Guinée 4
A la frontière de la Sierra Leone.
– A 47 ans, en Guinée forestière, grâce à mon engagement personnel, un soir, j’ai pu secourir une centaine de réfugiés en détresse, des jeunes, des vieux et des vieillards, hommes, femmes, enfants. Je vous raconte comment ça s’est passé:
Au field office du HCR, à N’zérékoré, capitale de la Guinée forestière, on entend vers 16 h, des rumeurs sur un afflux possible de réfugiés de Sierra Leone, qui auraient quitté précipitamment leurs maisons le matin, à l’aurore. Ce groupe serait en marche vers un village guinéen situé à une vingtaine de km de la frontière, à l’intérieur de la Guinée. Ils espérent y trouver l’assistance du HCR.
Cependant, après 16 h, les 4×4 du HCR, et les camions des ONG sont rangés dans leurs garages et les chauffeurs rentrés chez eux, (ce sont les consignes de sécurité). Ainsi que tous les employés du HCR. Who
Heureusement, peu de temps après mon arrivée dans le programme, je me suis acheté une moto type enduro (Honda 150) bien pratique pour rouler plus vite que les 4×4 sur les pistes bosselées dans la forêt primaire.
Donc, en l’absence de réaction de mes collègues du HCR, je me rends, à moto au village guinéen concerné que j’atteins après une heure de motocross sur une piste en latérite. Les véhicules de l’ONG en charge de la logistique dans cette région, sont rangés, bien en ligne avec leurs portières avant bien verrouillées. Personne sur place!
Sauf un dernier chauffeur auquel j’expose la situation. J’ai besoin de lui et de son camion (qui peut transporter une centaine de réfugiés – debouts évidemment).
Je lui demande d’attendre mon retour, et je repars en moto à la recherche des réfugiés.
On m’indique la piste vers la frontière, je roule environ 20 km et à la sortie d’un virage je tombe sur eux. Un groupe chargé d’objets et de ballots hétéroclites (je me souviens d’un sommier de lit métallique) en train de traverser la rivière . Leur chef m’explique: fuyant l’arrivée des rebelles, ils marchent depuis 04 h du matin, et sont épuisés, assoiffés et affamés.
En visionnant le film ci-dessous « Diamond blood » on comprend pourquoi nos sierra léonais s’étaient mis en route ce matin là.
Ils sont donc en train de traverser cette rivière qui marque la frontière entre la Sierra Leone et la Guinée forestière. (Nous sommes en pleine forêt, où il n’y a pas de garde-frontière). Puis il leur faudrait maintenant encore marcher 20 km à pied
pour rejoindre le village d’accueil. Marcher toute la nuit, avec la pluie qui commence à tomber!
Je lui dis que je retourne au village guinéen et leur envoie un camion. « Arrêtez de marcher, et attendez ici ». Dans une heure le camion sera là.
Je retourne vers le camion et son chauffeur. Réticent au début le chauffeur accepte finalement, et je lui assure que je lui paierai moi même, demain matin ses heures supplémentaires.
Puis je prends congé et me dirige toujours à moto vers la ville la plus proche pour y passer la nuit.
Le lendemain de bonne heure, je reviens vers le chauffeur qui m’explique que tout s’est bien passé, et qu’il a ramené tous les réfugiés, les a installés à l’école du village. Il a aussi pu leur obtenir des vivres avec l’ONG.
Malheureusement une jeune femme, enceinte est morte pendant le transport.
Ils sont en train creuser un trou à côté de l’école pour l’enterrer. Les réfugiés m’appellent pour participer à l’enterrement, puis on fait ensemble quelques prières et enfin ils m’expriment leur gratitude avec gravité et sincérité.Je les salue tous et je
retourne vers le chauffeur. » combien je te dois pour tes heures supplémentaire. Comme promis je te les paie maintenant ».
Sa réponse m’a surpris et beaucoup ému.
Il me dit: « Monsieur Xavier non seulement tu ne me dois rien, c’est moi qui te doit.
Tu m’a permis de réaliser ce que je n’ai jamais fait dans ma vie jusqu’à aujourd’hui »
Je n’ai pas oublié ces mots. Nous venions juste tous les deux de sauver une centaine de personnes.
Chance pour eux et, au combien chance pour nous. On n’oublie pas ces moments là.
Manches courtes en Serra Leone
Le Tanganiyka. Le coton club.
Le Tanganyka est un night club de Conakry, que je ne tarde pas à découvrir, car tous les soirs, je reste en ville pour le dîner. En effet, rentrer à l’hôtel à l’heure de la « descente » (le retour à la maison) prends au moins deux heures de temps! En raison
du trafic, et aussi des 17 check-points contrôlés par des militaires et/ou des policiers. A chaque contrôle il faut montrer ses papiers, dire où nous allons, et à la fin offrir 2 ou 3 cigarettes. Et ceci 17 fois avant d’atteindre notre hôtel!
Alors je trouve plus simple de manger en ville, et d’aller faire un tour en boîte après, puis de regagner l’hôtel plus tard lorsque la circulation est devenue plus fluide.
Ce soir là, un samedi soir, je rencontre au restau, Amina, une des deux « bonnes sœurs » dont j’avais fait la connaissance le jour de mon arrivée. Elle me dresse le pan de la soirée: d’abord le Tanganiyka (une boîte située en ville) puis la Cotton Club, (à la périphérie), où nous devrons passer le reste de la nuit, à cause du couvre-feu.
Elle m’indiquera le chemin..
Nous commençons donc par le Tanganika.
Il est encore tôt et la boîte est presque vide! Je discute donc un peu avec le patron, un algérien nommé Hamida. Il paraît très intéressé quand je lui dis que mon job, c’est à Nzérékoré et que je suis expert hydraulicien pour le HCR. Du coup il m’offre un verre, ainsi qu’à Amina.
Ce qui l’intéresse, c’est de savoir si l’activité économique est suffisante pour y ouvrir un magasin, visant la clientèle des expats UN et ONG. Il paraît satisfait des renseignements que je lui donne. Pour lui dès que le nombre d’expatriés dépasse la cinquantaine, il est judicieux d’y ouvrir le premier magasin d’alimentation « moderne ».
Par exemple, à Nzérékoré, le matin au petit déjeuner il n’y a pas de beurre ! Les habitants imprègnent leurs tartines avec de l’huile rouge ! Lui, il vendra du beurre (en conserve). Et aussi du camembert (en conserve)….Et il m’explique qu’il projette de venir bientôt à Nzérékoré, pour y ouvrir ledit magasin. Bien sûr il a entendu parler de l’insécurité permanente, en Guinée Forestière, mais aussi en contrepartie, du décollage économique de Nzérékoré.
Une nuit de merde.
Après cette discussion, je demande à Amina de m’expliquer la route pour le Coton Club, en précisant que je crois savoir qu’ il faut passer un check point tenu par l’armée, à proximité du « pont des pendus ».
Le pont des pendus, c’est une sorte d’échangeur passant au-dessus de l’artère principale qui conduit des quartiers d’habitation vers le centre ville. Des pendus! mais pourquoi? Eh bien voilà c’est sous ce pont que Sekou Toure faisait pendre, la corde au cou, les citoyens dont il voulait se débarrasser. Pas de procès, pas de jugement, même pas de simulacre, juste sa décision.
Un peu avant le lever du soleil, les condamnés étaient sortis de la funeste prison du camp Boirault, pour être acheminés au pont et y être pendus haut et court. Ainsi, le matin lorsque les guinéens se rendaient à leur travail, ils empruntaient obligatoirement l’unique route conduisant inévitablement à Conakry, et passaient donc immanquablement sous le sinistre pont, avec tout ces cadavres, suspendus au-dessus de leurs têtes. « Coupables » d’avoir déplu à l’impitoyable dictateur. Ainsi, chaque matin, parmi le flot de voitures roulant au ralenti sous le pont, certains y découvraient, avec effroi et désespoir, un de leurs proches. Chaque matin, la totalité des guinéens se rendant au travail, recevait cet abominable message de leur abominable dictateur! Et cela a duré 26 ans de 1958 à 1984.! Chaque jour, soit plus de 9000 jours au total. Quasiment toute une génération.
Mais, je reviens à Amina qui affirme connaître le moyen d’éviter les militaires et les policiers: arrivé à une cinquantaine de mètres du barrage, s’approcher lentement du barrage, puis tourner brusquement à droite, et s’engager dans une piste adjacente, qui contourne.
L’idée me paraît un peu « Olé, Olé » mais pourquoi pas? Déjà un peu pompette (alcoolisé, bourré..), je suis OK pour tenter le coup. Une fois réalisé cet exploit nous continuerons la soirée en buvant et picolant, jusqu’à l’aube, avec une bonne soupe à l’oignon à la clé. Puis, une fois le barrage levé, nous pourrons regagner mon hôtel et conclure cette bonne soirée. Excellent programme.
Et nous voilà partis, tous les deux bien requinqués, vers la vie en rose!
Le barrage est situé au bout d’une ligne droite, ce qui me laisse le temps de me préparer. Amina, me rappelle la consigne: avance à vitesse réduite (c’est obligatoire avant chaque barrage) et dès que je te fais signe, tourne à fond à droite, tu accélère et tu t’engages dans la petite piste qui contourne et nous ressortons sur le goudron, plus très loin du Coton Club! Bon OK, je m’approche doucement du barrage, en rigolant intérieurement du tour que je vais leur jouer, j’entends Amina « Maintenant, Allez, Vas y, tourne à droite », je braque à fond le regard fixé sur le côté droit, puis une fois bien engagé sur la piste, je relève brusquement la tête.
« Merde! C’est quoi ce bazar! ».
Nous sommes plantés dans une grosse mare qui barre la piste et en plus, derrière, un gros camion militaire complète le dispositif!
J’ai le temps de décompter 17 militaires qui courent vers nous en riant et en criant, l’arme au poing (chacun sa Kalachnikof).
Ils embarquent, sans politesse, sans nuance, Amina, et moi aussi avec un peu plus d’égards. Un gradé arrive. L’athmosphère se calme. Il reconnaît le logo du HCR, collé sur les portières, me demande ma pièce (d’identité), puis de fermer la voiture à clef..Enfin, nous retournons tous au barrage avec Amina, citoyenne guinéenne. Quant à moi, fonctionnaire international, je m’assoie dans une petite guérite, dotée d’une chaise. « Tu attends là, l’inspecteur va venir te parler ».
Finalement ça ne se passe pas si mal. Ça aurait pu être pire, bien pire même!
Je m’endors sur la chaise, sous le coup de l’alcool ingéré au Tanganiyka, …et du stress.
Je suis réveillé par l’inspecteur de police. « Bonsoir monsieur,.. bonsoir », et nous nous dirigeons vers son bureau dans une petite casemate, un peu à l’écart de la route et du barrage.
Il examine mon passeport bleu. « Alors comme ça, vous êtes français, ingénieur hydraulicien pour le HCR, avec un passeport des Nations Unies. Bien, bien, bonne situation. Vous êtes une personne respectable, c’est sûr!
Et vous vous amusez à griller les check points pour aller danser? » Je comprends qu’il a interrogé Amina avant moi. C’est normal. Et, je lui présente mes excuses.
MOI: « Le stress du travail pour les réfugiés à Nzérékoré, le dégagement une fois par mois à Conakry, aujoud’hui samedi soir, on fête, la bringue, l’alcool, les filles….bla, bla »
LUI: » Les blancs, vous êtes tous pareils. Quant vous faites des conneries, c’est toujours les mêmes excuses. Racontez moi plutôt votre travail à Nzérékoré? ».
Bon, volontiers, j’adore parler de mon travail. Et je lui raconte, tout ce que j’ai raconté, ici, plus haut, la ville: les forages, les villages, les cases, et les latrines ….bla, bla, bla…
LUI: « Bien, bien, très intéressant, merci. Maintenant venons en à ce soir. Comme ça vous avez eu l’idée de forcer un barrage tenu par la police et l’armée guinéenne. Ou bien, qui vous a donné l’idée? »
MOI, un peu couard: » C’est elle, Amina ».
LUI : « elle, elle dit que c’est vous et que vous l’avez entrainée de force ».
MOI, un peu en colère: » non, non, c’est elle »
LUI conciliant: « Bon admettons, …(pause), vous savez ça peut vous coûter cher, voire très cher, surtout si je vous garde jusqu’à Lundi,…. le temps d’aviser le bureau du HCR à Conakry. »
MOI: « Oui, je sais, j’ai passé quatre ans au Sénégal, avant de venir chez vous. Combien? »
Je ne me rappelle pas du prix, mais je ne manque pas cette occasion de marchander un peu. En explicitant par exemple que je travaille comme lui pour la Guinée, comme si j’étais comme lui au service de l’état…etc. En fait il ne s’agit pas pour moi de convaincre, mais de renvoyer la balle – comme au tennis – et de participer à une sorte de joute oratoire, à laquelle chacun prend plaisir, et pour moi comme pour lui d’y voir l’occasion de flatter notre interlocuteur.
Et pour moi en adoptant son attitude, de lui parler comme il aime entendre. Le plaisir d’entendre le discours de l’autre, surtout que, quand on est habitué, on voit où il veut en venir, et puis y répondre avec la même philosophie. Ça peut tourner, dans les bons cas à la plaisanterie. Et c’est le meilleur moyen de faire baisser les enchères. Et puis finalement: MOI: « alors combien ? »
Il m’annonce le montant, qui a suffisamment baissé, pour me sauver la face, mais pas trop quand même pour lui préserver son gain.
Je paye, une liasse de billet rouge.
LUI: « OK ET MAINTENANT POUR LA FILLE? »
– « Je ne suis pas étonné: tu peux la garder, je ne veux plus la voir.Elle m’accuse. Je n’en ai rien à foutre. »
Il est surpris, normalement les toubabs sont plus galants que ça.
– Il argumente: « je ne te conseille pas de laisser ta copine entre les mains de soldats guinéens. Tu vois ce que je veux dire ».
– Je n’en ai rien à foutre! Mais finalement, attendri par ses arguments explicites, avec un soupir: « combien encore? »
LUI: xxx
MOI : Je paye.
Le jour s’est levé. Le couvre-feux est levé.
Les affaires ont été réglées, dans les règles, comme d’habitude.
Et il envoie chercher la fille, et me rend mon passeport des Nations Unies, les clefs du véhicule et Aminata.
« Au revoir Inspecteur. Je n’ose pas dire à la prochaine! »
et « Merci de ne pas appeler le bureau du HCR, n’est pas? »
LUI: « naturellement, pas de problème, merci à toi, et bon dimanche! »
MOI: « merci encore, Inspecteur et bon Dimanche. »
Finalement nous ne sommes pas allés au Coton Club. Pas de salsa langoureuse ni de soupe à l’oignon. J’explique à Aminata, que j’ai payé pour elle. Elle se garde bien de me parler de ses conditions de détention. Elle n’avait rien gagné ce samedi soir, et ose me demander un billet rouge. Nous sommes arrivés en ville. De guère lasse, je lui remets un billet rouge, lui dit de descendre, et je me dirige vers l’hôtel pour aller me coucher. Putain de nuit!
Épicerie fine à Nzérékoré.
Peu après je reçois à Nzérékoré la visite d’un chinois venu me dit-il de Conakry pour me rencontrer. Et il me pose à peu près les mêmes questions que Hamida m’avait déjà posé, dans son night club, « le Tanganiyka ». Puis il m’informe qu’il a l’intention d’ouvrir un magasin d’alimentation prochainement ici, à Nzérékoré. La personne qu’il détachera pour tenir le magasin prendra contact avec moi. « OK, no problem, je l’attends,Bye »
« Bye, bye »
Une semaine après, oui, c’est bien Hamida, le patron du « Tanganiyka » à Conakry qui s’encadre dans l’embrasure de la porte de ma maison à Nzérékoré. Je suis vraiment surpris, lui souhaite la bienvenue et l’invite à partager mon repas. Que vient-il faire ici?
« Je viens pour ouvrir le magasin d’alimentation dont je t’ai parlé ».
Finalement il me demande, s’il peut loger ici, chez moi. Pas de problème, j’ai trois chambres et trois WC.
Une fois, pour le fun, et pour le dire, et parce que ce n’était pas banal, j’avais commencé dans le premier, transité dans le second et finit en tirant la chasse d’eau dans le troisième. Une occasion à ne pas manquer!
Qui a déjà fait çà, une fois dans sa vie?
Je logeais donc Hamida et pouvais suivre ses progrès à la trace. Il loue un local, le transforme en magasin avec quelques planches en bois, achète en bureau d’occasion, sur lequel il encaisse ses clients. C’était pas Fauchont, mais il y avait les produits de premières nécessité et quelques fantaisies de luxe: du beurre et du camembert en conserve.
Hamida était un compagnon sympa, comme moi il adorait sortir et danser le soir, et puis nous marchions de conserve vers le night club à l’aller comme au retour dans la nuit d’encre de la forêt tropicale. Avec, ou sans gazelles. Au bout de deux mois le stock de sa boutique étant épuisé, il parle de retourner à Conakry pour le reconstituer.
Le dernier soir, en boite, il me paye des wyskies à tour de bras, pour me remercier de l’avoir hébergé, jusqu’à que je sois complètement naze. Nous rentrons en chancelant, j’ouvre la porte de ma chambre « allez, bonne nuit Hamida », « bonne nuit Xavier », et je referme ma porte. Toutefois un peu après j’ouvre pour un besoin urgent.
Quelle n’est pas ma surprise de voir Hamida, debout sur une chaise, en trainrx de dévisser une plaque du plafond et d’en extraire un paquet, enveloppé dans du papier journal. « Hamidou, qu’est-ce que tu fous? « .Il descend de la chaise avec son paquet, et l’ouvre devant moi: c’est plein de gros billets rouges. L’index à la verticale devant sa bouche, avec un grand sourire : « chut, chuut, chuuut »..OK « chut, chuut, chuuut »
Puis il revisse la plaque au plafond, et remets la chaise à sa place. Le lendemain il repart à Conakry, et je ne l’ai plus jamais revu. J’ai bien compris qu’il gardait les deux mois de recette pour sa pomme!
Par contre j’ai revu le chinois son patron, qui m’explique qu’Hamida étant parti avec la recette, il se voyait contraint de fermer son magazin d’épicerie fine à Nzérékoré. Il ajoute qu’il a porté plainte et qu’Hamida est en train de croupir en prison, au sinistre camp Boirault. Il l’a bien cherché.
Là j’interviens pour lui dire de faire sortir Hamida, puisque ça fait déjà un mois qu’il est emprisonné. Il a purgé sa peine! Faut être humain, quoi! Mon ami chinois me dit qu’il va y réfléchir et repart à Conakry.
Je le revois un mois plus tard à Nzérékoré avec sa femme et ses deux enfants. Il me demande s’il peut loger pour la nuit, chez moi, sa femme nous fera à dîner. Il a déjà les victuailles et la boisson avec lui, dans un sac. Nous mangeons donc ensemble, j’ai invité Marcelline, mais le courant ne passe pas entre eux. Les forestiers n’aiment pas les chinois! Puis pendant que sa femme fait la vaisselle, il m’explique d’une part qu’il a fait sortir Hamida de prison, et d’autre part qu’ils vont partir très tôt demain matin, pour passer au Mali, à deux cent kilomètres de là. Que ce n’est pas la peine de me réveiller. Ça tombe bien avec le rosé que nous nous sommes envoyés, tous les deux, je vais avoir besoin de dormir au moins jusqu’à huit heures. Néanmoins quand j’entends du bruit, vers 3 heures, je me lève pour leur dire au-revoir, leur faire la bise et leur souhaiter bonne route et bonne chance. Je regarde leur voiture se fondre dans l’obscurité qui les protège encore pour quelques heures. Pour moi, ils sont en fuite! De l’autre côté de la frontière, ils seront en sécurité.
Je ne les ai plus jamais revus.