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Guinée

Guinée mars 1990

Guinée 2

Marcelline
J’explique ma situation à Fatima, je lui dit tout: Marcelline, le cocotier à deux têtes, les orang-outangs, la soupe maraboutique, à l’origine de ma dépression, et je lui propose de continuer, seule mais à mes frais la soirée à une autre table. Aprés, elle est au bon endroit, et au bon moment pour faire de nouvelles connaissances si elle le désire.
Mais elle est furieuse et me dit: « tu m’as emmenée avec toi, je rentre avec toi ». Logique, non ? Alors pour la faire changer d’avis je lui présente mes plus plates excuses, accompagnées de deux billets rouges. Ça n’est pas très élégant, je le concède, mais finalement ça marche.
Fatima se lève et sans me dire au revoir, outrée et indignée, elle s’évapore dans la nuit noire.
Enfin libre, je me pointe auprès de Marcelline et de sa copine. Elle me paraît d’entrée plus réceptive que jamais à ma cour assidue.
Sans doute estime-t-elle que sa soupe maraboutique a fait son effet, me ramenant efficacement vers elle, comme elle a pu l’observer il y a cinq minutes.
Nous dansons les slows serrés l’un contre l’autre, comme deux amoureux, et la voilà qui m’embrasse sur la bouche! Devant toute la communauté humanitaire de Nzérékoré….

Il y a foule ce soir, au dancing, les UNexpats, leurs assistants guinéens, les membres des nombreuses ONG, des militaires, et des jeunes femmes venues pour s’amuser et dancer, dans l’espoir aussi de faire la bonne rencontre qui boostera leur vie. En fait, un an après le début de la crise, l’afflux considérable de la manne humanitaire commence à changer le visage de la ville. Les voitures de l’assistance sont omniprésentes, avec leur look existentiel: larges logos collés sur les capots, les portières, ou même à l’envers sur le toit, aux couleurs prédominantes, bleu pour les UN, rouge les médicaux, .. de grande antennes VHF fixées sur les pare-chocs avant et le drapeau national flottant au vent pour les services publics et les diplomates. (Le vert, couleur de l’Islam, n’allait pas tarder à apparaître dans les camps de réfugiés, administrés mitraillette au poing. J’allais le constater, plus tard, sous d’autres cieux).
Les maisons, se construisaient aux quatre coins de la ville, non plus en banco, mais en briques cuites, en dur. Des bars, des restaurants, des commerces improbables il y a seulement un an semblaient naître du néant. Des commerçants venus de Conakry s’installaient…etc.
En brousse, les villages, se modernisaient aussi, et s’agrandissaient au rythme de l’afflux des réfugiés. Durant la semaine les experts, les volontaires, les techniciens: architectes, médecins, infirmiers, nutritionnistes, hydrauliciens, assainissement, agriculture, et aussi enseignement, sécurité, transmissions, et sociologues, démographes etc… se rendaient après le briefing matinal dans leur groupe de villages pour y suivre, diriger, conseiller, assurer les formations à l’exploitation, l’entretien, et l’usage, et ainsi favoriser la sacro sainte appropriation des installations par les bénéficiaires, de toutes ces nouvelles facilités. Bref la Guinee forestière était en plein boom économique!

Mais revenons à Marcelline…
La soirée terminée je la dépose chez elle, et sans doute perturbé par tant de bonheur, je me plante en reculant pour faire demi-tour, et je me retrouve avec une roue arrière plantée dans un fossé bétonné, avec le chassis posé sur le béton. Incapable de retrouver dans l’obscurité, la maison de ma belle, il me reste à rentrer pied. Plusieurs km à pied, à l’aveuglette dans la ville déserte. Avec la crainte d’être attaqué par les chiens, ou par des malandrins. Sans parler des bêtes sauvages et des esprits qui rôdent à l’approche du petit matin, « after hours ».
Après deux heures de marche me voilà rendu à domicile sans encombre. Mais qu’importe cette épreuve, puisqu’enfin j’ai fait la moitié du chemin avec Marcelline. Maintenant il me reste à atteindre le but ultime! Et je sens que je suis sur la bonne voie.

L’ONG de Stephan Essel
Il me faut à présent partir en mission à Conakry pour y accueillir une ONG de femmes fondée par Stephan Essel, (« indignez vous! ») qui a signé un contrat avec le HCR pour la communication et la sensibilisation des femmes à leur problématique de réfugiés. Nous avons besoin de trois véhicules tout terrain, la mienne plus deux Toyota Landcruiser, et trois chauffeurs pour emmener à Nzérékoré, l’équipe de l’ONG. Moi, je suis déjà à Conakry, avec 4×4 et chauffeur, et donc deux Landcruisers font route depuis Nzérékoré vers la capitale. Le trajet dure normalement deux jours, avec une escale à Faranah, dans l’hôtel de la femme du dictateur décédé il y a trois ans. Ces deux véhicules supplémentaires arrivent le lendemain matin, et leurs chauffeurs sont crevés ayant roulé toute la nuit sans faire étape. Ils ont droit à une journée de repos. Rendez vous demain au PC du HCR à 8h pétantes.
Nous avons une réunion avec la petite équipe de l’ONG féministe, curieusement un jeune homme en fait partie; il est venu avec sa guitare, pour établir une meilleure communication avec les bénéficiaires du programme.
En fait je perçois une certaine distance entre eux et moi. Un peu comme celle que j’avais constatée à mon arrivée au Sénégal entre moi, qui ne connaissait rien de l’afrique (je n’avais donc que des préjugés) et les anciens colons. Ceux ci, appelés les patrons, parlaient très mal, à mon goût, aux africains (sauf à l’administration). Et bien, avec l’ONG la même distanciation opérait. Bref on verrait bien. Mais pour eux s’était vraiment le « voyage en terre inconnue », mais avec un cœur gros comme ça, je n’en doutais pas, et ça c’était plutôt sympa!
Alors bonne route, et rendez vous à Nzérékoré !

Le bébé gorille et la chevrette.
Le HCR a donc bien voulu me confier l’élaboration et le contrôle des travaux d’une campagne de 19 forages en Guinée Forestière, réalisés par la compagnie PRAKLA Seismos.
Le premier forage est situé dans un quartier à la périphérie de Nzérékoré.
La foreuse se met en place, à l’emplacement que j’ai retenu grâce à ma baguette de sourcier, sous le regard curieux du responsable de l’entreprise.
Le forage démarre vers 9 h. On devrait trouver l’eau vers 80 m de profondeur selon mon estimation, réalisée en tapant du pied, par terre, tout en comptant les profondeurs à voix haute. On n’est pas ingénieur hydraulicien pour rien ! La profondeur de l’eau souterraine, c’est quand la baguette s’incline, et tire fortement vers le bas. La population assiste, intriguée par cette manipulation, et sans doute incrédule, car pour eux, personne ne peut voir dans les profondeurs du sol. Pour vous aussi, peut-être?
Une fois démarré le forage, je retourne au bureau. Vers 14 h, mon chauffeur vient me chercher en m’emmène, en gardant le silence vers le forage. Je me fraye un chemin parmi la foule, et contemple avec satisfaction la puissante gerbe d’eau claire, propulsée hors du trou par l’air comprimé injecté au fond du trou, et qui remonte à l’air libre.
A la demande du maire, qui me rejoint, la foule applaudit. C’est le meilleur moment de notre métier.
M. le maire fait un petit discours à ses administrés. Puis il me propose, tout de trac, de m’installer ici dans un beau terrain dont la population me fait don, et séance tenante, emporté par l’enthousiasme général, il me propose la main de sa fille!
Mais, pas de chance pour celle-ci, pour le moment la seule main (si je puis dire), qui m’intéresse est celle de Marcelline.
Nous retrouverons 18 fois cette joie des populations à la vue de l’eau jaillissant hors du forage. Un forage négatif sur 19, au village de Gossopa, nous en reparlerons..Le test des 19 est un succès.

La chevrette
Quelque temps plus tard, au cours d’un voyage retour de Conakry vers Nzérékoré, je m’arrête dans un village, oû je sais être présente la foreuse. Le maire et la population m’ y attendent. Salamalekoum, labass… (nous sommes en terre d’Islam).
Koulchi Mziem, (tout va bien), le forage est productif: la preuve le chef foreur démarre le compresseur et l’eau jaillit. Un peu comme Moïse dans le désert avec son bâton.
M. le maire calme la foule en liesse, fait son discours, remercie le HCR, et M.Meyer, « je vous en prie, c’est la moindre des choses » et…commence à engueuler ses administrés. « Bande d’ingrats, vous n’avez donc rien à offrir au Représentant du HCR. »
Jean Guillavogui, le chauffeur assure la traduction instantanée.  » Allez vite (dria, dria) et ramenez moi un cadeau ».
Cinq minutes après, les voilà qui reviennent avec une chevrette vivante. Une petite chèvre, une chevrette c’est bien. Une chèvre adulte aurrait été trop dure. Car il s’agit bien d’en faire un bon méchoui.
Mais il est temps de remercier, de demander à monsieur le Maire, de nous « donner la route », expression d’usage toujours emploýée dans ce cas là.
Nzérékoré est encore loin.
Au soleil couchant, nous faisons étape à Faranah dans l’hôtel de la femme de Sekou Toure, mort il y a trois ans, en France, d’une déviation de la cloison nasale, mal opérée. Baignoire, avec robinets plaqués or, et eau chaude, c’est plutôt rare dans la région. Quant à Jean Guillavogui, il s’arrange avec le personnel pour dormir dans un un endroit convenable. Je lui donne quartier libre.
Départ le lendemain matin vers 6 h.
A midi, stop over à N’guekedou, pour le repas de midi, dans un petit restau, au bord d’un bas fond verdoyant, « véritable tapis de fleurs, d’herbes et de lianes rampantes oû
des myriades de papillons palpitent au soleil ». L’actuel patron, guinéen, m’explique que son ancien patron, un français avec lequel il a travaillé 18 ans, est rentré en France il y a deux ans pour y passer sa retraite. Il lui a fait cadeau du restaurant et du stock restant de bonnes bouteilles de vin. Un geste généreux, qui rends compte de l’amitié qui peut se développer entre le patron et l’employé, dans un pays où le colonisateur a pourtant régné en maître pendant très longtemps.



La piste
Puis nous repartons vers Macenta. A partir de cette ville il n’y a plus de route, mais une méchante piste, pour atteindre Nzérékoré encore à 120 km. Si tout se passe bien cela prendra 3 heures. Parfois ça peut durer plusieurs jours, surtout durant la saison des pluies, lorsque des ornières profondes se forment sur les deux côtés de la piste, s’élargissent avec le passage des camions et finissent par se rejoindre au milieu, créant ainsi un lac longitudinal, d’une profondeur supérieure à un demi-mètre. Nul véhicule ne peut franchir cet obstacle s’il ne possède un 4×4. En particulier les taxi-brousses, sont bloqués, essayent de contourner l’obstacle en passant par les côtés, mais se retrouvent encore le plus souvent bloqués ou enlisés dans la jungle omniprésente. Alors de petits marchands ambulants se présentent pour fournir aux infortunés voyageurs, et aux taximen, les produits de première nécessité. Puis le nombre de taxi-brousses bloqués augmentant, des micro-commerces s’établissent pour la durée de la saison des pluies. D’autres taxis se présentent de l’autre côté de la mare, pour offrir aux voyageurs la poursuite de leur périple, à tarif étudiés.
Avec notre 4×4 Landcruiser, qui dispose en outre d’un treuil au dessus du pare-chocs avant, passer ces flaques d’eau est un jeu d’enfant, et là où des taxis sont bloqués depuis des semaines, nous passons en un quart d’heure, avec l’impression gratifiante d’avoir joué à « Indiana John ».
Par contre certains taxis ont élaboré, en désespoir de cause, une tactique efficace. Le taxi qui veut passer prend son élan, se précipite dans la pente glissante qui conduit à la mare, et y pénètre sur une longueur de queques mètres.Du même coup, il nous bloque le passage, et nous oblige à le treuiller pour le sortir de là. Puis il reprend sa route en nous remerciant ou en nous faisant un doigt d’honneur!
Mais pendant ce temps-là, un autre taxi a effectué la même manœuvre! Il nous faut donc trouver une solution, sinon nous sommes là jusqu’à la fin de la saison des pluies. Mais alors quelle est la solution ?
Réponse: le chauffeur va arranger ça. Un bon chauffeur peut tout arranger, dans son pays.
Intimidation: « je transporte un VIP, c’est une mission officielle pour le gouvernement, regardez sur les portières: HCR ».
Appel à la raison: « nous travaillons pour les populations; »
Appel à la menace: « tu vois l’antenne devant mon 4×4, c’est la radio. J’appelle tout de suite la police ou l’armée, ils vont dégager tout ce bordel! »
C’est l’argument qui marche le mieux, les guinéens ont vraiment peur de la police et encore plus des militaires, et, à ma connaissance, ils n’ont pas tort. Il est arrivé, on me l’a raconté à Conakry qu’un militaire tire sur un particulier, pour une histoire de poulet refusé. Quant à l’armée elle peut piller ou brûler un village, sans raison apparente. Voir encore bien pire ci-après dans « le conflit en l’an 2000 ».
Bon, une fois passée la flaque, car on ne résiste pas à ce dernier argument, le chauffeur fait la paix avec le taximan, on fume une cigarette tous ensemble, le VIP soulagé se fend d’un petit billet (bleu, cette fois-ci) pour la famille et au revoir, bye bye, on reprend notre chemin.



Jean et sa femme
A l’approche de Macenta, je sens que Jean Guillavogui veut me dire quelque chose, mais qu’ il n’ose pas.
« Patron on arrive à Macenta, où je vous dépose? »
« Bon, il est midi emmène moi au restau. Si tu veux, on mange ensemble, je t’invite ».
 » Non, merci. Ma femme habite à Macenta et je vais aller la voir »
« OK, no problem, tu gardes la voiture et on se retrouve à 2h. N’oublie pas de manger, et de nourrir la chèvre, y a encore trois heures de piste! et bonjour à madame! »

Je ne me rappelle pas le menu du restaurant où j’ai mangé, mais je me souviens que Jean est arrivé à 16 h, soit 2 heures de retard! Je l’engueule un peu, mais pas violement, je peux comprendre, il n’a pas vu sa femme depuis si longtemps!
 » Tu sais Jean, j’ai connu ça, moi aussi. Quand on s’aime les séparations sont douloureuses, mais les retrouvailles sont joyeuses »
« Justement patron, c’est de ça que je voudrais vous entretenir « 
« Allez vas-y, dis-moi, keskiya? »
 » Voilà quand je suis arrivé au quartier, j’ai dû aller, avec ma femme saluer la famille, les voisins, les copains… Finalement ma femme et moi on n’a pas eu le temps de se mettre à l’aise ».
 » Bon, OK, je comprends.Ecoute il est bientôt 17 h , on va pas rouler la nuit, alors garde la voiture et retourne chez toi, puis on se retrouve ici demain à 8h, OK?
Mais, tu as un endroit sûr pour garder le 4×4? »
« Oui patron, dans le jardin de mon beau- père, et merci beaucoup »
 » OK, Jean, et n’oublie pas de t’occuper de la chèvre, à demain et…bonne bourre. »

Marcel
Le lendemain matin Jean arrive à l’hôtel à l’heure dite, avec dans ses bras, devinez quoi? Un adorable petit bébé gorille. Plaqué contre sa poitrine, et agrippant sa chemise avec ses petites mains!
« Mais qu’est ce qu’ on va faire de ce bébé? On a déjà une chèvre? »
 » Patron c’est pour un cadeau à mon oncle de Nzérékoré, il y a de la place dans le coffre pour la petite chèvre et le bébé gorille »
Et c’est comme ça que nous avons fait trois heures de piste. Mais avec les trous et les virages brusques, bien qu’attachée, la chèvre bêlait en recevant le bébé projeté par la force centrifuge, sur son estomac, et de plus le bébé montrant ses petites dents de lait essayait d’aboyer comme les grands pour se défendre en effrayant la chevrette.
On avait pas besoin de la radio, et la musique animale battait son plein!
On est samedi midi, quand on arrive à Nzérékoré. Nous passons d’abord chez Marcelline pour offrir la chevrette à sa mère.
Elle va la préparer pour demain, dimanche midi. Quant à nous nous devons aller prévenir Marcel le père de famille que je ne connaît pas encore. Il habite un petit village, en brousse, à quelques km de la ville. Nous déposons Jean et son bébé, au passage, et faisons cap vers Marcel.
Marcel est un personnage très sympa, aimant parler et raconter sa vie, comme tout le monde, n’estce pas?. Ayant travaillé deux ans comme infirmier sur un navire hôpital américain, ancré à Conakry, il est maintenant médecin de brousse. Il se déplace à pied à travers la forêt, vers les malades, qu’il soigne je ne sais pas comment, mais il explique aussi qu’il pratique des opérations simples…(avec un couteau de cuisine?). Il se fait payer en poulet, poule et légumes.
Il lui arrive parfois de marcher 20 km pour aller rejoindre les malades et prodiguer ses soins. Puis 20 km de plus pour revenir chez lui.
L’acool dit-on ouvre la boîte à paroles. Et Marcel m’offre un verre de blanco, le vin de palme récolté en incisant les feuilles de palmiers à huile. Mais il faut d’abord grimper en haut du palmier!
C’est une boisson qui n’est pas désagréable, servie glacée, pourvu qu’elle ait été récoltée dans les deux ou trois jours précédents. Parfois certains guinéens la laisse fermenter, et là pour moi, elle devient carrément imbuvable! Mais le blanco de Marcel est récent et j’en bois poliment deux verres. Attention, un verre ça va, trois verres bonjour les dégâts!
Un peu pompette, je lui parle de moi, du HCR, ça l’intéresse, et de sa fille, ça l’intéresse aussi, que j’aime beaucoup. Enfin je l’invite demain chez lui à Nzérékoré pour savourer à midi une chevrette, cuisinée par sa femme. Et puis on y va.


Le repas
Le lendemain bien rasé, bien lavé, bien habillé, j’arrive au quartier, Marcel est déjà là, carrément habillé en costard. Je crois qu’il avait imaginé que je lui demanderai la main de sa fille. Seulement voilà, à Nzérékoré, je n’avais pas pu trouver une paire de gants crèmes.
Et nous parlons, nous parlons, nous parlons, et nous buvons nous buvons, nous buvons je ne sais quel alcool blanc amené par Marcel, plutôt arrache gueule, tandis que sa fille reste là silencieuse et respectueuse. Le temps s’écoule, la chaleur est accablante, et Marcelline me glisse un coussin sous la tête, lorsque je m’allonge sur le tapis⁶, terrassé par l’alcool. Si c’est pas de l’amour ça ?
C’est toujours pareil, en afrique quand on est invité à midi, on passe à table à 16 h, et dans l’intervalle, on parle et on boit entre hommes. Sauf chez les muslims, qui en général aiment bien boire, quand l’occasion se présente, mais jamais en famille.
C’est toujours la même chose, quelque soit le pays, quand on mange chez les autochtones, le repas n’est jamais servi avant 16 h. Les femmes sont tellement attentives à faire le meilleur plat national, régional, ça prend du temps d’autant plus qu’elles préparent à l’ancienne. Et pourtant elles entrent en cuisine dès 6h du matin. Exemple: le couscous beldi (du bled) au Maroc, cuisiné par exemple au douar Sheba, à côté de Marrakech, pour moi le meilleur couscous du monde: débuté à 6h, servi à 16h, mais préparé à l’ancienne sans rien oublier. Je ne donnerais pas la recette, mais je sais que la tâche la plus longue, le roulage de la graine demande à elle seule plusieures heures.
Autre exemple le Thiépboudien (du riz et du poisson) au Sénégal, le maa tahiti à Tahiti…etc.
Quoiqu’il en soit, la viande de chevrette était très bonne, mais en me remémorant ses bons yeux craintif, je lie son funeste destin au forage que nous avons réalisé. Comme notre campagne va être poursuivie, passant de 19 à 150 forages, faudra-t-il sacrifier 150 chevrettes? Quel troupeau!
Et sur ces pensées philosophiques je prends congé, heureusement. Je demande la route à Marcel. Je remercie la maman. Jean est là pour conduire, il sait qu’il doit amener le 4×4 au garage du HCR. TVB, je vais dormir.

Re-Sekou Toure
Un mois plus tard j’apprends par mon ami Daniel que la P.J. a quelque chose après moi. Sekou Toure a déposé une main courante contre moi pour détournement de mineure.Et il a intimé l’ordre à Marcelline de quitter Nzérékoré, sans délai, sans doute pour échapper à mes avances. Je me demande à quel titre?
Un inspecteur, sachant que j’étais un ami de Daniel dont il était ami lui aussi, discute avec lui de cette délicate affaire qui mets en jeu un expert du HCR, connu de la population des réfugiés, et des gens de Nzérékoré, pour ses multiples actions positives, en matière d’eau potable, de construction de cases et de latrines.
On a la réputation qu’on mérite!
Connu aussi des gens de Nzérékoré, puisque je sillonnais la ville sur ma moto Honda 125 cc, un moyen de transport urbain, plus maniable et plus rapide, en ville que les 4×4 du HCR, trop lents dans les ornières, les bosses et les trous présents dans chaque mètre de piste. Pas de goudron à l’époque!
Autre avantage avec la moto, pas besoin de chauffeurs.

D’après Step Einsenman (le directeur des travaux de Prakla, pour la réalisation des 150 forages en Guinée Forestière, pour l’installation de 150 pompes manuelles, pour la construction de latrines, et la mise à disposition d’une quarantaine d’animateurs sociaux) la seule et unique solution pour désamorcer la procédure est d’en parler au père de Marcelline. Il lui suffirait de se présenter à la gendarmerie pour demander l’arrêt de la procédure. J’en ai parlé, à la maman qui a appelé Marcel et à partir de là, je n’en ai plus jamais entendu parler sauf lorsque Daniel m’ a confirmé le classement « sans suite ».
Grâce à mon ami, Daniel, à son ami l’inspecteur, et à mon ami Marcel.
Les amis de mes amis sont mes amis.
+ x + = + comme l’écrivent les matheux.

Kurt (a).
De fait en Guinée, un expat. doit faire attention, très attention à ses relations avec les guinéennes. Les escrocs rôdent qui n’attendent que le premier faux pas, quitte à le provoquer eux mêmes.
J’en veux pour preuve cette histoire assez incroyable que m’a raconté Step Eisenman.

Pour réaliser une précédente campagne de forages, en Guinée Forestière, il avait demandé à son patron, Bauman, de contacter le siège en Allemagne, pour faire venir un chef foreur.
Kurt, un homme jeune, sérieux et compétent, arrive à Conakry, où Bauman le breaf. Il s’agit d’une centaine de forages à 100 m de profondeur, dans la région de Macenta. Kurt sera logé dans un camping-car bien aménagé, avec le poste radio BLU, à l’intérieur. Deux vacations sont prévues chaque jour, à 8h et 16h avec la base, à Conakry.
Kurt, prend possession du matériel de forage et de transport, et fait connaissance avec son équipe, puis le convoi quitte la base de Conakry pour se diriger vers Macenta.
Il faut disons, deux jours, pour arriver, s’installer, faire le forage, l’essai de pompage, nettoyer le site et le matériel, reprendre la route et atteindre le site du forage suivant.
Tout le monde dort en brousse, les foreurs dans des guitounes, et le chef foreur dans son camping-car. Repos le week-end. Mais au lieu d’aller en ville se changer les idées, Kurt reste auprès de son camping-car. Il est sans doute timide et doit craindre de faire des mauvaises rencontres, à Macenta.
Pendant six mois, Kurt reste ainsi en brousse sans jamais aller en ville. Avec la radio BLU, il peut parler régulièrement à sa femme, restée en Allemagne. Par contre ses équipes passent le week end à Macenta, bières, bouffe et dancing au programme. Les filles de Macenta, des « forestières » ne sont pas bégueules, et ils se font des copines qu’ils retrouvent à chaque week end.
Kurt lui reste toujours seul, en brousse pendant le week-end. Il a un gardien de jour et un gardien de nuit, mais il préfère rester sur le site, et garde un œil sur le matériel.

Au bout de 6 mois la moitié du programme de forage est achevée et Kurt a droit à quelques semaines de vacances. Il retourne donc à Conakry pour faire sa réservation et prendre son billet. À la veille de prendre l’avion pour rentrer en allemagne, il décide d’aller faire un tour au restaurant puis après d’aller boire un verre dans un night club.

Kurt (b)
Arrivé à la boîte de nuit, Kurt se dirige directement vers le bar et commande une bière, puis une deuxième bière, puis une troisième bière et cetera.
Finalement il quitte la boîte de nuit, à moitié saoul et se dirige lentement vers le parking pour y reprendre son véhicule. A ce moment il est interpellé par une jeune femme. Kurt est fidèle à son épouse, mais ça fait longtemps qu’il n’a pas baisé et il se laisse tenter. La jeune femme monte donc dans la voiture et il roulent tous les deux en direction du chantier. Arrivé au chantier Kurt n’en peux plus et il commence à flirter avec la jeune femme. Il la caresse, touche ses seins, bla, bla, bla…et il sens tout d’un coup le canon d’une arme de poing pointé précisément sur sa tempe. Une voix lui ordonne brutalement de descendre immédiatement de sa voiture. Effrayé, il ouvre la portière et se retrouve face à face avec un policier en uniforme qui le menace toujours de son arme. Il comprend alors que ce policier était caché sous la bâche de la camionnette et qu’il a fait tout le chemin avec eux. Ce dernier lui déclare: « tu as enlevé ma femme et maintenant tu veux la violer! Tu es un salop, et tu vas le payer très cher. Surtout parce que ma femme est dans la police! Comme moi! »
Kurt comprend alors qu’il s’est fait berner, mais il ne peut rien faire!
Et les voilà qui retournent en voiture vers le commissariat de police. Il est deux heures du matin et le commissaire de garde, après avoir entendu le mari bafoué, ordonne l’emprisonnement immédiat de Kurt.
Step Eisenman est mis au courant le lendemain matin, et se dirige vers le commissariat de police pour tenter de faire libérer Kurt. Il sait d’ores et déjà que ça va lui coûter cher. Et ça lui a coûté beaucoup plus cher qu’il ne le pensait! Les policiers avaient beau jeu de faire monter les enchères, et ils ont gardé Kurt en cellule pendant deux semaines, jusqu’à ce que Bauman obtienne l’appui de ses connaissances bien placées au gouvernement. Et pour ce service, Bauman a dû lui aussi payer cher!
Quant à Kurt il a pu retourner en Allemagne, auprès de sa femme. Il lui restait 15 jours de congés avant de retourner faire ses forages en Guinée. Mais il n’y est plus retourné. Le couple des policiers acteurs, a partagé ses gains avec le commissaire, et c’est offert 15 jours de farniente au Club Méditerranée, où ils ont bien rigolé en buvant des moritos, et en se remémorant leur histoire….

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