Arrivée à Tahiti
Arrivé à Tahiti, en 1970 vers 05 h du matin. Mes premières sensations en descendant de l’avion: chaleur, humidité et surtout l’ennivrante odeur du jasmin, le Tiare, qui flotte et imprègne l’atmosphère de son odeur entêtante. Cette impression je ne l’aurrai connue qu’ici, maintenant et nulle part ailleurs, à travers le vaste monde (74 pays visités). Les couronnes de tête et les colliers de fleurs sont partout, portés par de ravissantes hôtesses d’accueil. Grandes lianes, aux longs cheveux noirs mais parfois aussi petites pommes, bien bronzées, bisoux, bisoux, et Iaorana. Que du beau, du bon, du bonnet de fleurs: c’est cela Tahiti, île de bienvenue, universel Iaorana avec de si doux sourires, et surtout un « mana » hérité des ancêtres: le pouvoir sacré de l’acceuil en gentillesse. Maintenant c’est le quintet de musicos qui chantent de tout leur cœur, dansant en restant assis, endiablés par le dynamisme et le rythme de leurs yukulele. J’ avance vers le tapis roulant, ça roule, et ça continue de rouler, encore et encore, c’est que le début, d’accord, d’accord et …enfin je récupère ma valise, un tampon sur mon passeport et voilà mes collègues, venus amicalement au petit matin avec femmes et enfants pour le rituel passage du collier autour du cou et, dans un même mouvement la bise du matin, puis la poignée main
Philippe Mussy est le directeur du LBTP, le laboratoire du bâtiment et des travaux publics. Très sympa, il m’invite demain, dimanche à midi pour un repas à l’hôtel Tahiti, où il me dépose en me recommandant de ne pas garder les couronnes de tiare dans ma chambre (l’odeur entêtante). Mieux vaut les humidifier un peu et les mettre dans le lavabo de la salle de bain, . Et puis évidemment je suis très fatigué par les 20 heures de voyage, et le décalage horaire.
Main dans la main
Je dors toute la journée, et au réveil me revient le souvenir du voyage: au décollage d’Orly, l’avion crève un pneu. On nous demande donc de descendre et de patienter sur le tarmac à proximité de la passerelle. On peut s’asseoir sur le gazon, et j’avise deux jeunes filles, parlant anglais, des américaines, assises non loin de moi sur le gazon. Prenant mon courage à deux mains, je vais discuter un peu avec elle. L’une est plus enveloppée que l’autre (et pourquoi, d’ailleurs auraient elles la même enveloppe ?) et je me présente avec mon anglais hasardeux, à l’époque. » La preuve: « We spoke together, for two hours, and after that we went upstair into the plane… ». Puis nous regagnons nos sièges, et à la surprise générale je suis juste derrière elles, ou plus exactement derrière celle de la plus grosse enveloppe.
L’avion décolle et les repas nous sont servis, par une hôtesse distinguée, avec les cheveux bien tirés en arrière puis rassemblés dans le chignon règlementaire. Je demande en accompagnement une petite bouteille de vin, puis dix secondes après, une seconde.
C’est le temps de dormir, devant moi les deux américaines somnolent. Celle de devant a la main gauche qui pend mollement dans l’allée. Poussé par je ne sais quel désir, j’approche doucement la mienne de la sienne, que je frôle avec mon coeur qui bat la chamade; enhardies par leur calme, nos mains disponibles se rejoignent… Je m’endors, sans doute sécurisé par ce contact profondément humain.
Après une dizaine d’ heures de vol, les lumières s’allument, on attend un peu et la chef de cabine prend la parole. Je sors lentement du sommeil, tandis que devant, ma fiancée de la nuit, fait de même, et nous constatons ensemble que nous avons dormi main dans la main !
Phénomène incroyable, durant dix heures; j’imagine que l’un et l’autre, nous avions ça et là émergé un moment du néant et que ce contact, cette intimité nous avait sans doute bien plu, dans l’obscurité de la cabine et le ronronnement des moteurs.
Maintenant alors qu’elle sort peu à peu du sommeil, elle regarde sa main, regarde la mienne, se retourne étonnée:
» But, Woo!, are you crazy ? !
Mais au lieu de porter plainte pour « sexual harassment », elle me fait un grand sourire, les yeux pétillants de joie.
Nos coeurs chantent alors le beau roman, la belle histoire…je lui souris, souris, souris:
Finalement, je n’ai pas oublié cette chaste nuit de bonheur, volée en plein vol, emprisonné dans le temps et dans l’espace, d’une cabine de Boeing. Une nuit d’amour platonique! Pour une fois…
Elles sont descendues à Los Angeles, et moi plus loin à Tahiti.
Un verre au bar
Avant tout, nous allons naturellement prendre un verre au bar, devant la piscine. Il y a bien du monde autour du bassin, essentiellement des touristes, la plupart américains.
Philippe me parle de Tahiti, du labo et du boulot. Très intéressant, et la conversation qu’il mène se porte sur nos motivations, pour travailler si loin de la France, et dans le fond, il me dit que lui-même ne sait pas encore comment diriger sa vie.Il lui reste encore un an à Tahiti, et après? Il ne sait pas. Quand on travaille pour le CEBTP, le lundi on est à Tahiti, Polynésie française, Océan Pacifique, et peut être la semaine suivante à Ouagadougou, Burkina Faso, Afrique de l’ouest. Et moi m’interroge-t-il qu’est ce que je compte faire de ma vie?
« Je ne le sais pas encore, mais j’essaierai de faire ce qu’il me plaît ». « D’accord, moi aussi, mais c’est pas si facile que ça ».
« Non, non, si on veut on peut! et si on peut alors on le fait! »
« D’accord, mais par exemple si on veut se baigner, ici et maintenant dans la piscine tout habillé, on ne peut pas. »
« Ah bon? et pourquoi pas? » « A cause des autres, et puis on n’a pas nos maillots de bain..etc) ».
Là dessus, je saisi mon verre de whisky sur le comptoir, et avec une démarche un peu raide, mais digne, mais lente, je me dirige vers l’escalier de la piscine. Et puis je descends une marche. Les touristes me regardent et Philippe aussi. Une deuxième marche, tout le monde autour de la piscine fait silence…Sans un mot je descends les autres marches et arrivé au fond, j’ai de l’eau jusqu’au cou, mais je lève mon verre et porte un toast. A votre santé, Messieurs, Dames Anybody, Cheers ! Tout le monde rigole et applaudit. Philippe aussi, et décidé, il fait de même et me rejoint dans l’eau. Et la moitié des touristes: Why not? et les voilà dans l’eau eux aussi en train de rigoler le verre à la main…Olé!
Un début de collaboration peu conventionnel, mais bien sympa, entre un modeste employé et son boss. C’est Tahiti!
Le zircon
A la demande de Philippe, je pars en reconnaissance au centre de l’île à la recherche de Zircon, minéral assez rare, signalé par le professeur Brousse, éminent géologue volcanologue qui indique qu’on a de bonnes chances de trouver du Zircon dans la dernière coulée volcanique du volcan. Un piton rocheux situé au centre de la caldeira, non loin de Fare Ape (désert à l’époque) où la lave particulièrement dense est restée, solidifiée, dans la cheminée centrale lors de la dernière éruption.
L’érosion ayant fait son travail au cours de milliers de millénaires, ce piton rocheux a pris peu à peu sa place, dans le paysage.
Il n’y avait pas de piste d’accès au site que nous atteignons après plusieures heures de marche et une vingtaine de traversées de gués. J’étais accompagné de Roo et Maki du village de Papenoo, chargés de boîtes pour les prélèvements de sol.
Le piton s’élève à présent devant nous, et vu de plus près il s’agit d’un empilement d’une trentaine de mètres de hauteur constitué de gigantesques cubes rocheux d’andésite basaltique. L’escalade sans piton ni corde était impossible.
Impossible également d’y effectuer des prélèvements avec notre matériel dédié aux terrains meubles.
Au crépuscule nous redescendons, donc bredouilles, à Fare ape, sous une pluie battante, très dense comme on le sait, au centre de l’île. Roo et Maki établissent rapidement un abri sommaire mais efficcace, grâce au rouleau de plastique, qu’en pisteurs chevronnés ils avaient emmenés. Diner frugal et extinction des feux.
Nos deux marcheurs se sont levés au petit jour pour chasser, au fusil, le cochon sauvage. Les voilà revenus avec une belle bête qu’ils découpent en mille morceaux qui seront insérés ensuite pour le transport dans deux perches en bambou creux, coupées et préparées sur place, et à porter sur l’épaule.
Bien chargés nous atteignons la route de ceinture vers midi. et je récupère la camionnette pour rentrer à Pamataï, à la maison, me doucher, manger, et faire une bonne sieste.
Pour en revenir au Zircon, faute de matériel adapté, notre mission devait se comprendre, non comme un échec, mais comme une première reconnaissance. Quoique, à ma connaissance, ce sujet n’a plus jamais été abordé par la suite.
J’observais, pour ma part, que les multiples sources et torrents éparpillés au milieu du cratère, auraient pu y drainer du Zircon durant des millénaires vers la Papenoo et être à l’origine de ces belles plage de sable noir proches de son embouchure.
Ceci dit c’est sans doute mieux comme ça, car personne ici, n’aurait envie de voir cette magnifique vallée transformée en site industriel. Je comprends mieux maintenant pourquoi nous en sommes resté là et s’est tant mieux comme ça.
A vrai dire, à cette époque on commençait seulement à s’ouvrir à l’environnement, sous l’impulsion de Jacky Drollet, fondateur du « Iaora te Natura ».
L’abandon de la soupe de corail (matériau des remblais obtenu par dragage des coraux dans les lagons), allait venir à l’ordre du jour.
L’ hydrologie en 1970
Le LBTP avait aussi mis en place le réseau hydrologique de Tahiti: des pluviomètres sur le tour et à l’intérieur de l’île, des limnigraphes pour enregistrer en continu les niveaux des rivières, non loin de leurs embouchures. Deux équipes de marcheurs étaient constituées, pour leur nettoyage et le relevé des feuilles d’enregistrement, deux fois par mois. Nous avions embauché pour l’essentiel des gens du village de Papenoo, réputés bons marcheurs en montagne. Un des pluviométres était positionné au sommet de l’Aoraï. Les autres enregistraient les pluies sur une quinzaine de bassins versants, les plus importants de l’île.
En général, le mieux est de démarrer le plus tôt possible ces mesures hydrologiques, avant même tout plan d’aménagement, car elles seront indispensables pour le dimensionnement de tout projet.
Par exemple, on commençait à parler d’un barrage hydroélectrique sur la Papenoo. Cependant, une fois trouvé, au prix de multiples forages, et d’études diverses le meilleur positionnement dans la vallée pour ce barrage en béton de plus de cent mètres de haut, il fallut déchanter car il se révèlait impossible d’empêcher l’eau de circuler par en dessous: le sous sol, était perméable et constitué d’un canyon profond, rempli de gros cailloux, à travers lesquels une rivière sous-terraine coulait à 80 m de profondeur! Il n’existait pas à l’époque de solution technique pour ce problème. Donc le projet avait été abandonné.
Mais les études hydrologiques effectuées dans les années 70 pour le grand barrage, ont pu être réutilisées dix ans plus tard pour le calcul des retenues d’eau captant des rivières secondaires, plus petites mais plus nombreuses.
Et c’est ainsi que l’énergie hydroélectrique constitue aujourd’hui 40 pour cent de l’électricité pour Tahiti.
L’hydroélectricité à Tahiti en 2020:
L’entreprise Marama Nui est à l’origine de la construction de quatorze centrales au fil de l’eau entre 1981 et 1986: des installations bien intégrées dans les vallées, comprenant un barrage, une conduite forcée et une centrale avec les turbines. Le barrage est constitué de matériaux extraits sur place du lit de la rivière, et l’étanchéité est assurée par un liner renforcé disposé sur la pente amont du barrage. Une conception assez rare, pensée localement. Les conduites forcées sont enterrées; ainsi elles ne défigurent pas le paysage et son protégées des crues pendant la saison des pluies.
Cette conception: une conduite invisible, une petite centrale et un barrage microscopique réalisé en remblais constitue un modèle d’intégration à l’environnement.
L’équipement d’autres sites de production hydroélectrique est à l’ordre du jour, selon le même modèle pour conduire à des ouvrages raisonnables en co-développement touristique ou agricole, ceci en symbiose avec les communes et les propriétaires fonciers.
SOUVENIR DE JEUNESSE
IL Y A 50 ANS (Aujourd’hui Vendredi 10 septembre 2021), Pierre Messmer, ministre des TOM- DOM est en visite au Fenua. L’occasion pour lui de faire un tour de l’île de rencontrer des tavana. Il s’entretient notamment avec Francis Sanford, maire de Faa’a, puis Gaston Flosse, maire de Pirae;
PHOTO dans La Dépêche du 6 au 13 Septembre 1971.
Pendant ce temps sa femme effectue une visite personnelle à Rangiroa, où elle est reçue par le maire, Riquet Marere, auquel elle pose la question de l’alimentation en eau potable de ses administrés. Ce dernier lui parle des réservoirs d’eau de pluie construits en béton de corail, auprès de chaque maison, mais lui précise qu’un jeune ingénieur des TP est justement en mission à Rangiroa, en train d’ étudier une nouvelle solution prometteuse au problème: le pompage dans la « lentille d’eau douce « paraît-il. Mais il n’en sait pas plus et lui propose d’aller le rencontrer, dès à présent: il a planté sa tente au bord du lagon, un peu à l’écart de Tiputa; il met à sa disposition, une voiture et un chauffeur, afin qu’elle puisse aller directement s’informer auprès de l’ingénieur. Il est 13 h, et celui-ci doit être en train de siester sous sa tente, avant de retourner au boulot.
Les voilà qui garent la camionnette au bord de la piste, pour se diriger à pied vers le lagon. Mme Messmer est intriguée par cette fameuse lentille d’eau douce. Comment pourrait-il y avoir de l’eau douce dans le sous sol ? Atteignant la plage de coquillages, ils aperçoivent ma tente à une cinquantaine de mètres sur la droite. Éblouis, ils avancent face au soleil, marchant lentement, le regard fixé sur les coquillages qui crissent sous leurs pieds. Jusqu’à ce que, relevant la tête à l’approche la tente, ils réalisent avec surprise que l’ingénieur des TP est certes en train de faire la sieste, oui, mais une sieste crapuleuse (pour reprendre l’expression en cours à Tahiti) avec une vahiné, plutôt bien balancée. Les ombres chinoises qui s’agitent sur la toile ne laissent aucun doute sur la nature de leur activité. Un peu saisie par cette sarabande inattendue, Mme Messmer se ressaisie, et suggère au chauffeur une silencieuse retraite diplomatique:
» Eh bien, je pense que le mieux que nous puissions faire, est de laisser M. l’ingénieur des Travaux Publics poursuivre ses chères études ».
Quant à moi, je n’ai été mis au courant de la visite de Mme Messmer à Rangiroa, que 50 ans après. Les détails m’ayant été fournis par le chauffeur qui l’accompagnait, 50 ans avant, et que j’ai rencontré il y a peu de temps, 49 ans après.. ndlr:
» L’ombre était chinoise, mais la vahiné belle et bien tahitienne. »
» L’ombre était dans la tente et regardait ses seins. »
Et 9 mois plus tard, ce fût la naissance de notre fils: Moana
Et en 1970 la présence au port de Papeete, des grands aventuriers de la voile française:
https://www.youtube.com/watch?v=i4yQAHAPgm0 Tabarly 54 minnutes
Jeronimo kersauzon
https://www.youtube.com/watch?v=T7kgFm1Tep4
7 mn les fils Tabarly
https://www.youtube.com/watch?v=z3kaVMp_0uU
https://www.youtube.com/watch?v=z3kaVMp_0uU Colas 4 mats vs Tabarly pen duick 6
https://www.youtube.com/watch?v=5moDtn0q228 Colas 1968 Manureva, ex pen duick 4 26 minutes tour du monde cap horn
https://www.youtube.com/watch?v=9bMMsEJuLfE
Colas qui était A. Colas ? 4 mn résumé, la fin, la chanson.
https://www.youtube.com/watch?v=A0yZm0mlZx0
Colas l’histoire d’une légende 24 minutes
https://www.youtube.com/watch?v=qC9-DQ5MY6M
Qui est Kersozon ? 14 minutes
https://www.youtube.com/watch?v=iXOXnIODVPk Mini transast 2017 Clarisse sur l’Atlantique
Bernard Moitessier, un homme libre ? 18 minutes.
Clarisse sur l’Atlantique.
https://www.youtube.com/watch?v=iXOXnIODVPk