs éméchés…
Les gazelles
A la grande table siégeaient aussi nos copines, régulières ou occasionnelles. Les plus belles filles de Dakar, attirées par notre gentillesse et par l’espoir d’établir avec l’un d’entre nous une relation durable qui pourrait, Inch’Allah, l’aider à nourrir sa famille, et qui sait, plus tard se conclure, après un voyage en France, par un mariage, des enfants, une maison au Sénégal ou en France…etc.
Quand cela ne marchait pas aussi bien les retours en France s’effectuaient alors en solitaire, laissant sur place, des compagnes désemparées. Mais il leur restait les cadeaux et, “on peut toujours rêver”…, l’espoir de retrouvailles lors d’un éventuel prochain contrat. Comme cela arrive parfois. Certains, tenaillés d’avance par le remord, essayaient de refiler leur fiancée, à des copains, nouveaux arrivants.
Bien sûr il y avaient aussi des filles non engagées, libres, qui pour un ou deux billets rouges étaient heureuses de partager la sieste avec un toubab,….et les autres.
J’ai déjà expliqué plus haut que cet argent était pour ces gazelles, une ressource, dont une partie envoyée au village permettait de faire vivre leur famille. J’indique que l’on trouvait souvent une mère seule à la tête d’une famille: le mari meurt souvent avant sa femme, emporté par la maladie, ou bien sans emploi il quitte le village pour la ville, ou encore désespéré de son impuissance à nourrir la famille, il s’en remet au sort , pour trouver, peut être ailleurs un travail. Ou encore tout simplement il part courir l’aventure.
Dans ces cas là, la seule ressource de la famille restée au village, c’est la fille en âge d’être mariée, qui doit partir en ville pour exercer son travail nocturne. Elle fera alors tout pour cacher ses activités, que personne au village ne voudrait envisager.
D’ailleurs, tous les ans elle programme un retour au village, et achète à cette occasion une tenue complète et une paire de chaussures toutes neuves. Elle achète aussi un paquets de tresses “Lynda” , la meilleure marque, et se rend chez la coiffeuse pour faire tresser sa tête.
Arrivant à son village, bien propre, bien habillée et bien tressée, elle prendra plaisir à étaler sa “richesse” qui honore sa famille: ma fille a réussi !
Dans certain cas si elle a trouvé un amoureux, celui-ci l’accompagnera avec sa voiture au village. La bonne impression est encore plus forte, surtout si c’est un toubab.
Evidement cette description réaliste est un peu ambigüe, dans le sens où elle ne présume pas de l’avenir.
Mais il existe bien des cas, où liée par un amour sincère et partagé, la gazelle habite, et vie avec son blanc, à la maison.
Les comportements sont alors les mêmes qu’en métropole: “selon que vous serez puissants ou misérables….”.
Cette description concerne, à l’évidence les relations mixtes entre une femme noire et un toubab (homme blanc). Cependant je n’ai pas dit que toutes les jeunes femmes noires se jetaient dans les bras de l’homme blanc. Je me suis simplement borné à raconter ce que j’ai vécu, connu, ou observé, sans prétention, sans jugement, sans introspection, et nous verrons, peut être sans suite.
Je me garderais bien de faire de même au sujet des couples sénégalo-sénégalais, qui représentent je suppose 95 % des mariages.
Il existe aussi des couples mixtes , dans l’autre sens, homme noir, femme blanche mais ils sont beaucoup moins fréquents.
Que pensent les africains de tout ce méli-mélo?
C’est simple, comme chez nous:
Un français et une sénégalaise, très bien si l’homme est sérieux. Agrément renforcé s’il se converti à l’Islam. On l’accueille dans la Ouma, la confrérie.
S’il est dépravé, leur couple sera jugé infréquentable.
Arrivé à ce point, le lecteur comprendra donc, qu’au Sénégal comme dans tous les pays d’Afrique, la philosophie 3B (Bouffer, Boire et B……?, à vous de deviner) était, à l’époque facilement adoptée par les blancs, ébahis lorsqu’ils arrivaient d’Europe par tant de disponibilité.
Et adoptée aussi par bien des noirs. C’est en fait plus une question de position sociale, de revenus, de caractère et (enfin!) d’Amour plus que de couleur de peau.
D’ailleurs les africains (pas ceux qui ont fait la Sorbonne!), et parfois les blancs aussi distinguent trois sortes de blancs:
– Le grand patron: terme utilisé également pour qualifier les noirs qui ont bien réussi.
– Le blanc: expatrié qui arrive en mission avec un bon contrat,
– Le petit blanc, sédentaire, mais sympa,qui court après la réussite depuis des années.
Il y a aussi le bon blanc et le mauvais blanc…
Tout ça fait un peu “Tintin au Congo” mais il en était ainsi dans les années 70/80.
Bien sûr la situation a évolué depuis.
Retour à la Sonafor
Trente ans plus tard je suis retourné au Sénégal pour une mission auprès de la SONES, société nationale des eaux du Sénégal.
J’ai fais, par curiosité un tour à là Sonafor, la matin, vers 9h
Le portail est fermé, je rentre par la petite porte, quelques hommes inactifs dans la cour.. la failing 2500 dans un état pitoyable..on me reconnait, on s’approche de moi, on se serre la main et on discute.
J’apprends que la Sonafor a été déclarée en faillite en l’an 2000, mais vingt ans aprés une partie des employés vient tout de même, tous les jours à la Sonafor, espérant qu’un jour un sauveur viendra reprendre la société et la remettre en marche! Est ce que je suis le sauveur?
Je leur explique que je ne peux pas l’être, que je suis venu pour la SONES, comme chef de projet, un projet qui démarre ces jours ci. Aucun des hommes présents autour de moi n’a pu retrouver un travail, depuis vingt ans! Ils ont essayé de maintenir le matériel en état, mais la rouille a fait, inexorablement son travail de destruction. Tout ça fait pitié, ça donne presque envie de pleurer, quand on pense à la belle époque…
On m’explique qu’à mon départ un nouveau DG a été nommé. Il s’agit de Mamadou, auparavant chef du service de l’exploitation au ministère de l’hydraulique qui s’est servi à loisir sur la béte, faisant par exemple des forages gratuits au profit de son frère pour l’irrigation de champs potagers. Etc, etc.. jusqu’à la faillite. Pour ceux qui sont là autour de moi, c’est bien le DG sénégalais qui a coulé la Sonafor…
Nous nous quittons en échangeant quelques bonnes paroles. …et je n’en ai plus jamais entendu parler.