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Ma vie de 50 à 75 ans

6Vers 3h du matin, mon avion, se pose à Bamako. Un jeudi, dans la nuit.
Je suis chargé, avec ma valise, mon ordinateur et ma sacoche en bandoulière. Nanti des documents et références indispensables, je passe la douane à l’aise.

M. Vitsoa, un ingénieur diplômé de l’école polytechnique, également chef de projet chez Louis Berger, m’attends à la sortie et, après les politesses d’usage, nous nous dirigeons vers l’hôtel international, où ma chambre est réservée. Je me présente et me déleste de mes bagages. Puis nous allons boire un café ensemble. Cet accueil, bien organisé, m’est très util, car je ne connais rien du Mali, où pour deux ans je vais refaire ma vie, personnelle et professionnelle.
Après une petite heure de briefing, fatigué par le vol nocturne, je remercie cordialement M.Vitasoa de son acceuil et je me dirige lentement vers ma chambre où je m’écroule anéanti pour un bon sommeil réparateur.
Sur mon appel un chauffeur m’y rejoindra.
Sinon, demain matin, vendredi, il sera à ma disposition à l’hôtel, dès 8 heures.
Ce vendredi commence à la banque, pour ouvrir mon compte personnel, et le compte projet dont, a midi, je faxe le Kbis à Paris. Notre mission commence officiellement lundi, Lenorcy fera le déplacement pour ma présentation officielle à la Société Nationale des Eaux du Mali (la SNE). Je lui remettrai alors l’original du Kbis, document essentiel pour présenter notre facture No1, la demande de l’avance de démarrage.
Il est aussi prévu une visite à la représentation locale du bailleur de fonds: l’AFD, Agence française de développement.

Ma nouvelle mission:
A BAMAKO
Réhabilitationet extension de la STEP (100.000 m³/jour). Réservoir de Badalabougou (18.000 m³).

À MOPTI-SEVARE
Réalisation d’une adduction entre la station de traitement de Mopti, et Sévaré et d’un réseau de distribution d’eau à Sévaré.
.
A TOMBOUCTOU
Réalisations de forages, réfection et extension du réseau de distribution d’eau existant, et construction d’un château d’eau de 900.000 litres à 20 m. de hauteur.

Nos bureaux tout neufs, construits et équipés par l’entreprise en charge des travaux, sont d’ores et déjà disponibles.

Ma maison
Pendant le week-end, je pars me promener aux environ de Bamako. Nous longeons, vers l’amont, le cours du fleuve. Pourquoi pas? Chemin faisant, j’explique au chauffeur que je suis à la recherche d’un logement. « Patron, je peux vous montrer quelque chose? » OK.
Il m’emmène alors, quelques kms en amont, et bifurque pour prendre une piste qui nous mène tout droit vers le bord du fleuve. Elle aboutit à un portail; le gardien se lève, nous ouvre et nous invite à le suivre. Il marche devant notre voiture. Nous traversons une belle propriété, partiellement cultivée, et enjolivée par des arbres à fleurs odoriférantes.
Nous parquons, et nous dirigeons vers la porte d’entrée de ce qui semble être le bâtiment principal. Le gardien sélectionne la bonne clé, noyée dans son trousseau. Il ouvre la porte, et là, Whaou! c’est une magnifique vue qui s’offre à mes yeux, à travers une grande baie vitrée: Large, puissant, majestueux, le fleuve Niger s’écoule devant nous en silence. De plein pied, une grande terrasse carrelée, offre en son centre une vaste piscine, où nagent grenouilles et canards sauvages. Des fleurs et de la verdure partout! Quel contraste avec la poussière aride, de la piste !
De grandes pirogues colorées se laissent descendre le courant, d’autres le remontent en poussant sur de longues perches.

(Ndrl): Les maliens de l’ethnie Bozo, sont les seuls autorisés à trafiquer sur le Niger: pêche, pissiculture, extraction et transport de sable du fond du fleuve, transit de passagers, d’une rive à l’autre..etc.
Ce trafic prospère durant la saison sèche, lorsque le courant l’autorise. Pour le remonter, les longues pirogues sont alors propulsées vers l’avant par un perchiste, debout en équilibre sur le plat bord de sa pirogue, qui pousse en marchant vers l’arrière et la fait ainsi défiler sous ses pieds, vers l’avant. Puis finissant par se retrouver à la proue, il doit alors remonter vers l’avant, sa perche à la main, et une fois arrivé sur la poupe, il refait le même manège…etc.
Par contre lorsque la brise est favorable des voiles en toiles de jute gonflent sous le souffle du vent arrière.

Sur la gauche de la terrasse est aménagé un petit port, avec un quai incliné à 45⁰ , ce qui permet une adaptation aux variations saisonnières du niveau des eaux.
Il y a dans ce petit port de la place pour un speedboat, petit bateau à moteur et un hobie-cat, petit bateau à voile.
En s’avançant sur la terrasse on tombe à main droite sur une sorte de zoo, sans barrières, avec des animaux sophistiqués: paons multicolores, biches naines, grues argentées, toucans….
Et, avec le recul, on découvre derrière les trois bungalows d’habitation un mini-terrain de football, bien délimité à la chaux avec ses deux cages et un éclairage par projecteurs pour la nuit. La partie habitée de la propriété dispose aussi de nombreux luminaires, sphères rondes et blanches.

Nous étions rentrés par le bungalow central, qui abrite outre le living room, complété par cuisine et salle de bain.
Puis on me fait visiter, à droite et à gauche, deux bungalows, de section ronde, comprennant chacun deux chambres meublées (kitch) et climatisées, avec salles de bain. Je remarque au passage que portes et fenêtres sont en tôle roulée épaisse, avec de très solides verrous.

Quatre chambres et quatre salles de bain, voilà qui devrait faire l’affaire pour un modeste couple comme Bintou et moi-même.

L’ alimentation électrique de l’ensemble provient d’un groupe électrogène, avec une cuve fermée, réserve de gas-oil.
Un puits a été creusé à proximité, pour l’alimentation en eau des bungalows. L’exhaure de l’eau s’effectue à partir d’une pompe immergée conduisant vers un réservoir surélevé, haut perché.
C’est finalement une version améliorée de la case de Robinson et Vendredi, loin de tout certes, mais entièrement autonome.
Pour moi, séduit par cet ensemble cohérent, je vais réaliser un rêve d’enfant en louant cette propriété. Avec tout le personnel qui s’y rattache (le gardien, sa femme et ses enfants veillent sur la sécurité, entretiennent les lieux, et gèrent le groupe électrogène et la pompe immergée). A la fin de la visite, le gardien me passe son téléphone: il est en ligne avec Karunga, le propriétaire! Bon, ça va vite! J’aime ça.
Peu après Karounga nous rejoint et me fait une proposition chiffrée, tout en faisant remarquer que le prix normal de location d’un tel ensemble serait normalement quatre fois supérieur au loyer qu’il me consent. Merci beaucoup, Karounga, pour cette réduction de 75%! Je suis preneur. Le loyer et le gardien seront payés par mon employeur LBII. C’est dans mon contrat.

Voilà en peu de temps j’avais bien progressé, sur le plan de mon installation au Mali.

Les véhicules
Parallèlement j’engageais l’achat de mon véhicule, en me rendant chez le représentant de la maison Toyota. Il me fallait impérativement un 4×4 dernier cri car si dans le centre ville quelques artères sont goudronnées, dans les quartiers les rues ne sont que de méchantes pistes, sur lesquels les véhicules zigzaguent, à vitesse réduite entre les bosses et les trous. Et pendant la saison des pluies, en l’absence d’infrastructure d’assainissement, la situation est bien pire, puisque toutes les voies de circulation sont inondées. Telle était la situation, il y a 25 ans, dans la plupart des capitales africaines.
L’importateur m’avise, qu’il a en commande un lot de camionettes Toyota Hilux, le modèle que je connais bien, dernière version. Mais il me faudra patienter un mois. OK, je réserve mais en insistant sur la nécessité de me bloquer absolument ce 4×4, dont j’aurais d’ici là, un besoin impérieux pour le chantier de Tombouctou.
Pour mon usage personnel je prend possession d’une conduite intérieure, une « Corrola », évidemment toute neuve, et disponible sur le champ.
Pour mes collaborateurs appelés à se déplacer à Bamako, et à Mopti/Sevare, un troisième véhicule, du même modèle, conviendra. Évidemment, je discute les prix, je marchande, et j’obtiens pour cette commande groupée, une substantielle remise, avec un échéancier de paiements échelonnés sur six mois. Je fais un chèque pour les deux Corollas, mais pour le 4×4 on attendra la livraison.

On voit donc qu’à chaque début de mission, les frais de démarrage sont conséquents.. Normalement, ils sont couverts par la fameuse « avance de démarrage, » en gros 15% du montant total de notre contrat.

Mon équipe.
Quant à mes contrôleurs de chantier, et aux agents administratifs, ils seront fournis, après examen attentif de leurs CV , par notre partenaire, un bureau d’études local. Cependant, il nous manque un technicien en génie civil. Je téléphone derechef au Niger, à Moussa Ziaroumey – nous avions travaillé ensemble à Niamey – qui est disponible et rejoindra sans délai Bamako, après une petite négociation sur son salaire.
Vite fait bien fait, notre équipe est à présent opérationnelle.

Moussa.
Moussa est un grand saï-saï.Au Sénégal, en wallof, c’est un peu un voyou, un plaisantin, aimant s’amuser et profiter de ce cadeau divin: la Vie! Olé!
Moussa est ingénieur en Génie-civil et j’ai bénéficié de ces compétences deux ans auparavant au Niger.
Mais, après son arrivée au Mali, égrainant nos souvenirs, il m’a fortement surpris en m’expliquant et en illustrant, preuves en mains, la manière originale et très spéciale, qu’il avait enseignée à notre secrétaire, pour faire des photocopies originales, recto/verso avec notre Rank Xerok à plateau coulissant. Manièrej qui ne manquait pas de culot.
Du punch, du culot et de l’humour!
– Demander à la secrétaire de se déculotter.
– Placer la photocopieuse par terre.
– Photocopie RECTO: La secrétaire se place bien droite devant la phocopieuse. Puis elle avance et enjambe le plateau, un pied à droite, un pied à gauche.
– Se tenir accroupie au dessus et au milieu de la machine, avec les jambes repliées, et les fesses à une hauteur proche du plateau.
– Ne plus bouger.
– Demander à Moussa d’appuyer sur le bouton de démarrage. La photocopie sort sur le devant de l’appareil. L’effet est saisissant!
– Photo VERSO: Encore plus fort: la secrétaire s’asseoit sur le plateau coulissant. Moussa appui sur le bouton. J’ai vu les originaux, l’effet est très, très réaliste.
Quel punch, quel culot, quel humour!

Je sors de 16 minutes d' »hyperméditation » guidée par Lus Bourdin. De l’hypnose verbale, musicale et finalement mentale.
Ça m’a vraiment décontracté, tous les muscles de mon corps et aussi mes organes internes qui continuent de gargouiller, un quart d’heure après. En revenir doucement demande de rester au calme, encore quelques minutes. Et puis, dans le bien-être je reviens vers mes écritures. Et ce que je vais raconter maintenant, n’est pas dès plus agréable. M’a bouleversé, et 25 ans après me bouleverse encore à présent.

Pauvre petite fille
Il est midi à Bamako. A l’appel du muezzin, du haut du minaret les fidèles convergent vers la grande mosquée. Après les ablutions, les premiers rentrent à l’intérieur, mais beaucoup restent alignés dehors, faute de place. Agenouillés sur leurs petits tapis de prière, ils se livrent la prière rituelle:

« Allahou akbar, Allahou akbar, Allahou akbar ». « Ach-Hadou ane lâ ilâhailla lahou wa ach-hadou anna Mouhamadame rassoulahi ».

C’est à dire:
« Dieu est grand » (3 fois).
Je témoigne qu’il n’y a de Dieu que Dieu, et que Mohamed est son prophète ».

Alors que les croyants se relèvent et se dirigent vers leur maison, pour y prendre le repas, je commence le mien, puis repu je m’apprête pour une bonne sieste.

Sans que je le sache, ici et maintenant, mais aussi ailleurs et maintenant le Destin se met en place, irréversiblement.

Ici, à la maison, arrive mon ami Peter, qui me demande si je peux l’accompagner en voiture à l’aéroport. Au même moment, ailleurs, une famille de musulmans wahabites termine son repas.

Nous montons dans ma voiture et rejoignons la route nationale qui mène à l’aviation. Ailleurs, mais déjà plus près, deux enfants reprennent leurs jeux autour de leur maison.

Je roule sur la nationale, à double voie, elle est déserte. Mais, jetant un coup d’oeil sur le tableau de bord, je réalise que je roule bien trop vite, au dessus de la vitesse limite autorisée. Je commence à freiner progressivement pour réduire ma vitesse.

Ailleurs, de plus en plus près de moi, un jeune frère, poursuivi par sa petite sœur grimpe sur le talus de la route nationale et en traverse les deux voies en courant.

Je le vois traverser loin devant moi, il est déjà de l’autre côté. Soudain sa petite sœur surgit hors du talus et, à sa poursuite, traverse la route en courant, droit devant, sans regarder ni à droite, ni à gauche.

Je freine à fond, part en zigzag, relâche un peu, refreine, essaye de l’éviter à gauche, non! à droite, ….et c’est le choc! Le destin a frappé! La fillette se retrouve allongée sur le capot. J’essaye de ralentir progressivement pour ne pas la faire tomber devant, et je finit par m’arrêter ce qui provoque sa chute du capot.
Je descends, m’approche d’elle, mais je décide de ne pas la bouger, comme comme on nous le répète en France dans de telles circonstances.
Une petite foule, qui grandit vite, s’agglutine autour de la voiture. Je ne suis pas rassuré car les accidents mortels, sur la route, se terminent souvent en afrique par le lynchage du conducteur.
Peter sort de la voiture, me disant quil va prendre un taxi.
Néanmoins je prends la parole et exprime ma désolation. Et puis l’enfant est vivante, Dieu est grand! J’explique que je vais à l’hôpital pour chercher une ambulance, je ferme ma voiture à clé et demande quelqu’un pour la garder. Un adulte propose plutôt que je la prenne avec moi et l’emmène tout de suite à l’hôpital. Je lui explique : on ne la touche pas, je vais chercher une ambulance. J’arrête un taxi..à l’hôpital on me dit qu’on va envoyer l’ambulance sous peu à l’endroit indiqué. Le temps que j’y retourne, il n’y a plus personne, sauf un gars tout seul: ils ont transporté de leur côté la victime à l’hôpital, et ce mec me dit:  » tu n’es qu’un salop, tu es parti en laissant la petite gisant sur la route ». J’avais déjà expliqué, je recommence, mais il n’en démord pas! Je le retrouverai comme témoin au procès.
Je monte dans ma caisse, et retourne chez moi. Je préviens Bintou, la laisse bouleversée, pour me rendre chez Karunga et lui expliquer la situation. Il va s’en occuper. Ensuite je file en vitesse à nos bureaux, à la station de traitement, et je préviens mon équipe. Ils m’apprennent, que je risque la prison, dès ce soir et jusqu’au procès. Je téléphone à Paris, pour prévenir mon employeur.
Puis je cherche à rencontrer le Directeur de l’eau, mais il est absent. Que faire? Je retourne à la maison, je retourne voir Karunga, qui prends l’affaire en main, mais me conseille d’appliquer sans défaut la coutume. D’ailleurs Bintou et la cuisinière sont déjà occupées à préparer un repas pour la famille de la petite fille. On sait qu’ils vont s’installer sous le grand manguier dans la cour de l’hôpital. Bintou, a proposé, c’est l’usage et elle le sait, de leur apporter la nourriture, jour et nuit, elle parlera avec eux, elle participera aux prières…Elle est bouleversée et répète à qui veut l’entendre, que si l’on me mets en prison, elle y entrera avec moi.
Puis je me rends à l’hôpital, avec elle, chargée des premières victuailles, pour prendre des nouvelles de la petite. Il est tard, les médecins, sont partis mais elle a été admise aux urgences. On en saurra plus demain. Je demande à la voir, elle est dans une enceinte transparente aseptisée, inconsciente, couverte de fils et de tubes. Que faire?
Aller voir ses parents et exprimer mes regrets. Ils sont musulmans wahabites, et pour eux plus que tout autre, cet accident est l’expression de la volonté de Dieu, ce qui, dans leur foi, revient à dire que ce n’est pas de ma faute, c’était son Destin.
Je prends congé. Bintou reste avec eux, un chauffeur l’attendra. Il est tard, je rentre chez moi et je m’endors avec le pressentiment que c’est peut être ma dernière nuit, en liberté, avant longtemps.

Le lendemain matin, je retourne aux urgences et rencontre le médecin.
 » L’enfant est gravement touchée, elle peut mourir d’un instant à l’autre, et si elle survit, ce sera à l’état de légume ».
Je retourne voir Karunga qui m’informe que tant que la fillette vivra, je ne serais pas inquiété. Si elle meurt ils verront.
Mais il reste confiant, car il sait que la SNE va me soutenir.
Voilà trois jours et trois nuits se passent, Bintou assure les repas, participe aux prières, fait des sacrifices (elle offre de la viande crue aux pauvres). Elle a décidé, par pure compassion, de passer ses nuits sous le grand manguier avec la famille de la petite. A leur invitation nous partageons la prière du soir. Je passe chez les infirmières tous les matins pour avoir des nouvelles.
Les parents ne demandent aucune indemnisation, aucun don. Par contre, un des leurs, me demande: je lui donne quelques milliers de francs CFA. Sa famille, lorsqu’elle l’apprend lui reproche vertement cette démarche, et vient l’excuser auprès de moi!
Le quatrième soir au matin, une infirmière m’annonce que la petite est morte dans la nuit. Je crois qu’on avait tous compris que ça allait finir comme ça. Son malheureux destin s’était accompli….
Après une dernière prière avec la famille et Bintou, je me rends à une agence de voyage, une place est disponible sur le vol de 13 heures à destination de Paris. Je prends par habitude un aller-retour (c’est pas plus cher qu’un aller simple) et je rentre à la maison. J’explique à mon fils que je rentre en France, et franchement je ne sais pas si je vais revenir. Je lui laisse une somme conséquente pour voir venir.
Et je m’envole, sans être inquiété vers Paris.
Chez Louis Berger, Le Norcy comprend ma situation, il compatit, ce problème est récurent, et il me conseille de prendre quelques jours de repos, de réfléchir, puis de revenir le voir pour lui donner ma décision. Retourner au Mali, ou rester en France? A moi de voir.
Pour prendre ma décision, il faut que je me renseigne sur l’évolution de ma situation à Bamako. En fait, rien ne se passe, c’est évident, ce n’est pas mon départ précipité, effectué dans l’indifférence générale, qui va faire chuter le gouvernement !
Mais je suis anxieux et je veux en savoir plus! Qui devrais-je contacté pour avoir des infos sur mon dossier, si dossier il y a?

Et me revient en mémoire, un repas récent à la maison, auquel nous avions convié la tante de Bintou avec son mari. Sa tante, nigérienne comme elle, était à Bamako, depuis des années. Elle dirigeait, à présent, une ONG humanitaire, qui s’occupait de l’alimentation en eau potable des villages. Un sujet, on s’en doute qui m’intéressait tout particulièrement. Et la discussion venait en particulier sur une pompe manuelle que son ONG avait conçue et qui donnait satisfaction. Elle en avait ainsi installé une, depuis longtemps sur un forage, à proximité de Bamako. Son ONG avait de temps à autre des contrats avec l’administration…
Puis la discussion était venu sur son mari, malien, inspecteur de police à la retraite. Il nous apprend qu’il avait été très proche de Moussa Trore, l’ancien président du Mali. Il l’accompagnait, à l’époque, dans tous ses déplacements au Mali, mais aussi à l’étranger. Il était en effet le Porteur de valise! « Ah oui, mais quelle valise? ».
« Et bien une valise toujours pleine de gros billets de banque! ». Quelques explications:
En 1960, après les indépendances, les nouveaux présidents des pays africains ignoraient les banques, mais avaient tous de gros paquets d’argent liquide conservé en tas dans une pièce du palais, fermée à clé, cela va de soit. En prévision de coup dur (un coup d’état, par exemple), une autre réserve, ultra-secrète celle là, était placée dans un coffre, enterré dans le jardin, en un lieu ultra-secret que seul le président et le jardinier connaissaient.

Mais, revenons à nos moutons. Avec son métier de porteur de valise, le mari de la tante de Bintou, faisait parti de tous les cortèges qui accompagnaient Moussa Traore dans ses déplacements. diplomatiques. Et il en était toujours très proche.
Cette proximité lui a valu de passer, après la mort de Traore, sept ans en prison, en plein désert, en plein soleil, du matin jusqu’au soir: il n’y a pas d’ombre à Taoudenit, dans le désert du Nord du Mali.
De retour de prison, il était réhabilité, et nommé inspecteur de police.
Je lui téléphonais donc de Paris pour mon affaire. Il se renseigne et me rappelle, le lendemain. Selon lui aucun problème, je peux revenir et lui même viendra m’accueillir à l’aéroport.
Très bien, merci. Je décide donc de revenir et de reprendre mon job à Bamako, et à l’arrivée, avec mon inspecteur nous passons sans difficulté, la police et la douane.

Les black dollars

Il faut savoir aussi que la CIA américaine, à l’avènement des indépendances avait trouvé judicieux de s’adjoindre comme partenaire, dans plusieurs pays, le président. A ce titre, ce dernier recevait des fonds, par envoi de dollars, dans un coffre blindé spécial aux armoiries de la CEA, avec un aigle en laiton sur le couvercle (J’en ai tenu un dans mes mains). Ce coffre était protégé par une serrure codée, et si quelqu’un parvenait à la forcer, un dispositif spécial déversait à l’intérieur une encre noire indélébile sur les billets verts, du coup banalisés et inutilisables (j’en ai tenu un dans mes mains). Ces billets, c’étaient les « blacks dollars » d’une valeur nulle.
Le jardinier du palais présidentiel était chargé d’enterrer les coffrets de la CIA, quelque part, dans le jardin du palais. Ça finissait par faire pas mal de fric sous le gazon! Et le jardinier devenait quelqu’un de très important au palais! C’était cependant une position délicate, car s’il perdait la confiance du président, il était exécuté.
En contre-partie en cas de coup d’état il était choyé, car lui seul savait ou était le magot. Magot souvent gâché par le jardinier lui même, pour avoir essayé en secret, dès la chute de son président, d’ouvrir le coffret avec les moyens du bord (barre à mine, lourde masse, scies..etc). Ainsi naissaient les black dollars.
Le jardinier dépité par cet échec essayait alors de vendre ses blaks dollars, pour un somme modique, comparée à la valeur nominale escomptée des billets, une fois lavés.
Et les toubabs avaient trouvés le moyen de laver les black dollars. Grâce à un « produit miracle, le mercure rouge! ».
En cours de séances de musculation, invité par Peter, je l’entendais souvent parler à voie basse avec un libanais, aussi musclé que lui, de cette histoire de mercure rouge et de billets noirs. Jusqu’au jour, où par curiosité, ou par appât du gain, c’est moi qui abordait le sujet avec lui. Il me suggérait, si j’avais de l’argent de l’investir dans l’achat des blacks dollars et du mercure rouge.
Je lui demande comment on lave les black dollars. Il m’explique. Tu tends une corde à linge, dans une chambre à l’intérieur de ta maison. En dessous tu disposes une table, ou simplement une planche de la même longueur.
Et tu déroules un rouleau de coton sur sa surface, juste en dessous du fil.
Aprés tu accroches chaque billet avec une pince à linge, sur la corde.
Puis tu prends ta bouteille de mercure rouge et tu verses pour imbiber toute la longueur du coton.
Les vapeurs de mercure montent et nettoyent les billets, la couleur noire disparaît et tu deviens fou en contemplant tous ces billets de 100 dollars tout neufs!
Attention, c’est dangereux, il faut faire ça tout seul. Il y en a qui perdent la tête en voyant toute cette fortune. Y a déjà eu des morts à Dakar, entre français et libanais!
De plus il faut être discret, la police fait la chasse aux black dollars. Tu pourrais être accusé d’être un faux moneyeur. Ne mets jamais tes mains dessus, prend les gants roses, c’est mieux: pas d’empreintes, et ça te protège du mercure.
Bon je lui remets 500.000 CFA, il va acheter les blacks dollars et il viendra avec demain. Le lendemain , il arrive avec une petite liasse de blacks dollars, et il est accompagné d’un goûteur. C’est ce dernier qui va vérifier l’authenticité des billets. Il passe sa langue sur trois d’entre eux, et acquiesse: c’est ça le bon goût!
Bon, ça va, tout le monde est content.
Et maintenant Peter tend la main vers moi: l’argent pour le mercure rouge et mon déplacement à Abidjan. Je paye. Et Peter avant de partir pour La Cote d’Ivoire, passera chez moi pour y déposer un sac plein de black dollars, non seulement ma part, mais aussi son propre stock qu’il ne veut plus conserver chez lui! OK, no problem.
Bizarrement, il revient une heure après et me rend les billets CFA, en me demandant de faire un chèque. Pourquoi? Je ne m’en souviens plus. Le soir même, de retour du cinéma, je trouve dans ma salle de bain, un sac rempli de billets enveloppés dans du papier chocolat. Mais le sac repose dans une mare d’eau, à côté du lavabo qui déborde. Je ferme le robinet et je vais dormir. On verra demain.
Le lendemain, dimanche, je vide son sac et constate qu’au fond, il y a beaucoup de paquets mouillés. J’enlève les petits paquets, je les ouvrent et je mets les black dollars à sécher. Il y en a plein la salle de bain. Si un inspecteur arrive il m’arrête sur le champ! Et en plus il y a mes empreintes sur les black dollars.

6Vers 3h du matin, mon avion, se pose à Bamako. Un jeudi, dans la nuit.
Je suis chargé, avec ma valise, mon ordinateur et ma sacoche en bandoulière. Nanti des documents et références indispensables, je passe la douane à l’aise.

M. Vitsoa, un ingénieur diplômé de l’école polytechnique, également chef de projet chez Louis Berger, m’attends à la sortie et, après les politesses d’usage, nous nous dirigeons vers l’hôtel international, où ma chambre est réservée. Je me présente et me déleste de mes bagages. Puis nous allons boire un café ensemble. Cet accueil, bien organisé, m’est très util, car je ne connais rien du Mali, où pour deux ans je vais refaire ma vie, personnelle et professionnelle.
Après une petite heure de briefing, fatigué par le vol nocturne, je remercie cordialement M.Vitasoa de son acceuil et je me dirige lentement vers ma chambre où je m’écroule anéanti pour un bon sommeil réparateur.
Sur mon appel un chauffeur m’y rejoindra.
Sinon, demain matin, vendredi, il sera à ma disposition à l’hôtel, dès 8 heures.
Ce vendredi commence à la banque, pour ouvrir mon compte personnel, et le compte projet dont, a midi, je faxe le Kbis à Paris. Notre mission commence officiellement lundi, Lenorcy fera le déplacement pour ma présentation officielle à la Société Nationale des Eaux du Mali (la SNE). Je lui remettrai alors l’original du Kbis, document essentiel pour présenter notre facture No1, la demande de l’avance de démarrage.
Il est aussi prévu une visite à la représentation locale du bailleur de fonds: l’AFD, Agence française de développement.

Ma nouvelle mission:
A BAMAKO
Réhabilitationet extension de la STEP (100.000 m³/jour). Réservoir de Badalabougou (18.000 m³).

À MOPTI-SEVARE
Réalisation d’une adduction entre la station de traitement de Mopti, et Sévaré et d’un réseau de distribution d’eau à Sévaré.
.
A TOMBOUCTOU
Réalisations de forages, réfection et extension du réseau de distribution d’eau existant, et construction d’un château d’eau de 900.000 litres à 20 m. de hauteur.

Nos bureaux tout neufs, construits et équipés par l’entreprise en charge des travaux, sont d’ores et déjà disponibles.

Ma maison
Pendant le week-end, je pars me promener aux environ de Bamako. Nous longeons, vers l’amont, le cours du fleuve. Pourquoi pas? Chemin faisant, j’explique au chauffeur que je suis à la recherche d’un logement. « Patron, je peux vous montrer quelque chose? » OK.
Il m’emmène alors, quelques kms en amont, et bifurque pour prendre une piste qui nous mène tout droit vers le bord du fleuve. Elle aboutit à un portail; le gardien se lève, nous ouvre et nous invite à le suivre. Il marche devant notre voiture. Nous traversons une belle propriété, partiellement cultivée, et enjolivée par des arbres à fleurs odoriférantes.
Nous parquons, et nous dirigeons vers la porte d’entrée de ce qui semble être le bâtiment principal. Le gardien sélectionne la bonne clé, noyée dans son trousseau. Il ouvre la porte, et là, Whaou! c’est une magnifique vue qui s’offre à mes yeux, à travers une grande baie vitrée: Large, puissant, majestueux, le fleuve Niger s’écoule devant nous en silence. De plein pied, une grande terrasse carrelée, offre en son centre une vaste piscine, où nagent grenouilles et canards sauvages. Des fleurs et de la verdure partout! Quel contraste avec la poussière aride, de la piste !
De grandes pirogues colorées se laissent descendre le courant, d’autres le remontent en poussant sur de longues perches.

(Ndrl): Les maliens de l’ethnie Bozo, sont les seuls autorisés à trafiquer sur le Niger: pêche, pissiculture, extraction et transport de sable du fond du fleuve, transit de passagers, d’une rive à l’autre..etc.
Ce trafic prospère durant la saison sèche, lorsque le courant l’autorise. Pour le remonter, les longues pirogues sont alors propulsées vers l’avant par un perchiste, debout en équilibre sur le plat bord de sa pirogue, qui pousse en marchant vers l’arrière et la fait ainsi défiler sous ses pieds, vers l’avant. Puis finissant par se retrouver à la proue, il doit alors remonter vers l’avant, sa perche à la main, et une fois arrivé sur la poupe, il refait le même manège…etc.
Par contre lorsque la brise est favorable des voiles en toiles de jute gonflent sous le souffle du vent arrière.

Sur la gauche de la terrasse est aménagé un petit port, avec un quai incliné à 45⁰ , ce qui permet une adaptation aux variations saisonnières du niveau des eaux.
Il y a dans ce petit port de la place pour un speedboat, petit bateau à moteur et un hobie-cat, petit bateau à voile.
En s’avançant sur la terrasse on tombe à main droite sur une sorte de zoo, sans barrières, avec des animaux sophistiqués: paons multicolores, biches naines, grues argentées, toucans….
Et, avec le recul, on découvre derrière les trois bungalows d’habitation un mini-terrain de football, bien délimité à la chaux avec ses deux cages et un éclairage par projecteurs pour la nuit. La partie habitée de la propriété dispose aussi de nombreux luminaires, sphères rondes et blanches.

Nous étions rentrés par le bungalow central, qui abrite outre le living room, complété par cuisine et salle de bain.
Puis on me fait visiter, à droite et à gauche, deux bungalows, de section ronde, comprennant chacun deux chambres meublées (kitch) et climatisées, avec salles de bain. Je remarque au passage que portes et fenêtres sont en tôle roulée épaisse, avec de très solides verrous.

Quatre chambres et quatre salles de bain, voilà qui devrait faire l’affaire pour un modeste couple comme Bintou et moi-même.

L’ alimentation électrique de l’ensemble provient d’un groupe électrogène, avec une cuve fermée, réserve de gas-oil.
Un puits a été creusé à proximité, pour l’alimentation en eau des bungalows. L’exhaure de l’eau s’effectue à partir d’une pompe immergée conduisant vers un réservoir surélevé, haut perché.
C’est finalement une version améliorée de la case de Robinson et Vendredi, loin de tout certes, mais entièrement autonome.
Pour moi, séduit par cet ensemble cohérent, je vais réaliser un rêve d’enfant en louant cette propriété. Avec tout le personnel qui s’y rattache (le gardien, sa femme et ses enfants veillent sur la sécurité, entretiennent les lieux, et gèrent le groupe électrogène et la pompe immergée). A la fin de la visite, le gardien me passe son téléphone: il est en ligne avec Karunga, le propriétaire! Bon, ça va vite! J’aime ça.
Peu après Karounga nous rejoint et me fait une proposition chiffrée, tout en faisant remarquer que le prix normal de location d’un tel ensemble serait normalement quatre fois supérieur au loyer qu’il me consent. Merci beaucoup, Karounga, pour cette réduction de 75%! Je suis preneur. Le loyer et le gardien seront payés par mon employeur LBII. C’est dans mon contrat.

Voilà en peu de temps j’avais bien progressé, sur le plan de mon installation au Mali.

Les véhicules
Parallèlement j’engageais l’achat de mon véhicule, en me rendant chez le représentant de la maison Toyota. Il me fallait impérativement un 4×4 dernier cri car si dans le centre ville quelques artères sont goudronnées, dans les quartiers les rues ne sont que de méchantes pistes, sur lesquels les véhicules zigzaguent, à vitesse réduite entre les bosses et les trous. Et pendant la saison des pluies, en l’absence d’infrastructure d’assainissement, la situation est bien pire, puisque toutes les voies de circulation sont inondées. Telle était la situation, il y a 25 ans, dans la plupart des capitales africaines.
L’importateur m’avise, qu’il a en commande un lot de camionettes Toyota Hilux, le modèle que je connais bien, dernière version. Mais il me faudra patienter un mois. OK, je réserve mais en insistant sur la nécessité de me bloquer absolument ce 4×4, dont j’aurais d’ici là, un besoin impérieux pour le chantier de Tombouctou.
Pour mon usage personnel je prend possession d’une conduite intérieure, une « Corrola », évidemment toute neuve, et disponible sur le champ.
Pour mes collaborateurs appelés à se déplacer à Bamako, et à Mopti/Sevare, un troisième véhicule, du même modèle, conviendra. Évidemment, je discute les prix, je marchande, et j’obtiens pour cette commande groupée, une substantielle remise, avec un échéancier de paiements échelonnés sur six mois. Je fais un chèque pour les deux Corollas, mais pour le 4×4 on attendra la livraison.

On voit donc qu’à chaque début de mission, les frais de démarrage sont conséquents.. Normalement, ils sont couverts par la fameuse « avance de démarrage, » en gros 15% du montant total de notre contrat.

Mon équipe.
Quant à mes contrôleurs de chantier, et aux agents administratifs, ils seront fournis, après examen attentif de leurs CV , par notre partenaire, un bureau d’études local. Cependant, il nous manque un technicien en génie civil. Je téléphone derechef au Niger, à Moussa Ziaroumey – nous avions travaillé ensemble à Niamey – qui est disponible et rejoindra sans délai Bamako, après une petite négociation sur son salaire.
Vite fait bien fait, notre équipe est à présent opérationnelle.

Moussa.
Moussa est un grand saï-saï.Au Sénégal, en wallof, c’est un peu un voyou, un plaisantin, aimant s’amuser et profiter de ce cadeau divin: la Vie! Olé!
Moussa est ingénieur en Génie-civil et j’ai bénéficié de ces compétences deux ans auparavant au Niger.
Mais, après son arrivée au Mali, égrainant nos souvenirs, il m’a fortement surpris en m’expliquant et en illustrant, preuves en mains, la manière originale et très spéciale, qu’il avait enseignée à notre secrétaire, pour faire des photocopies originales, recto/verso avec notre Rank Xerok à plateau coulissant. Manièrej qui ne manquait pas de culot.
Du punch, du culot et de l’humour!
– Demander à la secrétaire de se déculotter.
– Placer la photocopieuse par terre.
– Photocopie RECTO: La secrétaire se place bien droite devant la phocopieuse. Puis elle avance et enjambe le plateau, un pied à droite, un pied à gauche.
– Se tenir accroupie au dessus et au milieu de la machine, avec les jambes repliées, et les fesses à une hauteur proche du plateau.
– Ne plus bouger.
– Demander à Moussa d’appuyer sur le bouton de démarrage. La photocopie sort sur le devant de l’appareil. L’effet est saisissant!
– Photo VERSO: Encore plus fort: la secrétaire s’asseoit sur le plateau coulissant. Moussa appui sur le bouton. J’ai vu les originaux, l’effet est très, très réaliste.
Quel punch, quel culot, quel humour!

Je sors de 16 minutes d' »hyperméditation » guidée par Lus Bourdin. De l’hypnose verbale, musicale et finalement mentale.
Ça m’a vraiment décontracté, tous les muscles de mon corps et aussi mes organes internes qui continuent de gargouiller, un quart d’heure après. En revenir doucement demande de rester au calme, encore quelques minutes. Et puis, dans le bien-être je reviens vers mes écritures. Et ce que je vais raconter maintenant, n’est pas dès plus agréable. M’a bouleversé, et 25 ans après me bouleverse encore à présent.

Pauvre petite fille
Il est midi à Bamako. A l’appel du muezzin, du haut du minaret les fidèles convergent vers la grande mosquée. Après les ablutions, les premiers rentrent à l’intérieur, mais beaucoup restent alignés dehors, faute de place. Agenouillés sur leurs petits tapis de prière, ils se livrent la prière rituelle:

« Allahou akbar, Allahou akbar, Allahou akbar ». « Ach-Hadou ane lâ ilâhailla lahou wa ach-hadou anna Mouhamadame rassoulahi ».

C’est à dire:
« Dieu est grand » (3 fois).
Je témoigne qu’il n’y a de Dieu que Dieu, et que Mohamed est son prophète ».

Alors que les croyants se relèvent et se dirigent vers leur maison, pour y prendre le repas, je commence le mien, puis repu je m’apprête pour une bonne sieste.

Sans que je le sache, ici et maintenant, mais aussi ailleurs et maintenant le Destin se met en place, irréversiblement.

Ici, à la maison, arrive mon ami Peter, qui me demande si je peux l’accompagner en voiture à l’aéroport. Au même moment, ailleurs, une famille de musulmans wahabites termine son repas.

Nous montons dans ma voiture et rejoignons la route nationale qui mène à l’aviation. Ailleurs, mais déjà plus près, deux enfants reprennent leurs jeux autour de leur maison.

Je roule sur la nationale, à double voie, elle est déserte. Mais, jetant un coup d’oeil sur le tableau de bord, je réalise que je roule bien trop vite, au dessus de la vitesse limite autorisée. Je commence à freiner progressivement pour réduire ma vitesse.

Ailleurs, de plus en plus près de moi, un jeune frère, poursuivi par sa petite sœur grimpe sur le talus de la route nationale et en traverse les deux voies en courant.

Je le vois traverser loin devant moi, il est déjà de l’autre côté. Soudain sa petite sœur surgit hors du talus et, à sa poursuite, traverse la route en courant, droit devant, sans regarder ni à droite, ni à gauche.

Je freine à fond, part en zigzag, relâche un peu, refreine, essaye de l’éviter à gauche, non! à droite, ….et c’est le choc! Le destin a frappé! La fillette se retrouve allongée sur le capot. J’essaye de ralentir progressivement pour ne pas la faire tomber devant, et je finit par m’arrêter ce qui provoque sa chute du capot.
Je descends, m’approche d’elle, mais je décide de ne pas la bouger, comme comme on nous le répète en France dans de telles circonstances.
Une petite foule, qui grandit vite, s’agglutine autour de la voiture. Je ne suis pas rassuré car les accidents mortels, sur la route, se terminent souvent en afrique par le lynchage du conducteur.
Peter sort de la voiture, me disant quil va prendre un taxi.
Néanmoins je prends la parole et exprime ma désolation. Et puis l’enfant est vivante, Dieu est grand! J’explique que je vais à l’hôpital pour chercher une ambulance, je ferme ma voiture à clé et demande quelqu’un pour la garder. Un adulte propose plutôt que je la prenne avec moi et l’emmène tout de suite à l’hôpital. Je lui explique : on ne la touche pas, je vais chercher une ambulance. J’arrête un taxi..à l’hôpital on me dit qu’on va envoyer l’ambulance sous peu à l’endroit indiqué. Le temps que j’y retourne, il n’y a plus personne, sauf un gars tout seul: ils ont transporté de leur côté la victime à l’hôpital, et ce mec me dit:  » tu n’es qu’un salop, tu es parti en laissant la petite gisant sur la route ». J’avais déjà expliqué, je recommence, mais il n’en démord pas! Je le retrouverai comme témoin au procès.
Je monte dans ma caisse, et retourne chez moi. Je préviens Bintou, la laisse bouleversée, pour me rendre chez Karunga et lui expliquer la situation. Il va s’en occuper. Ensuite je file en vitesse à nos bureaux, à la station de traitement, et je préviens mon équipe. Ils m’apprennent, que je risque la prison, dès ce soir et jusqu’au procès. Je téléphone à Paris, pour prévenir mon employeur.
Puis je cherche à rencontrer le Directeur de l’eau, mais il est absent. Que faire? Je retourne à la maison, je retourne voir Karunga, qui prends l’affaire en main, mais me conseille d’appliquer sans défaut la coutume. D’ailleurs Bintou et la cuisinière sont déjà occupées à préparer un repas pour la famille de la petite fille. On sait qu’ils vont s’installer sous le grand manguier dans la cour de l’hôpital. Bintou, a proposé, c’est l’usage et elle le sait, de leur apporter la nourriture, jour et nuit, elle parlera avec eux, elle participera aux prières…Elle est bouleversée et répète à qui veut l’entendre, que si l’on me mets en prison, elle y entrera avec moi.
Puis je me rends à l’hôpital, avec elle, chargée des premières victuailles, pour prendre des nouvelles de la petite. Il est tard, les médecins, sont partis mais elle a été admise aux urgences. On en saurra plus demain. Je demande à la voir, elle est dans une enceinte transparente aseptisée, inconsciente, couverte de fils et de tubes. Que faire?
Aller voir ses parents et exprimer mes regrets. Ils sont musulmans wahabites, et pour eux plus que tout autre, cet accident est l’expression de la volonté de Dieu, ce qui, dans leur foi, revient à dire que ce n’est pas de ma faute, c’était son Destin.
Je prends congé. Bintou reste avec eux, un chauffeur l’attendra. Il est tard, je rentre chez moi et je m’endors avec le pressentiment que c’est peut être ma dernière nuit, en liberté, avant longtemps.

Le lendemain matin, je retourne aux urgences et rencontre le médecin.
 » L’enfant est gravement touchée, elle peut mourir d’un instant à l’autre, et si elle survit, ce sera à l’état de légume ».
Je retourne voir Karunga qui m’informe que tant que la fillette vivra, je ne serais pas inquiété. Si elle meurt ils verront.
Mais il reste confiant, car il sait que la SNE va me soutenir.
Voilà trois jours et trois nuits se passent, Bintou assure les repas, participe aux prières, fait des sacrifices (elle offre de la viande crue aux pauvres). Elle a décidé, par pure compassion, de passer ses nuits sous le grand manguier avec la famille de la petite. A leur invitation nous partageons la prière du soir. Je passe chez les infirmières tous les matins pour avoir des nouvelles.
Les parents ne demandent aucune indemnisation, aucun don. Par contre, un des leurs, me demande: je lui donne quelques milliers de francs CFA. Sa famille, lorsqu’elle l’apprend lui reproche vertement cette démarche, et vient l’excuser auprès de moi!
Le quatrième soir au matin, une infirmière m’annonce que la petite est morte dans la nuit. Je crois qu’on avait tous compris que ça allait finir comme ça. Son malheureux destin s’était accompli….
Après une dernière prière avec la famille et Bintou, je me rends à une agence de voyage, une place est disponible sur le vol de 13 heures à destination de Paris. Je prends par habitude un aller-retour (c’est pas plus cher qu’un aller simple) et je rentre à la maison. J’explique à mon fils que je rentre en France, et franchement je ne sais pas si je vais revenir. Je lui laisse une somme conséquente pour voir venir.
Et je m’envole, sans être inquiété vers Paris.
Chez Louis Berger, Le Norcy comprend ma situation, il compatit, ce problème est récurent, et il me conseille de prendre quelques jours de repos, de réfléchir, puis de revenir le voir pour lui donner ma décision. Retourner au Mali, ou rester en France? A moi de voir.
Pour prendre ma décision, il faut que je me renseigne sur l’évolution de ma situation à Bamako. En fait, rien ne se passe, c’est évident, ce n’est pas mon départ précipité, effectué dans l’indifférence générale, qui va faire chuter le gouvernement !
Mais je suis anxieux et je veux en savoir plus! Qui devrais-je contacté pour avoir des infos sur mon dossier, si dossier il y a?

Et me revient en mémoire, un repas récent à la maison, auquel nous avions convié la tante de Bintou avec son mari. Sa tante, nigérienne comme elle, était à Bamako, depuis des années. Elle dirigeait, à présent, une ONG humanitaire, qui s’occupait de l’alimentation en eau potable des villages. Un sujet, on s’en doute qui m’intéressait tout particulièrement. Et la discussion venait en particulier sur une pompe manuelle que son ONG avait conçue et qui donnait satisfaction. Elle en avait ainsi installé une, depuis longtemps sur un forage, à proximité de Bamako. Son ONG avait de temps à autre des contrats avec l’administration…
Puis la discussion était venu sur son mari, malien, inspecteur de police à la retraite. Il nous apprend qu’il avait été très proche de Moussa Trore, l’ancien président du Mali. Il l’accompagnait, à l’époque, dans tous ses déplacements au Mali, mais aussi à l’étranger. Il était en effet le Porteur de valise! « Ah oui, mais quelle valise? ».
« Et bien une valise toujours pleine de gros billets de banque! ». Quelques explications:
En 1960, après les indépendances, les nouveaux présidents des pays africains ignoraient les banques, mais avaient tous de gros paquets d’argent liquide conservé en tas dans une pièce du palais, fermée à clé, cela va de soit. En prévision de coup dur (un coup d’état, par exemple), une autre réserve, ultra-secrète celle là, était placée dans un coffre, enterré dans le jardin, en un lieu ultra-secret que seul le président et le jardinier connaissaient.

Mais, revenons à nos moutons. Avec son métier de porteur de valise, le mari de la tante de Bintou, faisait parti de tous les cortèges qui accompagnaient Moussa Traore dans ses déplacements. diplomatiques. Et il en était toujours très proche.
Cette proximité lui a valu de passer, après la mort de Traore, sept ans en prison, en plein désert, en plein soleil, du matin jusqu’au soir: il n’y a pas d’ombre à Taoudenit, dans le désert du Nord du Mali.
De retour de prison, il était réhabilité, et nommé inspecteur de police.
Je lui téléphonais donc de Paris pour mon affaire. Il se renseigne et me rappelle, le lendemain. Selon lui aucun problème, je peux revenir et lui même viendra m’accueillir à l’aéroport.
Très bien, merci. Je décide donc de revenir et de reprendre mon job à Bamako, et à l’arrivée, avec mon inspecteur nous passons sans difficulté, la police et la douane.

Les black dollars

Il faut savoir aussi que la CIA américaine, à l’avènement des indépendances avait trouvé judicieux de s’adjoindre comme partenaire, dans plusieurs pays, le président. A ce titre, ce dernier recevait des fonds, par envoi de dollars, dans un coffre blindé spécial aux armoiries de la CEA, avec un aigle en laiton sur le couvercle (J’en ai tenu un dans mes mains). Ce coffre était protégé par une serrure codée, et si quelqu’un parvenait à la forcer, un dispositif spécial déversait à l’intérieur une encre noire indélébile sur les billets verts, du coup banalisés et inutilisables (j’en ai tenu un dans mes mains). Ces billets, c’étaient les « blacks dollars » d’une valeur nulle.
Le jardinier du palais présidentiel était chargé d’enterrer les coffrets de la CIA, quelque part, dans le jardin du palais. Ça finissait par faire pas mal de fric sous le gazon! Et le jardinier devenait quelqu’un de très important au palais! C’était cependant une position délicate, car s’il perdait la confiance du président, il était exécuté.
En contre-partie en cas de coup d’état il était choyé, car lui seul savait ou était le magot. Magot souvent gâché par le jardinier lui même, pour avoir essayé en secret, dès la chute de son président, d’ouvrir le coffret avec les moyens du bord (barre à mine, lourde masse, scies..etc). Ainsi naissaient les black dollars.
Le jardinier dépité par cet échec essayait alors de vendre ses blaks dollars, pour un somme modique, comparée à la valeur nominale escomptée des billets, une fois lavés.
Et les toubabs avaient trouvés le moyen de laver les black dollars. Grâce à un « produit miracle, le mercure rouge! ».
En cours de séances de musculation, invité par Peter, je l’entendais souvent parler à voie basse avec un libanais, aussi musclé que lui, de cette histoire de mercure rouge et de billets noirs. Jusqu’au jour, où par curiosité, ou par appât du gain, c’est moi qui abordait le sujet avec lui. Il me suggérait, si j’avais de l’argent de l’investir dans l’achat des blacks dollars et du mercure rouge.
Je lui demande comment on lave les black dollars. Il m’explique. Tu tends une corde à linge, dans une chambre à l’intérieur de ta maison. En dessous tu disposes une table, ou simplement une planche de la même longueur.
Et tu déroules un rouleau de coton sur sa surface, juste en dessous du fil.
Aprés tu accroches chaque billet avec une pince à linge, sur la corde.
Puis tu prends ta bouteille de mercure rouge et tu verses pour imbiber toute la longueur du coton.
Les vapeurs de mercure montent et nettoyent les billets, la couleur noire disparaît et tu deviens fou en contemplant tous ces billets de 100 dollars tout neufs!
Attention, c’est dangereux, il faut faire ça tout seul. Il y en a qui perdent la tête en voyant toute cette fortune. Y a déjà eu des morts à Dakar, entre français et libanais!
De plus il faut être discret, la police fait la chasse aux black dollars. Tu pourrais être accusé d’être un faux moneyeur. Ne mets jamais tes mains dessus, prend les gants roses, c’est mieux: pas d’empreintes, et ça te protège du mercure.
Bon je lui remets 500.000 CFA, il va acheter les blacks dollars et il viendra avec demain. Le lendemain , il arrive avec une petite liasse de blacks dollars, et il est accompagné d’un goûteur. C’est ce dernier qui va vérifier l’authenticité des billets. Il passe sa langue sur trois d’entre eux, et acquiesse: c’est ça le bon goût!
Bon, ça va, tout le monde est content.
Et maintenant Peter tend la main vers moi: l’argent pour le mercure rouge et mon déplacement à Abidjan. Je paye. Et Peter avant de partir pour La Cote d’Ivoire, passera chez moi pour y déposer un sac plein de black dollars, non seulement ma part, mais aussi son propre stock qu’il ne veut plus conserver chez lui! OK, no problem.
Bizarrement, il revient une heure après et me rend les billets CFA, en me demandant de faire un chèque. Pourquoi? Je ne m’en souviens plus. Le soir même, de retour du cinéma, je trouve dans ma salle de bain, un sac rempli de billets enveloppés dans du papier chocolat. Mais le sac repose dans une mare d’eau, à côté du lavabo qui déborde. Je ferme le robinet et je vais dormir. On verra demain.
Le lendemain, dimanche, je vide son sac et constate qu’au fond, il y a beaucoup de paquets mouillés. J’enlève les petits paquets, je les ouvrent et je mets les black dollars à sécher. Il y en a plein la salle de bain. Si un inspecteur arrive il m’arrête sur le champ! Et en plus il y a mes empreintes sur les black dollars.

Il revient une semaine après. Bon, Peter, où est le mercure rouge? Dans mon frigo, à la maison. Bon allons y alors. Pas la peine, je te l’amènes demain. Le lendemain, personne. Le surlendemain personne. Puis enfin je le croise en ville. Alors Peter, où est le mercure rouge?
Ecoute, Xavier, c’est pas de chance, quand j’ai sorti la bouteille du frigo, elle a glissé et est s’est cassée par terre!!! Il faut que je retourne à Abidjan pour en chercher une autre. Si tu veux je peux en profiter pour acheter d’autres billets, ils sont moins chers là bas.
« Peter, merci, tu es bon copain. Mais tu me me prends vraiment pour un con! Espèce d’enfoiré!. »

Il revient une semaine après. Bon, Peter, où est le mercure rouge? Dans mon frigo, à la maison. Bon allons y alors. Pas la peine, je te l’amènes demain. Le lendemain, personne. Le surlendemain personne. Puis enfin je le croise en ville. Alors Peter, où est le mercure rouge?
Ecoute, Xavier, c’est pas de chance, quand j’ai sorti la bouteille du frigo, elle a glissé et est s’est cassée par terre!!! Il faut que je retourne à Abidjan pour en chercher une autre. Si tu veux je peux en profiter pour acheter d’autres billets, ils sont moins chers là bas.
« Peter, merci, tu es bon copain. Mais tu me me prends vraiment pour un con! Espèce d’enfoiré!. »

Mali 2

6Vers 3h du matin, mon avion, se pose à Bamako. Un jeudi, dans la nuit.
Je suis chargé, avec ma valise, mon ordinateur et ma sacoche en bandoulière. Nanti des documents et références indispensables, je passe la douane à l’aise.

M. Vitsoa, un ingénieur diplômé de l’école polytechnique, également chef de projet chez Louis Berger, m’attends à la sortie et, après les politesses d’usage, nous nous dirigeons vers l’hôtel international, où ma chambre est réservée. Je me présente et me déleste de mes bagages. Puis nous allons boire un café ensemble. Cet accueil, bien organisé, m’est très util, car je ne connais rien du Mali, où pour deux ans je vais refaire ma vie, personnelle et professionnelle.
Après une petite heure de briefing, fatigué par le vol nocturne, je remercie cordialement M.Vitasoa de son acceuil et je me dirige lentement vers ma chambre où je m’écroule anéanti pour un bon sommeil réparateur.
Sur mon appel un chauffeur m’y rejoindra.
Sinon, demain matin, vendredi, il sera à ma disposition à l’hôtel, dès 8 heures.
Ce vendredi commence à la banque, pour ouvrir mon compte personnel, et le compte projet dont, a midi, je faxe le Kbis à Paris. Notre mission commence officiellement lundi, Lenorcy fera le déplacement pour ma présentation officielle à la Société Nationale des Eaux du Mali (la SNE). Je lui remettrai alors l’original du Kbis, document essentiel pour présenter notre facture No1, la demande de l’avance de démarrage.
Il est aussi prévu une visite à la représentation locale du bailleur de fonds: l’AFD, Agence française de développement.

Ma nouvelle mission:
A BAMAKO
Réhabilitationet extension de la STEP (100.000 m³/jour). Réservoir de Badalabougou (18.000 m³).

À MOPTI-SEVARE
Réalisation d’une adduction entre la station de traitement de Mopti, et Sévaré et d’un réseau de distribution d’eau à Sévaré.
.
A TOMBOUCTOU
Réalisations de forages, réfection et extension du réseau de distribution d’eau existant, et construction d’un château d’eau de 900.000 litres à 20 m. de hauteur.

Nos bureaux tout neufs, construits et équipés par l’entreprise en charge des travaux, sont d’ores et déjà disponibles.

Ma maison
Pendant le week-end, je pars me promener aux environ de Bamako. Nous longeons, vers l’amont, le cours du fleuve. Pourquoi pas? Chemin faisant, j’explique au chauffeur que je suis à la recherche d’un logement. « Patron, je peux vous montrer quelque chose? » OK.
Il m’emmène alors, quelques kms en amont, et bifurque pour prendre une piste qui nous mène tout droit vers le bord du fleuve. Elle aboutit à un portail; le gardien se lève, nous ouvre et nous invite à le suivre. Il marche devant notre voiture. Nous traversons une belle propriété, partiellement cultivée, et enjolivée par des arbres à fleurs odoriférantes.
Nous parquons, et nous dirigeons vers la porte d’entrée de ce qui semble être le bâtiment principal. Le gardien sélectionne la bonne clé, noyée dans son trousseau. Il ouvre la porte, et là, Whaou! c’est une magnifique vue qui s’offre à mes yeux, à travers une grande baie vitrée: Large, puissant, majestueux, le fleuve Niger s’écoule devant nous en silence. De plein pied, une grande terrasse carrelée, offre en son centre une vaste piscine, où nagent grenouilles et canards sauvages. Des fleurs et de la verdure partout! Quel contraste avec la poussière aride, de la piste !
De grandes pirogues colorées se laissent descendre le courant, d’autres le remontent en poussant sur de longues perches.

(Ndrl): Les maliens de l’ethnie Bozo, sont les seuls autorisés à trafiquer sur le Niger: pêche, pissiculture, extraction et transport de sable du fond du fleuve, transit de passagers, d’une rive à l’autre..etc.
Ce trafic prospère durant la saison sèche, lorsque le courant l’autorise. Pour le remonter, les longues pirogues sont alors propulsées vers l’avant par un perchiste, debout en équilibre sur le plat bord de sa pirogue, qui pousse en marchant vers l’arrière et la fait ainsi défiler sous ses pieds, vers l’avant. Puis finissant par se retrouver à la proue, il doit alors remonter vers l’avant, sa perche à la main, et une fois arrivé sur la poupe, il refait le même manège…etc.
Par contre lorsque la brise est favorable des voiles en toiles de jute gonflent sous le souffle du vent arrière.

Sur la gauche de la terrasse est aménagé un petit port, avec un quai incliné à 45⁰ , ce qui permet une adaptation aux variations saisonnières du niveau des eaux.
Il y a dans ce petit port de la place pour un speedboat, petit bateau à moteur et un hobie-cat, petit bateau à voile.
En s’avançant sur la terrasse on tombe à main droite sur une sorte de zoo, sans barrières, avec des animaux sophistiqués: paons multicolores, biches naines, grues argentées, toucans….
Et, avec le recul, on découvre derrière les trois bungalows d’habitation un mini-terrain de football, bien délimité à la chaux avec ses deux cages et un éclairage par projecteurs pour la nuit. La partie habitée de la propriété dispose aussi de nombreux luminaires, sphères rondes et blanches.

Nous étions rentrés par le bungalow central, qui abrite outre le living room, complété par cuisine et salle de bain.
Puis on me fait visiter, à droite et à gauche, deux bungalows, de section ronde, comprennant chacun deux chambres meublées (kitch) et climatisées, avec salles de bain. Je remarque au passage que portes et fenêtres sont en tôle roulée épaisse, avec de très solides verrous.

Quatre chambres et quatre salles de bain, voilà qui devrait faire l’affaire pour un modeste couple comme Bintou et moi-même.

L’ alimentation électrique de l’ensemble provient d’un groupe électrogène, avec une cuve fermée, réserve de gas-oil.
Un puits a été creusé à proximité, pour l’alimentation en eau des bungalows. L’exhaure de l’eau s’effectue à partir d’une pompe immergée conduisant vers un réservoir surélevé, haut perché.
C’est finalement une version améliorée de la case de Robinson et Vendredi, loin de tout certes, mais entièrement autonome.
Pour moi, séduit par cet ensemble cohérent, je vais réaliser un rêve d’enfant en louant cette propriété. Avec tout le personnel qui s’y rattache (le gardien, sa femme et ses enfants veillent sur la sécurité, entretiennent les lieux, et gèrent le groupe électrogène et la pompe immergée). A la fin de la visite, le gardien me passe son téléphone: il est en ligne avec Karunga, le propriétaire! Bon, ça va vite! J’aime ça.
Peu après Karounga nous rejoint et me fait une proposition chiffrée, tout en faisant remarquer que le prix normal de location d’un tel ensemble serait normalement quatre fois supérieur au loyer qu’il me consent. Merci beaucoup, Karounga, pour cette réduction de 75%! Je suis preneur. Le loyer et le gardien seront payés par mon employeur LBII. C’est dans mon contrat.

Voilà en peu de temps j’avais bien progressé, sur le plan de mon installation au Mali.

Les véhicules
Parallèlement j’engageais l’achat de mon véhicule, en me rendant chez le représentant de la maison Toyota. Il me fallait impérativement un 4×4 dernier cri car si dans le centre ville quelques artères sont goudronnées, dans les quartiers les rues ne sont que de méchantes pistes, sur lesquels les véhicules zigzaguent, à vitesse réduite entre les bosses et les trous. Et pendant la saison des pluies, en l’absence d’infrastructure d’assainissement, la situation est bien pire, puisque toutes les voies de circulation sont inondées. Telle était la situation, il y a 25 ans, dans la plupart des capitales africaines.
L’importateur m’avise, qu’il a en commande un lot de camionettes Toyota Hilux, le modèle que je connais bien, dernière version. Mais il me faudra patienter un mois. OK, je réserve mais en insistant sur la nécessité de me bloquer absolument ce 4×4, dont j’aurais d’ici là, un besoin impérieux pour le chantier de Tombouctou.
Pour mon usage personnel je prend possession d’une conduite intérieure, une « Corrola », évidemment toute neuve, et disponible sur le champ.
Pour mes collaborateurs appelés à se déplacer à Bamako, et à Mopti/Sevare, un troisième véhicule, du même modèle, conviendra. Évidemment, je discute les prix, je marchande, et j’obtiens pour cette commande groupée, une substantielle remise, avec un échéancier de paiements échelonnés sur six mois. Je fais un chèque pour les deux Corollas, mais pour le 4×4 on attendra la livraison.

On voit donc qu’à chaque début de mission, les frais de démarrage sont conséquents.. Normalement, ils sont couverts par la fameuse « avance de démarrage, » en gros 15% du montant total de notre contrat.

Mon équipe.
Quant à mes contrôleurs de chantier, et aux agents administratifs, ils seront fournis, après examen attentif de leurs CV , par notre partenaire, un bureau d’études local. Cependant, il nous manque un technicien en génie civil. Je téléphone derechef au Niger, à Moussa Ziaroumey – nous avions travaillé ensemble à Niamey – qui est disponible et rejoindra sans délai Bamako, après une petite négociation sur son salaire.
Vite fait bien fait, notre équipe est à présent opérationnelle.

Moussa.
Moussa est un grand saï-saï.Au Sénégal, en wallof, c’est un peu un voyou, un plaisantin, aimant s’amuser et profiter de ce cadeau divin: la Vie! Olé!
Moussa est ingénieur en Génie-civil et j’ai bénéficié de ces compétences deux ans auparavant au Niger.
Mais, après son arrivée au Mali, égrainant nos souvenirs, il m’a fortement surpris en m’expliquant et en illustrant, preuves en mains, la manière originale et très spéciale, qu’il avait enseignée à notre secrétaire, pour faire des photocopies originales, recto/verso avec notre Rank Xerok à plateau coulissant. Manièrej qui ne manquait pas de culot.
Du punch, du culot et de l’humour!
– Demander à la secrétaire de se déculotter.
– Placer la photocopieuse par terre.
– Photocopie RECTO: La secrétaire se place bien droite devant la phocopieuse. Puis elle avance et enjambe le plateau, un pied à droite, un pied à gauche.
– Se tenir accroupie au dessus et au milieu de la machine, avec les jambes repliées, et les fesses à une hauteur proche du plateau.
– Ne plus bouger.
– Demander à Moussa d’appuyer sur le bouton de démarrage. La photocopie sort sur le devant de l’appareil. L’effet est saisissant!
– Photo VERSO: Encore plus fort: la secrétaire s’asseoit sur le plateau coulissant. Moussa appui sur le bouton. J’ai vu les originaux, l’effet est très, très réaliste.
Quel punch, quel culot, quel humour!

Je sors de 16 minutes d' »hyperméditation » guidée par Lus Bourdin. De l’hypnose verbale, musicale et finalement mentale.
Ça m’a vraiment décontracté, tous les muscles de mon corps et aussi mes organes internes qui continuent de gargouiller, un quart d’heure après. En revenir doucement demande de rester au calme, encore quelques minutes. Et puis, dans le bien-être je reviens vers mes écritures. Et ce que je vais raconter maintenant, n’est pas dès plus agréable. M’a bouleversé, et 25 ans après me bouleverse encore à présent.

Pauvre petite fille
Il est midi à Bamako. A l’appel du muezzin, du haut du minaret les fidèles convergent vers la grande mosquée. Après les ablutions, les premiers rentrent à l’intérieur, mais beaucoup restent alignés dehors, faute de place. Agenouillés sur leurs petits tapis de prière, ils se livrent la prière rituelle:

« Allahou akbar, Allahou akbar, Allahou akbar ». « Ach-Hadou ane lâ ilâhailla lahou wa ach-hadou anna Mouhamadame rassoulahi ».

C’est à dire:
« Dieu est grand » (3 fois).
Je témoigne qu’il n’y a de Dieu que Dieu, et que Mohamed est son prophète ».

Alors que les croyants se relèvent et se dirigent vers leur maison, pour y prendre le repas, je commence le mien, puis repu je m’apprête pour une bonne sieste.

Sans que je le sache, ici et maintenant, mais aussi ailleurs et maintenant le Destin se met en place, irréversiblement.

Ici, à la maison, arrive mon ami Peter, qui me demande si je peux l’accompagner en voiture à l’aéroport. Au même moment, ailleurs, une famille de musulmans wahabites termine son repas.

Nous montons dans ma voiture et rejoignons la route nationale qui mène à l’aviation. Ailleurs, mais déjà plus près, deux enfants reprennent leurs jeux autour de leur maison.

Je roule sur la nationale, à double voie, elle est déserte. Mais, jetant un coup d’oeil sur le tableau de bord, je réalise que je roule bien trop vite, au dessus de la vitesse limite autorisée. Je commence à freiner progressivement pour réduire ma vitesse.

Ailleurs, de plus en plus près de moi, un jeune frère, poursuivi par sa petite sœur grimpe sur le talus de la route nationale et en traverse les deux voies en courant.

Je le vois traverser loin devant moi, il est déjà de l’autre côté. Soudain sa petite sœur surgit hors du talus et, à sa poursuite, traverse la route en courant, droit devant, sans regarder ni à droite, ni à gauche.

Je freine à fond, part en zigzag, relâche un peu, refreine, essaye de l’éviter à gauche, non! à droite, ….et c’est le choc! Le destin a frappé! La fillette se retrouve allongée sur le capot. J’essaye de ralentir progressivement pour ne pas la faire tomber devant, et je finit par m’arrêter ce qui provoque sa chute du capot.
Je descends, m’approche d’elle, mais je décide de ne pas la bouger, comme comme on nous le répète en France dans de telles circonstances.
Une petite foule, qui grandit vite, s’agglutine autour de la voiture. Je ne suis pas rassuré car les accidents mortels, sur la route, se terminent souvent en afrique par le lynchage du conducteur.
Peter sort de la voiture, me disant quil va prendre un taxi.
Néanmoins je prends la parole et exprime ma désolation. Et puis l’enfant est vivante, Dieu est grand! J’explique que je vais à l’hôpital pour chercher une ambulance, je ferme ma voiture à clé et demande quelqu’un pour la garder. Un adulte propose plutôt que je la prenne avec moi et l’emmène tout de suite à l’hôpital. Je lui explique : on ne la touche pas, je vais chercher une ambulance. J’arrête un taxi..à l’hôpital on me dit qu’on va envoyer l’ambulance sous peu à l’endroit indiqué. Le temps que j’y retourne, il n’y a plus personne, sauf un gars tout seul: ils ont transporté de leur côté la victime à l’hôpital, et ce mec me dit:  » tu n’es qu’un salop, tu es parti en laissant la petite gisant sur la route ». J’avais déjà expliqué, je recommence, mais il n’en démord pas! Je le retrouverai comme témoin au procès.
Je monte dans ma caisse, et retourne chez moi. Je préviens Bintou, la laisse bouleversée, pour me rendre chez Karunga et lui expliquer la situation. Il va s’en occuper. Ensuite je file en vitesse à nos bureaux, à la station de traitement, et je préviens mon équipe. Ils m’apprennent, que je risque la prison, dès ce soir et jusqu’au procès. Je téléphone à Paris, pour prévenir mon employeur.
Puis je cherche à rencontrer le Directeur de l’eau, mais il est absent. Que faire? Je retourne à la maison, je retourne voir Karunga, qui prends l’affaire en main, mais me conseille d’appliquer sans défaut la coutume. D’ailleurs Bintou et la cuisinière sont déjà occupées à préparer un repas pour la famille de la petite fille. On sait qu’ils vont s’installer sous le grand manguier dans la cour de l’hôpital. Bintou, a proposé, c’est l’usage et elle le sait, de leur apporter la nourriture, jour et nuit, elle parlera avec eux, elle participera aux prières…Elle est bouleversée et répète à qui veut l’entendre, que si l’on me mets en prison, elle y entrera avec moi.
Puis je me rends à l’hôpital, avec elle, chargée des premières victuailles, pour prendre des nouvelles de la petite. Il est tard, les médecins, sont partis mais elle a été admise aux urgences. On en saurra plus demain. Je demande à la voir, elle est dans une enceinte transparente aseptisée, inconsciente, couverte de fils et de tubes. Que faire?
Aller voir ses parents et exprimer mes regrets. Ils sont musulmans wahabites, et pour eux plus que tout autre, cet accident est l’expression de la volonté de Dieu, ce qui, dans leur foi, revient à dire que ce n’est pas de ma faute, c’était son Destin.
Je prends congé. Bintou reste avec eux, un chauffeur l’attendra. Il est tard, je rentre chez moi et je m’endors avec le pressentiment que c’est peut être ma dernière nuit, en liberté, avant longtemps.

Le lendemain matin, je retourne aux urgences et rencontre le médecin.
 » L’enfant est gravement touchée, elle peut mourir d’un instant à l’autre, et si elle survit, ce sera à l’état de légume ».
Je retourne voir Karunga qui m’informe que tant que la fillette vivra, je ne serais pas inquiété. Si elle meurt ils verront.
Mais il reste confiant, car il sait que la SNE va me soutenir.
Voilà trois jours et trois nuits se passent, Bintou assure les repas, participe aux prières, fait des sacrifices (elle offre de la viande crue aux pauvres). Elle a décidé, par pure compassion, de passer ses nuits sous le grand manguier avec la famille de la petite. A leur invitation nous partageons la prière du soir. Je passe chez les infirmières tous les matins pour avoir des nouvelles.
Les parents ne demandent aucune indemnisation, aucun don. Par contre, un des leurs, me demande: je lui donne quelques milliers de francs CFA. Sa famille, lorsqu’elle l’apprend lui reproche vertement cette démarche, et vient l’excuser auprès de moi!
Le quatrième soir au matin, une infirmière m’annonce que la petite est morte dans la nuit. Je crois qu’on avait tous compris que ça allait finir comme ça. Son malheureux destin s’était accompli….
Après une dernière prière avec la famille et Bintou, je me rends à une agence de voyage, une place est disponible sur le vol de 13 heures à destination de Paris. Je prends par habitude un aller-retour (c’est pas plus cher qu’un aller simple) et je rentre à la maison. J’explique à mon fils que je rentre en France, et franchement je ne sais pas si je vais revenir. Je lui laisse une somme conséquente pour voir venir.
Et je m’envole, sans être inquiété vers Paris.
Chez Louis Berger, Le Norcy comprend ma situation, il compatit, ce problème est récurent, et il me conseille de prendre quelques jours de repos, de réfléchir, puis de revenir le voir pour lui donner ma décision. Retourner au Mali, ou rester en France? A moi de voir.
Pour prendre ma décision, il faut que je me renseigne sur l’évolution de ma situation à Bamako. En fait, rien ne se passe, c’est évident, ce n’est pas mon départ précipité, effectué dans l’indifférence générale, qui va faire chuter le gouvernement !
Mais je suis anxieux et je veux en savoir plus! Qui devrais-je contacté pour avoir des infos sur mon dossier, si dossier il y a?

Et me revient en mémoire, un repas récent à la maison, auquel nous avions convié la tante de Bintou avec son mari. Sa tante, nigérienne comme elle, était à Bamako, depuis des années. Elle dirigeait, à présent, une ONG humanitaire, qui s’occupait de l’alimentation en eau potable des villages. Un sujet, on s’en doute qui m’intéressait tout particulièrement. Et la discussion venait en particulier sur une pompe manuelle que son ONG avait conçue et qui donnait satisfaction. Elle en avait ainsi installé une, depuis longtemps sur un forage, à proximité de Bamako. Son ONG avait de temps à autre des contrats avec l’administration…
Puis la discussion était venu sur son mari, malien, inspecteur de police à la retraite. Il nous apprend qu’il avait été très proche de Moussa Trore, l’ancien président du Mali. Il l’accompagnait, à l’époque, dans tous ses déplacements au Mali, mais aussi à l’étranger. Il était en effet le Porteur de valise! « Ah oui, mais quelle valise? ».
« Et bien une valise toujours pleine de gros billets de banque! ». Quelques explications:
En 1960, après les indépendances, les nouveaux présidents des pays africains ignoraient les banques, mais avaient tous de gros paquets d’argent liquide conservé en tas dans une pièce du palais, fermée à clé, cela va de soit. En prévision de coup dur (un coup d’état, par exemple), une autre réserve, ultra-secrète celle là, était placée dans un coffre, enterré dans le jardin, en un lieu ultra-secret que seul le président et le jardinier connaissaient.

Mais, revenons à nos moutons. Avec son métier de porteur de valise, le mari de la tante de Bintou, faisait parti de tous les cortèges qui accompagnaient Moussa Traore dans ses déplacements. diplomatiques. Et il en était toujours très proche.
Cette proximité lui a valu de passer, après la mort de Traore, sept ans en prison, en plein désert, en plein soleil, du matin jusqu’au soir: il n’y a pas d’ombre à Taoudenit, dans le désert du Nord du Mali.
De retour de prison, il était réhabilité, et nommé inspecteur de police.
Je lui téléphonais donc de Paris pour mon affaire. Il se renseigne et me rappelle, le lendemain. Selon lui aucun problème, je peux revenir et lui même viendra m’accueillir à l’aéroport.
Très bien, merci. Je décide donc de revenir et de reprendre mon job à Bamako, et à l’arrivée, avec mon inspecteur nous passons sans difficulté, la police et la douane.

Les black dollars

Il faut savoir aussi que la CIA américaine, à l’avènement des indépendances avait trouvé judicieux de s’adjoindre comme partenaire, dans plusieurs pays, le président. A ce titre, ce dernier recevait des fonds, par envoi de dollars, dans un coffre blindé spécial aux armoiries de la CEA, avec un aigle en laiton sur le couvercle (J’en ai tenu un dans mes mains). Ce coffre était protégé par une serrure codée, et si quelqu’un parvenait à la forcer, un dispositif spécial déversait à l’intérieur une encre noire indélébile sur les billets verts, du coup banalisés et inutilisables (j’en ai tenu un dans mes mains). Ces billets, c’étaient les « blacks dollars » d’une valeur nulle.
Le jardinier du palais présidentiel était chargé d’enterrer les coffrets de la CIA, quelque part, dans le jardin du palais. Ça finissait par faire pas mal de fric sous le gazon! Et le jardinier devenait quelqu’un de très important au palais! C’était cependant une position délicate, car s’il perdait la confiance du président, il était exécuté.
En contre-partie en cas de coup d’état il était choyé, car lui seul savait ou était le magot. Magot souvent gâché par le jardinier lui même, pour avoir essayé en secret, dès la chute de son président, d’ouvrir le coffret avec les moyens du bord (barre à mine, lourde masse, scies..etc). Ainsi naissaient les black dollars.
Le jardinier dépité par cet échec essayait alors de vendre ses blaks dollars, pour un somme modique, comparée à la valeur nominale escomptée des billets, une fois lavés.
Et les toubabs avaient trouvés le moyen de laver les black dollars. Grâce à un « produit miracle, le mercure rouge! ».
En cours de séances de musculation, invité par Peter, je l’entendais souvent parler à voie basse avec un libanais, aussi musclé que lui, de cette histoire de mercure rouge et de billets noirs. Jusqu’au jour, où par curiosité, ou par appât du gain, c’est moi qui abordait le sujet avec lui. Il me suggérait, si j’avais de l’argent de l’investir dans l’achat des blacks dollars et du mercure rouge.
Je lui demande comment on lave les black dollars. Il m’explique. Tu tends une corde à linge, dans une chambre à l’intérieur de ta maison. En dessous tu disposes une table, ou simplement une planche de la même longueur.
Et tu déroules un rouleau de coton sur sa surface, juste en dessous du fil.
Aprés tu accroches chaque billet avec une pince à linge, sur la corde.
Puis tu prends ta bouteille de mercure rouge et tu verses pour imbiber toute la longueur du coton.
Les vapeurs de mercure montent et nettoyent les billets, la couleur noire disparaît et tu deviens fou en contemplant tous ces billets de 100 dollars tout neufs!
Attention, c’est dangereux, il faut faire ça tout seul. Il y en a qui perdent la tête en voyant toute cette fortune. Y a déjà eu des morts à Dakar, entre français et libanais!
De plus il faut être discret, la police fait la chasse aux black dollars. Tu pourrais être accusé d’être un faux moneyeur. Ne mets jamais tes mains dessus, prend les gants roses, c’est mieux: pas d’empreintes, et ça te protège du mercure.
Bon je lui remets 500.000 CFA, il va acheter les blacks dollars et il viendra avec demain. Le lendemain , il arrive avec une petite liasse de blacks dollars, et il est accompagné d’un goûteur. C’est ce dernier qui va vérifier l’authenticité des billets. Il passe sa langue sur trois d’entre eux, et acquiesse: c’est ça le bon goût!
Bon, ça va, tout le monde est content.
Et maintenant Peter tend la main vers moi: l’argent pour le mercure rouge et mon déplacement à Abidjan. Je paye. Et Peter avant de partir pour La Cote d’Ivoire, passera chez moi pour y déposer un sac plein de black dollars, non seulement ma part, mais aussi son propre stock qu’il ne veut plus conserver chez lui! OK, no problem.
Bizarrement, il revient une heure après et me rend les billets CFA, en me demandant de faire un chèque. Pourquoi? Je ne m’en souviens plus. Le soir même, de retour du cinéma, je trouve dans ma salle de bain, un sac rempli de billets enveloppés dans du papier chocolat. Mais le sac repose dans une mare d’eau, à côté du lavabo qui déborde. Je ferme le robinet et je vais dormir. On verra demain.
Le lendemain, dimanche, je vide son sac et constate qu’au fond, il y a beaucoup de paquets mouillés. J’enlève les petits paquets, je les ouvrent et je mets les black dollars à sécher. Il y en a plein la salle de bain. Si un inspecteur arrive il m’arrête sur le champ! Et en plus il y a mes empreintes sur les black dollars.

Il revient une semaine après. Bon, Peter, où est le mercure rouge? Dans mon frigo, à la maison. Bon allons y alors. Pas la peine, je te l’amènes demain. Le lendemain, personne. Le surlendemain personne. Puis enfin je le croise en ville. Alors Peter, où est le mercure rouge?
Ecoute, Xavier, c’est pas de chance, quand j’ai sorti la bouteille du frigo, elle a glissé et est s’est cassée par terre!!! Il faut que je retourne à Abidjan pour en chercher une autre. Si tu veux je peux en profiter pour acheter d’autres billets, ils sont moins chers là bas.
« Peter, merci, tu es bon copain. Mais tu me me prends vraiment pour un con! Espèce d’enfoiré!. »

Je suis en vacances au Niger. J’ai une maison qui me plait bien, une moto qui roule, un bateau à voile, de l’argent dans la malette et ma femme nigérienne Bintou, « que j’aime, qui m’aime, qui n’est jamais ni tout à fait la même ni tout à fait une autre, qui m’aime et me comprenne ». Une vie de rêve….Un rêve! Etrange et pénétrant!
Tout va bien, le bateau flotte: à midi repas à la maison, le soir restau à la Cascade, et un petit tour à la Corniche, puis au night.

Hobie Cat
J’ai fais venir de France, par conteneur mon hobie cat 14  » et je compte bien m’en servir maintenant à Naimey, comme à Bamako, ces derniers mois.
L’après midi, je vais souvent au club nautique faire des ronds dans l’eau du fleuve. Jusqu’au jour où je m’aperçois que je peux remonter le courant, par vent arrière lorsque la brise est soutenue. Ce dimanche, je pousse l’exercice jusquà apercevoir, au détour d’un méandre, le seul pont à Niamey qui franchîsse le Niger. Il est donc très fréquenté et quelques piétons finissent par apercevoir le hobie-cat. C’est inédit et les gens approchent et s’agglutinent au bastingage. Je décide, pour le spectacle et pour le plaisir, de passer sous le tablier du pont, toujours par vent arrière et à contre courant pour virer autour du pilier central puis me laisser porter par le courant pour retourner au club nautique.
Sous les yeux ébahis des spectateurs de plus en plus nombreux (de mémoire d’homme on n’a jamais vu un bateau à voile sous le pont) je progresse en louvoyant un peu et je gagne les derniers mètres, contre le courant, centimètre par centimètre sous les encouragements de la foule  » allez le toubab, allez! »
Mais le mât passerat-il sous le pont? Tout le monde, et moi aussi se pose la question. Passera? Passera pas ? En tous cas, pour moi, ça passe ou ça casse!
Et bingo! C’est gagné ça passe! Immédiatement sur le pont tout le monde change de trottoir, et les applaudissements redoublent, accompagnés d’exclamations joyeuses.
Le hobie-cat pointe le nez de l’autre coté. C’est le délire!
Il ne me reste plus qu’à négocier rapidement le virage autour du pilier, de justesse car le courant menace de me drosser dessus, ..encore une fois, ça passe ou ça casse!

Je suis en vacances au Niger. J’ai une maison qui me plait bien, une moto qui roule, un bateau à voile, de l’argent dans la malette et ma femme nigérienne Bintou, « que j’aime, qui m’aime, qui n’est jamais ni tout à fait la même ni tout à fait une autre, qui m’aime et me comprenne ». Une vie de rêve….Un rêve! Etrange et pénétrant!
Tout va bien, le bateau flotte: à midi repas à la maison, le soir restau à la Cascade, et un petit tour à la Corniche, puis au night.

Hobie Cat
J’ai fais venir de France, par conteneur mon hobie cat 14  » et je compte bien m’en servir maintenant à Naimey, comme à Bamako, ces derniers mois.
L’après midi, je vais souvent au club nautique faire des ronds dans l’eau du fleuve. Jusqu’au jour où je m’aperçois que je peux remonter le courant, par vent arrière lorsque la brise est soutenue. Ce dimanche, je pousse l’exercice jusquà apercevoir, au détour d’un méandre, le seul pont à Niamey qui franchîsse le Niger. Il est donc très fréquenté et quelques piétons finissent par apercevoir le hobie-cat. C’est inédit et les gens approchent et s’agglutinent au bastingage. Je décide, pour le spectacle et pour le plaisir, de passer sous le tablier du pont, toujours par vent arrière et à contre courant pour virer autour du pilier central puis me laisser porter par le courant pour retourner au club nautique.
Sous les yeux ébahis des spectateurs de plus en plus nombreux (de mémoire d’homme on n’a jamais vu un bateau à voile sous le pont) je progresse en louvoyant un peu et je gagne les derniers mètres, contre le courant, centimètre par centimètre sous les encouragements de la foule  » allez le toubab, allez! »
Mais le mât passerat-il sous le pont? Tout le monde, et moi aussi se pose la question. Passera? Passera pas ? En tous cas, pour moi, ça passe ou ça casse!
Et bingo! C’est gagné ça passe! Immédiatement sur le pont tout le monde change de trottoir, et les applaudissements redoublent, accompagnés d’exclamations joyeuses.
Le hobie-cat pointe le nez de l’autre coté. C’est le délire!
Il ne me reste plus qu’à négocier rapidement le virage autour du pilier, de justesse car le courant menace de me drosser dessus, ..encore une fois, ça passe ou ça casse!

Tout le monde retraverse la largeur du pont
et retient son souffle, se demandant si je vais réapparaître de dessous le pont?

Et ça passe! Je réapparais en sens inverse!

Hourrah! Applaudissements, enthousiasme

Tout le monde retraverse la largeur du pont
et retient son souffle, se demandant si je vais réapparaître de dessous le pont?

Et ça passe! Je réapparais en sens inverse!

Tout le monde retraverse la largeur du pont
et retient son souffle, se demandant si je vais réapparaître de dessous le pont?

Et ça passe! Je réapparais en sens inverse!

Hourrah! Applaudissements, enthousiasme, rires et soulagements: « le toubab a gagné sa lutte contre le courant! »
Avant de m’éloigner je fais des grands gestes de ma main libre, auxquels chacun répond…
Avec un peu d’attention, rentrer au club nautique poussé par le courant se révèle facile; je gare le bateau, enfourche la Ténéré 600 et rentre à la maison.
Décidément, c’est une bien belle après midi.

Tout le monde retraverse la largeur du pont
et retient son souffle, se demandant si je vais réapparaître de dessous le pont?

Et ça passe! Je réapparais en sens inverse!

Hourrah! Applaudissements, enthousiasme, rires et soulagements: « le toubab a gagné sa lutte contre le courant! »
Avant de m’éloigner je fais des grands gestes de ma main libre, auxquels chacun répond…
Avec un peu d’attention, rentrer au club nautique poussé par le courant se révèle facile; je gare le bateau, enfourche la Ténéré 600 et rentre à la maison.
Décidément, c’est une bien belle après midi.

Niamey-Nara
Marco est au Niger! Nous nous étions quittés deux ans auparavant à Nouahdibou et le voilà qui arrive par surprise à Niamey!
De retour de Madagascar, où il vient d’effectuer un trip à moto, en solitaire…et le voilà de retour maintenant, ici et maintenant, à la Cascade! Il est venu pour le plaisir, bien sûr, d’y retrouver ses amis du Niger, et une gazelle à la main, devant les copains médusés, il nous explique son projet: rejoindre, à moto, le rally Paris-Dakar, qui fera étape demain soir à Nara. Pour après demain, participer, à la mythique étape, Nara-Tombouctou. J’adhère tout de suite à son projet, qui surgit à point, pour pimenter mon oisiveté vacancière. Car, pour y avoir travaillé récemment, Tombouctou, je connais! Du reste, j’ai déjà roulé plusieurs fois la meilleure partie de l’étape, à savoir le tronçon Douentza -Tombouctou: du sable, rien que du sable, et toujours du sable, sans un seul village, sur une centaine de kilomètres. Un rêve de motard!
Mais pour un tel « sand trip », il est prudent de prévoir une assistance par un 4×4.
No problem, Marco informe que nous serons accompagné par une petite Suzuki, 4×4, pilotée par un ami rencontré ce matin même, qui adhère à notre tandem. Et derechef, il nous présente ses deux nouveaux copains, Jules et Jim ravis de l’aubeine qui les emmène sans problème, dans la cité mythique.
Voilà le sens de la vie de Marco: bouger et remplir le quotidien des gens qu’il affectionne. Faire un bout de chemin ensemble, élargir leur champ des possibles, et ainsi finalement les libérer des carcans, pour leurs faire vivre plus intensément leur vie.
YOU CAN! YES YOU CAN!

Cependant, en aparté, avec moi même, je réalise que je suis partant, certes, mais je redoute un peu le retour au Mali pour l’avoir quitté précipitement il y un mois seulement! J’ai carrément la trouille que l’Organisation n’en profite pour me faire coffrer.
Mais,…une tournée générale de gazelles (la bière, pas les copines!)…et les tracas s’envolent!
L’attraction de Tombouctou, et le désir de bouger, m’incline sans ambiguité à m’impliquer dans ce nouveau trip.
Le plan est clair, nous devons être à Nara demain soir pour y rejoindre l’étape du Paris Dakar! Nous partirons donc demain à l’aube, en prévoyant d’arriver à Nara, ville frontière entre le Niger et le Mali, avant la tombée de la nuit.
Jean Pierre très coopératif nous offrira le petit déjeuner demain matin, à 06h.
Les buveurs pensifs autour du comptoir, , posent sur Marco, un regard surpris, et je pense empreint d’estime, car loin de l’esbrouffe habituelle des nouveaux venus, il vient en quelques minutes de monter une « performance », à laquelle ils aurraient bien aimer participer avec nous. Mais, pour eux ce n’est pas possible: le boulot, la famille, les responsabiltés…etc. Mais moi qui connaît Marco depuis des années, je leur pose mentalement la question: est-ce vraiment impossible?
YOU CAN! YES YOU CAN!

Pour aller à Nema, nous devons parcourir, sur environ deux cent kilomètres la vallée des serpents, sur une piste aisément praticable, le long de laquelle les villages succèdent aux villages.
Dans chaque village, une pancarte « Coca Cola ».
Nous roulons au milieu d’un paysage de champs de mil, proches de la maturité, oû le vert tendre de la saison des pluies, vire progressivement à l’ocre jaune, annonçant une récolte prochaine.
Ce mélange de couleurs, sous le bleu limpide du ciel, qui maintenant s’est dégagé des dernières pluies, nous impressionne, si bien que nous stoppons pour rester un moment, immobiles et muets dans un moment de contemplation silencieuse…
On en profite aussi, pour aller pisser dans les bosquets. Puis nous enjambons nos selles!
En poursuivant la remontée de la Vallée des Serpents, les villages se font plus rares, la piste rétrécit, la pente augmente et des passages durs, succédant à la souplesse sableuse, marquent l’approche d’un plateau rocheux.
Nous sommes obligés de réduire la vitesse, et d’être beaucoup plus attentifs. La fatigue et la faim, comment à se faire ressentier. Notre repas, pris sur le pouce, se limitera à une barre d’énergie.
Et finalement après ces heures de pistes difficiles, nous émergeons des derniers kilomètres escarpés sur le plateau horizontal, plat et sans obstacle. La piste redevient route et nous ouvrons à fond.
Un peu plus loin un panneau indicateur: Nara 80 km. Dans mon esprit, ça signifie encore deux heures de moto. Nous roulons seuls sur le plateau pendant une heure; Mais, attention quand même, rouler vite sur les pistes carrosables, demande de l’attention: à cause de la divigation animale (classée 7ème fléau au Burkina Faso). Mais ici nous sommes en plein désert, il n’y a pas d’animaux, alors?

Du reste il n’y a pas non plus »de piste », car sur ces plateaux rocheux, tout étant plat, horizontal et sans obstacle, à moto ou en 4×4 on peut passer à droite autant qu’à gauche, ou au milieu. Pour preuve, les traces de pneux qui divergent, dès l’attaque du plateau; et qui convergeront à nouveau à l’approche de la sortie.

Alors, en plein désert lorsque vous apercevez dans le lointain un gros cailloux, ou la crête d’un rocher semi-enfoui qui dépasse du sol, vous pensez qu’il n’y a pas de problème, car vous avez largement la place pour passer. Vous pouvez même choisir: à droite, ou à gauche?
Eh bien, paradoxalement il y a toutes les chances que vous passiez au milieu, c.a.d. finalement dessus! Ça m’est arrivé, à moto, sur un plateau du Burkina Faso de retour de Tombouctou.
Je suis passé justement sur la crête d’un rocher semi-enfoui qui dépassait du sol. Incroyable, mais vrai ! J’ai même voilé la jante de la roue avant. Heureusement que Sido était devant avec mon 4×4 Toyota Hilux, sur lequel on a pu charger la moto et moi continuer la route.
Il paraît que le même phénomêne (cognitif?) peut avoir lieu entre deux bateaux qui suivent des directions opposées, en faisant cap l’un vers l’autre, et ceci en plein large, loin de tout éceuil, dans l’océan. Par innattention confiante, les deux embarcations pourraient entrer en collision.
Les navigateurs expérimentés le savent et se méfient.

Nara
Nara, l’escale de ce soir est encore à 40 km. C’est ce que je pensais en entrant dans le premier village que nous rencontrons, après une heure roulée assez vite, sur le plateau. Alors ici, surprise, surprise: un bon signe des l’entrée, sur le mur d’en face en gros caractères blancs peints à la bombe:
BIÈRES ×××××), – c’est une flèche -.
Allons y, droit devant. A une centaine de mètres, nous nous arrêtons pour entrer dans d’un de ces petits hôtels de brousse, où l’on peut manger et dormir pour une poignée de figues. Mais nous ce qu’on veut c’est juste une ou deux bières fraîches pour chacun, et reprendre la route sans perdre de temps pour arriver à Nara, avant la nuit. Il nous reste encore une heure de route.
Le patron de l’hotel:
« A Nara…mais Wallaye !, vous y êtes à Nara, vraiment! » et il se fend la pipe!
Moi: « c’est une blague, il reste encore 40 km. »
« Non, vraiment, je vous dis, Nara, Wallaye! Vous y êtes ».
On a failli l’embrasser, Wallaye, vraiment! cest moi qui vous le dit.
« OK, 12 BIÈRES SVP ». Et on s’installe dans les fauteuils en ficelles plastiques.
Voilà 10 minues que nous discutons Gilles et moi; Marco parti aux infos sur le Paris-Dakar, lorsqu’ un miracle se produit, sous nos yeux hébahis: la porte de la case, en face de nous, s’ouvre et laisse apparaître….la Vierge Noire; drapée d’un linge blanc immaculé, le visage souriant avec bienveillance elle avance parallèle a elle même, semblant flotter dans ses savates à quelques centimètres au dessus du sol.
Elle semble toute fraîche et sent bon, à distance, le savon de Marseille. La voilà qui s’approche de nous, rayonnante de calme et de sagesse, et de sa voix moelleuse, jaillit le premier des dix commandements:
 » Garçon, une bière! « 
Puis elle nous invite à l’acceuillir dans notre cercle, alors que Marc nous rejoint. Elle s’appelle « Mama ».
Ne voulant pas être de reste, je fais signe au garçon que sa bière, est à mettre sur mon compte. Je marque ainsi des points par rapport à Marco, et Gilles qui dorment debouts, quoique assis.
On dirait de la mécanique quantique: ils sont assis et debouts à la fois. Mais ce soir, l’intrication, autre propriété des électrons libres, ne semble pas être leur fort ».
Puis je commande une tournée supplémentaire pour réveiller tout le monde. Et, enfin, on nous apporte des brochettes de zébus, assaisonnées au piment rouge et au gimgenbre. C’est un peu fort, mais c’est délicieux.
La Vierge Noire, moi même, et mes compagnons mangeons et buvons à plus faim, à plus soif. Après le repas, ceux-ci restent dans l’espoir de l’arrivée probable de quelques vestales. Dans l’attente, ils se roulent un joint, se le passent et le repassent et commencent tout doucement à délirer.
Pour ma part, n’adhérant pas à ce système je me contente d’un verre de rosé.
Personne ne venant, aprés une dernière tournée, Jules et Jim se lèvent, prennent congés et se retirent dans leur chambre. Une seule chambre pour trois!
Je demande alors au garçon de retenir une chambre pour moi, tout seul.
Il marque une hésitation. « Dis donc, c’est quoi? T’as une chambre, ou t’en as pas? »
« Oui patron, y a une chambre, mais.. »
« Y a pas de mais, réserve moi cette chambre! « . « Ok patron! ».
Je reste seul avec Marco, qui voyant mon intérêt se porter sur Mama, me déclare, contre toute attente, qu’il va se coucher. Un moment à marquer d’une pierre blanche, car Marco, chef de la bande, n’a guère l’habitude de céder son droit de cuissage.
Débandade chez le chef de la bande?
Je reste seul avec Mama, et l’invite avec délicatesse à m’accompagner dans ma chambre. Nous suivons le garçon qui nous nous ouvre une porte, nous souhaite une bonne nuit et prend la poudre d’escampète. Pénétrant le premier dans notre chambre je constate immédiatement une anomalie: il n’y a pas de matelas sur le sommier du lit! Je bondis après le garçon et lui demande de ramener immédiatement un matelas. Et tombe la sentence: » mais patron, je voulais vous le dire tout à l’heure, mais vous m’avez pas laissé le temps! il n’y a plus de matelas dans l’ hôtel ».
« Alors donne nous une autre chambre! »
 » Mais patron, c’est la dernière. Y en a pas d’autres ».
Bon, ben me voilà bien embêté, je demande à ma Vierge Noire, si on peut aller « dormir » dans sa case.  » non, c’est pas possible y a déjà ma mère, ma petite fille et mon grand frère qui dorment dedans.Wallaye! »
« Si on y va, ça va les réveiller. Ashouma! Wallaye!
« Ça fait honte ».
Bon, il faut se résoudre à voir comment faire pour dormir à deux sur un sommier sans matelas. Je ne sais pas si vous avez déjà essayé: c’est un vrai désastre ! J’essaye le premier, un pied passe à travers, les fers rentrent dans mes fesses et mes côtes…etc..ça marche pas.
J’essaye de m’asseoir, c’esr comme si j’étais assis sur un gros ressort….Et attention au phénomène de résonnance qui pourrait nous envoyer, si ce n’est au 7ème ciel, du moins au plafond.
Alors nous allons nous contenter de dormir debouts, à deux, contre un mur, avec éventuellement un peu de recul !Nara-Tombouctou
Au petit dejeuner matinal, Marco nous explique que le départ de l’étape du jour, exceptionnellement courte, est fixé à 13 h.
Nous avons ainsi le temps de flâner, nous reposer du trajet de la veille, vérifier nos motos et la Suzuki.
La moto de Marco ne démarre plus! Il s’y connait un peu en mécanique, mais manifestement nous n’avons ni le temps, ni les compétences pour résoudre le problème. Alors quelle est la solution?
Marco et moi allons confier nos motos à la garde du patron de l’hôtel; et nous continurons le trip dans la Suzuki avec Jules et Jim. J’appelle un garagiste à Bamako, il passera récupérer les motos, je lui donne les coordonées: Nara, hôtel des Belges. Il a déjà fait ça pour moi!

Puis assez rapidement nous allons boire une série de gazelles, et mes trois compagons commencent à tirer sur leurs joints. Le temps passe…passe.. passe le temps, il n’y en a plus pour très longtemps. Passons à table, au menu un poulet bicyclette, des frites et une bouteille de rosé. Mes potes continuent à tirer sur leurs joints. Et moi, je bois du rosé. Voilà notre préparation pour l’ étape du jour!
Durant le repas, Marco nous rappelle à propos du Paris-Dakar que sur la piste tous les véhicules privés ont la priorité sur les concurrents du rallye. Ça nous étonne, mais avec beaucoup d’assurance il déclare que nous allons vérifier son assertion, et demande à Jim, de conduire la Suzuki. Mais voilà, la Suzuki c’est Jules qui la conduit, et lui, Jim n’a jamis conduit de 4×4, ni sur les routes goudronnées, et encore moins sur les pistes sableuses.
Ces trois là, Marco, Jules et Jim, commencent sérieusement à m’inquiéter, de plus comme ils sont tous enfumés, ils sont tous OK entre eux: ils sont bien décidés à faire respecter leur priorité! Paris-Dakar, ou non, priorité à droite et on ne les doublera que si la vue est dégagée devant! Qu’on se le dise! Et ils décident d’une seule voix de partir les premiers dix minutes avant l’heure officielle du départ de la meute, 170 concurrents! Ça promet.
Nous allons vivre le Paris Dakar de l’intérieur.
Finalement j’acquiesse et me rassure: après tout j’avais déjà fait exactement le même plan, que celui de Marco, sur le Paris-Dakar de l’an dernier, mais seulement sur les derniers kilomètres avant l’arrivée à Nema. Une demie-heure à moto, coincé dans une ornière avec tout la meute au cul, ça je n’oublierai jamais. Alors évidemment ici ça va durer plus longtemps, toute l’étape, mais en voiture, ce devrait être plus confortable, que coincé à moto dans une profonde ornière. On verra bien! Banzaï !
Alors on a fait comme prévu: Jim au volant de la Suzuki, Jules à coté, Marco et moi à l’arrière. Et on n’a pas été déçus!
Dix minutes avant l’heure officielle nous franchissons la ligne de départ, provoquant un certain émoi parmi les organisateurs,
qui font des moulinets avec leurs bras. Au moins tout le monde sera prévenu que nous sommes devant, et que notre priorité devra être respectée. Et ainsi nous serons respectés nous mêmes. On peut toujours réver! Alors là, nous n’allons pas être déçus.
Le départ s’effectue véhicule par véhicule, avec 30 secondes d’écart pour les 10 premiers au classement général. Puis idem pour les suivants mais avec une minute d’écart. Les camions de la caravane sont les derniers à partir et font la course entre eux.
A l’heure du départ nous avons donc 10 mn d’avance sur le premier de la meute, c’est à dire plus concrètement quelques kilométres d’avance; mais continuant à notre allure, celle d’un novice enfumé, les joints continuant à circuler dans la Suzuki, notre avance commence à fondre comme neige au soleil. Pour mieux voir arriver nos poursuivants Marco, s’installe sur le pneu arrière, le regard dans le vague, attendant l’arrivée des premiers nuages de poussières.
Soudain, le premier surgit, klaxonne et nous double à toute allure. Immédiatement nous n’y voyons plus rien. Il faut savoir que le sable à une composante trés fine, qui longtemps après le passage du véhicule reste en suspension dans l’air.
Jim, ne sait plus comment conduire, il n’y voit rien, est farci de cannabis, et ne sait pas conduire dans le sable.
Pas le temps de réfléchir, le second prototype arrive, mais nous ne le voyons qu’au dernier moment, car nous dégageons, nous aussi un nuage de poussières, qui s’ajoute à celle du précédent, toujours en suspension.
Je réalise donc que le suivant ne nous aperçoit lui aussi qu’au dernier moment et de ce fait risque carrément de nous percuter violement par l’arrière, car evidemment il roule le plus vite possible!
Ça passe, ou ça casse, une fois de plus dans mon existence!
J’avoue que je m’attends au pire, et que j’ai une sacrée trouillle! Mes trois compagnons toujours camés, se régalent de la situation et rigolent bêtement. Et la tournante des joints continue.
Ouf, le second freine à mort, déboîte sur sa gauche et nous évite de justesse, puis il accélère à fond, et chassant de l’arrière à droite et à gauche, il prend le large à toute allure!
Et voilà le troisième.
Plus que167 à venir…
La situation est tendue pendant les cinq premières minutes jusqu’à l’arrivée du dixième concurrent, puis s’améliore du fait que les départs sont ensuite donnés de minute en minute, ce qui laisse à la poussiére soulevée par le précédent deux fois plus de temps pour se déposer, avant l’arrivée du suivant. Notre visibilité, et la leur s’en trouvent bien améliorées. Je respire un peux mieux.
Pour notre part, nous n’allons pas aussi vite, mais nous progressons malgré tout vers Tombouctou. Ça y est, les 170 véhicules nous ont doublé. Nous n’arriverons pas dans les premiers, mais nous pouvons rouler maintenant sans soucis.
Destination Tombouctou, avant la tombée de la nuit!
Nous sommes en plein désert et nous n’avons croisé personne. Toutefois un camion, type semi-remorque arrive derrière nous et klaxonne pour qu’on lui libère la piste, car il ne peut pas passer sur le coté, la piste s’étant rétrécie. Marco, imbu de sa priorité, qu’il n’a pas revendiqué jusqu’alors,
lui fait un doigt par la fenêtre. Furieux, le chauffeur klaxonne de plus belle. Marco lui fait alors un bras d’honneur. Reklaxon, doigts et bras, le temps passe et nous roulons de conserve, devant le semi-remorque. Les abords lui paraissant plus favorables, le routier donne un grand coup de volant à gauche, quitte la piste et essaye de nous doubler en roulant sur le sol herbeux du bas-coté. A la demande de Marco, Jim accélère, donc le semi ne peut nous dépasser. Dégouté, le chauffeur semble décidé à rejoindre la piste, lorsque
roulant encore à vive allure, le chauffeur écrase ses freins, avant d’écraser sa cabine dans un trou caché par herbes, qu’il n’avait donc pas pu voir de loin. Bien que nous n’ayons pas ralenti notre allure, j’observe penché par la fenêtre que sa cabine a basculé dans le trou et retenue par la remorque, elle reste suspendue au dessus du vide. Sur mes indications, Jim stoppe la Suzuki, tandis que le routier embraye le pont arrière de la remorque, et parvient lentement à s’extraire du trou. Plus de peur que de mal, nous redémarrons et poursuivons notre trip.
Quelques temps après le semi-remorque réapparait dans notre rétroviseur, et cette fois-ci nous nous garons bien a droite pour le laisser passer. Il passe, et une bordée d’injures ignominieuses tombe dans nos chastes oreilles. Le reverrons nous à l’escale de Tombouctou ? La question est posée.

Plus tard, dans l’après midi, nous devons stopper la Suzuki, arrêter le moteur, qui chauffe énormement, et attendre un peu avant d’ouvrir le bouchon du radiateur. On ne voit pas l’eau, mais on l’entend gargouiller à l’intérieurcar car elle est bouillante! Nous décidons d’attendre encore pour laisser refroidir, et de compléter le niveau avec le bidon d’eau emporté a toute fin utiles. Puis, au bout d’une demie heure, nous redémarrons en priant le seigneur de nous permettre de rejoindre Tombouctou.
Hélas, au bout d’un quart d’heure de route, même motif, même punition!
L’attente continue. Nous savons qu’il y a une voiture balai, mais passera-t-elle vraiment par ici? On espère aussi un repérage par l’hélicoptère de Thierry Sabine! D’accord, mais sinon?

Finalement, un dernier camion, « la voiture balai », s’arrête à notre hauteur. En descend un jeune mécanicien, très sympa. Nous ne faisons pas la course, mais il va quand même nous dépanner. Il identifie la panne, c’est la pompe à eau, et il la change. Pour le reste, tout est OK. Le camion repart.

La nuit est tombée et nous sommes encore loin de Tombouctou, où nous pensons pouvoir dormir dans le camp du Paris-Dakar, si nous ne perdons pas la piste. Vers 21 h un inconnu surgit d’un bosquet au bord de la piste et nous balance une grosse pierre sur la voiture. Chance à nous, elle manque le pare-brise, mais vient heurter violemment la portière avant droite. Le mieux est de ne pas nous arrêter, d’ailleur au bruit Jim par réflexe appuye sur l’accélérateur.

Tombouctou.

Finalement nous arrivons à Tombouctou vers 23 h et nous rejoignons sans problème le campement, où nous trouvons un emplacement convenable pour garer la Suzuki. Malgré l’heure tardive, on nous offre, gracieusement, à manger et à boire au restaurant d’un soir, établi quelques heures, pour les concurrents et toute la logistique.
Vers minuit, nous faisons le tour du camp établi dans l’aérodrome, le long de la piste.
Impressionnés par la résistance physique, et morale, incroyable, des concurrents amateurs qui mécaniquent tous seuls leurs motos.
Maintenant nous sommes bien fatigués et il est largement l’heure de rentrer dans nos sacs de couchage, près de la Suzuki. Avec Marco, nous décidons d’être présents sur la ligne de départ de la nouvelle étape, le demain matin dès 05 h.
En fait je me réveille avant tout le monde et je suit les groupes qui se marchent vers la ligne de départ. Le soleil émerge aux sommets des dunes, et sur l’une d’elles, j’ai la surprise de reconnaître une silhouette familière. Il s’agit de Jean B. le directeur de l’entreprise Hydropschitt, venu avec son avion personnel, et son pilote. On peut comprendre sa présence ici, si l’on se rappelle que le programme d’alimentation en eau potable, dont j’assumais le suivi et le contrôle à Bamako, avait un gros volet à Tombouctou: des forages, un grand chateau d’eau et des kilomètres de conduites enterrées pour la distribution d’eau en ville.
Il me paraît surpris lui aussi, mais finalement pas tellement! Je reviens sur les conditions de mon départ, arguant que les travaux étaient quasiment terminés. Et il me demande si j’avais pris le temps de faire mon déménagement. D’ailleurs si ce n’est pas le cas, il me propose une place dans son bimoteur pour retourner à Bamako et y boucler mes affaires, et ceci dès la fin du départ des concurrents. Je lui explique notre virée à moto, et lui demande s’il aurrait une deuxième place, pour Marco, à charge pour lui, de nous faire ramener demain à Tombouctou. J’y voyais surtout l’occasion d’un dégagement sympa en ville, avec mon pote Marco, et puis aussi l’occasion de revoir, même brièvement quelques amis que j’avais quitté sans leur dire au revoir.
Marco justement arrive sur la ligne de départ et je lui explique le topo, finalement un plan d’enfer qui sort de l’ordinaire, et puis le vol Tombouctou, Mopti, Bamako est sympa surtout quand il fait beau temps comme ces jours-ci. Mais voilà Marco décline l’invitation! Je retourne donc vers Jean B. pour décliner son offre, le remercier et lui demande de présenter mes regrets à son directeur de travaux, pour mon départ précipité.
Cependant, hanté à nouveau par ma psychose obcessionelle, je ne peux m’empêcher de trouver bizarre cette rencontre inopinée. L’ombre de l’Organisation plane au dessus de moi!
Entre temps le camp du Paris-Dakar a démenagé, et de multiples camions, chargés à ras bord embrayent sur la piste.
Les avions s’apprêtent à décoller vers l’étape du jour en Mauritanie.
Aujourd’hui nous les motards avons prévu de faire le tour du lac Faguibine.

Le lac Faguibine.
Le lac Faguibine est situé au nord de la partie centrale du Mali dans le delta intérieur du Niger.

Le delta intérieur du Niger est une région naturelle du Mali s’étendant sur 70.000 km² entre les villes de Djenné et Tombouctou, où le fleuve se subdivise en de nombreux bras avant de reprendre un cours normal. Il est une combinaison complexe de rivières, de canaux, lacs, marécages, et par endroits de terre ferme.
Ces terres sont très fertiles et permettent les cultures vivrières (sorgho, maïs, patate douce, pomme de terre, arachide, légumes) sans apport d’engrais minéraux.
La pêche et la culture du riz contribuent aussi pour une large part aux ressources des habitants.
Peu après la fin de la saison des pluies, le delta intérieur offre un paysage de verdure et de cultures
Cet oasis humide dans le Sahel, sert aussi d’habitat aux oiseaux migrateurs de l’Afrique de l’Ouest.
Ce site est protégé par un traité international pour la conservation et l’utilisation durable des zones humides, qui vise à enrayer leur dégradation ou disparition, aujourd’hui et demain, en reconnaissant leurs fonctions écologiques ainsi que leur valeur économique, culturelle, scientifique et récréative.
Aujourdhui notre récréation sera donc de faire le tour du lac.

Aujourdhui notre récréation sera donc de faire le tour du lac.
A partir de Tombouctou, il faut traverser une zone de dunes, disposées en cordons successifs, sans aucun point de repère particulier. J’envoie donc chercher Dahaman, le touareg, qui était le chauffeur de notre équipe à Tombouctou, dans la cadre du programme d’alimentation en eau potable. Je ne résiste pas au plaisir de présenter cette équipe: Elysée ingénieur arabe, Amadou technicien songhaï, et Dahaman chauffeur touareg. Ce dernier étant indispensable pour nous conduire au lac Faguibine sans nous perdre dans le désert.
Comment parler des Songhaïs, ethnie majoritaire à Tombouctou, sans évoquer leur fameuse danse, le Tacoumba, d’une lenteur hiératique, hypnotique, sensée conduire à l’acte d’amour?
Quant à Amadou, né à Tombouctou, il était resté berger, jusqu’à 12 ans, conduisant ses moutons à travers la steppe buissoneuse, dont il disait reconnaître chaque buisson entre la ville et le fleuve.

Pendant la traversée, sur une distance dépassant le kilomètre, nous sommes attentifs à ne pas nous enliser, et craignons surtout une surprofondeur, ou un trou, dans lequel nous pourrions tomber.
Mais Dahaman connaît le lac Faguibine comme sa poche et nous arrivons indemnes et rassurés sur la rive opposée.
C’est l’heure de la prière et l’appel amplifié du muezzin, se propage de dunes en dunes.

« Allahou akbar, Allahou akbar, Allahou akbar ». « Ach-Hadou ane lâ ilâhailla lahou wa ach-hadou anna Mouhamadou rassoulhou! »

Les faradjia multicolores des fidéles se détachent sur le fond blanc des dunes, et convergent vers la mosquée. Il se dégage, alors que les fidéles se prosternent lors de leur prière, une impression de ferveur et calme, qui nous impreigne d’une sensation particulière, amplifiée par le sentiment de l’isolement dans ce coin perdu du désert.

Magie du divin, magie du désert, magie de cet Univers.

Albanie 1999 55 ans

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