La moto enduro 1
France, Espagne, Maroc, Mauritanie, Gambie, Guinée éq. et Afrique noire: Sénégal, Mali, Burkina Faso, Cote d’ivoire, Guinée, Bénin, Togo, Niger, Tchad, Nigeria
La moto enduro
La moto enduro n’est ni le cross, ni le road trip. Elle est tout simplement conçue pour le tout-terrain. C’est à dire la route et la piste. Mais sans la contrainte de la vitesse, sans concurrence et sans rivalité. C’est plutôt une bande de copains, mordus par le même désir de sortir des sentiers battus, de côtoyer la nature et, du coup les animaux, les hommes, les autochtones, leurs femmes et leurs enfants, leurs villages, leurs maisons, leur fleuve,, leurs lacs, et leurs cultures,…. et leurs points d’eau. Voir et comprendre, se faire expliquer, montrer leurs ressources, pêche, chasse, cueillette, et bien sûr l’eau, source de vie.
El Ma Owel haiat, Makench Haiat bidouni ma ».
L’eau c’est la vie, y a pas de vie sans eau, en arabe chaabi.
« الماء هو الحياة. لا حياة بدون ماء », en arabe littéraire…
L’intrusion soudaine, forcément bruyante, dans un village d’une horde de motards, casqués et bottés se mue, après un temps de surprise, voire de stupéfaction, en calme et premiers contacts. Le plus audacieux marche vers nous, et nous nous serrons la main. On va chercher dérechef le chef de village. Un petit groupe s’agglomère où les langues se délient et les commentaires vont bon train. Évidemment nous n’y comprenons rien, mais ne pouvons rester insensibles à l’ambiance souriante et joyeuse. Ils, ou elles s’approchent et touchent, caressent la carrosserie des motos. Bon, parfois un habitant parlant français nous rejoint, mais le plus souvent, les échanges se basent sur des signes, des gestes de mains et sur des postures, attitudes, inférences faciales que nous comprenons tous, par-delà tous les pays de ce vaste monde. Nous, les ci-devant motards, parce que nous sommes depuis quelques années résidents en afrique, eux parce qu’ici ces inférences sont les leurs. Des gestes vers le/les corps (moi, j’ai chaud: on m’apporte de l’eau…etc), les questions usuelles posées dans des bribes de bichlamar (nous: fin aoua el trek Marrakech? ), (eux, curieux, posant des questions: d’où venons nous, qui sommes nous?, ou allons nous?).
Questions qui nous tracassent depuis notre naissance, et aussi le titre d’un célèbre tableau de Paul Gauguin.
Parfois pour répondre à la demande d’une fille du village, toute excitée, et ses sœurs aussi, nous acceptons de lui faire faire un petit tour aux alentours.
Honni soit qui mal y pense!
Selon l’heure nous demandons le gîte au chef du village. C’est sacré, et bienveillant il nous emmène voir une case réservée aux visiteurs, et nous y passerons, bien volontiers la nuit.
En attendant il va égorger une poule, et nous la faire préparer par les femmes.
Et parfois le village organisera une veillée, autour d’un feu de bois. Et chacun, et chacune y dansera à loisir, selon les chants et les rythmes de leur ethnie. Et nous de la nôtre. Puis naturellement, sans même y penser, les motards et les villageois transcendant les différences originelles, réalisent l’union, l’unité, en dansant, en surfant tous ensemble sur les vagues gestuelles et musicales des ressentis, des émotions, et des sentiments.
La transe en dance!
Ici, je reprends l’écriture.
Merci à Bertrand Picard pour ses intuitions son ressenti, et son inspiration.
Comprendre les synchronicités nécessite concrètement, selon moi, de dépasser notre cortex moderne, notre appréhension analytique dichotomique, qui découpe chaque événement en de multiples sous-ensembles, soigneusement étiquetés, analysés, et reliés entre eux par différentes fonctions, choisies dans un éventail mathématique, physique, psychologique, philosophiques, …etc,
pour aboutir à la relation finale de causalité: ceci c’est produit maintenant parce que cela c’était produit avant. La fameuse causalité événementielle: la cause précède l’effet.
Depuis un an, la pratique de la méditation
– dans le vide – couplée à une technique respiratoire simple, me conduit le soir aux portes du sommeil, et provoque sur l’écran noir de mes yeux fermés, l’apparition de visions imagées, colorées, psychédéliques, et animées. Des hallucinations.
Plus surprenant encore, dans la pénombre de la nuit, allongé sur mon lit, mes yeux ouverts projettent sur le plafond ces visions animées, voire très animées, par une sorte de mouvement brownien, avec parfois une perception d’ondes en 3D. Et en même temps je ressents les activités, de mes neurones zone par zone, je scanne mon cerneau, comme lors d’une IRM.
Cool, non?
A force de m’observer, j’ai pris peu à peu conscience d’une autre manière de penser bien moins fatiguante: refuser clairement le cortex, et s’en remettre au subconscient qui déroulera ses algorythmes dédiés. A partir de questions clairement formulées par la pensée, et du cadre général contextuel globalement décrit (par exemple visualisé en un cliché), le subconscient me fournit en général une réponse dès le lendemain… ou bien quelques jours plus tard.
Sous forme d’une stratégie, correspondant à la vision d’ensemble de la solution, qui s’impose d’elle même.
Mais il faut, bien sûr avoir fait sa « demande à l’univers » (une métaphore) de manière claire, sincère et motivée.
Je reviendrai sur tout cela dans un chapitre ultérieur. Vous verrez ce n’est pas triste!
Alors que ce matin j’écrivais sur les motards et les trips « enduro » dans la brousse et les villages africains, cet aprés midi les deux derniers clients du restaurant que je squatte, pour la première fois, entament une discussion sur le moto-cross et l’enduro. Coïncidence, synchronicité.
Je me joints à eux, l’un a pratiqué, ces deux spécialités de longue date. Le moto-cross à Tahiti, l’enduro en France (ce qui n’est plus possible, depuis plus de 30 ans, la plupart des pistes forestières étant fermées au public). Il a roulé aussi dans le sable aux rallyes annuels de la plage du Touquet.
Pour lui l’enduro, sur piste à allure raisonnable, dans la nature, c’est 80% de technique et 20% de coronnès (sic), alors que le motocross, la piste sur un circuit, c’est 20% de technique et 80% de coronnès (resic)..
Mon Paris-Dakar.
Nous parlons un peu aussi du Paris-Dakar, c’est inévitable. .. Je n’ai pas fait le rallye, en totalité, mais un jour que nous allions assister à l’arrivée d’une étape pas loin de chez nous, au Mali, je m’étais positionné, pour rire, sans rien dire à personne, dans une profonde ornière, sur la piste, et me laissais conduire, épousant ses courbes, à bonne allure. J’étais donc, momentanément en tête de l’étape! Mes copains, positionnés un peu plus près de l’arrivée, n’en sont pas revenus quand attendant le champion Stephan Peterhansel, et concentrés sur le bruit de son moteur, ils m’ont vu passer devant eux, le premier de la course, en leur faisant coucou, le sourire aux lèvres!
Mais ça n’a pas duré longtemps, Stephane Peterhansel, le vrai premier, m’a vite rattrapé et en sautant à l’autre ornière, m’a dépassé sans encombre, en me gratifiant d’un signe amical de la main. (si la main n’est pas libre on écarte la jambe gauche, raide, de la carosserie).
Cependant les véhicules qui suivaient (ceux qui étaient en tête du classement et se battaient pour la victoire finale) ont fondu sur moi, comme la vérole sur le bas clergé; mais occupant les deux profondes ornières, ils n’en pouvaient sortir, donc ne pouvaient pas me doubler, à moins de me passer dessus. Soucieux de ne pas les retarder, j’ai foncé au plus vite de mes possibilités, espérant trouver tout de suite une échappatoire pour sortir de l’ornière, donc de la piste. Mais, ça n’a pas été si simple, et le temps que je dégage, je peux dire que j’ai eu la sensation de risquer ma vie, avec un de ces bolides à mon cul, ambiance de cris, insultes et vociférations, klaxons à fond mêlés au vrombrissement des moteurs. Je n’en menais pas large cramponné à mon guidon. Mes poursuivants n’appréciaient pas du tout, mais alors pas du tout, la plaisanterie car ils étaient en train de se faire remonter au classement général. J’avais aussi à l’esprit les morts parmi les populations locales, qui jalonnaient les précédents Paris-Dakar.
Et puis miracle, les ornières disparaissent, je m’écarte sur la droite et suis dépassé par une cohorte de prototypes en furie, sous les klaxons et les quolibets, affublé de tous les noms d’oiseaux.
Ouf, ils sont passés, je continue…c’est moins dangereux et je ne bloquerai plus personne…il n’y a plus d’ornières, juste du sable, ramolli par ceux qui m’avaient doublé; c’est pas facile, mais le sable mou, à moto, je connais bien, je le pratique tout les jours à Niamey et dans les environs. Il faut savoir que, dans les journaux, on accusait le Paris-Dakar de déstructurer et donc rendre impraticables toutes les pistes sableuses, où les bolides et les motos s’engagent, sans vergogne, à toute allure!
Le plus fort c’est que, passant la ligne d’arrivée, je suis enregistré comme concurrent de l’étape valablement arrivé en énième position. Ayant déjà assez foutu la merde sur le parcours, je ne veux pas en rajouter dans le classement! Je retourne donc sur mes roues, et je me présente au responsable, bien seul avec son registre sur la ligne d’arrivée. Il me raye de sa liste, et quoique valablement arrivé, me voilà valablement rayé.
En tout cas cette expérience aura été formidable, et intense. J’avais bien vécu l’instant présent, ici et maintenant. Un bon souvenir à l’heure d’écrire ma story telling.
Nous rejoignons le campement, y trouvons à boire et à manger, et même une petite place pour dormir, aprés avoir bien assimilé cette ambiance de camp ultra-moderne, peuplé par des Martiens aux vêtements bigarrés, au milieu du désert.
Nous sommes à Nema, près de la piste de l’aéroport, oû des avions attendent les stars qui recupèrent et mangent, puis prennent un avion, et couchent et dorment tous les soirs, en ville dans un hôtel confortable.
Pendant que les concurrents indépendants révisent leur motos et éventuellement font de la mécanique, remplacent des pièces défectueuses.. etc. et se couchent, pour certains, vers 2 heures du matin.
Justement le matin, réveil vers 5 heures pour le petit dej, la préparation, et le transfert vers la ligne de départ.
Imaginez la forme au réveil de ceux qui ont dû mécaniquer tard hier soir, aprés 500 km d’étape et avant 500 nouveaux km de piste et de sable, à parcourir sous le radieux soleil qui se lève! Et qui va taper dur. Dur,dur!
Non, le Paris-Dakar n ‘est pas une sinécure.
Définitivement pas un goûter de jeunes filles!
Nous y ferons encore une nouvelle visite, l’année prochaine.
Notre Paris-Dakar des copains
Oui, nous l’avons fait mais à notre rythme, sans faire la course; et ça n’a pas été si facile que ça! Nous étions un groupe d’une dizaine de motards de provenances diverses: pour moi le voyage partait de Hyères, prés de Toulon avec ma moto, Tenere 600 bien équipée, avec sacoche de réservoir, et un sac sur selle, à l’arrière. Je me suis gelé les mains, c’est douloureux, parce qu’on était en février, et que je n’avais pas trouvé de gants en soie, à mettre sous les gants de motard en cuir.
Je me suis arrêté à Sète, crevé et gelé, pour dormir dans le studio de mon fils, demi-tahitien, qui y faisait ses études de perliculture.
Le lendemain matin, rendez vous, ici à Sète, avec Marco, Jacques et Yves, tous trois sur motos, mais aussi Paul, un copain d’Yves en Peugeot 505, manifestement déjà bien rodée par des dizaines de milliers de km.
Yves, résident à Dakar était monté à Paris pour y acheter une moto neuve, puis l’avait l’avait confiée à un préparateur professionel pour l’enduro. Dans le dur et dans le sable. C’est bien ça qu’on allait trouver en Afrique! En partant de bonne heure, on a traversé la moitié de l’Espagne du nord au sud, puis l’autre moitié le lendemain, avec dodo à Tanger. On a bien profité de la soirée au 5/5 sur la plage, night club mais aussi restaurant bien connu pour son plat de moules, nettes et sans poils et son fameux « khaoui ».
Nous y avons lié connaissance avec des danseuses que nous avons ensuite invitées à l’hôtel, pour des danses du ventre, nettement plus engagées.
Qu ‘il est bon pour moi de me retrouver en terre d’Islam, dans toute sa musique, sa chaleur et sa sensualité.
Salam, Habibi Alil! I am coming back!
La tête dans le cul, le lendemain matin nous enfourchons nos motos, direction Fès ou nous avons rendez vous avec un autre groupe. Ça fait un bail que nous roulons sur le goudron, aussi Marco apercevant sur sa gauche une colline nue, débroussée, propice au tout terrain, s’empresse de s’y précipiter pour une séquence d’enduro.
Hélas cette colline est en fait un champ labouré et nous voilà en train de rouler perpendiculairement aux sillons, ce qui n’est ni facile, ni confortable. Et ce qui devait arriver, arriva: Yves et sa moto relookée s’affalent violemment par terre.
Il nous faut dégager Yves, qui se relève en claudiquant et se révèle incapable de remonter sur son engin. Yves embarque donc dans la 505, et gentiment me prête ses gants, nettement plus chauds que les miens. Après…je ne sais plus ce que nous avons fait de sa moto!
Toujours est-il que le soir, nous sommes tous à Fès où nous retrouvons Pierre Fazano arrivé tout seul de Dakar avec sa Susuki 600. L’équipe est maintenant au complet, mais Yves à un bras dans le plâtre. Il poursuivra donc dans la 505.
Le soir on discute du road trip du lendemain. Voilà ce qu’on a fait : le matin un petit tour à Ifrane, la station de ski de Fès, pour visiter un peu le Moyen Atlas, que nous traverserons pour atteindre Er Rachidia (nouveau nom de Ksar El Souk).
Quelques km vers le Sud et nous arrivons à Rissani. Il fait nuit mais nous devons continuer, jusqu’à Merzouga et ses fameuses dunes de sable. On nous conseille de suivre la ligne électrique.
Quelques kms plus loin en plein désert, nous tombons sur un enclos entouré de très hauts murs. On fait le tour et on finit par trouver l’entrée. C’est un hôtel. Après un coup de fil du gardien au boss, nous ne sommes pas sur sa check liste, mais il accepte de nous laisser entrer.
C’est un palais des mille et une nuits, habité par des touristes, qui justement sortent de table, pour continuer à boire du Champagne et à s’amuser.
Le patron nous reçoit, peut être un peu inquiet de nos mines patibulaires, burinées, mal rasées etc, et je n’ose dire….de nos odeurs!
Mais, comme on l’a lu plus haut, un trek enduro c’est pas un goûter de jeunes filles.
Sans parler des motos, des casques, des bottes et des gants.
Nous lui faisons des suggestions étranges auxquelles il n’est pas habitué: nous sommes huit ça coûterait combien de nous loger dans deux chambres? Malheureusement , comme par hasard, plus une chambre de libre dans cet hôtel de luxe. Mais il nous offre de remplir nos gourdes au robinet du jardin. Et un café bien allongé pour chacun.
Finalement, nous nous étions comportés en gentlemen, n’ayant pas ripaillé du tout et Marc n’avait troublé aucune de ces vestales qui se déplaçaient, évanescentes, parallèles à elles mêmes, à la recherche d’un infini, qu’elle espèrent là, à la lueur de la pleine lune, et tous les 90 ans à celle de la comète de Haley. « La torche électrique », comme l’appellent les Touaregs.
Et le patron, en offrant un café allongé à chacun, et en nous indiquant la piste, avait été sympa, s’étant ressaisit du flottement causé par l’arrivée inopinée de 8 martiens, sans réservations sur sa check-list.
Nous repartons vers Merzouga.
Disons que le bossman avait l’air soulagé.
Nous y arrivons, après quelques fausses pistes, puis en suivant une ligne électrique nous tombons sur « le café de la lune », petite maison au milieu des dunes et nous nous écroulons, épuisés sur une série de banquettes accolées aux murs et dotées de coussins confortables. Il y avait assez de place et assez de coussins pour nous tous. Le mâlem (patron) nous propose un bol de chorba à chacun et nous nous endormons dans nos sacs de couchage. Il est minuit.
Quatre heures du matin, un bédouin est en train de seller les dromadaires. Il faut s’y mettre de bonne heure car le spectacle, c’est le soleil se levant sur les dunes.
Quant à moi j’enfourche ma Ténéré 600 et j’attaque dans le sable. Je connais les dunes, en particulier celles de Merzouga et j’arrive à m’y promener sans trop de problèmes; passant dans les sillons que laissent les dunes entre elles, ou bien montant leur pente adoucie sous le vent, à toute allure, vers la crête et me laissant glisser de l’autre coté, sur la pente au vent presque abrupte, en entraînant dans ma glissade des masses de sable.
Un vrai plaisir, 50% de plaisir, 50% de coronès!
Puis je rejoins le groupe qui s’est éveillé et déguste du pain et du fromage en buvant un délicieux « tchei nana » versé d’une sublime théière selon un rituel consommé.
Puis c’est le départ, ce soir nous serons à Marrackech. …Mais nous ne doutions pas encore vraiment de ce qui nous attendait.
Partant de Er Rachidia, nous roulons groupés en longeant par son côté Sud la chaîne montagneuse de l’Atlas. La route n’est pas large, mais elle est goudronnée et en bon état, nous roulons donc 2 ou 3 heures, et arrivons à un croisement. Pour aller à Marrakech il nous faut maintenant tourner à droite et grimper, en moto, vers le col du Tizintest, que nous devrons redescendre ensuite pour atteindre la ville rose à 100 km environ.
Mais nous n’en sommes pas encore là.
Il n’y a plus de goudron, nous retrouvons la piste. Et c’est ça qu’on aime: 50% de technique et 50% de corones!
On laisse sur notre gauche la Kasba des Aït Hadidou, en ruine certes, mais encore très spectaculaire avec ses palais et ses tours crénelées. De nombreux films y ont été tournés.
Juste après le village, première difficulté. Une large rivière à passer. Je la connais, je l’ai déjà traversée, mais c’était pendant l’été, elle était presque à sec. Alors que maintenant, au printemps, c’est la fonte des neiges, elle charrit un bon débit et on a de l’eau jusqu’aux genoux. Du coup, on ne voit plus rien en dessous. La méthode la plus sûre, nous paraît être de s’y mettre à deux pour pousser et tirer chaque moto, l’une après l’autre. Cela prend beaucoup de temps et pas mal d’énergie pour passer toutes les bécanes.
Après un petit repos où on grignote quelques barres d’énergie, nous voilà repartis, sur une piste en fort mauvais état. Des trous, des bosses et des ornières…
Avec des passages rocheux, étroits, donc dangereux qui longent des vallées assez larges ou sont construits de nombreux villages. Nous avons lu qu’au fond de cette vallée se trouvaient des mines de sel, exploitées au moyen-âge par la famille du Glaoui de Marrakech, famille rivale de celle des Alaouites. D’ailleurs on nous avait recommandé de visiter l’actuel Glaoui, destitué et exilé par Hassan II; il y vivait dans la misère depuis des années, sans jamais en sortir, et guidait les touristes, venus visiter son antique palais, pour quelques dirhams. Cette visite faisait donc partie de notre programme.
Pendant notre progression laborieuse sur cette piste, la nuit commençait à tomber, et la neige aussi!
https://youtu.be/qJAtHs6sPSc
La protection que mon blouson me procurait était largement insuffisante. Je commençais à tousser, à renifler, à éternuer. En même temps, je m’affaiblissait. Nous pensions être à proximité du col, lorsque nous apercevons une longue file de camions, stationnés, sur le bord de la route, coté montagne. On descend des motos et on va au renseignement:
« Il y a un éboulement qui coupe la route, au dessus. Impossible de passer. »
« Oui, je comprends, et vous en avez pour lontemps? »
« Nous certainement, aujourd’hui c’est dimanche et nous ne trouvons personne pour nous répondre au service desTravaux Publics de Marrakech. Demain vers 10 h, on pourra les atteindre. Après le temps qu’ils s’organisent, vérifient les niveaux des engins et se mettent en route, ils ne seront pas là demain soir. Le temps de déblayer l’éboulement, prendra encore une journée.
Faites le compte, nous somme là quasiment pour toute la semaine ».
« Oui, mais nous avec nos motos on pourrait peut être passer ».
Alors moi je suivais cette discussion en craignant le pire: rien à manger, rien à boire, rien où dormir, impossible de redescendre à cause de l’essence. On allait pas tenir une semaine comme ça!
Fallait trouver une solution. D’abord aller voir les éboulis!
On monte donc à pied, le long de la file de camions bloqués et on arrive à l’éboulis.
Un grosse masse de terre et de rocher.
A première vue impossible de passer! Cependant en y regardant mieux on réalise qu’un petit torrent a commencé à tracer un chemin dans la masse des éboulis, pui un autre écoulement a fait de même quelques mètres plus loin, puis encore deux autres et là nous venions de traverser à pied, la largeur complète da la masse éboulée.
Il suffirait de creuser entre chaque petit torrent, et en poussant par derrière et tirant par devant, nos bécanes pourraient bien passer.
Des pelles et des pioches nous été prêtés par les routiers, qui ont aussi mis la main à la pâte. En un heure un passage étroit était réalisé. Après nombre de chauffeurs sont venus nous aider à pousser les motos. Et finalement, une fois la première passée, sous les hourras de la foule des participants, on est redescendu chercher les autres motos et les camionneurs nous ont aidés jusqu’au bout. Moi, exténué, je suis passé le dernier, grelottant de froid et de fièvre, les bottes dans la neige fondue.
On remercie chaleureusement les routiers si sympas on se sert les mains, et on se sépare. Il on refusé l’argent que nous leur proposions en compensation.
« Schoukran, Slama krouia, slama, baraka Allah oufik..:
« Allah i bareck, Mabrouk, inch’Allah….. » »
Nous remontons humides de sueur, les pieds gelés dans nos bottes humides, et moi dans un très mauvais état, je fais comme les autres, ma moto démarre et nous montons tous l’un derrière l’autre.
Le col n’est pas loin nous l’atteignont aprés un quart d’heure supplémentaire de galère.
Ça y est, nous y sommes, nous entrons dans un fondouk surchauffé (hôtel étape pour voyageur), on nous amène des bols de chorba boulliantes (soupe de pois cassés).
Le moral remonte mes copains allument des clopes, tirent des joints, et au bout d’un moment, Marc propose de descendre à présent sur Marrakech, il y en a pour une heure et demie de route.
Je refuse carrément: « J’ ai besoin de dormir avant de repartir. Un gars m’a dit que je pouvais dormir ici, et il me prête un coussin et une couverture berbère ».
« OK. On t’attendra demain à l’hôtel »
J’ajoute: « Rendez vous à l’hôtel des belges ».
« D’accord demain, hôtel des belges. Allez, on y va. »
Ils payent pour la chorba, ouvrent la porte et disparaissent dans la nuit glacée.
Le temps passe, je récupère, je me sens mieux, je vais y aller. Je prends un journal qui traîne, le glisse sous ma chemise, paye la chorba, encore un peu de khalis pour le coussin, la couvrante et la couverture. Je salue tout le monde, on me souhaite la Baraka. Merci.
Ma moto démarre sans problème, et j’amorce la descente, en pensant que seul sur cette route, la nuit, j’en ai bien besoin de cette Barraka. J’ouvre du poignet….Inch Allah!….
Le plus fort c’est que je suis arrivé à l’hôtel des belges – celui des routards, et des motards – avant les autres. Marco qui disait connaître l ‘endroit ne le connaissait pas, et le groupe tournait dans Marrakech, depuis un bon moment. Finalement ils arrivent juste après moi, lorsque je rentre ma moto au parking.
Bon, tout le monde est crevé, et personne n’a envie d’aller boire et danser. D’ailleurs il est trop tard, 4 heures du matin., pour ceux qui voudraient chercher la bonne aventure.Les jeux sont faits. Tout le monde se dirige vers le lit.
Marrakech
La matinée est paisible: on flâne en ville, on va au restau se taper des pizzas avec une bouteille de vin; mais on est obligé de se cacher dans l’arrière-boutique pour consommer des boissons alcoolisées. Il n’y a jamais de femme dans ces bistrots.
L’après midi on se repose encore des fatigues de la veille. Quant à moi j’ai carrément un début de grippe. Après on fait un petit tour à la place D’jema el Fnaa, et on va se coucher de bonheur.